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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3557/2020

ATA/589/2024 du 14.05.2024 sur JTAPI/801/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3557/2020-PE ATA/589/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mai 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et pour
leurs enfants C______ et D______ recourants

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 juillet 2023 (JTAPI/801/2023)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le requérant), ressortissant de Tunisie né le ______ 1974, est arrivé en Suisse le 1er septembre 2002.

b. Son épouse B______, ressortissante tunisienne née le ______ 1983, et leurs enfants C______, né le ______ 2015, et D______, né le ______ 2019, sont arrivés à Genève le 6 décembre 2019.

c. Selon une attestation de l’administration fiscale cantonale du 15 mai 2017, le requérant bénéficiait d’un arrangement de paiement depuis juin 2010 pour l’amortissement de douze actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 28'772.05. Au 26 novembre 2020, l’intéressé avait remboursé CHF 6'450.-.

d. L’intéressé a formé des demandes de visa de retour les 14 juin 2010, 3 août 2010, 8 novembre 2010, 4 janvier 2011, 1er juillet 2011, 28 octobre 2011, 29 mars 2012, 31 juillet 2014, 27 octobre 2014, 3 août 2015, 2 décembre 2015, 5 septembre 2016, 5 décembre 2016, 31 mars 2017, 16 juin 2017, 23 août 2017, 5 décembre 2017, 14 mai 2018, 17 août 2018, 5 mars 2019, 27 mars 2019, le 11 novembre 2019, le 30 mai 2023, le 28 juin 2023et le 6 juillet 2023.

e. A______ et B______ bénéficient de l'aide de l'Hospice général depuis le 1er décembre 2020.

B. a. À son arrivée à Genève en septembre 2002, le requérant a été mis au bénéfice d'un visa délivré par l'Ambassade de Suisse à Paris. Il a obtenu une autorisation de séjour temporaire pour études entre 2002 et 2005 sur le canton de Genève.

b. Par décision du 17 juin 2005, l’office cantonal de la population, devenu le 11 décembre 2013, l’office cantonal de la population et des migrations
(ci-après : OCPM) a refusé le renouvellement de son autorisation et lui a imparti un délai au 16 septembre 2005 pour quitter le territoire suisse.

Le recours interjeté par l’intéressé contre cette décision a été rejeté par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), par jugement du 17 mars 2006.

c. Par la suite, le requérant a déposé à diverses reprises des demandes d'autorisation de séjour auprès de l'OCPM, lesquelles ont toujours été refusées, refus confirmés par les juridictions genevoises.

C. a. Le 5 avril 2018, le requérant a déposé auprès de l'OCPM une nouvelle demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur sous l'angle de l’« Opération Papyrus ».

b. Le 16 septembre 2019, l’OCPM a informé le requérant qu'il ne remplissait pas les critères de l’« Opération Papyrus », notamment au vu de ses dettes, et que sa demande serait examinée sous l'angle d'un cas de rigueur classique. L’intéressé était invité à transmettre des pièces et informations complémentaires, notamment relatives à sa situation financière, ce qu’il a fait dans le délai imparti.

c. Par courrier du 8 juillet 2020, l'OCPM a informé le requérant de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour, et, par conséquent, de refuser de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) tout en lui impartissant un délai de 30 jours pour faire valoir par écrit son droit d'être entendu.

Il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité. Il n'était pas dans une situation financière satisfaisante ; il était redevable d'actes de défaut de biens pour un montant supérieur à CHF 20'000.-, et ce malgré les remboursements effectués de manière régulière au cours des dernières années. Par ailleurs, il était sans emploi, et par conséquent son indépendance financière ne pouvait pas être garantie de manière durable.

La durée de son séjour en Suisse, bien que longue, devait être relativisée dans la mesure où elle reposait presque exclusivement sur des procédures visant à pérenniser sa présence sur le territoire suisse sans toutefois que ces procédures n'eussent abouti favorablement. De plus, les diverses sommations de quitter le territoire n'avaient jamais été respectées.

Pour le surplus, il n'avait pas démontré une situation familiale justifiant une exemption des mesures de limitation. Au contraire, il avait gardé un lien étroit avec sa mère restée en Tunisie, qu'il était allé voir à douze reprises entre 2015 et 2019.

Il n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

d. Dans ses observations du 7 août 2020, le requérant a fait valoir divers arguments, notamment relatifs à sa situation financière et familiale. Il était en Suisse depuis 2002 et cela sans interruption. Il avait de nouveau repris son activité de coiffeur et était autonome financièrement. Ses visites en Tunisie étaient pour voir sa mère, âgée de 75 ans. Il confirmait ne plus avoir de lien avec son pays d'origine étant donné qu'il l'avait quitté en 1994. Il n'avait jamais eu aucun problème avec personne, ni avec les autorités ni avec son entourage. Il avait toujours respecté les règles de la Suisse et avait tout fait pour son intégration. Sa famille, sa femme et ses enfants, qui étaient scolarisés sur la ville de Genève, son frère, ses amis ainsi que ses clients étaient à Genève. Aucune pièce n'était jointe à son courrier.

e. Par décision du 6 octobre 2020, l'OCPM, reprenant en substance les arguments développés dans son courrier d'intention du 8 juillet 2020, a refusé au requérant l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité et a prononcé son renvoi de Suisse, tout en lui impartissant un délai au 6 décembre 2020 pour quitter le territoire helvétique et l'ensemble des territoires des États membres de l'union européenne ainsi que des États associés à Schengen.

Dans son courrier du 7 août 2020, le requérant avait informé l'OCPM avoir repris son activité d'indépendant alors même que celle-ci lui avait été refusée par l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) en 2017, par décision confirmée par le TAPI, puis par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Son indépendance financière ne pouvait donc pas être considérée comme acquise et durable. Il n'avait pas non plus démontré une intégration socioculturelle particulière, au vu de ses dettes et de son non-respect d'une décision de refus d'activité indépendante. Pour le surplus, il n'avait pas démontré une situation familiale justifiant une exemption des mesures de limitation. La femme et les enfants mentionnés dans ses observations du 13 août 2020 n'avaient jamais été évoqués précédemment et aucun acte d'état-civil ne lui avait été présenté.

D. a. Par acte du 5 novembre 2020, le requérant a recouru contre la décision précitée auprès du TAPI.

Cela faisait plus de 18 ans qu'il vivait de manière continue à Genève et s'était parfaitement intégré à son environnement. Après avoir fait des études de français durant trois ans, il avait voulu suivre une formation auprès de l'Académie de coiffure mais sa demande avait été refusée. Ne sachant que faire, il était resté clandestinement à Genève et avait travaillé dans l'économie domestique et la coiffure durant toutes ces années. Il avait l'ensemble de ses amis et connaissances à Genève ainsi que son frère E______, né le _____ 1986, qui, lui, était au bénéfice d'une autorisation d'établissement. Renseignements pris auprès de professionnels, il semblait que son dossier remplissait vraisemblablement les critères de régularisation de l’« Opération Papyrus » mais ses dettes étant trop élevées, et ce malgré le fait qu'il les avait progressivement remboursées depuis 2016, son dossier avait finalement été traité comme un cas de rigueur classique. Il n'avait jamais fait l'objet de condamnations pénales et son comportement n'avait jamais donné lieu à la moindre plainte. Il n'avait jamais été au bénéfice de l'aide de l'Hospice général. Sa femme et ses deux enfants étaient venus le rejoindre depuis le 4 décembre 2019. Son fils aîné, C______, était scolarisé et ses deux enfants rencontraient des problèmes de santé pour lesquels ils étaient médicalement suivis en Suisse. En ce qui concernait un éventuel retour en Tunisie, il avait quitté le pays en 1994 et n'y avait plus de repères. En cas de renvoi dans son pays d'origine, il serait déraciné et aurait beaucoup de difficultés à trouver des moyens pour subvenir à l'entretien de sa famille.

b. Il a produit une attestation de scolarité de l'enfant C______, des certificats médicaux des deux enfants attestant du fait qu'ils rencontraient des problèmes de santé, pour lesquels ils étaient médicalement suivis.

Ce recours a été enregistré sous le présent numéro de procédure.

c. Dans ses observations du 18 décembre 2020, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

S'agissant de la présence de l'épouse et des deux enfants en Suisse, à Genève, depuis le 4 décembre 2019, qui n'était pas connue par l'autorité, il avait invité le requérant, par courrier du 17 décembre 2020, à déposer auprès de ses services une demande de regroupement familial, voire de cas de rigueur en leur faveur.

d. Dans sa réplique du 29 janvier 2021, le requérant a relevé que quand bien même il avait déposé une demande de regroupement familial, sur invitation de l'OCPM, il n'était pas question d'un regroupement familial dès lors que personne de la famille nucléaire n'était titulaire d'une autorisation de séjour en l'état.

Il demandait au TAPI d'enjoindre à l'OCPM de retirer la décision litigieuse et de transmettre le dossier de la famille au SEM avec un préavis favorable en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur à l'ensemble de la famille.

e. Par décisions des 2 mars 2021, 17 mars 2022 et 9 mai 2023, le TAPI a prononcé la suspension de l'instruction du recours.

E. a. Parallèlement, par courrier du 8 janvier 2021, le requérant a sollicité l'octroi d'un permis humanitaire pour lui, ainsi pour son épouse et ses deux enfants dans le cadre du regroupement familial.

Depuis la naissance de son fils aîné, son épouse était restée mère au foyer à Tunis et vivait seule avec le peu d'argent qu'il arrivait à lui envoyer depuis Genève. Elle avait pu lui rendre visite à plusieurs reprises au bénéfice d'un visa et elle était toujours rentrée dans le délai légal en Tunisie. Elle avait dû accoucher seule de leur deuxième enfant car elle était retournée à Tunis alors qu'elle était enceinte de sept mois, voulant se conformer au terme du visa. Le père de son épouse était décédé, il y a plus de dix ans, et sa mère, âgée de 76 ans, souffrait de nombreux problèmes de santé. Son épouse avait deux sœurs dont l'une s'occupait de leur mère, vivant à 200 km de Tunis, et l'autre était mariée et vivait à Tunis. L'absence de vie commune leur avait beaucoup pesé et son fils aîné le réclamait tout le temps de sorte qu'après la naissance de leur deuxième fils, ils avaient décidé de se réunir à Genève.

À l'appui de sa demande, il avait joint trois formulaires M dûment remplis et signés, la copie de leurs passeports et un certificat médical concernant l'enfant D______ relatif à une hyperactivité bronchique.

b. Par courrier du 25 février 2021, l'OCPM a fait part à B______ de son intention de refuser leur demande d'autorisation de séjour, et par conséquent, de refuser de soumettre leur dossier avec un préavis positif au SEM tout en lui impartissant un délai de 30 jours pour faire valoir par écrit son droit d'être entendue.

Elle résidait en Suisse depuis le 6 décembre 2019 et force était donc de constater que la durée de son séjour sur le territoire helvétique était de très courte durée et ne pouvait constituer un élément déterminant susceptible de justifier une suite favorable à sa requête. Elle ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité. Elle n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse, ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Elle était âgée de 36 ans à son arrivée en Suisse et avait donc vécu toute sa jeunesse et son adolescence en Tunisie, années qui apparaissaient comme essentielles pour la formation de la personnalité et, partant, pour l'intégration sociale et culturelle. Elle n'avait pas non plus démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable dans la mesure où elle, ainsi que sa famille, dépendaient de l'aide sociale. Par ailleurs, elle n'avait pas démontré une situation familiale justifiant une exemption des mesures de limitation. Son époux faisait l'objet d'une décision de refus d'octroi d'autorisation de séjour et de renvoi de suisse prononcée le 6 octobre 2020, actuellement non exécutoire en raison d'un recours devant le TAPI. Son époux était démuni d'autorisation de séjour en suisse, elle ne pouvait ainsi pas se prévaloir d'un droit au regroupement familial.

Ses enfants étaient arrivés en Suisse le 6 décembre 2019 alors qu'ils n'étaient pas encore scolarisés et pas encore adolescents, de sorte que leur intégration en Suisse n'était pas encore déterminante. Par ailleurs, il n'était pas démontré que la maladie dont souffrait D______ ne pourrait pas être soignée dans leur pays d'origine.

c. Par courrier du 21 juin 2021, B______ a fait valoir son droit d'être entendue.

C______ était suivi par l’office médico-pédagogique (ci-après : OMP) car il souffrait d'un trouble du fonctionnement psychologique, de difficultés à s'exprimer et était victime de crises d'angoisse. Il bénéficiait dans ce cadre d'un suivi en psychologie et en logopédie. Quant à D______, il présentait une symptomatologie de bronchites obstructives à répétition. Par ailleurs, une évaluation psychologique était en cours en raison de son comportement agressif et ses difficultés à s'exprimer.
Elle-même bénéficiait également d'un suivi psychiatrique depuis avril 2020 pour lutter contre une dépression.

Diverses attestations médicales étaient jointes à l'appui de ses observations.

d. Le 19 juillet 2021, l'OCPM a demandé à B______ de faire remplir un certificat médical du SEM pour chacun des enfants. Ces certificats ont été fournis le 13 septembre 2021.

e. Sur la base des certificats précités et ceux déjà versés au dossier, l'OCPM a fait une demande de « Consulting médical » auprès du SEM portant sur les problématiques de suivi des troubles du développement, logopédie, bronchiolites récidivantes et psychothérapie pour enfant en Tunisie.

f. Le 17 août 2022, le SEM a établi son « Consulting médical » relatif à la demande de l'OCPM.

En Tunisie, des consultations psychiatriques pédiatriques étaient disponibles dans de nombreuses structures médicales, dont des hôpitaux publics. Des services de pneumologie pédiatrique et de suivi des maladies gastro-intestinales étaient également disponibles, ainsi que de nombreux médicaments liés à cette problématique. Il existait par ailleurs des organisations non gouvernementales
(ci-après : ONG) qui soutenaient les parents d'un enfant ayant des problèmes de santé mentale. Un système de prise en charge des frais médicaux pour les personnes salariées était en place en Tunisie, mais également les personnes sans emploi ou dans le besoin pouvaient solliciter une aide de l'État par l'intermédiaire de l'Aide Médicale Gratuite (AGM) et bénéficier de soins médicaux gratuits.

g. Le 29 novembre 2022, l'OCPM a adressé à B______ et ses enfants une nouvelle lettre d'intention de refus, incluant des compléments d'information.

h. Le 23 décembre 2022, B______ a exercé son droit d'être entendue.

Les constatations émises par le SEM dans son « Consulting médical » du 17 août 2022 n'étaient, selon son expérience, pas réelles puisqu'elle s'était trouvée très démunie pour la prise en charge de ses enfants avant de rejoindre son époux en Suisse.

Elle a joint une attestation médicale des Hôpitaux universitaires de Genève
(ci-après : HUG) du 21 décembre 2022, concernant l’état de santé de D______ ; une attestation d’F______, service éducatif itinérant, du 19 décembre 2022, concernant D______ ; une attestation du cabinet de psychomotricité et de logopédie G______ du 19 décembre 2022, concernant D______ ; une attestation de H______, logopédiste, du 22 décembre 2022, concernant D______, une attestation du Secteur I______ du 21 décembre 2022 concernant D______ ; une attestation de psychologues de la consultation du secteur J______ du 21 décembre 2022 concernant C______, des attestations de l’enseignement public genevois, un certificat de bénévolat la concernant et des promesses d'embauche pour elle ainsi que pour son époux.

i. Par décision du 31 janvier 2023, l'OCPM, reprenant l’argumentation développée dans sa lettre d'intention du 25 février 2021, a refusé de délivrer une autorisation de séjour à B______ ainsi qu'à ses deux enfants, et par conséquent, de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM, et a prononcé leur renvoi de Suisse, tout en leur impartissant un délai au 31 mars 2023 pour quitter le territoire helvétique et l'ensemble des territoires des États membres de l'union européenne ainsi que des États associés à Schengen.

Les soins que nécessitaient les deux enfants étaient disponibles dans leur pays d'origine. En outre, il existait des structures de soutien aux parents d'enfants souffrant de troubles de santé mentale et également des possibilités d'obtention d'aide de l’État pour bénéficier de la gratuité des soins. L'argument selon lequel elle s'était retrouvée démunie avant son départ pour la Suisse n'était pas de nature à modifier la position de l'OCPM, et les informations compilées dans le « Consulting médical » relatif à sa situation, pourraient de fait, l'aider à contacter les bonnes structures lors de son retour. Le retour dans son pays d'origine n'apparaissait pas inexigible.

F. a. Par acte du 2 mars 2023, agissant en son nom et en celui de ses enfants mineurs C______ et D______, B______ a recouru devant le TAPI contre cette décision.

Les problèmes de santé des deux enfants nécessitaient des soins et un suivi continu qui n'étaient pas disponibles dans leur pays d'origine. Les rapports médicaux annexés au recours étaient explicites quant à la gravité des problèmes de santé rencontrés par C______ et l'impossibilité de traitement dans son pays d'origine. Elle ne savait pas où se rendre ni comment subvenir à son entretien ainsi qu'à celui de ses enfants en cas de renvoi de Tunisie.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/786/2023.

b. Dans ses observations du 5 mai 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours et a produit son dossier.

B______ et ses enfants ne satisfaisaient pas aux strictes conditions nécessaires à l'octroi d'un permis humanitaire. La courte durée de leur séjour et leur intégration en Suisse depuis novembre 2019 ne revêtaient pas une importance suffisante à cette fin, étant pour le surplus rappelé que la famille émargeait entièrement au budget de l'aide sociale depuis le 1er décembre 2020. À teneur du « Consulting médical » effectué par le SEM à la demande de l'OCPM, force était de constater que les soins dont avait besoin l'enfant C______ étaient disponibles en Tunisie. Le contenu de ce document ne pouvait être remis en cause. Dès lors que la Tunisie disposait des infrastructures et des traitements nécessaires aux soins de l'enfant prénommé, ses problèmes médicaux ne permettaient pas de justifier l'octroi d'un permis humanitaire ou retenir que le renvoi de la famille ne serait pas raisonnablement exigible.

c. Dans sa réplique du 26 mai 2023, B______ a persisté dans ses conclusions.

Elle a transmis deux pièces complémentaires à savoir un certificat d'F______ du 22 mai 2023 concernant D______ et une attestation de son propre psychiatre concernant son état psychique dégradé.

d. Dans sa duplique du 19 juin 2023, l'OCPM a indiqué qu'il n'avait pas d'observations complémentaires.

e. Par décision du 27 juin 2023, le TAPI a joint les procédures A/3557/2020 et A/786/2023 sous le numéro de cause A/3557/2020 dès lors que la seconde cause était en état d'être jugée.

f. Par jugement du 19 juillet 2023, le TAPI a rejeté les recours.

S'agissant du requérant, il n’était pas contesté que la durée de son séjour d'un peu plus de 20 ans pouvait être qualifiée de longue. Toutefois, hormis la période allant de 2002 à 2005 durant laquelle il avait bénéficié d’une autorisation de séjour temporaire pour études, le reste de son séjour avait été effectué sous couvert d’une simple tolérance en raison des recours et procédures initiés par ses soins à l’encontre des différentes décisions de refus de l'OCPM. Or, il ne pouvait déduire des droits résultant d'un état de fait créé en violation de la loi. Il ne pouvait en tout cas pas tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui devait être fortement relativisée, pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d'admission. La durée de son séjour n’était ainsi en soi pas déterminante. Son intégration socio-culturelle professionnelle en Suisse ne pouvait être qualifiée de remarquable ou d'exceptionnelle, et ce quand bien même il avait produit diverses lettres de soutien. En effet, il faisait l'objet de nombreux actes de défaut de biens et de dettes et dépendait entièrement de l'aide de l'Hospice général.

Il n’apparaissait en outre pas qu’il s’était investi d'une quelconque manière dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour. De plus, actif dans le domaine de la coiffure, il ne pouvait se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu'il ne pouvait les utiliser dans son pays. Il n’avait pas non plus fait preuve d'une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse. Par ailleurs, il avait passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine et en maîtrisait manifestement la langue ainsi que les us et coutumes.

S'agissant de son épouse, elle avait déclaré être arrivée en Suisse le 6 décembre 2019. Au moment du dépôt de sa demande le 8 janvier 2021, elle ne pouvait se prévaloir que d'une durée de séjour de moins de deux ans, ce qui pouvait être qualifié de séjour de courte durée au sens de la jurisprudence précitée. Depuis le dépôt de sa demande d'autorisation, son séjour se poursuivait au bénéfice d'une simple tolérance. Or, comme pour son époux, elle ne pouvait déduire des droits résultant d'un état de fait créé en violation de la loi. Son intégration socio‑professionnelle en Suisse ne pouvait également être qualifiée de remarquable ou d’exceptionnelle. Elle n'exerçait aucune activité lucrative si ce n'était une activité de bénévolat. Elle n'avait pas non plus établi avoir noué avec la Suisse des liens si profonds que l'on ne pouvait raisonnablement exiger d'elle qu'elle mette un terme à son séjour sur le sol helvétique. Une intégration socioculturelle particulièrement remarquable ne pouvait pas être retenue, dans la mesure où elle, ainsi que sa famille, dépendaient de l'aide sociale. Il n’apparaissait en outre pas qu’elle se soit investie d'une quelconque manière dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour. Arrivée en Suisse à l'âge de 36 ans, elle avait passé toute son enfance, son adolescence, soit les années décisives pour l'intégration socioculturelle, ainsi que toute sa jeunesse en Tunisie où, de toute évidence, elle avait dû conserver de fortes attaches socio-culturelles et familiales. D'ailleurs, ses deux sœurs ainsi que sa mère vivaient en Tunisie. Elle n'avait enfin pas démontré avoir de graves problèmes de santé nécessitant, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales d'urgence indisponibles dans son pays d'origine. Les structures de suivi psychologique étaient largement disponibles en Tunisie, de sorte qu'elle pouvait y poursuivre son suivi psychiatrique.

Sous l'angle de l'intérêt supérieur des enfants, C______ et D______, âgés respectivement de 7 ans et 4 ans, restaient encore attachés dans une large mesure à leur pays d'origine, par le biais de leurs parents. En outre, arrivé en Suisse le 6 décembre 2019, alors âgé de 4 ans, C______ avait débuté sa scolarisation à Genève en 2020, de sorte que son intégration scolaire n’était pas aussi avancée qu'elle constituerait un déracinement pour lui. A fortiori, il en allait de même pour D______ étant donné qu'il n’était même pas encore scolarisé. Aucun élément au dossier ne permettait en tout cas de considérer que leur intégration dans le pays de leurs parents serait gravement compromise.

En ce qui concernait les soins que nécessitaient les enfants, selon le « Consulting médical » du SEM, ils étaient tous disponibles en Tunisie. Par ailleurs, il existait des structures de soutien aux parents d'enfants souffrant de troubles de santé mentale et également des possibilités d'obtention d'aide de l’État pour bénéficier de la gratuité des soins. Ils pourraient prendre connaissance du « Consulting médical » afin de savoir quelles structures contacter pour leur venir en aide lors de leur retour en Tunisie.

G. a. Par acte du 14 septembre 2023, A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et pour leurs enfants C______ et D______, ont recouru par-devant la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation et au renvoi du dossier au SEM en vue de la délivrance des autorisations de séjour. Subsidiairement, ils ont requis leur admission provisoire. Préalablement, ils ont sollicité leur audition.

Cela faisait plus de 21 ans que le recourant vivait de manière continue à Genève. Après toutes ces années, il s’était bien intégré de sorte qu’il ne pouvait pas imaginer retourner vivre dans son pays d’origine. Quant à la recourante et leurs enfants, cela faisait presque quatre ans qu’ils vivaient à Genève et les enfants souffraient de problèmes de santé importants. Un retour en Tunisie ne leur permettrait pas une prise en charge adéquate et devait être considéré comme inexigible.

b. Le 12 octobre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique du 1er novembre 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. Ils ont ajouté que le recourant avait été maltraité durant sept ans en Arabie saoudite avant de venir en Suisse pour « retrouver sa dignité ». Il n’était retourné en Tunisie que pour rendre visite à sa mère malade, qui était décédée en juillet 2023. Son frère avait acquis la nationalité suisse et résidait à Genève depuis douze ans. Son casier judiciaire était vide. Il n’avait jamais bénéficié de l’aide sociale avant la crise sanitaire. S’agissant de sa dette, il était au bénéfice d’un arrangement accordé par l’administration fiscale cantonale depuis juin 2020 et l’amortissait régulièrement. La recourante était arrivée en Suisse en 2019 avec leurs deux enfants qui souffraient de problèmes psychologiques en raison de l’absence de leur père. Son fils D______ souffrait du syndrome d’Asperger. Il était dans une institution spécialisée. C______ bénéficiait d’une aide en classe depuis 2021 et était suivi par l’OMP depuis 2020 pour des troubles du développement psychologique et difficultés langagières.

Ils ont produit des certificats médicaux des enfants.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les recourants sollicitent leur audition.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

2.2 En l'espèce, les recourants ont pu s’exprimer par écrit devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans et produire toutes pièces utiles. Ils n’exposent pas quelles informations supplémentaires utiles à la solution du litige leur audition pourrait apporter. Ils n’ont par ailleurs pas de droit à être entendus oralement par la chambre de céans. Il ne sera en conséquence pas donné suite à leur requête.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au secrétariat d’État aux migrations
(ci-après : SEM) le dossier des recourants avec un préavis favorable, et prononçant leur renvoi de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEtr, devenue la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

3.2 En l’occurrence la demande du recourant a été déposée le 5 avril 2018, de sorte que c’est l’ancien droit qui s’applique à sa situation. En revanche, la demande d’autorisation de séjour en faveur de son épouse et de leurs enfants a été formée le 8 janvier 2021, de sorte qu’elle est régie par le nouveau droit. Il convient donc de traiter ces situations séparément, étant toutefois précisé que la plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques.

4.             Il y a lieu d’examiner en premier lieu la situation du recourant.

La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l'OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

4.1 Selon l’ancien art. 30 al. 1 let. b LEI (dont la teneur correspond à celle de l’actuel art. 30 al. 1 let. b LEI), il est possible de déroger aux conditions d’admission (art. 18 à 29) dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

Conformément à l’art. 31 al. 1 OASA (dans sa teneur en vigueur jusqu’au
31 décembre 2018), pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1087/2022 du 1er novembre 2022 consid. 11a ; ATA/1669/2019 du
12 novembre 2019 consid. 7b).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/189/2022 du 22 février 2022 consid. 3d). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/16/2024 du 9 janvier 2024 consid. 3.2).

4.2 L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid.  3 ; ATA/16/2024 précité consid. 3.3).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises
(ATF 139 II 393 consid. 6 ; 138 II 229 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2022 du 11 juillet 2023 consid. 6.2).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 et les références citées).

La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d’existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d’autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’elle y soit bien intégrée, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 précité consid. 7.2 et 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b), une durée de séjour régulier et légal de dix ans permettant de présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c). Les années passées en Suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance – par exemple en raison de l’effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

L’indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

4.3 L’« Opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » (www.ge.ch/dossier/operation-papyrus/processus-normalisation-statut-sejour/rappel-du-cadre-legal, consulté le 2 février 2024), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L’« Opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

L’« Opération Papyrus » s’est terminée le 31 décembre 2018.

4.4 Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). L’autorité compétente dispose d’un très large pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’examen des conditions de l’art. 31 al. 1 OASA.

4.5 En l'espèce, le recourant ne fait, à juste titre, plus valoir qu’il remplirait les conditions de l’« Opération Papyrus », la condition de ne pas avoir de dettes faisant défaut. Il considère en revanche que sa situation remplit tous les critères d’application des dispositions relatives aux cas d’extrême gravité.

S’agissant d’abord de la durée de son séjour, il n’est pas contesté qu’elle doit être qualifiée de longue. Toutefois, et comme l’a relevé le TAPI, hormis la période allant de 2002 à 2005 durant laquelle il a bénéficié d’une autorisation de séjour temporaire pour études, l’intégralité de son séjour s’est déroulée dans l’illégalité, ou au bénéfice d’une simple tolérance des autorités.

Le recourant a produit plusieurs lettres de soutien démontrant qu’il est apprécié de son entourage. L'intégration ainsi mise en évidence ne revêt toutefois aucun caractère exceptionnel, comparée à celle de la moyenne des étrangers présents en Suisse depuis de nombreuses années, étant rappelé qu'il est normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers s'y soit créé des attaches et se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays. L’intéressé a certes produit une attestation de fréquentation d’une école de football de Genève. Il n’allègue toutefois pas qu’il se serait investi, les 20 dernières années, dans la vie associative ou culturelle à Genève. Il ne se prévaut pas non plus de liens amicaux particulièrement forts qu’il aurait tissés en Suisse, se limitant à faire valoir que son frère vit en Suisse. S’ajoute à cela qu’il fait l’objet d’actes de défaut de biens et bénéficie de l’aide sociale depuis décembre 2020. Son intégration sociale ne peut ainsi être qualifiée de bonne.

Sur le plan professionnel, le recourant a exercé différentes activités dans le domaine de la coiffure. Ses activités dans ce domaine ne sont toutefois pas constitutives d'une ascension professionnelle remarquable et ne l'ont pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. L'activité professionnelle exercée par l'intéressé en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée.

Pour le reste, arrivé en Suisse à l’âge de 28 ans, il a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine. Or, ces années apparaissent comme essentielles, puisque c'est précisément pendant cette période que se forge la personnalité, en fonction notamment de l'environnement culturel. À cet égard, il sied de noter que depuis 2010, il a requis une vingtaine de visas de retour pour se rendre en Tunisie. Certes, la plupart des demandes étaient motivées par le souhait de rendre visite à sa mère, qui était malade. Compte tenu du nombre et de la régularité des séjours en Tunisie, il n'est pas concevable que son pays d'origine lui soit devenu à ce point étranger qu'il ne serait plus en mesure d'y retrouver ses repères. Enfin, le recourant pourra mettre à profit son expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises en Suisse. Certes, après la longue durée d’absence de son pays, le recourant traversera une nécessaire période de réadaptation. Il ne devrait toutefois pas rencontrer de difficultés insurmontables de réintégration.

C’est partant à juste titre que tant l’autorité intimée, qui a correctement appliqué le droit et n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI, ont retenu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur n’étaient pas remplies dans le cas du recourant.

5.             Il convient ensuite d’examiner la situation de l’épouse du recourant et de leurs enfants.

5.1 Comme indiqué supra, leur situation doit être examinée sous l’angle du nouveau droit. La plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques, de sorte qu’il peut y être renvoyé, de même qu’à la jurisprudence y relative.

L’art. 31 al. 1 OASA, dans sa nouvelle teneur, prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

5.2 En l’espèce, la recourante déclare être arrivée en Suisse avec ses enfants en décembre 2019. Le fils aîné est scolarisé depuis septembre 2020, soit depuis moins de quatre ans. Ainsi, la durée de leur séjour – même pour une famille avec enfants scolarisés – ne peut être considérée comme particulièrement longue. Elle doit par ailleurs être relativisée puisque le séjour s’est intégralement déroulé dans l’illégalité, voire au bénéfice d’une simple tolérance.

L’intégration socioprofessionnelle de la recourante ne saurait être qualifiée de bonne. Elle n’a jamais exercé d’activité lucrative en Suisse. Elle exerce certes, depuis janvier 2020, une activité de bénévolat pour la préparation, mise en place et le service de repas les mercredis. Un tel investissement ne dépasse toutefois pas en intensité ce qui peut être raisonnablement attendu de n’importe quelle personne étrangère dans une situation comparable. Comme son époux, elle émarge à l’aide sociale depuis décembre 2020. Enfin, hormis deux lettres de soutien de la part de voisines de son immeuble, elle n’a pas allégué qu’elle se serait créé des attaches en Suisse. Il faut donc considérer que c'est en Tunisie, où vivent ses deux sœurs et sa mère, que l’intéressée a ses principales attaches sociales et culturelles. Quant à son état de santé sur le plan psychique, il ne suffit pas à retenir que sa réintégration serait fortement compromise. Le rapport médical du 15 mai 2023, produit par la recourante devant le TAPI, pose certes le diagnostic de trouble dépressif récurrent et recommande le suivi d’une psychothérapie hebdomadaire à long terme. La recourante n’établit toutefois pas qu’elle ne pourrait continuer de bénéficier de soins, voire de médicaments appropriés, en Tunisie. Le TAPI a d’ailleurs relevé, sans que ce point n’ait été contesté par l’intéressée devant la chambre de céans, que les structures de suivi psychologique étaient largement disponibles en Tunisie. Rien ne semble ainsi s'opposer à la réintégration de l'intéressée en Tunisie, pays où elle a passé son enfance, son adolescence et une bonne partie de sa vie d'adulte.

Reste à examiner la situation des enfants, étant rappelé que, selon la jurisprudence précitée, celle-ci est un aspect, certes important, de l'examen de la situation de la famille, mais ne constitue pas le seul critère.

Arrivé à l’âge de 4 ans, C______ est désormais âgé de 8 ans. Il n’est pas encore entré dans l’adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité. Compte tenu de son âge, il a créé à Genève son cercle d’amis et ses liens sociaux. Il faut, en particulier, tenir compte du fait qu’en cas de retour en Tunisie, C______ sera accompagné de ses parents et de son frère. Sa famille nucléaire sera ainsi à ses côtés, étant relevé qu’au vu de son âge, l’attachement à celle-ci demeure encore important.

Sur le plan de la santé, il présente un trouble du développement psychologique ainsi que des difficultés langagières, prétéritant les apprentissages scolaires. Il bénéficie ainsi d’un soutien pédagogique de l’enseignement spécialisé et effectue un suivi thérapeutique auprès d’une psychologue et d’une logopédiste. Or, comme on le verra plus en détail en lien avec la question de son renvoi, le TAPI a relevé que les soins qu’il nécessitait étaient disponibles en Tunisie. Les recourants ne remettent pas en cause l’existence de telles structures, étant précisé que le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas pour justifier une exception aux mesures de limitation du nombre des étrangers.

Dans ces conditions, sa réintégration n’apparaît pas gravement compromise.

D______, désormais âgé de 4 ans et arrivé à Genève à l’âge de neuf mois, est scolarisé à Genève en école intégrée depuis septembre 2023. Il reste ainsi encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son processus d’intégration au milieu socioculturel en Suisse n’est ainsi pas à ce point profond et irréversible qu'un retour en Tunisie constituerait un déracinement complet. Il pourra compter sur l’aide de ses parents et de son frère pour s’adapter à son nouveau mode de vie, la langue du pays ne devant au surplus pas lui être étrangère.

Sur le plan de la santé, les certificats médicaux produits au dossier font état d’un retard psychomoteur global avec des symptômes faisant penser à des traits autistiques, ainsi qu’une symptomatologie de bronchites obstructives. En lien avec ces difficultés, il a besoin d’une prise en charge précoce multidisciplinaire, intégrant un suivi logopédique, psychomoteur et psychologique. Le TAPI a toutefois relevé que, comme pour la situation de son frère, l’ensemble des soins qui lui étaient prodigués était disponible en Tunisie. Ce point, qui n’est pas spécifiquement contesté par les recourants, sera analysé ci-dessous en lien avec la question du renvoi.

Dans ces circonstances, il n’apparaît pas que les difficultés auxquelles les recourants devront faire face en cas de retour en Tunisie seraient pour eux plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants tunisiens retournant dans leur pays. Les recourants ne présentent donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en leur faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est toutefois pas le cas en l’espèce. 

6.             Reste à examiner la question du renvoi.

6.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64 al. 1 let. d LEI).

6.2 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui‑ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

6.3 L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (arrêt du TAF : 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F‑1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

6.4 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé une autorisation de séjour aux recourants, l'intimé devait prononcer leur renvoi.

Comme exposé ci-avant, la recourante souffre d’un trouble dépressif récurrent et bénéficie de séances hebdomadaires de psychothérapie. Elle ne rend toutefois pas vraisemblable que celles-ci ne seraient pas disponibles en Tunisie et il n’apparaît pas que tel soit le cas. Le renvoi de la recourante apparaît ainsi possible, licite et raisonnablement exigible, de sorte qu’il appartenait à l’OCPM de le prononcer.

Quant aux enfants, leurs problèmes de santé sont attestés par les différents rapports et certificats médicaux produits au dossier.

C______ bénéficie d’un suivi en logopédie et en psychologie en raison de troubles envahissants du développement. Il ressort toutefois du « Consulting médical » du SEM du 17 août 2022 relatif à la situation en Tunisie que des traitements d’orthophonie sont disponibles dans la capitale dans des établissements privés et publics. Des consultations de psychiatrie pédiatrique sont également disponibles dans de nombreuses structures médicales, dont deux hôpitaux publics. Il existe en outre des ONG qui soutiennent les parents qui ont un enfant avec des problèmes de santé mentale. Les recourants ne le contestent pas. Il convient donc de retenir qu’il existe en Tunisie des soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse qui sont adéquats à l’état de santé de l’intéressé.

D______ présente quant à lui un retard global de développement pouvant potentiellement s’inscrire dans un trouble du spectre de l’autisme. Il est suivi par un réseau de professionnels et bénéficie d’un traitement logopédique, psychologique et psychomoteur. Il présente également une symptomatologie de bronchites obstructives. Or, comme indiqué ci-avant s’agissant de la situation de son frère, il ressort du « Consulting médical » précité que les traitements d’orthophonie et de psychiatrie pédiatrique sont disponibles dans de nombreuses structures médicales en Tunisie. Il existe également un service de pneumologie pédiatrique dans les hôpitaux en Tunisie. Les spécialistes ont certes évoqué des craintes quant à l’impact d’un renvoi en Tunisie sur la situation de D______. Ils redoutent une « interruption brutale des suivis mis en place », ainsi qu’une « régression massive » de son état de santé. Or, si les craintes suscitées par le retour en Tunisie sont susceptibles d’exacerber les problèmes psychiques de l’intéressé, ce type de réaction ne constitue pas, de jurisprudence constante, un empêchement ne rendant pas exigible l’exécution du renvoi. Sans minimiser les difficultés d’un renvoi sur le plan de sa santé mentale, on ne peut retenir en l'état que son état de santé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie, comme l'exige la jurisprudence précitée.

Enfin, rien dans la situation du recourant ne laisse penser qu’un renvoi ne serait pas raisonnablement exigible.

Il s’ensuit que l’état de santé des recourants ne constitue pas des causes rendant l’exécution de leur renvoi illicite, impossible ou non-exigible.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

7.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants et aucune indemnité ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2023 par A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et pour leurs enfants C______ et D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.