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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1201/2022

ATA/825/2024 du 09.07.2024 sur JTAPI/1109/2023 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;TRAVAUX DE CONSTRUCTION;PERMIS DE CONSTRUIRE;INSTALLATION DE TÉLÉCOMMUNICATION;ANTENNE;DROIT À L'ANTENNE;RAYONNEMENT ÉLECTROMAGNÉTIQUE;ORDONNANCE SUR LA PROTECTION CONTRE LE RAYONNEMENT NON IONISANT;VALEUR LIMITE(EN GÉNÉRAL);PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;CONSTATATION DES FAITS;MAXIME INQUISITOIRE;LIMITATION DES ÉMISSIONS;RADIOCOMMUNICATION;TÉLÉPHONE MOBILE
Normes : LPA.14; Cst.29.al2; LPA.61; LPA.19; LPA.20; ORNI.3.al3; LPE.1; LPE.7; LPE.11; LPE.12; LPE.13; ORNI.4.al1; ORNI.1; ORNI.3.al3; ORNI.2.al1; ORNI.4.al1; ORNI.13.al2; ORNI.14; ORNI.11; ORNI.12; LPE.38; LPE.42; ORNI.64.letc; LCI.14.al1; RPBV.4.al1
Résumé : Confirmation du jugement du TAPI portant sur une autorisation d'installer un groupe de six antennes conventionnelles pour téléphonie mobile fixées sur un mât sur la superstructure d'un bâtiment. Respect du droit de l'environnement, en particulier en matière de rayonnement non ionisant. Confirmation des valeurs calculées (VLInst) en relation avec la valeur limite de l'installation. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1201/2022-LCI ATA/825/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juillet 2024

3ème section

 

dans la cause

COMMUNE A______
B______
C______
D______
E______
F______

G______
H______
I______ recourants

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC
et
J______ SA
représentée par Me Stephan KRONBICHLER, avocat
et
K______ SÀRL
représentée par RÉGIE DU RHÔNE SA, mandataire intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2023 (JTAPI/1109/2023)


EN FAIT

A. a. K______ Sàrl est une société à responsabilité limitée sise à L______, inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 6 décembre 2010, et qui a pour but l'achat, la vente, la possession, l'exploitation, la construction et la location d'immeubles et d'une façon générale toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à ce but.

Elle est propriétaire de la parcelle n° 11’964 de la commune A______ (ci-après : la commune), en zone 4B protégée, sur laquelle se trouve plusieurs bâtiments dont le n° 102 à usage d'habitation et activités à l'adresse ______, rue M______, N______.

b. J______ SA (ci-après : J______) est une société anonyme sise à O______, inscrite au RC du canton de Berne depuis le 27 juillet 1998, et qui a pour but notamment d'offrir en Suisse et à l'étranger des services de télécommunication et de radiodiffusion.

Elle est titulaire de la concession de service universel dans le domaine des télécommunications.

c. B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______ et I______ sont domiciliés respectivement au ______, promenade P______ à N______, ______, rue Q______ à N______, ______, promenade P______ à N______, ______, promenade R______ à N______, ______, promenade P______ à N______, ______, rue S______ à N______, ______, rue S______ à N______, ______, esplanade T______ à N______.

B. a. Le 28 mai 2020, l'office des autorisations de construire, rattaché au département du territoire (ci-après : le département), a accusé réception d'une requête d'autorisation de construire déposée par J______ en vue de la construction d’une nouvelle installation de communication mobile avec support d'antenne, systèmes techniques et nouvelles antennes, sur le bâtiment n° 102.

Cette requête a été enregistrée sous le numéro DD 1______.

Cette demande a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 5 juin 2020 et a fait l'objet d'une enquête publique publiée dans la FAO du 15 juin au 16 juillet 2020.

Une habitante du ______, rue S______ a formulé des observations le 6 juillet 2020. Une liste de 141 signatures d'opposants accompagnait ce courrier.

b. Les préavis de la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) du 2 juin 2020, de la direction de l'information du territoire (ci-après : DIT) du 3 juin 2020, de l’office de l’urbanisme (ci-après : SPI) du 10 juin 2020, de la direction infrastructure et de la planification et développement opérations de Genève Aéroport des 16 et 18 juin 2020 étaient favorables.

Le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a demandé le 10 juin 2020 des pièces complémentaires à fournir. Les travaux dirigés par l’office fédéral de l’environnement (ci-après : OFEV) sur le déploiement de nouvelles antennes liées à la 5G, de type adaptif, et sur la méthodologie de contrôle in situ du rayonnement, étaient en cours. Le canton réservait alors sa position sur la conformité à l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI - RS 814.710), ceci dans l'attente du résultat desdits travaux, conformément à l'application du principe de prévention (art. 11 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 - loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01).

La commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a rendu le 23 juin 2020 un préavis favorable sous conditions. L'installation devait être réalisée avec un matériau non réfléchissant et une teinte neutre.

Le 1er juillet 2020, la commune a préavisé défavorablement le projet. Le conseil administratif refusait systématiquement les antennes sises dans les zones d'habitation. Même si les valeurs de l'ORNI étaient respectées, ce type d’installations constituait une source de crainte majeure pour les populations situées à proximité, et provoquait des répercussions psychologiques importantes ainsi que des troubles de la santé. Une optimisation et un regroupement des installations pour plusieurs opérateurs étaient nécessaires. Il était indispensable que le canton planifie un principe directeur permettant de visualiser l’ensemble des installations à venir sur la commune, compte tenu de la multiplication de celles-ci plutôt que de procéder au « coup par coup », au gré des demandes privées.

c. Par décision du 30 octobre 2020, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée sur la base du moratoire décrété par le canton de Genève sur les antennes et en vertu du principe de prévention. Cette décision a fait l'objet d'un recours porté par J______ devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Ce recours est devenu sans objet à la suite d'un arrêt rendu par la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après: la chambre constitutionnelle) le 15 avril 2021 (ACST/11/2021) et à la reconsidération par le département de sa décision du 30 octobre 2020 (JTAPI/911/2021 du 8 septembre 2021).

Le moratoire ayant été levé, l'instruction la DD 1______ a repris.

d. Le 14 septembre 2021, J______ a établi une fiche de données spécifique au site concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordement sans fil (WLL).

Selon ce document :

- l’installation visée était un groupe de six antennes fixées sur un mât sur la superstructure du bâtiment sis à N______, ______, rue M______ (fiche complémentaire n° 1) ;

- la distance maximale pour former opposition était de 568.68 m (fiche complémentaire n° 2) ;

- l’intensité de champ électrique due à l’installation dans les lieux de séjour momentané (ci-après : LSM) les plus chargés (______, rue M______ dans les combles et ______, rue S______ au rez-de-chaussée) était de respectivement, 33.5 V/m atteignant 65% de la valeur limite d’immissions (ci-après : VLI) et 4.6 V/m atteignant 9,1% de la VLI (fiche complémentaire n° 3a) ;

- sur les neuf lieux à utilisation sensible (ci-après : LUS) autour de l’implantation des antennes (nos 2 et de 4 à 11), les plus chargés présentaient des valeurs oscillant entre 4.40 et 4.99 V/m sur 5 V/m (fiche complémentaire n° 4a) ;

- le LUS n° 11 était situé au ______, chemin U______ où se trouvait l'Église évangélique A______.

e. Le 2 février 2022, le SABRA a rendu un préavis favorable sous conditions.

L’installation était susceptible de produire des immissions dépassant la valeur limite d’installation (ci-après : VLInst) dans une surface d’un rayon de 85.3 m. Le cadastre des installations de téléphonie mobile montrait que les antennes n'étaient pas associées à un autre groupe d'antennes préalablement autorisé.

La fiche de données ne mentionnait pas la présence d'antennes adaptives.

Il n'y avait pas de lieux normalement accessibles où la VLI était épuisée. Les parties de la superstructure accessibles pour l'entretien, où la VLI était épuisée, devaient être dûment protégées.

L'opérateur avait évalué les immissions sur le bâtiment même et sur les bâtiments voisins. La VLInst y était respectée. Cependant, pour les points d'évaluation nos 4 (______, chemin V______), 5 (______, rue S______), 6 (______, rue S______), 8 (______, chemin U______), 9 (______, chemin U______), 10 (______, chemin U______), et 11 (______, chemin U______), les immissions étaient supérieures à 80% de la VLInst dans des directions proches du rayon principal. Des mesurages de contrôle aux LUS, aux frais de l'exploitant, devaient être effectués.

L'installation était conforme à l'ORNI et au règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires du 29 septembre 1999 (RPRNI - K 1 70.07). L'opérateur devait s'engager à intégrer les antennes de l'installation dans le système d'assurance qualité, lequel permettait de surveiller les données d'exploitation.

f. Par décision du 21 mars 2022, le département a délivré l'autorisation de construire sollicitée (DD 1______), laquelle a été publiée dans la FAO du même jour.

C. a. Par acte du 13 avril 2022, la commune A______ a formé recours contre cette décision auprès du TAPI concluant, préalablement, à ce qu’une expertise judiciaire visant à contrôler le respect de l’installation litigieuse aux normes applicables découlant de l’ORNI soit ordonnée, à ce qu’il soit ordonné à J______ de démontrer que la puissance émettrice de l’installation litigieuse ne pourrait pas être augmentée à l’avenir, que celle-ci respecterait ainsi les exigences en matière de contrôle à long terme des valeurs limites, et à ce que son droit de compléter ses écritures sur la base de l’expertise judiciaire soit réservé. Principalement, l’autorisation de construire DD 1______ du 21 mars 2022 devait être annulée.

La décision querellée violait l’art. 2 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) puisqu’elle ne reposait sur aucune planification. Le développement du réseau d’antennes de nouvelles génération 4G+ et 5G s’effectuait actuellement en dehors de tout processus de planification, alors qu’un instrument de planification était exigé par le droit fédéral pour les projets ayant des effets importants sur l’organisation du territoire, en vertu de l’art. 8 al. 2 LAT. Or, l’installation de plus de 26'000 antennes de téléphonie mobile de nouvelle génération revêtait indéniablement une importance supra locale. Ce manque de planification engendrait un manque de coordination et une prolifération du nombre d’antennes excédant la couverture réseau requise pour la population suisse, sans qu’une pesée des intérêts en présence puisse avoir lieu, faisant fi du droit à la vie et à l’intégrité physique et psychique des riverains ainsi que de la sauvegarde du patrimoine bâti et de la nature. Le fait que la commune A______, à elle seule, semblait compter 110 antennes, situées à seulement quelques mètres de distance, était éloquent. Une planification, à tout le moins communale, était indispensable.

Le principe de précaution prévu à l’art. 74 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et à l’art. 1 LPE était également violé. Dans la fiche de données spécifique au site, J______ obtenait des valeurs qui se trouvaient pratiquement à la limite admissible pour les LUS nos 4, 5 et 6, alors que de l’aveu même du SABRA, l’installation était susceptible de produire des immissions dépassant la VLInst dans une surface d’un rayon de 85.3 m et ce, alors que le centre de loisirs A______ se situait à moins de 30 m, l'Hôpital Z______ à moins de 130 m et l'école primaire W______ à moins de 200 m, ce qui violait également l’art. 14 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). À cela s’ajoutait qu’il était déjà arrivé que l’autorité procédant au relevé, respectivement au contrôle des valeurs obtenues par l’opérateur, obtienne des valeurs différentes. Or, de telles incertitudes n’étaient pas admissibles, notamment dans l’hypothèse où les calculs des LUS nos 4, 5 et 6 seraient erronés. Compte tenu du manque de données fiables et de recul, l’installation litigieuse mettrait en danger le voisinage, plus particulièrement les enfants de l’école primaire X______ (sic). L’OFEV avait retenu, dans une circulaire du 16 janvier 2006, que la puissance émettrice et les directions de propagation d’antennes devaient être contrôlées chaque jour par un système automatisé, soit le système d'assurance qualité. Or, il était extrêmement difficile d’avoir accès à ces données réelles détenues par les opérateurs. Une récente évaluation technique parvenait à la conclusion que les antennes étaient dotées d’une puissance apparente rayonnée (ci‑après : ERP) effective trop faible pour être fonctionnelle lorsqu’elles étaient mises à l’enquête et qu’elles n’émettaient pas de réel signal. Dès lors, le droit à la vie et à l’intégrité physique et psychique garanti par les art. 10 et 11 Cst. ainsi que 13 al. 2 LPE était bafoué, ce qui contrevenait gravement au principe de précaution.

Le système de facteur de correction n’était pas conforme. Un rapport de l’OFEV de février 2021 avait établi qu’en raison de la définition du mode d’exploitation déterminant pour les antennes adaptatives, la puissance émettrice déterminante « ERP » pouvait être dépassée en exploitation réelle durant une courte période, le facteur de correction ne pouvant être appliqué que si l’antenne adaptative était dotée d’une limitation automatique de la puissance. Ainsi, la puissance émise était susceptible de dépasser le seuil admissible de 5 V/m actuellement prévu par l’ORNI durant une courte période. Par ailleurs, la fiche de données spécifique au site ne fournissait aucune explication quant à l’existence d’un éventuel système de limitation automatique. Une telle carence était inadmissible. De plus, le mode d’exploitation recommandé par l’OFEV avait pour effet de modifier l’art. 62 al. 5 let. d annexe 1 ORNI, car la façon de définir le mode d’exploitation déterminant de telles antennes représentait un changement de paradigme. En effet, lors de l’adoption de ladite norme, rien n’indiquait qu’il était prévu que la puissance d’émission effective d’une installation puisse être augmentée sans une augmentation simultanée de la puissance « ERP ». En outre, le fait de calculer une puissance émettrice sur une moyenne des six dernières minutes et la limiter automatiquement au moyen d’une application logicielle en cas de dépassement différait du mode de calcul habituel du rayonnement au sens de l’ORNI. Enfin, la définition de l'ERP de l’ORNI n’intégrait pas de facteur de correction. Au demeurant, la modification partielle de l’ORNI, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, n’y changeait rien. La presse récente relatait que les installations nécessaires au développement du réseau 5G en Suisse ne garantissaient pas un niveau de protection suffisant pour l’être humain et que de nombreuses antennes de téléphonie mobile 4G et 5G dépassaient en réalité les valeurs limites.

Enfin, la décision litigieuse était lacunaire dès lors qu’elle ne décrivait pas comment le respect de la puissance émettrice serait garanti sur le long terme, ce qui était problématique au vu des valeurs limites aux LUS nos 4, 5 et 6 et contrevenait à la circulaire de l’OFEV du 16 janvier 2006. Par ailleurs, J______ n’avait nullement indiqué dans la fiche des données spécifique au site que l’installation serait intégrée dans un système d'assurance qualité ni à partir de quand ce système serait opérationnel.

b. Le 19 mai 2022, quatre personnes dont G______ et I______ ont sollicité leur intervention dans la procédure. Ils ont conclu à l'octroi de l’effet suspensif au recours et à l’annulation de l’autorisation litigieuse. Ils se réservaient le droit de compléter leurs conclusions après avoir pris connaissance du dossier.

c. Le 24 mai 2022, 35 personnes dont B______, C______, D______, E______, F______ et H______ ont demandé leur intervention dans la procédure. Ils ont pris les mêmes conclusions que les autres personnes qui avaient sollicité leur intervention.

d. Le 23 mai 2022, J______ a conclu au rejet du recours.

e. Le 14 juin 2022, le département a conclu au rejet du recours.

f. K______ Sàrl ne s'est pas déterminée.

g. Par décision du 15 juillet 2022 (DITAI/342/2022), le TAPI a admis les demandes d’intervention formées les 19 et 24 mai 2022.

h. Le 22 août 2022, la commune a répliqué, sollicitant l’audition de Y______, ingénieur radio focalisé sur la toxicologie des rayonnements non ionisants selon son site internet www.Y______.ch, qu’elle avait mandaté afin de mener une analyse de la conformité de l’installation litigeuse à l’ORNI.

Selon son expertise datée du 21 avril 2022, l'opérateur prévoyait que l'intensité du champ magnétique serait de 4.77 V/m pour le LUS n° 5 alors qu'il parvenait à un résultat de 5.29 V/m, ce qui dépassait la VLInst. S'agissant du LUS n° 6, il avait relevé que le point de mesure retenu par J______ n'était pas le lieu où le rayonnement était le plus fort et estimait que selon l'occupation possible des espaces de la maison, il pourrait y avoir un LUS exposé à 5.28 V/m voire 5.49 V/m. Pour le LUS n° 11, l'opérateur obtenait un résultat de 4.99 V/m tandis qu'il parvenait à une prévision de 5.33 voire 5.55 V/m selon la distance et l'azimut. L’installation dépassait donc la VLInst de 5 V/m, en violation de l’art. 64 ORNI, dans plusieurs LUS dans le mode d'exploitation déterminant. Enfin, les études portées à ce jour constataient une rupture de l’équilibre oxydatif induite par l’exposition aux rayonnements non ionisant dans les gammes des VLInst, ce qui portait atteinte au principe de précaution.

i. Le 14 septembre 2022, J______ a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

j. Dans différentes décisions, le TAPI a donné acte à plusieurs personnes de ce qu’elles avaient retiré leur intervention et a rayé la cause du rôle en ce qui les concernait.

k. Le 30 septembre 2022, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

l. Le 10 novembre 2022, les intervenants ont conclu, préalablement, à ce qu’une expertise judiciaire visant à contrôler le respect de l’installation litigieuse aux normes applicables découlant de l’ORNI, en particulier l'exactitude des calculs effectué par J______ soit ordonnée, à ce qu’il lui soit ordonné de démontrer que la puissance émettrice de l’installation litigieuse ne pourrait pas être augmentée à l’avenir et à ce que leur droit de compléter leurs écritures sur la base de l’expertise judiciaire soit réservé. Principalement, ils ont conclu à l’annulation de l’autorisation de construire DD 1______ précitée.

Les principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs étaient violés. L’attribution des nouvelles fréquences par la Commission fédérale de la communication (ci-après : ComCom) avait été effectuée après que le parlement avait, par deux fois, refusé de relever les valeurs limites fixées dans l’ORNI. Il aurait été nécessaire que ce soit le législateur qui pose le cadre du déploiement de la 5G. L’exécutif avait excédé ses compétences et empiété sur les prérogatives du législateur.

Leur droit d’être entendus était violé car les riverains n’avaient jamais été informés de façon appropriée du projet de modification litigieux, en violation de l’art. 15 RPRNI. Un petit nombre de riverains avaient eu l’information car l’association « 5G moratoire pour la Suisse » avait mis à disposition quelques flyers dans le voisinage. Une invitation à une séance d’information aurait permis à l’ensemble des riverains d’être mieux informés. La mise à l’enquête ne suffisait pas à remplir l’obligation qui incombait à J______, en application de l’art. 15 RPRNI. Le Conseil d’État n’aurait pas spécifiquement prévu une information du public si elle n’allait pas au-delà de ce qui était prévu par la LCI en matière de mise à l’enquête pour toutes les constructions.

L’art. 3 al. 2 RPRNI était violé car la fiche de données spécifiques ne mentionnait ni les balcons ni les terrasses, lesquels constituaient des LUS. Dès lors, la VLInst y serait sans doute dépassée, notamment celles des LUS nos 4, 5, 9, 10 et 11.

Au surplus, ils ont invoqué des griefs identiques à ceux de la commune. Enfin, ils ont sollicité la suspension de la procédure en vertu de l’art. 14 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) dans l’attente d’un arrêt de principe du Tribunal fédéral.

m. Le 28 novembre 2022, J______ s’est opposée à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire et a contesté les observations des parties intervenantes.

n. Le 29 novembre 2022, la commune a informé le TAPI qu’elle faisait siennes les considérations des intervenants.

o. Le 9 décembre 2022, le département a transmis ses observations, persistant dans ses observations et conclusions.

p. Le 7 février 2023, la commune a produit un avis d’expert de Y______ établi 31 janvier 2023 concernant plus particulièrement la notion de stress oxydatif et le système d'assurance qualité. Elle a au surplus maintenu ses arguments et persisté dans ses conclusions.

q. Le 17 mars 2023, les intervenants ont fait leurs les considérations de la commune du 7 février 2023 et de Y______ du 31 janvier 2023.

Ce dernier avait établi que l'installation litigieuse produirait un rayonnement dépassant largement la VLInst aux LUS nos 5, 6 et 11. L'autorisation de construire semblait ainsi comporter d'importantes lacunes. S'il était vrai qu'une expertise privée constituait une allégation d'une partie, il en allait de même s'agissant de la fiche de données spécifique et de ses annexes auxquels il ne fallait pas accorder plus de valeur que l'expertise de Y______. Le SABRA n'était nullement formé ni équipé pour contrôler la validité de mesures de réception, laquelle pouvait être effectuée par l'opérateur lui-même. Ils ont également persisté dans leurs observations et conclusions du 10 novembre 2022 et ajouté des conclusions préalables, notamment qu’il soit ordonné à J______, au département et à la commune de produire les calculs détaillés qui leur avaient permis de conclure aux intensités de champs électrique qu’ils alléguaient pour les LUS nos 5, 6 et 11, à l’audition du SABRA et de Y______.

r. Au cours de la procédure par-devant le TAPI, divers intervenants ont retiré leur demande d'intervention, ce qui a donné lieu à diverses décisions rayant la cause du rôle les concernant.

s. Par jugement du 12 octobre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

La commune avait la qualité pour recourir dans la mesure où l’installation litigieuse se situait sur son territoire. Point n’était besoin de savoir si l’ensemble des recourants était domicilié à l’intérieur du périmètre d’opposition mentionné dans la fiche de données spécifique au site. C’était le cas de la majorité d’entre eux. Ils disposaient dès lors de la qualité pour recourir et le recours était ainsi recevable.

La demande de suspension était rejetée.

Le TAPI disposait d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. Par appréciation anticipée des preuves, l'audition du SABRA, celle de Y______ et l'expertise judiciaire sollicitée ne seraient pas de nature à changer sa conviction. Il en était de même s'agissant de la production des calculs détaillés ayant permis à J______, au département et à la commune A______ de conclure aux intensités de champs électriques pour les LUS nos 5, 6 et 11. Le TAPI ne voyait pas comment J______ pourrait apporter la preuve qu'elle respecterait à l'avenir les exigences de l’ORNI et que la puissance émettrice de l’installation litigieuse ne pourrait pas être augmentée et la recourante ne s’en expliquait pas non plus, étant précisé que l’examen de la légalité d’une autorisation de construire se fondait sur l’objet tel qu’il était autorisé, en partant de l’idée qu’il serait construit conformément à l’autorisation et exploité pareillement.

Tant les personnes vivant à proximité de l’immeuble concerné par le projet querellé que, plus largement, la population de la commune avaient été dûment informées par la publication dans la FAO de l’ouverture de l’enquête publique laquelle avait duré 30 jours et par l’affichage communal de celle-ci, de l’existence du projet en question et du fait qu’ils avaient la possibilité de consulter le dossier du projet. Le TAPI ne voyait pas quels intérêts des intervenants, qui, dans ce cadre, avaient valablement remis leurs observations, avaient été lésés et ils ne pouvaient, dans le cadre de leur recours, se plaindre de la lésion d’intérêts d’autres personnes, dès lors que le recours d’un particulier formé dans l’intérêt général ou dans l’intérêt de tiers était irrecevable.

Le Conseil fédéral s’était appuyé sur une base légale valable pour édicter par voie d’ordonnance des VLI applicables à l’évaluation des atteintes nuisibles ou incommodantes. Contrairement à ce qu’avançaient les recourants et les intervenants, les principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs n’avaient pas été violés.

L’installation litigieuse était prévue en zone constructible et était ainsi conforme à la zone. Il était en outre manifeste que ni le canton de Genève ni la commune A______ n'avaient fait usage de leur compétence pour définir des zones spécifiques d’implantation des antennes de télécommunications mobiles. Le TAPI voyait d’ailleurs mal comment la recourante pouvait se plaindre d’une absence de planification communale alors qu’elle n’en avait rien fait. Par ailleurs, ce type d’installations figurait dans le cadastre répertoriant l’ensemble des installations existantes ou autorisées, librement accessible sur le site du système d’information du territoire genevois (ci-après : SITG) et qui permettait d’obtenir une vue d’ensemble. Dans ces circonstances, il n’apparaissait pas qu’il existât une obligation de planification dans le cas présent.

D’après la fiche de données spécifique au site du 14 septembre 2021, la VLInst à respecter était celle prévue à l’art. 3 al. 3 let. c ORNI, soit 5 V/m. S’agissant du rayonnement dans les LUS les plus chargés, elles présentaient toutes une intensité de champ électrique inférieure à la VLInst fixée à 5.0 V/m. Sur la base des considérations de Y______ du 21 avril 2022, les recourants contestaient les calculs des LUS nos 5, 6 et 11. Celui-ci parvenait à un résultat de 5.29 V/m pour le LUS n° 5 au lieu de 4.77 V/m prévu par J______, de 5.28 V/m voire 5.49 V/m pour le LUS n° 6 et de 5.33 voire 5.55 V/m pour le LUS n° 11 au lieu de 4.99 V/m. Or, ces mesures avaient été vérifiées par le SABRA, autorité spécialisée compétente, sans que celui-ci n’ait mis en doute leur véracité, notamment s'agissant du LUS n° 6, Y______ n'ayant pas introduit l'amortissement du bâtiment dans son calcul alors qu'il aurait dû. Quant au LUS n°11, soit l'Église évangélique A______, il ne s'agissait en réalité pas d'un LUS au sens de l'art. 3 al. 3 ORNI et n'aurait dès lors, pas dû être évalué. En tout état, le SABRA, dont les compétences spécifiques étaient incontestables, était parvenu aux mêmes résultats que l'opérateur, avec les mêmes paramètres, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause les calculs effectués par ce dernier qu'il avait analysés. Ceux-ci étaient conformes à l'ORNI.

Globalement, la procédure suivie par le département n’était pas critiquable. Le permis de construire garantissait le respect des valeurs limites pertinentes, notamment par le biais des conditions associées comprises dans le préavis du SABRA, soit des mesurages par l’exploitant de l’installation lors de la réception et l’intégration des antennes de l’installation dans son système d'assurance qualité afin de permettre de surveiller les données d’exploitation. C’était précisément le mécanisme de contrôle rétrospectif qui garantissait que les calculs effectués à l’avance pourraient être corrigés si nécessaire et au cas où la réalité ultérieure ne correspondrait pas aux hypothèses prévues. La jurisprudence du Tribunal fédéral était claire. La limitation préventive des émissions prévues par l’ORNI était déterminée de manière exhaustive avec l’édiction des VLInst, sans que le département ne puisse exiger une limitation supplémentaire dans un cas individuel.

Ainsi, en octroyant l’autorisation de construire sur la base de la prévision que l’installation respecterait les VLInst, moyennant les réserves émises dans le préavis du SABRA, la décision du département était conforme au droit fédéral.

Par ailleurs, concernant les inquiétudes de la recourante au sujet des effets des antennes 5G sur le corps humain, plus spécifiquement sur les usagers de l'Hôpital Z______ et les enfants scolarisés à l'école primaire W______, elle entendait en substance démontrer que les ondes électromagnétiques induites par les antennes téléphoniques litigieuses présentaient un risque pour la santé. Or, il était constant que le corps humain était sensible aux champs électromagnétiques, la question étant de savoir quelle intensité d’exposition pouvait être jugée acceptable, notamment pour les enfants. Par conséquent, les généralités sur les effets des champs électromagnétiques induits par les antennes de téléphonie mobile – aussi pertinentes fussent-elles – n’apportaient rien au débat sur la valeur probante – même relative – des nombreuses études scientifiques menées jusqu’ici et ne délégitimaient pas les valeurs limites fixées par l’ordonnance, ce d’autant plus que les valeurs mesurées étaient inférieures aux valeurs limites, déterminantes en ce qui concernait les effets sur la santé. Les VLInst étant respectées, le principe de précaution n’avait pas été violé.

Dans la mesure où la LPE et l’ORNI étaient respectés, un projet ne pouvait être source d’inconvénients graves pour le voisinage au sens de l’art. 14 LCI.

Les balcons et toits en terrasse n'étaient pas des LUS au sens de l’art. 3 al. 3 ORNI, pour lesquels les valeurs limites de l’installation ne devaient pas être dépassées. C'était donc à bon droit que les balcons et les terrasses n'étaient pas précisément mentionnés dans la fiche de données spécifique et n’avaient pas été considérées comme des LUS.

D. a. Par acte commun du 15 novembre 2023, la commune et B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______ ainsi que I______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité concluant, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans la cause A/2247/2022, à la mise en œuvre d'une expertise judiciaire, à ce que J______ démontre que la puissance émettrice de l'installation ne pourrait pas être augmentée à l'avenir et qu'elle respecterait ainsi les exigences en matière de contrôle à long terme du respect des valeurs limites et à l'audition de Y______ en tant que témoin. Principalement, le jugement attaqué devait être annulé et il devait être dit et constaté que la décision d'autorisation DD 1______ n'était pas entrée en force. Cela fait et statuant à nouveau, la chambre administrative devait l'annuler. Subsidiairement, le dossier devait être renvoyé au TAPI pour nouvelle décision au sens des considérants. Plus subsidiairement, le dossier devait être renvoyé au département pour nouvelle décision au sens des considérants.

La procédure devait être suspendue jusqu'à droit jugé dans le cadre de la procédure A/2247/2022.

Leur droit d’être entendus ainsi que la maxime d’office avaient été violés. Les faits avaient été constatés de façon inexacte. Les art. 3 al. 3 let. a, 11 al. 2 let. c ch. 2 ORNI, 63 et 64 let. c, annexe I ORNI n’étaient pas respectés, de même que les art. 1 LPE et 14 LCI.

b. Le 8 décembre 2023, J______ a conclu au rejet du recours.

La « pseudo-expertise » sur laquelle se fondaient les recourants était dépourvue de toute valeur scientifique et de toute crédibilité compte tenu du manque de neutralité de Y______ et du manque d'informations sur sa formation académique et sur ses qualifications professionnelles.

Les recourants se bornaient à émettre des vagues doutes au sujet de la véracité des données utilisées pour les calculs, mais n'alléguaient même pas quelle donnée serait inexacte. Le droit d'être entendu des recourants et la maxime d'office n'avaient pas été violés.

L'argumentaire des recourants était confus. Ils admettaient, à juste titre, que l'installation litigieuse ne comprenait pas d'antennes adaptives puis se livraient à de longs développements sur l'évaluation des LUS en présence d'antennes adaptives. Ils passaient sous silence que le SABRA avait bel et bien vérifié les calculs et qu'il était arrivé aux mêmes résultats.

L'Église évangélique A______ avait bien été prise comme étant un LUS même si cela n'aurait pas été nécessaire. Les balcons et les terrasses n'étaient pas des LUS au sens de l'ORNI, la disposition du RPRNI à laquelle faisaient référence les recourants avait été abrogée. Enfin, le SABRA avait procédé à une analyse détaillée des critiques de Y______ et les avait rejetées une à une avec une explication claire et convaincante pour chacun des LUS examinés. Les recourants se limitaient à présenter une nouvelle fois les affirmations de leur « pseudo-expert » d'ores et déjà refutées.

c. Le 20 décembre 2023, le département a conclu au rejet du recours.

La suspension de la présente procédure et la mise en œuvre d'une expertise judiciaire n'étaient pas justifiées. L'appréciation anticipée des preuves échappait à la critique dans la mesure où les doutes allégués par les recourants étaient dénués de fondement.

Les recourants ne tiraient aucune conséquence de l'absence du type d'antennes dans le jugement. Cet élément n'avait en toute hypothèse pas d'incidence sur le développement effectué. Le TAPI, après avoir relaté le contenu essentiel de l'expertise privée, avait expliqué pour quels motifs celle-ci n'était pas de nature à remettre en cause l'analyse de l'instance spécialisée. De plus, les LUS pour lesquels les mesures étaient contestées avaient été vérifiés et validés par le SABRA.

L'installation en question concernait des antennes conventionnelles et non adaptives. L'argumentation des recourants quant à la nécessité d'examiner davantage de LUS ne présentait donc pas d'intérêt. S'agissant de l'église, qui n'avait pas été considérée comme un LUS, les recourants n'avaient apporté aucune preuve qu'un poste de travail permanent serait présent à l'intérieur de celle-ci. Selon la législation applicable, les balcons et terrasses n'étaient pas considérés comme des LUS.

Sur la base des explications apportées par le SABRA, le TAPI avait bien examiné le bien-fondé des LUS nos 5, 6 et 11. Les résultats contenus dans la fiche tels que validés par le TAPI n'avaient pas à être remis en question. De plus, selon le Tribunal fédéral, l'autorité pouvait choisir les LUS à mesurer en tenant compte de motifs techniques et de son expérience.

Enfin, même s'il devait être constaté des dépassements lors de la mise en service de l'installation, celle-ci serait modifiée afin de respecter les valeurs de l'ORNI.

d. Le 26 janvier 2024, les recourants ont répliqué, persistant dans leurs conclusions.

Les calculs effectués par Y______ reposaient sur une méthode reconnue dans le milieu scientifique et ni J______ ni le département n'avaient apporté d'éléments concrets permettant de douter de l'exactitude des calculs opérés par l'expert privé.

Aucune documentation n'avait été présentée pour attester de la vérification, par le SABRA, de la véracité des calculs fournis dans la fiche de données. À l'évidence, aucun calcul de vérification n'avait été fait par le SABRA. Ce sujet avait été évoqué dans la cause A/2247/2022 lors de l'audience d'enquêtes du 26 octobre 2023. Une expertise judiciaire était donc nécessaire.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. Les arguments des parties et le contenu des pièces seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA ; art. 149 LCI).

2.             La qualité pour recourir de la commune et des voisins a été examinée en détails par la juridiction inférieure et n'est pas contestée par les intimés.

3.             Les recourants sollicitent la suspension de la présente procédure jusqu'à droit connu dans le cadre de la cause A/2247/2022.

3.1 Selon l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions.

L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b et l'arrêt cité).

3.2 La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1 Cst. d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/812/2021 du 10 août 2021 consid. 2a ; ATA/1493/2019 précité consid. 3b).

3.3 En l'espèce, la chambre de céans a rendu, dans la cause A/2247/2022, son arrêt le 21 mai 2024 rejetant le recours de la commune (ATA/622/2024).

Même si un recours au Tribunal fédéral devait être déposé, force est de constater que l'autorisation de construire contestée concerne une antenne conventionnelle et non une antenne adaptative comme dans le cadre de la cause A/2247/2022. De plus, il apparaît que les griefs soulevés ne sont pas exactement identiques.

Enfin, une suspension serait contraire au principe de célérité et d’économie de procédure.

Il n’y a en conséquence pas lieu de prononcer la suspension de la présente procédure.

4.             Les recourants demandent que J______ démontre que la puissance émettrice de l'installation ne pourrait pas être augmentée à l'avenir et qu'elle respecterait ainsi les exigences en matière de contrôle à long terme du respect des valeurs limites. Ils sollicitent également la mise en œuvre d'un expertise judiciaire et l'audition de Y______ en tant que témoin, aux fins de vérifier l’exactitude des informations disponibles dans la fiche.

4.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n’empêche toutefois pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).

En particulier, écarter de la sorte une requête d'audition de témoin ne viole pas l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/624/2024 du 21 mai 2024 consid. 2.1). En outre, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

4.2 En l'espèce, dans le cadre de la procédure, les recourants ont produit une analyse de la « conformité ORNI/OFEV de la station de base » en question du 21 avril 2022, puis un « Avis d'expert sur les observations du 28 novembre 2022 de J______ » daté du 31 janvier 2023.

Ces deux documents contiennent la prise de position de Y______ sur le dossier.

Ces éléments s'ajoutent aux différents échanges d'écritures des parties devant le TAPI et la chambre administrative accompagné du dossier de l'autorité intimée et des différentes pièces produites, parmi lesquelles figurent des photographies du lieu où sont/seront installées les antennes. En outre, il n’apparaît pas que les pièces dont la production est demandée seraient de nature à influencer l’issue du litige conformément aux considérants qui suivent.

Ces éléments suffisent à la chambre administrative pour se prononcer sur les griefs soulevés et trancher le litige en toute connaissance de cause, sans qu'il soit nécessaire d'entendre Y______, d'ordonner la production de nouvelles pièces ou encore une expertise.

Enfin, sur la problématique de la démonstration par J______ du respect des exigences en matière de contrôle à long terme du respect des valeurs limites, force est de constater que l'objet du litige porte sur le bien-fondé de l’autorisation de construire délivrée par le département. Une telle conclusion étant exorbitante à celui-ci et portant sur des faits futurs, elle n’est pas recevable et devrait en tous les cas être rejetée conformément aux considérants qui suivent.

Il ne sera par conséquent pas donné suite aux demandes d'instruction des recourants.

5.             Les voisins se plaignent d’une violation de leur droit d’être entendus et de la maxime d’office (recte : inquisitoire) au motif que le TAPI n'aurait pas donné suite aux mesures d'instruction sollicitées et que l'expertise privée de Y______ n'aurait fait l'objet d'aucun examen.

5.1 En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l'espèce.

5.2 De jurisprudence constante, la réparation d’une violation du droit d’être entendu en instance de recours est possible lorsque l’autorité saisie dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité précédente. Même si la réparation du droit d’être entendu doit rester l’exception, elle peut se justifier même en présence d’un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l’intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; ATA/541/2021 du 25 mai 2021 consid. 2d et les références citées).

5.3 En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (art. 19 et 20 LPA), l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2 ; 2C_84/2012 du 15 décembre 2012 consid. 3.1) ; il leur incombe d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître, respectivement qui relèvent de leur sphère d’influence ; la jurisprudence considère à cet égard que le devoir de collaboration des parties à l’établissement des faits est spécialement élevé s’agissant de faits que celles-ci connaissent mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées). En l’absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d’éléments probants au dossier, l’autorité qui met fin à l’instruction du dossier en considérant qu’un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l’arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3c).

5.4 La constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 2b et les références citées). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3d et les références citées).

5.5 En l'espèce, comme examiné supra, le droit d'être entendu n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion. Or, c'est exactement ce qu'a retenu le TAPI dans son jugement pour écarter les demandes d'instruction sollicitées par les recourants. En outre, il ressort du considérant en question (consid. 20) que la juridiction inférieure a pris en considération l'expertise privée – laquelle ne constitue qu'un simple allégué d'une partie (ATF 141 IV 369 consid. 6.2 = JdT 2016 IV 160 et les références citées ; ATA/731/2022 du 12 juillet 2022 consid. 5) – dans le cadre de l'examen de la problématique, puisque le TAPI précise que « l'instance spécialisée a également répondu aux points soulevés par Y______ dans son analyse du 21 avril 2022 concernant les LUS nos 5,6 et 11 ».

Par ailleurs et comme analysé ci-dessus, les mesures d'instruction requises n'apparaissent pas nécessaires compte tenu de l'ensemble des documents figurant au dossier.

En toute hypothèse, pour les raisons développées ci-après et compte tenu du fait que le TAPI et la chambre administrative disposent du même pouvoir d’examen portant sur les faits et le droit, à l’exclusion de l’opportunité (art. 61 al. 1 et 2 LPA), une éventuelle violation peut être réparée par la chambre de céans.

Le grief est mal fondé.

6.             Les recourants font grief au TAPI d’avoir constaté les faits de façon inexacte, et commis un déni de justice. Le TAPI n’aurait pas précisé que l'installation litigieuse concerne des antennes conventionnelles et non adaptatives. Il était également faux de retenir que le SABRA serait « parvenu aux mêmes résultats que l'Opérateur, avec les mêmes paramètres » au vu des conclusions auxquelles l'expert privé était parvenu.

6.1 Une autorité se rend coupable d’un déni de justice formel prohibé par l’art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références citées).

6.2 En l'occurrence, il est exact que le jugement attaqué ne mentionne pas que l'installation litigieuse concerne des antennes conventionnelles, ce qui ressort effectivement du préavis du SABRA établi le 2 février 2022. Toutefois, les recourants ne tirent aucune conséquence de l'absence de cette mention dans le jugement attaqué, se limitant à alléguer qu'une nouvelle autorisation de construire devrait être sollicitée si l'opérateur souhaite exploiter cette antenne en mode adaptatif.

De plus, le TAPI a indiqué sur quels faits il avait fondé sa décision. Ne pas retenir les allégations de l’expert privé comme des faits établis ne relève pas d’un mauvais établissement des faits mais de l’appréciation des moyens de preuve offerts par les parties, qui sera examinée dans les considérants qui suivent.

Mal fondé, le grief sera écarté.

7.             Les recourants soutiennent que le TAPI ne pouvait pas retenir que l'Église évangélique A______ ne constituait pas un LUS sans aucun acte d'instruction. De plus, la fiche de données spécifique au site ne mentionnerait aucun balcon ou terrasse privative alors que la VLInst y serait sans doute dépassée sur plusieurs d'entre elles, notamment les LUS nos 4, 5, 9, 10 et 11.

7.1 Par LUS, on entend les locaux situés à l’intérieur d’un bâtiment dans lesquels des personnes séjournent régulièrement durant une période prolongée (let. a), les places de jeux publiques ou privées, définies dans un plan d’aménagement (let. b), les parties de terrains non bâtis sur lesquelles des activités au sens des let. a et b sont permises (let. c ; art. 3 al. 3 ORNI). Parmi les exemples de LUS, on peut mentionner les habitations, y compris les cuisines et les salles de bains (ATF 128 II 340) et les couloirs à l'intérieur de l'habitation, les postes de travail permanents, les écoles et les jardins d'enfants, les places de jeux définies dans un plan d'aménagement, les cours d'école et de jardin d'enfants pour autant qu'elles soient utilisées comme des places de jeux, les chambres de patients dans les hôpitaux, les homes pour personnes âgées et les homes médicalisés, les chambres d'hôtel et l'espace destiné à la construction des terrains à bâtir (arrêt du Tribunal fédéral du 1C_693/2021 du 3 mai 2023 consid. 7.2 ; OFEV, LUS, dernière modification le 26 juin 2024, https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/ electrosmog/info-specialistes/mesures-contre-l-electrosmog/lieux-a-utilisation-sensible--lus-html, consulté le 2 juillet 2023).

Les églises, sous réserve qu'il ne s'agisse pas de poste de travail permanent à l'intérieur de bâtiments, les cages d'escaliers, les cabinets de débarras, caves, combles et autres pièces de service qui ne sont pas qualifiées pour un séjour à long terme de personne, les terrasses panoramiques, les balcons et les terrasses en attique ne sont pas considérés comme des LUS (ATF 128 II 378 ; OFEV, LUS, dernière modification le 26 juin 2024, https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/ electrosmog/info-specialistes/mesures-contre-l-electrosmog/lieux-a-utilisation-sensible-lus--html, consulté le 2 juillet 2023).

7.2 En l'espèce, la question de savoir si l'Église évangélique A______ constitue bien un LUS au sens de l'art. 3 al. 3 ORNI peut souffrir de rester indécise dans la mesure où celui-ci a été évalué selon la fiche de données spécifique au site. En effet, il s'agit du LUS n° 11 dont il apparaît que la VLInst serait respectée (4.99 V/m alors que la limite légale est de 5.0 V/m selon l'art. 64 let. c annexe I ORNI). Ce point sera discuté ci-dessous.

Le fait que l'ancien art. 3 aRPRNI – dont les recourants se prévalent – prévoyait expressément que les balcons et terrasses privatives constituaient des LUS ne leur est d'aucun secours, la protection contre les immissions des installations de téléphonie mobile étant réglée de manière exhaustive dans l'ORNI, qui définit la notion de LUS et en exclut les balcons et terrasses.

Les griefs sont infondés.

8.             Les recourants se plaignent que la VLInst des LUS nos 5, 6 et 11 violerait les art. 3 al. 3 let. a et 11 al. 2 let. c ch. 2 ORNI, 63 et 64 let. c annexe I ORNI et 14 LCI.

8.1 La LPE a pour but de protéger les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes, et de conserver durablement les ressources naturelles, en particulier la diversité biologique et la fertilité du sol (art. 1 al. 1 LPE). Les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes seront réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2 LPE). La notion d’atteintes est définie à l’art. 7 al. 1 LPE ; il s’agit entre autre des pollutions atmosphériques, bruit, vibrations ou rayons. Les atteintes sont dénommées « émissions » au sortir des installations et « immissions » au lieu de leur effet (art. 7 al. 2 LPE).

La limitation des nuisances en matière de rayons est régie par les art. 11 ss LPE s’agissant des émissions et par les art. 13 ss LPE s’agissant des immissions. La limitation des émissions se traduit par des mesures de limitation prises à la source (art. 11 al. 1 LPE). Indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (art. 11 al. 2 LPE). Les émissions seront limitées plus sévèrement s’il appert ou s’il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l’environnement, seront nuisibles ou incommodantes (art. 11 al. 3 LPE). Les émissions sont limitées par l’application, notamment, des valeurs limites d’émissions (ci-après : VLE ; art. 12 al. 1 let. a LPE). Les limitations figurent dans des ordonnances ou, pour les cas que celles-ci n’ont pas visés, dans des décisions fondées directement sur la loi (art. 12 al. 2 LPE).

Le Conseil fédéral édicte par voie d’ordonnance des valeurs limites d’immissions applicables à l’évaluation des atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 13 al. 1 LPE). Ce faisant, il tient compte également de l’effet des immissions sur des catégories de personnes particulièrement sensibles, telles que les enfants, les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes (art. 13 al. 2 LPE). En matière de rayonnement non ionisant, le Tribunal fédéral applique par analogie l’art. 14 let. a LPE selon lequel les VLI des pollutions atmosphériques sont fixées de manière que, selon l’état de la science et l’expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne menacent pas les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes (ATF 146 II 17 consid. 6.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_693/2021 du 3 mai 2023 consid. 3.1).

8.2 L’ORNI a pour but de protéger l’homme contre le rayonnement non ionisant nuisible ou incommodant (art. 1 ORNI). En application du principe de prévention posé à l'art. 11 al. 2 LPE et repris à l'art. 4 al. 1 ORNI, les installations concernées ne doivent pas dépasser les valeurs limites d'émission prescrites par l'annexe 1 de l'ordonnance dans les LUS (ch. 15 annexe 1 ORNI).

8.3 La notion de LUS a déjà été définie plus haut. Dans les LUS, les installations de radiocommunication mobile doivent toujours respecter la VLInst d'une installation donnée (ATF 128 II 378 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1).

La distance n’est pas le seul facteur pour déterminer un LUS. L’émission peut-être plus élevée à un endroit pourtant plus éloigné (ATA/622/2024 précité consid. 7.7.1)

8.4 L'ORNI régit, conformément à son art. 2 al. 1, la limitation des émissions des champs électriques et magnétiques générées par des installations stationnaires dans une gamme de fréquence allant de 0 Hz à 300 GHz (rayonnement ; let. a) et la détermination et l’évaluation des immissions de rayonnement (let. b). Elle reprend, en matière de limitation de nuisances, la distinction entre les émissions (art. 4 ss ORNI et annexe 1 ORNI) et les immissions (art. 13 ss ORNI et annexe 2 ORNI).

En outre, afin de concrétiser le principe de précaution selon les art. 1 al. 2 et 11 al. 2 LPE, le Conseil fédéral a fixé des VLInst qui sont inférieures aux VLI (art. 3 al. 6, art. 4 al. 1 et annexe 1 ch. 64 ORNI). Les valeurs limites d'installation ne sont pas directement liées à des dangers avérés pour la santé, mais ont été fixées en fonction de la faisabilité technique et opérationnelle, ainsi que de la viabilité économique afin de minimiser le risque d'effets nocifs, dont certains ne sont que soupçonnés et pas encore prévisibles (ATF 126 II 399 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1). En fixant les VLInst, le Conseil fédéral a créé une marge de sécurité par rapport aux dangers avérés pour la santé (ATF 128 II 378 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1).

8.5 L’art. 4 ORNI traite, avec l’annexe 1 ORNI, de la limitation préventive des émissions. Les installations doivent être construites et exploitées de telle façon que les limitations préventives des émissions définies à l’annexe 1 ne soient pas dépassées (art. 4 al. 1 ORNI).

L’art. 13 ORNI dispose que les valeurs limites d’immissions au sens de l’annexe 2 doivent être respectées partout où des personnes peuvent séjourner (al. 1). Elles ne sont valables que pour le rayonnement qui agit de manière uniforme sur l’ensemble du corps humain (art. 13 al. 2 ORNI).

Selon l’art. 14 ORNI, l’autorité détermine les immissions lorsqu’il y a des raisons d’admettre qu'elles dépassent des valeurs limites au sens de l’annexe 2 (al. 1). Pour ce faire, elle procède ou fait procéder à des mesures ou à des calculs, ou elle se base sur des données provenant de tiers. L’OFEV recommande des méthodes de mesure et de calcul appropriées (al. 2). Les immissions sont déterminées en tant qu’intensité de champ électrique, intensité de champ magnétique, densité de flux magnétique, courant de fuite ou courant de contact pour le mode d’exploitation de l’installation qui en produit le plus (al. 4).

8.6 En matière d’émissions, la section 4 intitulée « collaboration et contrôle » du chapitre 2 de l’ORNI prévoit diverses obligations à la charge du détenteur de l’installation (art. 10 ss ORNI) et règle le contrôle du respect des limitations des émissions (art. 12 ORNI).

8.7 Avant qu’une installation pour laquelle des limitations d’émissions figurent à l’annexe 1 soit construite, réinstallée sur un autre site, remplacée sur son site ou modifiée au sens de l’annexe 1, le détenteur doit remettre à l’autorité compétente en matière d’autorisations une fiche de données spécifiques au site (art. 11 al. 1 1ère phr. ORNI).

L’art. 11 al. 2 ORNI précise que la fiche de données spécifique au site doit contenir les données actuelles et planifiées relatives à la technique et à l’exploitation de l’installation dans la mesure où elles sont déterminantes pour l’émission de rayonnement (let. a), le mode d’exploitation déterminant au sens de l’annexe 1 (let. b), des informations concernant le rayonnement émis par l’installation sur le lieu accessible où ce rayonnement est le plus fort (let. c ch. 1), sur les trois LUS où ce rayonnement est le plus fort (let. c ch. 2), et sur tous les LUS où la valeur limite de l’installation au sens de l’annexe 1 est dépassée (let. c ch. 3) ainsi qu'un plan présentant les informations de la let. c (let. d).

8.8 Une nouvelle installation de radiocommunications mobiles et son exploitation ne peuvent être approuvées que si, sur la base d'une prévision mathématique, il est assuré que les valeurs limites fixées par l'ORNI peuvent probablement être respectées (art. 4 ss ORNI). La base de ce calcul est la fiche de données spécifique au site que doit remettre le propriétaire de l'installation projetée (art. 11 al. 1 ORNI). Les données correspondantes servent de base pour le permis de construire et sont contraignantes pour l'opérateur (arrêt du Tribunal fédéral 1A.264/2000 du 24 septembre 2002 consid. 8.1 non publié aux ATF 128 II 378).

La prévision calculée qui doit être faite sur la base de ces informations est sujette à certaines incertitudes, car elle prend en compte les principaux facteurs d'influence mais pas toutes les subtilités de la propagation du rayonnement. Cependant, le Tribunal fédéral a précisé que dans ce calcul, l'incertitude de mesure ne doit être ni ajoutée ni déduite. Seules les valeurs mesurées doivent être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 1C_653/2013 du 12 août 2014 consid. 3.4 ; 1C_132/2007 du 30 janvier 2008 consid. 4.4 à 4.6 = RDAF 2009 I 536). En effet, c'est pour prendre en compte cette incertitude que des mesures de réception doivent être effectuées après la mise en service de l'installation si, selon la prévision calculée, 80 % de la valeur limite de l'installation est atteinte à un LUS (complément ch. 2.1.8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.148/2002 du 12 août 2003 consid. 4.3.1 s.). Si, sur la base de ces mesures, il apparaît que la valeur limite de l'installation est dépassée lors du fonctionnement, la puissance d'émission maximale admissible doit être redéfinie et le respect des valeurs prescrites doit être démontré par des mesures supplémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 1C_681/2017 du 1er décembre 2019 consid. 4.5). De surcroît, le risque d'un pronostic erroné est supporté par le maître d'ouvrage dans la mesure où il peut encore être amené à prendre des mesures pour assurer le respect des valeurs limites ultérieurement, c'est-à-dire après la mise en service de l'installation (ATF 130 II 32 consid. 2.4).

8.9 L’autorité veille au respect des limitations des émissions (art. 12 al. 1 ORNI).

Pour vérifier si la VLInst, au sens de l’annexe 1, n’est pas dépassée, elle procède ou fait procéder à des mesures ou à des calculs, ou elle se base sur des données provenant de tiers. L’OFEV recommande des méthodes de mesure et de calcul appropriées (art. 12 al. 2 ORNI). La VLInst est une limitation des émissions concernant le rayonnement émis par une installation donnée (art. 3 al. 6 ORNI).

8.10 La Confédération surveille l’application de la LPE (art. 38 al. 1 LPE). Elle coordonne les mesures d’exécution des cantons ainsi que celles de ses propres établissements et exploitations (art. 38 al. 2 LPE). Conformément aux art. 38 al. 3 LPE et 12 al. 2 2e phr. ORNI, l’application uniforme, au niveau suisse, de la réglementation technique et spécifique en matière de rayonnement non ionisant implique l’élaboration de directives par l’autorité fédérale spécialisée en la matière, à savoir l’OFEV (art. 42 al. 2 LPE). À Genève, il revient au département et à son service spécialisé, le SABRA, de la mettre en œuvre (art. 42 al. 1 LPE).

À cet effet, plusieurs recommandations d’exécution de l’ORNI, élaborées par l’OFEV, sont disponibles sur son site internet à l’adresse suivante : https://www. bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/electrosmog/info-specialistes/mesures-contre-l-electrosmog/telephonie-mobile--aides-a-lexecution-de-l-orni.html. Y figurent des modèles actualisés de la fiche de données spécifique au site à notifier conformément à l’art. 11 ORNI, mentionnant les données techniques utiles au calcul du respect des valeurs limites déterminantes, ainsi que la Recommandation d’exécution de l’ORNI relative aux stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) de l’office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) publié en 2002 (ci-après : Recommandation OFEFP 2002).

8.11 Le contrôle de la charge de rayonnement non ionisant produit par une installation s’effectue en trois étapes : 1) le calcul d’une prévision, 2) la mesure de réception après sa mise en service et 3) la vérification en cours d’exploitation à travers le système d’assurance de la qualité. L’introduction des antennes adaptatives n’a pas changé cette démarche réglant le contrôle de limitation préventive des émissions au sens des art. 4 et 12 ORNI et 11 al. 2 LPE (Explications OFEV 2021, p. 3).

Cette approche générale résulte déjà de la Recommandation OFEFP 2002. Celle-ci précise qu’avant la mise en service de l’installation, le rayonnement peut seulement être calculé, et non pas mesuré. La charge de rayonnement non ionisant est calculée lors de la procédure d’autorisation. L’installation n’est autorisée que si la valeur limite calculée de l’installation n’est pas dépassée. Les données techniques nécessaires et le résultat du calcul sont communiqués à l’autorité par la fiche de données spécifique au site. Comme le calcul de la prévision ne prend pas en compte tous les détails de la propagation du rayonnement, on procède en général à une mesure de réception de rayonnement non ionisant après la mise en service de l’installation si, selon le calcul de la prévision, le rayonnement subi en un LUS donné atteint 80% de la VLInst (Recommandation OFEFP 2002, p. 20).

8.12 Le calcul d’une prévision est un pur calcul du rayonnement sans informations tirées de mesures. Il est détaillé au chapitre 2.3.1 de la Recommandation OFEFP 2002. Le rayonnement est calculé pour chacune des antennes de l’installation, puis les contributions individuelles sont additionnées. Cette méthode est employée lorsqu’une nouvelle installation doit être construite ou lorsque les directions d’émission, la disposition des antennes ou les diagrammes d’antennes d’une installation existante sont modifiés (Recommandation OFEFP 2002, p. 24 ss).

Le calcul est effectué à partir de la puissance émettrice requise, des caractéristiques émettrices de l’antenne (diagramme d’antenne), de la direction d’émission, de la distance à l’antenne et de la position par rapport à l’antenne (angle par rapport à la direction principale de propagation). Est ajouté aussi l’amortissement du rayonnement dû à l’enveloppe des bâtiments, qui dépend de la nature du matériau de l’enveloppe et qui est exprimé à l’aide des valeurs indiquées dans la recommandation en fonction du matériau (ibid., p. 24s).

Différentes notions techniques sont définies dans cette directive fédérale. Il en va ainsi par exemple du mode d’exploitation déterminant ou de la direction (horizontale et verticale) d’émission des antennes pouvant impliquer l’autorisation d’un domaine angulaire pour chacune des deux directions (ibid., p. 18). Les caractéristiques émettrices des antennes sont décrites par le diagramme d’antenne qui fournit des renseignements quantitatifs sur l’effet directionnel d’une antenne (intensité du rayonnement en fonction de l’angle par rapport à la direction principale de propagation), étant précisé qu’il existe généralement un diagramme pour le plan horizontal et un autre pour le plan vertical (ibid., p. 24). La direction principale de propagation (azimut) se définit par rapport au nord et représente un angle croissant dans le sens des aiguilles d’une montre : 0° pour le N, 90° pour E, 180° pour S et 270° pour O ; on indique un angle clairement défini (en °) ou un domaine angulaire (de …° à …° ; ibid., p. 34).

L’intensité de champ électrique (en V/m) dû à l’antenne n, (En), au lieu de séjour considéré, est calculée suivant une formule précisée dans la recommandation (ibid., p. 25 et 40). Cette formule intègre les paramètres suivants : la distance directe entre le lieu considéré et l’antenne n (en m), la puissance émettrice requise pour l’antenne n (ERPn, en W), l’atténuation directionnelle (coefficient d’atténuation) et l’amortissement par les bâtiments (coefficient d’amortissement). Ensuite, on calcule l’intensité de champ électrique due à l’installation en un lieu donné (Einstallation), en additionnant les contributions individuelles selon une autre formule indiquée dans la recommandation (ibid., p. 25 ss et p. 40).

8.13 Cette procédure de contrôle, en particulier au stade du calcul de la prévision, repose sur un élément clé, à savoir la fiche de données spécifique au site. Il s’agit, conformément à l’art. 11 ORNI, du moyen par lequel l’entreprise responsable de l’installation projetée communique à l’autorité compétente les données techniques de celle-ci et la quantité de rayonnement attendue dans son environnement. C’est sur la base des données de cette fiche et de sa connaissance des spécificités locales que l’autorité compétente (cantonale ou communale) pour l’octroi des autorisations concernant les installations émettrices peut estimer si la VLInst de l’ORNI est respectée dans les LUS ; si la VLI de l’ORNI est respectée dans le lieu de séjour momentané le plus chargé, étant sur ce point précisé qu’elle a besoin de connaître et de prendre en compte la puissance requise pour l’installation et la charge de fond due à d’autres antennes ; et s’il est nécessaire de mettre en place des clôtures et des mises en garde (ibid, p. 9). La Recommandation OFEFP 2002 contient les instructions sur la manière de remplir la fiche de données spécifique au site.

8.14 L’annexe 1 de l’ORNI traite de la limitation préventive des émissions au sens de l’art. 4 ORNI et plus particulièrement de la VLInst mentionnée à l’art. 12 al. 2 ORNI. Les stations émettrices pour téléphonie mobile et raccordements téléphoniques sans fil sont visées par le ch. 6 de cette annexe.

Les installations (nouvelles ou anciennes) ne doivent pas dépasser la VLInst dans les LUS dans le mode d’exploitation déterminant (ch. 65 annexe 1 ORNI). Cela suppose d’identifier trois éléments : la VLInst, les LUS définis plus haut et le mode d’exploitation déterminant.

8.15 Selon le ch. 64 annexe 1 ORNI, la valeur limite de l’installation pour la valeur efficace de l’intensité de champ électrique est de 4 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 900 MHz ou dans des gammes de fréquence plus basses (let. a), 6 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 1800 MHz ou dans des gammes de fréquence plus élevées (let. b) et 5 V/m pour toutes les autres installations (let. c).

Les valeurs limites d'immission et d'installation de l'ORNI sont principalement adaptées à la protection de l'homme (arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.4 ; 1C_254/2017 du 5 janvier 2018 consid. 9.2). La doctrine a au surplus relevé que les valeurs limites prévues dans l'ORNI étaient dix fois plus strictes que celles recommandées par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ATA/434/2024 du 26 mars 2024 consid. 5.2 ; Joel DRITTENBASS, Risk-Based Approach als Konkretisierungsvariante des umweltschutzrechtlichen Vorsorgeprinzips : Angewendet am neuen5G-Mobilfunkstandard, DEP 2021-2 p. 138).

L'étendue de la limitation préventive des émissions selon l'art. 4 al. 1 ORNI est déterminée de manière exhaustive avec la fixation des valeurs limites d'installation, raison pour laquelle les autorités appliquant la loi ne peuvent pas exiger une limitation supplémentaire dans des cas individuels sur la base de l'art. 12 al. 2 LPE (ATF 133 II 64 consid. 5.2 ; 126 II 399 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A_251/2002 du 24 octobre 2003 consid. 4).

8.16 Par mode d’exploitation déterminant, on entend le mode d’exploitation dans lequel un maximum de conversations et de données est transféré, l’émetteur étant au maximum de sa puissance (ch. 63 al. 1 annexe 1 ORNI).

8.17 Selon l'art. 14 al. 1 LCI, le département peut refuser les autorisations prévues à l’art. 1 LCI lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b) ou ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c). L'art. 14 LCI appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d'une zone déterminée. Elle n'a toutefois pas pour but d'empêcher toute construction dans une zone à bâtir qui aurait des effets sur la situation ou le bien‑être des voisins. La construction d'un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d'inconvénients graves, notamment s'il n'y a pas d'abus de la part du constructeur. La notion d'inconvénients graves est une notion juridique indéterminée qui laisse à l'autorité une liberté d'appréciation et n'est limitée que par l'excès ou l'abus de pouvoir (ATA/1060/2023 du 26 septembre 2023 consid. 5.2. et l'arrêt cité).

8.18 Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités et n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/1346/2023 du 12 décembre 2023 consid. 4.2 et les références citées).

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/70/2024 du 23 janvier 2024 consid. 4.2 et l'arrêt cité).

8.19 Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les expertises privées n’ont pas la même valeur qu’une expertise demandée par un tribunal. Les résultats d’une expertise privée réalisée sur mandat d’une partie sont soumis au principe de la libre appréciation des preuves, sont considérés comme de simples allégués des parties et n’ont pas la qualité de preuve. Étant donné qu’en règle générale, des expertises privées ne sont présentées que si elles sont favorables à leur mandant, il convient de les interpréter avec prudence. L’expert privé n’est pas objectif et indépendant comme l’est l’expert officiel. Il existe un rapport de mandat entre l’expert privé et la partie privée qui l’a chargé d’établir l’expertise et l’intéressé donne son avis sans en avoir été chargé par les organes judiciaires. Il faut donc supposer une certaine partialité chez l’expert privé qui a été choisi par la partie selon ses propres critères, qui est lié à cette dernière par un contrat de mandat et qui est payé par celle‑ci (ATF 141 IV 369 consid. 6.2 = JdT 2016 IV 160 et les références citées ; ATA/731/2022 du 12 juillet 2022 consid. 5).

8.20 En l'espèce, le projet de construction porte sur l'installation d'un groupe de six antennes fixées sur un mât sur la superstructure du bâtiment sis à N______, ______, rue M______. Il s’agit d’un groupe d’antennes (ch. 62 al. 1 annexe 1 ORNI) conventionnelles qui doit être qualifié d’installation nouvelle au sens de l’art. 3 al. 2 let. c ORNI.

Il n'est pas contesté que le groupe d'antennes est soumis à une émission maximale de 5 V/m (art. 64 let. c annexe I ORNI), comme le prévoit du reste la fiche de données spécifique au site fournie dans le cadre de l'autorisation querellée.

Il ressort de cette fiche que l'intensité de champ électrique dans le LUS n° 5, se trouvant dans la mansarde au ______, rue S______, est de 4.47 V/m. Il s'agit de l'emplacement le plus exposé toujours selon ladite fiche.

Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette valeur, le SABRA, dont le préavis est important, puisqu'il est le service spécialisé en matière de protection contre les rayonnements non ionisants (art. 4 al. 1 du règlement sur la protection contre le bruit et les vibrations du 12 février 2003 - RPBV - K 1 70.10), ayant délivré un préavis favorable (sous conditions) après examen de ladite fiche et surtout après avoir vérifié les calculs effectués par l'opérateur. Ces derniers ne sont d'ailleurs pas contestés par les recourants, en tant qu'ils sont basés sur les coordonnées géographiques du LUS n° 5 telles qu'elles ressortent de la fiche de données spécifiques au site. Les intéressés, dans leurs écritures, se limitent en effet à soutenir que l'intensité de champ électrique du LUS n° 5 serait de 5.29 V/m sans plus de précisions hormis le fait que la VLInst y serait « sans doute dépassée (…) dans la mesure où ces lieux comportent effectivement des balcons/terrasses privatives ». Outre le fait que comme retenu ci-dessus les balcons et terrasses privatives ne constituent pas des LUS au sens de l'ORNI, l'expert privé se limite, quant à lui, à soutenir aboutir à une prévision de 5.29 V/m au lieu de 4.77 V/m à cause « d'une atténuation trop élevée » selon son point de vue. Or, rien dans le dossier ne vient appuyer son analyse. Il n'a d'ailleurs pas détaillé son calcul ni expliqué en quoi l'atténuation directionnelle horizontale (dB) – pour autant que ce soit à cela qu'il ait fait référence – serait trop élevée. Le calcul prévisionnel de l'intensité du champ électrique pour le LUS n° 5 a donc été établi de manière conforme au droit.

Pour le LUS n° 6, les recourants arrivent à un calcul prévisionnel de l'intensité du champ électrique de 5.28 V/m voire 5.49 V/m au lieu de 4.98 V/m. L'expert privé considère que le point de mesure utilisé par l'opérateur n'est pas le lieu où le rayonnement est le plus fort. Selon ladite fiche, le LUS n° 6 est la mansarde au ______, rue S______. Il est exact que, selon le plan fourni, le repère du LUS n° 6 se trouve dans le coin de la maison opposé du site de l'antenne. Toutefois, la fiche en question indique bien qu'il s'agit de l'emplacement le plus exposé. Le département a également expliqué, dans ses écritures du 30 septembre 2022, que le repère utilisé par l'expert privé était dénué de fenêtre, ce qui ressort effectivement de la figure 7A reproduite dans son analyse. Or, selon la Recommandation OFEFP 2002, lorsque le lieu de séjour concerné se situe à l’intérieur d’un bâtiment et les antennes à l’extérieur, le rayonnement est plus ou moins amorti selon la nature du matériau qui constitue l’enveloppe du bâtiment (ibid, p. 25). Il n'apparaît donc pas que l'expert privé ait pris en considération cet amortissement, qui peut aller jusqu'à 15 (dB) suivant le matériau utilisé pour le bâtiment dans ses calculs, qu'il ne détaille d'ailleurs pas.

Dans ces circonstances et compte tenu de ces éléments, le LUS n° 6 respecte la VLInst de l’art. 64 let. c annexe 1 ORNI.

Enfin, s'agissant du LUS n° 11, les recourants soutiennent que le calcul prévisionnel de l'intensité du champ électrique serait de 5.33 V/m, voire 5.55 V/m, au lieu de 4.99 V/m. Dans son analyse, l'expert privé a repris les données figurant dans la fiche, à savoir une distance horizontale de 44.4 m et un azimut du LUS de 357o par rapport à l'antenne. Il ressort toutefois des écritures du département du 30 septembre 2022 que le SABRA a vérifié les calculs de l'opérateur pour ce LUS, obtenant avec les mêmes paramètres, les mêmes résultats que ceux figurant dans la fiche de données spécifique au site. Compte tenu de ce contrôle, effectué par le SABRA, autorité spécialisée en la matière réputée capable d'émettre un avis dépourvu de subjectivité et de considérations étrangères aux buts de protection de la loi ainsi que de la certaine retenue que la chambre de céans s’impose lorsque, comme en l’espèce, les normes juridiques font appel appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de protection de l'environnement, le calcul effectué par l'opérateur – validé par l'instance spécialisée – doit être confirmé.

Dans ce contexte et au vu de ces éléments, les conclusions du préavis du SABRA quant au respect des VLI et de la VLInst ne sont pas critiquables et permettent de procéder au calcul de la prévision conformément aux directives précitées de l’OFEV. Elles doivent ainsi être confirmées. En particulier, c’est à raison que le SABRA a estimé que la VLInst était respectée, tout en soulignant que les valeurs calculées pour les LUS nos 4, 5, 6, 8, 9, 10 et 11 dépassaient le 80% de la VLInst qui est in casu de 5 V/m, c’est-à‑dire qu’elles étaient supérieures à 4 V/m (80% de 5 V/m). C’est donc à bon droit que, suivant la Recommandation OFEFP 2002, le SABRA a enjoint à l’opérateur d’effectuer, lors de la réception, des mesurages à ses frais, condition reprise dans la décision litigieuse. Celle-ci intègre, à raison, également la condition posée par le SABRA, selon laquelle les parties de la superstructure accessible pour l’entretien où la VLI est épuisée, doivent être dûment protégées.

Au surplus, la jurisprudence récente a encore relevé que des incertitudes et imprécisions sont inhérentes aux calculs des valeurs prévisionnelles de rayonnement. Cela ne signifie pas qu'il sera toléré que le rayonnement effectif, une fois les antennes en fonction, dépasse les valeurs limites prescrites. Mais en amont de la réalisation de l'installation, les valeurs prévisionnelles calculées conformément à la méthode prescrite dans les directives fédérales, font foi en dépit de l'importante marge d'incertitude qui les accompagne (arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 7.2.2). Par ailleurs, dans son préavis, le SABRA a posé comme autres conditions l’intégration des antennes de cette installation dans le système d’assurance qualité qui permet de surveiller les données d’exploitation. Ce faisant, l’autorité intimée a posé une cautèle permettant d’assurer le respect des valeurs limites.

Dans des arrêts récents, le Tribunal fédéral a rappelé que le contrôle effectué par les systèmes d’assurance qualité peut être faussé en cas d’informations erronées fournies par les opérateurs de téléphonie mobile. Comme il existe un besoin de clarification à cet égard, l’OFEV a été invité en 2019 par le Tribunal fédéral à faire effectuer ou à coordonner à nouveau un contrôle du bon fonctionnement des systèmes d’assurance qualité dans toute la Suisse (arrêt 1C_97/2018 du 3 septembre 2019 consid. 8.3). L’OFEV est actuellement en train de procéder à cette vérification et a informé le public de son état intermédiaire le 14 octobre 2022 (OFEV, Systèmes d’assurance qualité pour les installations de téléphonie mobile : état intermédiaire de la vérification et des contrôles sur place, <https://www.bafu.admin.ch> [visité le 18 juin 2024]). Dans l’arrêt 1C_527/2021 du 13 juillet 2023, l’OFEV a de nouveau été rendu attentif au fait que le contrôle des systèmes d’assurance qualité à l’échelle nationale, déjà exigé en 2019, devait maintenant être effectué rapidement (arrêt 1C_527/2021 du 13 juillet 2023 consid. 7.9 avec renvois). Il convient d’attendre les résultats définitifs de cet examen. Pour l’heure, selon le Tribunal fédéral, il n’y a aucune raison de nier le fonctionnement des systèmes d’assurance qualité (arrêts 1C_45/2023 du 16 janvier 2024 consid. 6.3 ; 1C_481/2022 du 13 novembre 2023 consid. 4.6 avec renvois).

Par conséquent, en confirmant l’autorisation querellée sur la base du préavis du SABRA faute d’éléments contraires, le TAPI n’a pas violé l’ORNI. Les griefs tirés de la violation des 1 LPE, art. 3 al. 3 let. a et 11 al. 2 let. c ch. 2 ORNI, 63 et 64 let. c annexe I ORNI et 14 LCI doivent donc être écartés.

Entièrement mal fondé, le recours doit ainsi être rejeté.

9.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à J______, à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 2 LPA), étant précisé que K______ SÀRL ne s'est pas déterminée dans la procédure par-devant la chambre de céans.

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 novembre 2023 par la commune A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______ et I______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de la commune A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______ et I______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à J______ SA à la charge solidaire de la commune A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______ et I______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à la commune A______, à B______, à C______, à D______, à E______, à F______, à G______, à H______ et à I______, à Me Stephan KRONBICHLER, avocat de J______ SA, à la RÉGIE DU RHÔNE SA, mandataire de K______ SÀRL, au département du territoire - OAC, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'office fédéral de l'environnement (OFEV).

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :