Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/882/2024 du 23.07.2024 sur JTAPI/1393/2023 ( LCI ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1141/2023-LCI ATA/882/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 23 juillet 2024 3e section |
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dans la cause
A______ SA recourante
représentée par Me Pascal PÉTROZ, avocat
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2023 (JTAPI/1393/2023)
A. a. A______ SA (ci-après : A______), anciennement B______ SA (ci-après : B______), a pour but l’achat, la vente, la construction, le courtage, la gestion et la valorisation de biens immobiliers, l’acquisition, la détention, la gestion et la réalisation de participations dans tous types d’entreprises, commerciales, financières, industrielles et immobilières, dans le respect de la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41).
b. La société C______ Sàrl (ci-après : C______ ou la locataire) était, depuis son inscription le 28 avril 2009, une société à responsabilité limitée de droit suisse, ayant son siège à Genève, dont le but était l’ « exploitation d’un établissement de sauna, bains, culture physique, massages, relaxation et soins corporels ainsi que vente de tous produits en rapport avec cette exploitation ». Elle a été radiée du registre du commerce de Genève le 5 août 2016, en raison d’un transfert de son siège à Stansstad (NW).
c. A______ est propriétaire de la parcelle n° 3'265 (ci-après : la parcelle) de la commune de D______ (ci-après : la commune), à l’adresse avenue E______, située en zone de développement industriel et artisanal (ci-après : ZDIA), 5e zone de base, d’une surface de 2'623 m2.
La parcelle, de forme rectangulaire, est bordée au nord par le centre sportif de la commune et plusieurs terrains de football et s’étend au sud, sur une longueur de 109 m et une largeur de 23 m environ, jusqu’à l’avenue E______. L’école primaire de D______ Place se trouve de l’autre côté de ladite avenue.
Elle est située au sud de plusieurs zones industrielles et artisanales (ci-après : ZIA) et ZDIA, soit la G______ (zone industrielle [ci-après : ZI] F______, H______, D______), la I______ (ZI de J______ à D______), et à l’ouest de la K______ (zone de développement industriel de F______), et la L______ (ZI des M______, sur les communes de F______ et D______ ; fiche 1______, p. 2______ du Plan directeur cantonal 2030).
Quatre bâtiments se trouvent sur la parcelle, soit une habitation (n° C307) de 95 m2, un dépôt de 536 m2, un atelier de 154 m2 et un autre bâtiment de 112 m2. L’habitation est proche de l’avenue, alors que le dépôt est au nord de la parcelle. L’habitation est composée d’un rez-inférieur (comprenant un hall, un bureau, un atelier, une salle de bains, une chaufferie et un dépôt), d’un rez-supérieur (comprenant trois pièces et une cuisine) accessible directement par un escalier extérieur à l’arrière du bâtiment (au nord) et d’un étage (comprenant deux chambres, une cuisine/salle à manger et un salon).
La parcelle fait partie du plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) n° 3______-adopté par le Conseil d’État le 30 janvier 1991. Il prévoit sur la parcelle la réalisation d’un bâtiment R+3 consacré à des activités artisanales ou industrielles.
d. Le 12 juin 2009, B______ et C______ ont signé un contrat de bail à loyer pour un appartement meublé au rez-supérieur et rez-inférieur, et pour un appartement meublé au 1er étage et dans les combles, à partir du 1er juillet 2009, situés dans la villa. La rubrique relative à la destination des locaux mentionnait « habitation et autres ».
B. a. Le 28 juillet 2009, la commune a interpellé le département des constructions et des technologies de l’information, devenu le département du territoire (ci-après : le département ou le DT), au sujet de l’ouverture d’un « club érotique et escorte », en face d’une école primaire, plusieurs habitants de la commune ayant manifesté leur inquiétude.
b. Le 16 octobre 2009, B______ a indiqué au département et à la commune que les locaux servaient uniquement d’habitation. Il n’y avait aucune « activité professionnelle sur place, au sens strict du terme ».
c. Le 20 octobre 2009, le département a exigé du propriétaire, par voie de décision, qu’il rétablisse une situation conforme au droit. La villa était utilisée pour une activité commerciale qui n’était pas compatible avec la ZDIA.
C. a. Le 6 novembre 2009, B______ a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), dont les compétences ont été reprises par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 1er janvier 2011.
b. Le 21 mai 2010, la CCRA a annulé la décision (DCCR/816/2010 ; A/4212/2009 LCI). Sur la base des seuls courriers de la propriétaire et de la locataire, le département ne pouvait pas conclure qu’il y avait une activité professionnelle dans la villa. Les personnes logeant dans la villa l’utilisaient comme habitation et exerçaient leur activité professionnelle en d’autres lieux. La villa était donc affectée à du logement, ce qui était conforme à la 5e zone. Vu la conformité de l’activité à la zone, aucun rétablissement d’une situation conforme au droit n’était nécessaire.
c. Le 30 juin 2010, la propriétaire a confirmé par écrit à la locataire avoir loué la villa dans le but de loger son personnel, en particulier « les filles travaillant pour vous comme hôtesses ». Il s’est déclaré d’accord qu’une partie de la maison soit utilisée occasionnellement comme salon de massage érotique.
d. Ultérieurement, tant selon la propriétaire que la locataire, des activités « professionnelles » des employées de C______ ont eu lieu dans la villa.
e. Le 10 décembre 2013, la brigade des mœurs de la police judiciaire a écrit au département que des salons de massages érotiques étaient exploités dans plusieurs villas, dont celle concernée par la présente procédure. Selon un courrier du 25 novembre 2013 du conseiller d’État en charge du département au conseiller d’État chargé du département de la sécurité, devenu depuis lors le département des institutions et du numérique (ci-après : DIN) au sujet d’une villa à Versoix (non concernée par la présente procédure), l’activité commerciale exercée, c’est-à-dire l’exploitation d’un salon de massages érotiques, n’était pas conforme à l’affectation de la zone villa.
f. Le 13 juin 2014, le département a informé la locataire avoir été saisi d’une plainte du DIN, selon laquelle la locataire exercerait une activité commerciale dans la villa.
D. a. Le 8 octobre 2014, B______ a déposé auprès du département une demande d’autorisation de construire par procédure accélérée (ci-après : APA) 4______ portant sur un changement d’affectation partiel du bâtiment précité, afin que le rez supérieur puisse être occupé par une activité commerciale. Aucune modification physique de l’objet n’était prévue.
b. Le 28 novembre 2014, la direction de la planification directrice cantonale et régionale de l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) a formulé un préavis négatif, une telle affectation (« commerce ») n’étant pas conforme à la zone et au PLQ.
Les autres préavis (police du feu, mensuration officielle, inspection des constructions) étaient favorables, avec ou sans conditions.
Selon l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), rattaché au département, le changement prévu n’était pas soumis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).
La commune de D______ n’a pas été consultée.
c. Le 22 avril 2015, le département a refusé de délivrer l’APA 4______ en raison de sa non‑conformité à l’art. 4 de la loi générale sur les zones de développement industriel ou d’activités mixtes du 13 décembre 1984 (LZIAM - L 1 45) et à l’art. 21 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT ‑ RS 700).
E. a. Le 26 mai 2015, B______ a recouru auprès du TAPI (procédure A/1794/2015), en sollicitant des mesures provisionnelles. Elle a également sollicité du département qu’il reconsidère sa décision, notamment au motif que l’activité exercée pouvait être qualifiée d’artisanale.
b. Le 8 juin 2015, le département a ordonné la remise en état des locaux utilisés par C______ dans un délai de 60 jours et a condamné B______ à une amende de CHF 10'000.- (infraction I/5400).
c. Le 11 juin 2015, le TAPI a rejeté la requête de mesures provisionnelles.
d. Le 8 juillet 2015, B______ a recouru auprès du TAPI contre la décision du 8 juin 2015 (procédure A/2452/2015).
e. Le 28 juillet 2015, la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) a rejeté le recours dirigé contre le refus des mesures provisionnelles (ATA/777/2015). La propriétaire adoptait un comportement contradictoire ou abusif, contraire à l’art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), car elle demandait en 2015 le maintien d’un état de fait dont elle avait nié l’existence en 2009 et 2010 et au sujet duquel elle n’avait pas sollicité dans les plus brefs délais une autorisation de changement d’affectation partiel. L’octroi des mesures provisionnelles reviendrait à permettre à la locataire d’exercer l’activité faisant l’objet de la requête litigieuse.
f. Le 28 janvier 2016, le TAPI a joint les causes A/1794/2015 et A/2452/2015, et a rejeté les recours.
g. Par arrêt du 29 août 2017, la chambre administrative a partiellement admis le recours, a renvoyé le dossier au département pour qu’il poursuive l’instruction de la requête en autorisation au sens des considérants, a annulé l’ordre de remise en état du 8 juin 2015, confirmé le principe d’une amende à B______ et en a fixé le montant à CHF 4’000.-.
Le changement d’affectation d’une villa en salon de massage était une « transformation » sujette à autorisation dans son principe. Sur la base de la jurisprudence, une telle activité n’était pas conforme à la zone villa, ni à la ZDIA. Selon le Tribunal fédéral, il s’agissait d’une activité commerciale. Lorsqu’elle était exercée en zone d’habitation, des conflits pouvaient survenir avec les voisins. Dès lors que l’activité était légale et expressément autorisée par la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49), il convenait de faire en sorte qu’elle puisse être exercée en certains lieux, sans que le droit de l’aménagement du territoire ne l’interdise partout pour non-conformité aux différentes zones.
Toujours selon le Tribunal fédéral, il était envisageable qu’elle se déroule davantage en dehors des zones d’habitation qu’à l’intérieur de celles-ci. Il fallait donc se demander si, lorsqu’une demande de dérogation à la zone de développement industriel était sollicitée, le principe de proportionnalité et son sous‑principe de nécessité ne commandaient pas qu’une telle autorisation soit délivrée, plutôt que refusée pour aboutir à un transfert de cette activité en zone urbaine 1, 2 ou 3.
Dans la situation d’espèce, il n’y avait eu qu’un seul préavis négatif. Sa motivation était tautologique, indiquant que l’affectation n’était pas conforme à la zone prévoyant des constructions industrielles et artisanales. Il n’y avait pas eu d’instruction des conditions posées par la LZIAM, respectivement le règlement sur les activités admissibles en zone industrielle ou de développement industriel, respectivement en zone de développement d’activités mixtes du 21 août 2013 (RAZIDI - L 1 45.05). La motivation du TAPI était plus élaborée, puisqu’il avait procédé à une pesée des intérêts entre la dérogation et l’intérêt privé du propriétaire. L’absence de travaux concrets de transformation n’avait pas davantage été prise en considération ; en effet, la requête APA se justifiait uniquement par l’exigence légale selon laquelle il convenait de solliciter une autorisation pour un changement d’affectation. Il convenait en conséquence de retourner le dossier au département pour poursuivre l’instruction, notamment l’applicabilité de l’art. 4 al. 2 LZIAM, respectivement celle de l’art. 5 al. 1 RAZIDI. Dans ce contexte, il faudrait tenir compte du fait qu’il n’était pas contesté que la locataire de la recourante effectuait des prestations de services.
Pour ces motifs, le recours devait être admis, et la cause renvoyée au département pour poursuivre l’instruction et fixer éventuellement des conditions pour autoriser le changement d’affectation (en termes de publicité, de nuisances, d’horaires, notamment).
Le recours devait dès lors être admis aussi s’agissant de l’ordre de remise en état pour le futur. Selon le résultat de l’instruction par le département et, en cas de nouveau refus de délivrance d’une autorisation, le département pourrait – simultanément à sa décision – rendre un nouvel ordre de remise en état.
Le principe de l’amende devait être confirmé, mais celle-ci réduite de CHF 10'000.- à CHF 4'000.-. La propriétaire avait attendu plus de quatre ans avant le dépôt de la requête en autorisation, sa réaction faisant suite à une interpellation de la locataire par le département. Elle avait ainsi préféré conserver ses revenus locatifs avant de solliciter une autorisation ; elle connaissait le contexte légal, vu la procédure administrative à laquelle elle avait participé en 2009-2010. Le montant devait néanmoins être réduit ; un montant de CHF 4'000.-, soit CHF 1'000.- par an, était adéquat. Le résultat paraissait correct, dès lors que dans les cas d’exploitation d’un salon de prostitution en zone villa, une amende de CHF 3'000.- avait été confirmée.
F. a. Par préavis défavorable du 30 novembre 2022, l’OU a considéré que l’art. 5 RAZIDI n’était pas applicable au cas particulier.
Au vu de la localisation de la parcelle en frange de la zone industrielle, les objectifs de cet article qui visaient à contribuer « significativement » à la réduction des mouvements pendulaires et à l’accroissement du bien-être des utilisateurs ne permettaient pas de justifier une dérogation. De plus, l’implantation d’un club érotique et d’escortes, à proximité de plusieurs établissements scolaires, de formation ou sportifs, accueillant principalement un public jeune, semblait, dans la situation d’espèce, être particulièrement inappropriée, étant relevé que le bâtiment en question était situé directement en face d’une école primaire. Le préavis défavorable rendu en 2014 restait pertinent.
b. Par décision du 24 février 2023, le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire sollicitée, faisant sien le préavis de l’OU du 30 novembre 2022.
G. a. Par acte du 27 mars 2023, A______ a formé recours contre la décision précitée auprès du TAPI, concluant à son annulation et, cela fait, à ce que l’autorisation de construire sollicitée lui soit délivrée, subsidiairement, au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La nouvelle décision du département ne respectait pas les considérants de l’arrêt de la chambre administrative du 29 août 2017. La chambre administrative avait indiqué que la cause était renvoyée au département pour poursuivre l’instruction et fixer éventuellement des conditions pour autoriser le changement d’affectation. Ce faisant, elle l’avait expressément invité à valider la dérogation en faveur de la demande d’autorisation de construire, dans la mesure où l’on se trouvait en zone industrielle et non en zone de logements, le département restant libre de définir, après instruction, d’éventuelles restrictions en termes de publicité, de nuisances et d’horaires.
En outre, le refus était basé sur le préavis de l’OU, soit sur l’avis d’un service interne de l’administration, et non d’un service externe indépendant.
b. Par jugement du 14 décembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.
La chambre administrative n’avait pas scellé le sort de cette cause, sans quoi elle ne l’aurait pas renvoyée à l’instruction. La précision concernant la fixation éventuelle de conditions liées à l’exercice de l’activité n’était qu’un rappel de la possibilité offerte par la loi de fixer, le cas échéant, des clauses accessoires, si le département venait à considérer, une fois l’instruction menée à son terme, qu’une dérogation devait être délivrée.
Le 31 mai 2023, le règlement sur les zones industrielles et d’activités mixtes du 24 mai 2023 (RZIAM - L 1 45.01) était entré en vigueur. Ce dernier avait remplacé l’ancien RAZIDI (art. 31 LZIAM).
Le refus d’autorisation de changement d’affectation litigieux se basait sur le préavis défavorable de l’OU rendu le 30 novembre 2022, lequel précisait qu’il avait été émis après prise de connaissance de l’arrêt de la chambre administrative.
Si le refus se basait certes essentiellement sur le préavis d’une seule instance, celui‑là était détaillé et clair. L’instance avait examiné en détail les conditions d’octroi d’une dérogation fixées aux art. 4 al. 2 LZIAM et 15 RZIAM. La recourante ne faisait qu’indiquer qu’il serait « incontestable » que l’activité de services proposée par sa locataire était utile aux utilisateurs de la ZIA et contribuerait significativement à la réduction des mouvements pendulaires et à l’accroissement du bien être des utilisateurs. Outre que la recourante n’étayait pas son propos, l’activité de la locataire s’exerçait de nuit, de sorte qu’à ce moment, l’activité des utilisateurs de la zone était par principe au plus bas.
La recourante se contentait de développer un argumentaire en lien avec la prétendue absence de nuisances. Cela étant, la ZIA concernée s’étendait sur une importante surface et la parcelle sur laquelle était érigé le bâtiment C307 se situait à l’une de ses extrémités, à la frontière du village de D______, composée essentiellement d’habitations avec quelques commerces et restaurants. Il ressortait des données librement accessibles sur le Système d’Information du Territoire à Genève (ci‑après : SITG) que la parcelle se situait à proximité immédiate de nombreux immeubles de logements et de deux écoles primaires, dont le préau de celle la plus proche se situait de l’autre côté de la route. S’il était vrai qu’en exerçant son activité de nuit, soit en dehors des heures scolaires, elle ne risquait pas de perturber les écoliers durant leur trajet, elle risquait cependant d’entrer en conflit avec les habitations environnantes.
Si la recourante prétendait qu’aucun problème de voisinage n’aurait été à ce jour enregistré, elle perdait de vue que c’était suite aux inquiétudes de certains habitants en lien avec la proximité d’établissements scolaires que la commune et l’autorité intimée avaient eu connaissance de la présence du salon de massage érotique, quand bien même l’activité de la prostitution était en soi légale – ce qui n’était pas remis en cause – et que la situation litigieuse se déroulait depuis 2009.
Le département n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation.
H. a. Par acte du 30 janvier 2024, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative. Elle a conclu à l’annulation du jugement et, cela fait, à ce que l’autorisation de construire sollicitée lui soit délivrée, soit le changement d’affectation autorisé. Préalablement, un transport sur place et l’audition de N______, employée de A______, devaient être ordonnés.
Le DT et le TAPI n’avaient pas respecté l’arrêt de renvoi de la chambre administrative. Cette dernière avait invité le département à délivrer l’autorisation. Elle avait en tous les cas invité le DT à procéder à une pesée des intérêts, ce que ce dernier n’avait pas fait.
Les art. 4 LZIAM et 5 RAZIDI avaient été violés. La dérogation répondait aux buts généraux poursuivis par la loi, était commandée par les intérêts privés, prépondérants, de la recourante, respectivement sa locataire. La dérogation était nécessaire en vertu du principe de l’égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public. O______ ESCORT GENEVE était, par exemple, à 100 m d’une école primaire et entourée de plusieurs centaines de logements. P______ était sis à proximité directe d’une école primaire et en face de la cantine scolaire. De même dans le quartier des Pâquis, il était notoire que plusieurs établissements étaient situés à quelques mètres de l’école primaire. Son activité commerciale durait depuis quinze ans. Ne pas lui délivrer l’autorisation revenait à lui interdire de pratiquer alors qu’elle se trouvait en zone périphérique. Son commerce permettait de réduire les mouvements pendulaires et contribuait à l’accroissement du bien-être des utilisateurs et utilisatrices de la ZIA. À défaut, ses clients seraient contraints de se rendre en centre-ville. Les plaintes des voisins dataient de 2009 et n’étaient plus d’actualité.
Les principes de proportionnalité et de la garantie de la propriété étaient violés.
b. Le département a conclu au rejet du recours.
c. La recourante a répliqué, persistant dans ses conclusions.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
Les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. La recourante sollicite préalablement un transport sur place et l’audition de son employée afin de prouver l’absence de nuisances liées à la pratique de l’activité commerciale de sa locataire sur la parcelle litigieuse. La société ayant son siège à proximité directe, l’audition de son employée serait pertinente.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n’empêche toutefois pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).
2.2 En l’espèce, un transport sur place n’est pas nécessaire, compte tenu des photos versées au dossier ainsi que des données disponibles dans le SITG. Les photos, plans et mensurations à disposition illustrent suffisamment les caractéristiques du lieu. Les recourants ont d’ailleurs largement illustré leur recours de photos. Ils ont eu l’occasion de s’exprimer à de nombreuses occasions, tant devant le TAPI que la chambre de céans, et de développer l’ « absence de nuisances » de l’activité de prostitution dans la villa. Un transport sur place apparaît de surcroît peu pertinent, dès lors qu’il ne pourrait constater que ponctuellement la situation.
De même l’audition de l’employée de la recourante n’aurait qu’une force probante très relative, tant en raison de ses liens avec la partie recourante que par sa présence limitée sur les lieux à quelques heures par jour.
Enfin, l’« absence de nuisances » n’est pas un élément déterminant pour la question juridique à trancher, compte tenu de ce qui suit.
La chambre de céans considère qu’elle dispose d’un dossier complet comprenant notamment les écritures des parties et toutes les pièces produites à leur appui. Il est en état d’être jugé, de sorte qu’il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.
3. Dans un premier grief, la recourante se plaint d’une violation de l’arrêt de renvoi de la chambre de céans du 29 août 2017.
3.1 Si la juridiction administrative admet le recours, elle réforme la décision attaquée ou l’annule. Si elle le juge nécessaire, elle peut renvoyer l’affaire à l’autorité qui a statué pour nouvelle décision (art. 69 al. 3 LPA).
3.2 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi, qui découle du droit du fédéral non écrit (ATF 143 IV 214 consid. 5.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_79/2021 du 9 septembre 2021) implique que l’autorité cantonale à qui la cause est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants en droit de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées ou qui l’ont été sans succès (ATF 143 IV 214 consid. 5.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_79/2021 précité consid. 3.1). Ce principe est applicable par analogie au plan cantonal (ATA/1281/2022 du 20 décembre 2022 consid. 3).
Les constatations de fait du jugement attaqué déterminent quelles sont les conclusions formées dans la procédure pendante. Cependant, pour savoir si ces conclusions ont été définitivement tranchées dans un jugement précédent, il convient de se fonder non pas sur les constatations du prononcé attaqué mais sur le jugement précédent, dont le dispositif définit l’étendue de la chose jugée au sens matériel. L’autorité de la chose jugée est limitée au seul dispositif du jugement. Pour connaître le sens et la portée exacte du dispositif, il faut parfois se référer aux considérants en droit du jugement (ATF 142 III 210 consid. 2.2 ; 128 III 191 consid. 4a ; 125 III 8 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2015 du 12 septembre 2016 consid. 3.1).
3.3 En l’espèce, l’arrêt de la chambre administrative du 29 août 2017, dans son dispositif, renvoie le dossier à l’intimé pour qu’il poursuive, au sens des considérants, l’instruction de la requête en autorisation.
Les considérants précisaient qu’il convenait de retourner le dossier au département pour poursuivre l’instruction, notamment l’applicabilité de l’art. 4 al. 2 LZIAM, respectivement celle de l’art. 5 al. 1 RAZIDI. Le dernier paragraphe du consid. 14 précisait que la cause était renvoyée au département pour poursuivre l’instruction et fixer éventuellement des conditions pour autoriser le changement d’affectation (en termes de publicité, de nuisances, d’horaires, notamment).
Le département a dûment sollicité un nouveau préavis de l’OU. Ce dernier a précisé se déterminer une nouvelle fois après avoir pris connaissance de l’arrêt de la chambre de céans. Il a rendu un préavis détaillé et motivé. Il a considéré qu’au vu de la localisation de la parcelle en frange de la zone industrielle, les objectifs de l’art. 5 RAZIDI qui visaient à contribuer « significativement » à la réduction des mouvements pendulaires et à l’accroissement du bien-être des utilisateurs ne permettaient pas de justifier une dérogation. De plus, l’implantation d’un club érotique et d’escortes, à proximité de plusieurs établissements scolaires, de formation ou sportifs, accueillant principalement un public jeune, semblait, dans la situation d’espèce, être particulièrement inappropriée, étant relevé que le bâtiment en question était situé directement en face d’une école primaire.
En sollicitant un nouveau préavis, détaillé, suite à l’arrêt de la chambre de céans, le département a respecté l’arrêt de renvoi.
La chambre de céans avait en effet estimé nécessaire de renvoyer l’affaire à l’autorité qui avait statué pour nouvelle décision après instruction complémentaire, ce qu’elle a mentionné à plusieurs reprises dans l’arrêt. Aucun élément du dossier ne permet d’inférer de cet arrêt que l’autorisation devait être accordée et que seules étaient litigieuses les éventuelles conditions pour autoriser le changement d’affectation (en termes de publicité, de nuisances, d’horaires, notamment). Ces éléments confirmaient au contraire que la chambre de céans considérait que l’instruction n’avait pas été suffisante. Enfin, si la chambre administrative avait considéré que l’autorisation devait être délivrée, elle aurait réformé la décision attaquée.
Partant, ce grief doit être écarté.
4. Dans un deuxième grief, la recourante invoque une violation des art. 4 LZIAM et 5 RAZIDI et considère que la décision litigieuse est arbitraire.
4.1 Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT ; art. 1 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05). L’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).
Selon l’art. 14 LAT, les plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol. Ils définissent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger.
4.2 À Genève, l’art. 12 LaLAT précise que, pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones (al. 1), lesquelles sont de trois types (al. 2), à savoir les zones ordinaires (let. a ; voir aussi art. 18 à 27), les zones de développement (let. b ; voir aussi art. 30 à 30B) et les zones protégées (let. c ; voir aussi art. 28).
L’art. 19 LaLAT détaille les zones à bâtir. L’art. 19 al. 4 LaLAT prévoit que les ZIA sont destinées aux constructions industrielles, artisanales et ferroviaires. Ainsi, selon la systématique suivie par le législateur genevois, les zones industrielles font partie des zones à bâtir, qui sont elles-mêmes englobées dans les zones ordinaires au sens des art. 12 et 18 LaLAT (ATA/518/2010 du 3 août 2010 consid. 4b).
Selon l’art. 12 al. 4 LaLAT, dont la note marginale est « zones de développement », en vue de favoriser l’urbanisation, la restructuration de certains territoires, l’extension des villages ou de zones existantes, la création de zones d’activités publiques ou privées, le Grand Conseil peut délimiter des périmètres de développement, dits zones de développement, dont il fixe le régime d’affectation. Le Grand Conseil peut créer des zones de développement vouées à des affectations spécifiques qui précisent celles visées aux art. 19, 30 et 30A ou au besoin s’en écartent. À l’intérieur de ces périmètres, le Conseil d’État peut, en vue de la délivrance d’une autorisation de construire, autoriser le département à faire application des normes résultant de la zone de développement, en lieu et place de celles de la zone à laquelle elle se substitue.
Selon l’art. 30 LaLAT, les zones de développement sont régies, selon leur affectation, par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et par la LZIAM.
La LaLAT distingue ainsi les zones industrielles et artisanales « ordinaires » (art. 19 al. 4 LaLAT) et les zones de développement industriel et artisanal (art. 30 LaLAT et LZIAM ; ATA/1231/2017 du 29 août 2017 consid. 2f).
4.3 La LZIAM a notamment pour but de fixer les conditions applicables à l’aménagement et l’occupation rationnelle des zones de développement industriel, dévolues aux activités industrielles et artisanales (ci-après : activités du secteur secondaire ; art. 1 LZIAM).
À teneur de l’art. 4 al. 1 LZIAM, dans les zones de développement industriel, le Conseil d’État peut, en vue de la délivrance de l’autorisation de construire, autoriser l’application des normes de la zone industrielle au sens de la LaLAT. Cette décision est subordonnée à l’approbation préalable : a) des plans et règlements directeurs au sens des art. 2 et 3 ou, le cas échéant, d’un PLQ fixant tout ou partie des éléments énoncés dans l’art. 3 LGZD ; b) des conditions particulières applicables au projet présenté que l’article détaille.
Si la demande porte sur une construction ou une installation de peu d’importance ou provisoire, le DT peut délivrer d’emblée l’autorisation de construire après en avoir, si nécessaire, fixé les conditions particulières (art. 4 al. 2 LZIAM).
La notion de « peu d’importance » de l’art. 4 al. 2 LZIAM a fait l’objet d’une interprétation dans l’ATA/926/2016 (du 1er novembre 2016 consid. 9 à 13).
En dérogation à l’al. 1 let. a, le Conseil d’État peut, après consultation du Conseil administratif ou du maire de la commune, renoncer à l’établissement d’un plan et règlement directeur ou d’un PLQ au sens de l’al. 1 let. a : a) dans les secteurs de développement déjà fortement bâtis ; b) pour des projets de constructions ou installations conformes à des plans directeurs de quartier indiquant l’aménagement souhaité ; c) pour des projets de constructions ou installations conformes au 1er prix d’un concours d’urbanisme et d’architecture réalisé en application de la norme SIA applicable, sur la base d’un cahier des charges accepté par le département (art. 4 al. 3 LZIAM).
4.4 Se pose la question du règlement applicable.
4.4.1 Le Règlement sur les zones industrielles et d’activités mixtes du 24 mai 2023 (RZIAM - L 1 45.05), entré en vigueur le 31 mai 2023 a abrogé le règlement sur les activités admissibles en zone industrielle ou de développement industriel, respectivement en zone de développement d’activités mixtes du 21 août 2013 (RAZIDI - L 1 45.05) entré en vigueur le 28 août 2013 (art. 31 RZIAM).
4.4.2 Selon la jurisprudence et la doctrine, en droit de la construction, la loi applicable est celle en vigueur au moment où statue la dernière instance saisie du litige. Si l’affaire est traitée par plusieurs autorités, sont déterminantes en principe les prescriptions en force lorsque la dernière juridiction statue. La jurisprudence admet ainsi d’une façon générale qu’une demande d’autorisation de bâtir déposée sous l’empire du droit ancien est examinée en fonction des dispositions en vigueur au moment où l’autorité statue sur cette demande, même si aucune disposition légale ou réglementaire ne le prévoit ; les particuliers doivent en effet toujours s’attendre à un changement de réglementation (ATF 101 Ib 299 ; ATA/1371/2018 du 18 décembre 2018 consid. 5b et l’arrêt cité). En statuant sur une demande d’autorisation suivant des prescriptions devenues obligatoires après son dépôt, le juge ne tombe pas dans l’arbitraire, ni ne viole une disposition impérative ou la garantie de la propriété (ATF 107 1b 138 ; ATA/930/2018 du 11 septembre 2018 consid. 5e et les arrêts cités ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, Les fondements, 2012, p. 194-195).
Pour les règles de procédure, en l’absence de dispositions transitoires, la jurisprudence admet que le nouveau droit s’applique immédiatement dans son ensemble à toutes les affaires pendantes, pour autant cependant qu’il reste dans une certaine continuité avec le système antérieur, sans en bouleverser les fondements (ATF 137 II 409 consid. 7.4.5 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 140 n. 406).
4.4.3 En conséquence, le RZIAM, détaillé dans le considérant qui suit, s’applique, étant précisé que sa teneur est proche de celle du RAZIDI, auquel se réfère le préavis litigieux.
En effet, le RAZIDI prévoyait en son art. 5, qu’en dérogation à l’art. 1, un régime d’exception pouvait être conféré à certaines entreprises prestataires de services utiles aux utilisateurs des zones industrielles (travailleurs, clients, fournisseurs), si l’implantation de ces entreprises en zone industrielle était susceptible de contribuer significativement à la réduction des mouvements pendulaires et à l’accroissement du bien-être des utilisateurs. Le régime d’exception pouvait être accordé notamment en faveur de tea-rooms et cafés-restaurants, d’épiceries, d’agences de distribution de tabacs et journaux, de guichets bancaires, de fitness, d’offices postaux, ou encore de garderies d’enfants (al. 1). Des activités culturelles ou festives étaient admissibles par voie dérogatoire. Dans les zones de développement industriel, un pourcentage maximum de SBP admissible pour ce type d’affectation était fixé par le plan directeur de zone de développement industriel (al. 2 art. 5 RAZIDI).
4.5 Le RZIAM a pour but notamment de définir les activités admissibles conformes à l’affectation de ces zones et celles qui peuvent être autorisées à titre dérogatoire (art. 1 RZIAM).
À teneur de l’art. 9 RZIAM, les entreprises des secteurs primaire et tertiaire ne sont pas admises dans les zones industrielles. Demeurent réservées les autorisations dérogatoires en vertu du chapitre II (art. 13 ss).
À titre dérogatoire, des autorisations peuvent être délivrées à une entreprise déterminée pour des activités non prévues aux art. 3 à 12 RZIAM (al. 1). Les autorisations délivrées à titre dérogatoire peuvent être assorties de conditions et charges destinées à garantir leur mise en œuvre (al. 2). Nul n’a droit à l’octroi d’une autorisation dérogatoire (al. 3 ; art. 13 RZIAM).
Sont considérées comme services à la zone les activités du secteur tertiaire répondant aux besoins des utilisatrices et utilisateurs d’une zone industrielle (al. 1). Il s’agit notamment des cafés-restaurants et tea-rooms, des épiceries, des agences de distribution de tabacs et journaux, des guichets bancaires, des offices postaux, des salles de sport ou encore des structures d’accueil de la petite enfance (al. 2 ; art. 14 RZIAM).
Les activités de services à la zone peuvent être autorisées à titre dérogatoire si : a) elles contribuent significativement au bien-être des utilisatrices et utilisateurs directs de la zone (employées et employés, clientes et clients, fournisseuses et fournisseurs), compte tenu de l’offre de services similaires préexistante dans et aux abords de la zone ; b) leur localisation est opportune pour couvrir les besoins au sein de la zone ; et c) leur implantation dans la zone industrielle contribue significativement à la réduction des mouvements de trafic pendulaire (art. 15 al. 1 RZIAM).
En tout état, l’implantation de services à la zone ne doit pas : a) conduire à une offre excessive en regard des besoins de la zone ; b) attirer de manière significative des clientes et clients non utilisateurs directs de la zone ; c) porter préjudice à la mise en valeur de la zone, eu égard notamment à leur incidence spatiale et temporelle sur la disponibilité des surfaces de plancher potentiellement dédiées aux activités artisanales ou industrielles (art. 15 al. 2 RZIAM).
Tout projet impliquant la construction d’un bâtiment ou d’une installation destinée à l’exercice d’une activité visée par le RZIAM est soumis à la procédure d’autorisation préalable, définitive ou accélérée de construire, selon les critères de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, et du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 27 février 1978.
4.6 L’autorité administrative jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l’équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l’administration accorde ou refuse une dérogation. L’intervention des autorités de recours n’est admissible que dans les cas où le département s’est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l’octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu’elle est commandée par l’intérêt public ou d’autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu’elle est exigée par le principe de l’égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/206/2024 du 13 février 2024 consid. 4.3 ; ATA/1061/2023 du 26 septembre 2023 consid. 7.3).
Les préavis recueillis au cours de la procédure d’autorisation ne lient ni l’autorité exécutive cantonale, ni les autorités judiciaires. Ils sont en principe sans caractère contraignant pour l’autorité administrative, étant précisé que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi (Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d’aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2008, in RDAF 2009, n° 2, p. 130).
Selon une jurisprudence bien établie, les juridictions administratives observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles‑ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/568/2024 du 7 mai 2024 consid. 3.1.4 ; ATA/1125/2020 du 10 novembre 2020 et les références citées).
La délivrance des autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/206/2024 du 13 février 2024 consid. 5.1 ; ATA/206/2023 du 31 octobre 2023 consid. 4.8 et les références citées).
4.7 Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_170/2022 du 21 décembre consid. 5.1 ; 2C_683/2021 du 12 avril 2022 consid. 5.1). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 I 170 consid. 7.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_273/2022 du 8 février 2023 consid. 3.1 ; 1C_734/2021 du 26 janvier 2023 consid. 4.1).
4.8 En l’espèce, la parcelle litigieuse est sise en ZDIA et soumise à la LZIAM, ce que les parties ne contestent pas.
Dans son arrêt du 29 août 2017, la chambre de céans avait retenu que la prostitution devait être qualifiée de prestation de services. Les conditions de l’art. 14 RZIAM sont en conséquence remplies.
Contrairement à ce qu’avait souhaité la chambre administrative dans son arrêt du 29 août 2017, le département n’a pas pris position sur l’art. 4 al. 2 LZIAM. Toutefois, même à considérer que le changement d’affectation querellé serait de « peu d’importance » au sens de l’art. 4 al. 2 LZIAM, question qui peut rester indécise, la solution ne serait pas différente.
L’examen doit porter sur les trois conditions nécessaires et cumulatives de l’art. 15 al. 1 RZIAM et l’analyse des trois situations évoquées à l’al. 2 du même article.
Si les préavis de la direction de la mensuration officielle, de la police du feu et de l’OCLPF sont positifs, celui de l’OU, était défavorable le 28 novembre 2014 et l’est resté le 30 novembre 2022, même après l’arrêt de la chambre administrative. Ce préavis est détaillé et explique les motifs pour lesquels l’autorité spécialisée considère que les conditions pour une dérogation ne sont pas remplies. Dans un premier argument, il indique qu’au vu de la localisation de la parcelle en frange de la zone industrielle, les objectifs de l’art. 5 RAZIDI (15 al. 1 let. a et c RZIAM) qui visaient à contribuer « significativement » à la réduction des mouvements pendulaires et à l’accroissement du bien-être des utilisateurs ne permettaient pas de justifier une dérogation.
L’OU, dans un second argument, mentionne que l’implantation d’un club érotique et d’escortes, à proximité de plusieurs établissements scolaires, de formation ou sportifs, accueillant principalement un public jeune, semblait, dans la situation d’espèce, être particulièrement inappropriée, étant relevé que le bâtiment en question était situé directement en face d’une école primaire.
La chambre administrative doit examiner avec retenue la décision du DT qui reprend ces arguments et refuse une dérogation. En l’espèce, le département ne s’est pas laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Le DT a procédé à une appréciation soutenable des circonstances et conciliable avec les règles du droit et de l’équité. Il se fonde sur des éléments pertinents, sans négliger des facteurs décisifs. De surcroît, l’autorité administrative jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations.
La chambre de céans doit toutefois contrôler si la recourante présente une situation exceptionnelle qui justifierait l’octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu’elle est commandée par l’intérêt public ou d’autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu’elle est exigée par le principe de l’égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public.
Or, à teneur du règlement pertinent, il n’est pas démontré que l’activité contribuerait au bien-être des utilisatrices et utilisateurs directs de la zone. On ignore en effet s’il y avait une « offre de services similaires préexistante dans et aux abords de la zone » au sens de l’art. 15 al. 1 let. a RZIAM, la recourante n’exposant aucun fait à ce propos. Il ne peut dès lors en être déduit que la première condition serait remplie, a fortiori que la contribution de la recourante serait, comme l’exige le RZIAM, significative. Ceci est d’autant moins établi que la parcelle de la recourante est située en bordure de la ZDIA, comme le relève à juste titre l’OU.
De même, aucun élément du dossier n’établit que la troisième condition, nécessaire et cumulative, à savoir que l’implantation de la recourante dans la zone industrielle contribue significativement à la réduction des mouvements de trafic pendulaire, serait remplie. Les allégations de la recourante selon laquelle sa clientèle est composée de travailleurs, clients et fournisseurs de la zone industrielle de D______ n’est étayée par aucune pièce à l’instar de l’affirmation selon laquelle la cessation de son activité impliquerait une augmentation du trafic vers le centre-ville.
De surcroît, l’affirmation portant sur le type de clientèle n’est pas cohérente avec l’allégation de la recourante selon laquelle son activité serait essentiellement exercée de nuit, soit à des horaires compatibles avec l’école primaire. En effet, les « travailleurs, clients et fournisseurs de la zone industrielle de D______ » sont essentiellement présents dans la zone concernée en journée.
En conséquence, si l’intérêt privé de la recourante est indiscutable, il doit céder le pas à l’intérêt public défendu par la LZIAM, à savoir que lesdites zones soient dévolues aux activités industrielles et artisanales. Ceci est d’autant plus vrai pour ce qui concerne les dérogations, lesquelles ne doivent être accordées qu’à des conditions restrictives où des critères en lien avec l’intérêt général, tels qu’une contribution significative au bien-être des utilisateurs de la zone et la réduction du trafic pendulaire notamment, doivent être analysés prioritairement sur l’intérêt du commerçant concerné à pouvoir s’implanter ou rester dans la ZDIA.
La recourante invoque une violation du principe de l’égalité de traitement avec d’autres établissements du même type situés dans le canton. Elle ne conteste toutefois pas que ces derniers ne sont pas sis en ZIA ou ZDIA. Dans ces conditions, elle ne peut se prévaloir de l’égalité de traitement, les situations n’étant pas comparables.
De même, la recourante ne peut tirer argument du fait qu’elle exerce cette activité en ce lieu depuis quinze ans. D’une part, celle-ci n’a jamais été autorisée dans le bâtiment litigieux et, d’autre part, la bailleresse avait dans un premier temps contesté l’existence de toute activité professionnelle dans la villa.
Le grief sera écarté, aucun élément ne permettant à la chambre de céans de s’éloigner du préavis du service spécialisé du département. À ce titre, la recourante n’indique pas en quoi le fait que le service ne soit pas indépendant est problématique, le système des préavis étant dûment prévu par la LCI auquel renvoie la LZIAM.
5. Dans un troisième grief, la recourante se plaint d’une violation du principe de la proportionnalité et de la garantie de la propriété.
5.1 Aux termes de l’art. 26 Cst., la propriété est garantie.
Selon l’art. 36 Cst., toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).
Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).
5.2 En l’espèce, la restriction de la garantie de la propriété de la recourante respecte les conditions de l’art. 36 Cst. Le refus de délivrer l’autorisation de construire respecte l’exigence de la base légale, dès lors qu’il est notamment fondé sur la LAT, la LaLAT et la LZIAM. Ce refus est justifié par l’intérêt public à une utilisation de la ZDIA conforme à la loi et à ce que les dérogations soient limitées à des services qui contribuent significativement au bien-être des utilisateurs compte tenu de l’offre de services similaires et dont l’implantation dans la zone industrielle contribue significativement à la réduction des mouvements de trafic pendulaire. Enfin, l’atteinte aux intérêts privés, en particulier économiques de la recourante est proportionnée au but visé. La mesure est apte à atteindre le but de respecter les activités qui s’implantent au sein des ZDIA. Elle est nécessaire pour ce faire, aucune mesure moins incisive n’étant envisageable. À ce titre, les conditions évoquées par la recourante quant à des limitations d’horaires notamment, ne résistent pas à l’examen. Comme vu précédemment, les allégations de la recourante sur ce point ne sont pas crédibles. Des horaires en journée, compatibles avec les besoins de la zone, ne l’étant pas avec la présence d’enfants scolarisés en école primaire ou de jeunes sportifs, la villa étant sise juste en face de l’école, à 25 m du préau. La décision est enfin proportionnée au sens étroit, dès lors que le département a procédé à une pesée des intérêts en présence et refusé de délivrer l’autorisation en se fondant sur des motifs objectifs, pertinents et conformes au but de la LZIAM. La recourante peut louer la villa à un autre locataire et la locataire peut exercer son activité dans un autre lieu.
Le grief sera en conséquence écarté.
En tous points infondé, le recours sera rejeté.
6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 900.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 30 janvier 2024 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2023 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 900.- à la charge de A______ SA ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Pascal PÉTROZ, avocat de la recourante, au département du territoire-OAC ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
S. HÜSLER ENZ
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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