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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1853/2024

ATA/721/2024 du 18.06.2024 ( FORMA ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1853/2024-FORMA ATA/721/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 18 juin 2024

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Andreas FABJAN, avocat

contre

SERVICE ÉCOLES ET SPORT, ART, CITOYENNE intimé

_________



Attendu, en fait, que :

1. A______, né le ______ 2007, a été admis dans le dispositif sport‑art‑études (ci-après : SAE) pour l’année scolaire 2021-2022, alors qu’il suivait sa 1ère année au collège B______. Il pratique la natation depuis l'âge de 8 ans au sein du club C______, dont il a intégré en 2023 le groupe « Élite ».

2. Il a pu poursuivre sa scolarité au sein de ce dispositif pendant les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024.

Du 15 avril au 30 juin 2023, il a effectué un échange extra-muros à D______ (Royaume-Uni), où il s'est entraîné au sein du club E______.

3. Le 21 février 2024, il a rempli une demande de maintien dans le dispositif SAE pour l’année 2024-2025 auprès du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département ou le DIP) pour la 15ème année de scolarité au collège.

4. Le 9 avril 2024, le service écoles et sport, art, citoyenneté du DIP
(ci-après : SESAC) a informé A______, par l’intermédiaire de ses parents, que les conditions requises pour le maintenir dans le dispositif SAE n’étaient pas atteintes et lui a accordé un délai de dix jours pour lui faire part de ses observations.

Il ressort d'un rapport d'évaluation sportif non daté que l'élève, né en 2007, devait avoir atteint, entre le 25 février 2023 et le 23 février 2024, 11 « points Rudolph » au bassin de 50 mètres. Or, A______ disposait d'une carte Swiss Olympic Talent Card locale (et non régionale ou nationale) et n'avait, dans la période considérée, obtenu que 10.2 « points Rudolph ».

5. Le 15 avril 2024, le père de A______ s'est déterminé en faveur d'un maintien de son fils dans le dispositif SAE. Son fils n'avait malheureusement pas atteint l'objectif de 11 points Rudolph dans une discipline. Malgré l'importance du respect des critères établis, il convenait de prendre en compte certains aspects importants, notamment le plein investissement de A______ dans son sport, ses récents résultats aux championnats suisses de natation, son excellente moyenne générale au collège de 5,2/6 au premier semestre, et son séjour extra-muros à D______ l'année précédente.

6. Par décision du 30 avril 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, le service a refusé la demande de maintien dans le dispositif SAE au motif que les conditions n’étaient plus réunies, le niveau sportif requis n'étant pas atteint.

7. Par lettres du 5 mai 2024, plusieurs camarades de A______ se sont adressés au doyen du collège B______ en lui demandant d'intervenir en faveur du maintien du précité au sein du dispositif SAE.

8. Le 22 mai 2024, A______ a déposé auprès du SESAC une demande de reconsidération de la décision de refus de maintien au sein du dispositif SAE.

9. Par acte déposé le 31 mai 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 30 avril 2024, concluant préalablement à l'octroi de mesures superprovisionnelles et provisionnelles et, principalement, à l’annulation de la décision attaquée et au maintien dans le dispositif SAE pour l’année scolaire 2024‑2025.

S’agissant de la demande de mesures provisionnelles, elles consistaient à le maintenir dans le programme SAE en 2024-2025 jusqu'à droit jugé sur le recours. Au vu de la durée moyenne d'une procédure de recours, soit 6 à 9 mois, il subirait un dommage irréparable s'il ne pouvait poursuivre son entraînement hebdomadaire au sein du dispositif SAE, sans parler de probables effets psychologiques négatifs. Il serait aussi séparé de ses camarades et amis avec qui il avait tissé des liens étroits.

L'octroi des mesures provisionnelles sollicitées – il ne demandait pas la restitution de l'effet suspensif car la décision attaquée était négative – permettrait de sauvegarder l'intérêt public à la promotion des talents sportifs prometteurs, et aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'opposait à leur octroi.

10. Le département a conclu au rejet de la demande de mesures provisionnelles.

La législation applicable ne conférait pas un droit à l’élève de demeurer dans le dispositif SAE pour la prochaine année scolaire. Le recourant n’avait pas obtenu les résultats sportifs lui permettant d’être maintenu dans le dispositif.

Si l’intéressé avait bien un intérêt à éviter, en cas d’admission de son recours, l’interruption de son maintien dans le dispositif SAE, son intérêt privé devait céder le pas à l’intérêt public légitime du DIP à ce que ne soient maintenus dans ledit dispositif que les élèves en remplissant les conditions.

11. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1. Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par le président ou la vice‑présidente de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2. La recevabilité du recours sera examinée dans l'arrêt final de la chambre de céans.

3. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

4. L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles, en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

5. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
253-420, 265).

6. L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

7. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

8. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

9. L'effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation. La fonction de l'effet suspensif est en effet de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Dès lors, si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d'être mis au bénéfice d'un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; ATA/1205/2018 du 12 novembre 2018 consid. 7a ; ATA/354/2014 du 14 mai 2014 consid. 4).

Lorsqu'une décision à contenu négatif est portée devant la chambre administrative et que le destinataire de la décision sollicite la restitution de l'effet suspensif, il y a lieu de distinguer entre la situation de celui qui, lorsque la décision intervient, disposait d'un statut légal qui lui était retiré de celui qui ne disposait d'aucun droit ; que, dans le premier cas, la chambre administrative pourra entrer en matière sur une requête en restitution de l'effet suspensif, aux conditions de l'art. 66 al. 3 LPA, l'acceptation de celle-ci induisant, jusqu'à droit jugé, le maintien des conditions antérieures. Elle ne peut en faire de même dans le deuxième cas, vu le caractère à contenu négatif de la décision administrative contestée, si bien que, dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l'art. 21 LPA, est envisageable (ATA/375/2023 du 14 avril 2023).

10. Selon le RDSAE, l’accès au dispositif est réservé aux élèves pratiquant de manière intensive une discipline artistique qui fait l'objet d'une formation professionnelle certifiante en haute école (art. 3 al. 2 RDSAE).

Le service détermine les critères sportifs et artistiques d'admission dans le dispositif en collaboration avec les organismes visés à l'al. 1 (art. 5 al. 4 RDSAE). Il évalue le dossier de l'élève au regard des critères sportifs ou artistiques d'admission ou de maintien et notifie aux parents ou à l’élève majeur une décision de constatation que ces critères sont remplis ou non (art. 5 al. 5 RDSAE).

Le dispositif est ouvert aux élèves pratiquant un sport individuel, la musique ou la danse dès la 5e année primaire, à la condition qu'ils remplissent les critères sportifs ou artistiques d'admission dans le dispositif (art. 6 al. 1 RDSAE).

Selon l’art. 7 al. 1 RDSAE, la décision d'admission dans le dispositif est valable pour une année scolaire. La demande de maintien dans le dispositif doit être renouvelée pour chaque année scolaire.

Les demandes d'admission ou de maintien doivent parvenir au département au plus tard à la date limite de dépôt des inscriptions (art. 8 al. 2 RDSAE). L'élève n'ayant pas rempli les critères nécessaires à son maintien à la date limite de dépôt des inscriptions en raison d'une blessure affectant ses capacités sportives ou artistiques peut, sur demande motivée accompagnée d'un certificat médical, demeurer à titre provisoire dans le dispositif. Ce maintien est conditionné à la remise, au 15 août précédant la rentrée scolaire, d'attestations du médecin et de l'entraîneur ou du professeur certifiant que l'élève a pleinement repris son activité sportive ou artistique. Un avis du service de santé de l’enfance et de la jeunesse peut être requis (art. 8 al. 5 RDSAE).

Les modalités d'admission et de maintien des élèves dans le dispositif, ainsi que les délais de dépôt des inscriptions, sont publiés chaque année sur le site Internet du département (art. 8 al. 1 RDSAE).

À teneur de la brochure explicative SAE portant sur la liste des critères sportifs et artistiques requis et modalités de sélection pour l’année scolaire 2024-2025, pour les sports individuels, l'élève peut être admis ou maintenu s'il possède une Swiss Olympic Talent Card régionale ou nationale valide ou s'il est membre d'un cadre national. Si ces conditions ne sont pas remplies, l'élève né en 2007 peut, pour la natation, être maintenu dans le dispositif s'il obtient 11 points Rudolph en bassin de 50 mètres entre le 25 février 2023 et le 23 février 2024.

11. En l'espèce, la décision querellée porte sur le refus de maintenir le recourant dans le dispositif SAE pour l’année scolaire 2024-2025. Dans la mesure où le recourant est intégré au dispositif SAE depuis 2021, il pouvait, quand bien même la décision de refus de maintien est négative, demander la restitution de l'effet suspensif au recours. Ce qui précède ne change toutefois rien à l'issue de l'examen global en matière de mesures provisionnelles, dont fait partie la restitution de l'effet suspensif.

Outre que l’arrêt de la chambre administrative pourra vraisemblablement être rendu dans un délai raisonnable, et donc qu'il n'y a pas d'urgence à accorder la mesure sollicitée, l’intérêt privé du recourant à éviter, en cas d'admission du recours, l’éventuelle interruption de son maintien dans le dispositif SAE pendant la durée de la procédure doit, en tous les cas, céder le pas à l'intérêt public – légitime – de l'intimé à ce que ne soient admis dans le dispositif que les élèves en remplissant les conditions (ATA/292/2021 précité ; ATA/952/2020 du 24 septembre 2020). Cet intérêt public est également important au regard du principe de l'égalité de traitement entre étudiants.

Enfin, les chances de succès du recours ne paraissent, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, pas à tel point évidentes qu'il conviendrait d’octroyer la mesure sollicitée. La requête de mesures provisionnelles sera, partant, rejetée, le présent prononcé rendant sans objet la demande de mesures superprovisionnelles.

12. Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de
l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Andreas FABJAN, avocat du recourant ainsi qu'au service écoles et sport, art, citoyenneté.

 

 

Le président :

 

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :