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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/831/2023

ATA/538/2024 du 30.04.2024 sur JTAPI/642/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 10.06.2024, 2C_301/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/831/2023-PE ATA/538/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 avril 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______, ainsi que leurs enfants
C______
et D______ recourants
représentés par Me Magali BUSER, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 juin 2023 (JTAPI/642/2023)


EN FAIT

A. a. B______, né le ______1988, est ressortissant du Kosovo.

b. Il est père de deux enfants, nés au Kosovo de sa relation avec A______, née le ______1992 : C______, né le ______2012 et D______, née le ______2017, ressortissants kosovars.

c. Le 8 janvier 2019, à E______ (Kosovo), il a contracté mariage avec la mère de ses enfants, A______ devenue A______.

B. a. Selon ses déclarations, B______ est arrivé en Suisse pour la première fois en 2008 en vue de rejoindre ses parents, F______ et G______, titulaires d’une autorisation de séjour à Genève. Jusqu’en mars 2011, il a enchainé des missions temporaires sur plusieurs chantiers, en qualité de plâtrier et peintre en bâtiment. De mars 2011 à janvier 2015, il est retourné vivre au Kosovo.

b. En 2015, il est revenu s’installer à Genève.

c. Le 27 juillet 2019, A______ et ses deux enfants sont venus s’installer avec lui en Suisse.

d. Depuis 2018, B______ a sollicité quatre visas de retour en vue de se rendre au Kosovo (les 30 novembre 2018, 27 février et 3 juillet 2019 et 15 novembre 2021).

C. a. Le 10 octobre 2018, B______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour, en application de l’« Opération Papyrus ». À cette occasion, il a indiqué qu’il résidait et travaillait sur le territoire genevois depuis 2008.

b. Par courrier du 20 août 2019, faisant suite au dépôt de sa demande de régularisation « Opération Papyrus », l’OCPM a demandé à B______ de lui fournir des pièces complémentaires, notamment des justificatifs de séjour pour les années 2009 et 2010.

c. Le 22 octobre 2021, compte tenu de soupçons portant sur l’authenticité de certains documents produits à l’appui de sa demande, en particulier des décomptes de salaire et contrats de travail pour les années 2013 et 2014 établis par la société H______ – qui apparaissaient dans de nombreux dossiers « Opération Papyrus » – l’OCPM a dénoncé B______ au Ministère public (ci-après : MP) du canton de Genève.

d. Entendu par la police judicaire en date du 22 août 2022, B______ a reconnu qu’il était de retour en Suisse depuis janvier 2015 et que son épouse et ses enfants l’avaient rejoint sans autorisation en 2019. Aucune demande de permis de séjour n’avait encore été déposée en leur faveur.

Il avait recouru aux services de I______ pour préparer et déposer sa demande « Papyrus » auprès de l’OCPM et n’avait pas connaissance des documents établis au nom de la société H______ annexés à ladite demande.

e. Par courrier du 3 octobre 2022, l’OCPM a fait part à B______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande de régularisation.

Revenu en Suisse en janvier 2015, après une absence de presque quatre années, il ne comptabilisait que sept années de séjour continu à Genève. Dans ces circonstances, sa situation ne répondait pas aux critères de l’« Opération Papyrus » ni à ceux relatifs à un cas individuel d'extrême gravité. Il n’avait en outre pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable ni qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Un délai lui a été imparti pour faire valoir par écrit son droit d’être entendu.

f. Le 3 janvier 2023, B______ a transmis ses observations à l’OCPM ainsi qu’une demande d’autorisation de séjour pour son épouse et ses enfants, mentionnant que ces derniers étaient arrivés en Suisse en juillet 2019.

Sa présence continue en Suisse, depuis 2015, dépassait la durée de cinq ans requise par l’« Opération Papyrus ». Il était par ailleurs parfaitement intégré en Suisse, parlait le français (niveau A2), était indépendant financièrement, n’avait pas de dettes et son casier judiciaire était vierge. Au niveau professionnel, il avait toujours travaillé et était employé à plein temps depuis 2021 par la société J______ en qualité de plâtrier pour un salaire s’élevant en novembre 2022 à CHF 6'073.68. Il était en outre membre du syndicat K______. Enfin, il s’acquittait également de toutes les primes d’assurance-maladie de la famille.

L’intégration de son épouse était également réussie, dans la mesure où celle-ci avait pris des cours de français et adopté un comportement exemplaire depuis son arrivée. Elle envisageait même de reprendre une activité lucrative dès que sa situation serait régularisée. Quant à leurs enfants, C______ avait immédiatement été scolarisé à la rentrée 2019/2020 et D______ avait débuté sa scolarité à Genève.

Enfin, s’agissant de la procédure pénale ouverte à son encontre suite à la dénonciation de l’OCPM, il avait confirmé à la police lors de son audition qu’il n’était pas à l’origine de la rédaction et de l’envoi des documents à l’authenticité douteuse reçus par l’OCPM. Pour prouver sa bonne foi, il avait déposé plainte pénale contre I______, soupçonné d’avoir commis des faux dans les titres à son nom. Ces faits concernaient une période antérieure à 2015 et n’avaient aucune incidence pour examiner la durée de son séjour, réduite à ce jour à une exigence de cinq ans au regard de la scolarité de ses enfants. Partant, il réalisait également la condition d’absence de condamnation pénale.

À l’appui de ses écritures, il a produit plusieurs pièces, notamment des formulaires M dûment complétés pour les quatre membres de la famille, ainsi qu’une attestation de prise en charge financière (formulaire O) signée par B______ pour son épouse et ses enfants, le procès-verbal de son audition par la police du 24 août 2022 ; le procès-verbal d'audience du MP du 24 août 2022 ; une attestation de connaissances de langue française (niveau A2) ; une attestation d'achat d'abonnements mensuels TPG datée du 11 janvier 2022 ; un certificat d'assurance de la Caisse de prévoyance de la construction du 11 avril 2017 ; un extrait de son compte individuel du 1er novembre 2022 ; un extrait du compte individuel AVS; une lettre de recommandation de L______ (J______) du 31 octobre 2022 ; une attestation de l'Hospice général du 25 octobre 2022 ; des certificats d’assurance 2022 du M______ pour les époux AB______ et des polices d'assurance 2022 auprès de N______ pour C______ et D______ ; un contrat de bail conclu entre le bailleur et B______ et ses parents (trois locataires) portant sur un appartement sis rue O______ 34 à P______ ainsi que des attestations et lettres de soutien d’amis et connaissances à Genève.

g. Par décision du 1er février 2023, l’OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande de régularisation des conditions de séjour d’B______ et de sa famille, et a prononcé leur renvoi de Suisse, avec un délai de départ au 7 avril 2023.

Revenu en Suisse en 2015, B______ ne totalisait pas les dix ans de séjour continu requis par l’« Opération Papyrus » pour une personne seule à Genève, comme c’était le cas lors du dépôt de sa demande en octobre 2018. Ses enfants étaient arrivés en Suisse courant 2019, soit après la clôture de l’« Opération Papyrus » (au 31 décembre 2018). L'un d'eux aurait cependant dû être scolarisé à Genève au moment du dépôt de la demande pour pouvoir lui faire bénéficier du critère de durée de séjour de cinq ans requis par l’« Opération Papyrus » pour une famille avec enfant scolarisé. Or, tel n’était pas le cas.

Il n’avait pas non plus démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Bien qu’il ne fasse pas l'objet de poursuites et n’ait jamais recouru à l'aide sociale, son intégration correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Quant à ses enfants, âgés de 10 ans et 5 ans, ils étaient certes scolarisés à Genève mais n’étaient pas encore adolescents, de sorte que leur intégration en Suisse n'était pas encore déterminante.

Enfin, l’intéressé n’avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Il n'avait pas invoqué ni démontré l’existence d'obstacles au retour dans son pays d'origine. Le dossier ne faisait également pas apparaître que l'exécution de son renvoi ainsi que celui de sa famille, ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

D. a. Par acte du 6 mars 2023, A______ et B______, agissant en leur nom et celui de leurs enfants mineurs, ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Depuis le 1er janvier 2023, B______ travaillait pour la société Q______ en qualité de plâtrier, au bénéfice d’un contrat de durée indéterminée, au tarif horaire brut de CHF 30.-. Son salaire mensuel net, qui lui était versé treize fois par an, s’élevait à CHF 5'163.80. Depuis le 16 décembre 2021, toute la famille, y compris les parents d’B______, vivait dans un appartement de 5,5 pièces à P______.

Leurs deux enfants étaient parfaitement intégrés au système scolaire suisse et parlaient couramment le français. C______ poursuivait sa scolarité obligatoire à l’école R______ et D______ avait débuté le cycle élémentaire à l’école S______.

A______ était mère au foyer, les ressources de la famille étant suffisantes. Elle avait suivi des cours de français à l’Université populaire albanaise à raison d’un jour par semaine pendant un semestre en 2019, puis en 2020. Ces cours avaient ensuite été interrompus à cause de la crise sanitaire. Depuis le 23 janvier 2023, elle avait repris des cours de français auprès de l’Université des cultures de Genève.

En tardant à rendre la décision négative litigeuse, l’OCPM avait implicitement toléré la présence d’B______ en Suisse et créé une attente légitime chez ce dernier. Ainsi, durant cette longue procédure, il avait organisé en toute bonne foi sa vie à Genève, en y faisant notamment venir son épouse et ses enfants. Après quatre ans de procédure, il était contraire à la bonne foi de se voir opposer un refus au motif que son séjour n’aurait pas été de durée suffisante. Il avait alors déposé une nouvelle demande d’autorisation de séjour pour lui-même, son épouse et ses enfants avec ses écritures du 3 janvier 2023, afin que cette demande soit à nouveau évaluée au regard de l’« Opération Papyrus », dont il remplissait les conditions d’application.

La décision contestée violait par ailleurs les conditions de régularisation simplifiée prévues par l’« Opération Papyrus ». B______ exerçait une activité lucrative régulière qui lui permettait de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Ils n’avaient ainsi pas de dettes ni jamais recouru à l’aide sociale et leurs casiers judiciaires étaient vierges. Revenu en Suisse en 2015, il pouvait en outre se prévaloir d’une durée de séjour en Suisse de plus de cinq ans, en l’occurrence de sept ans, et son fils était scolarisé à Genève depuis la rentrée 2019/2020, soit depuis plus de trois ans.

Ils étaient en outre tous parfaitement intégrés à Genève. Enfin, comme ils résidaient avec les parents d’B______, titulaires d’un permis de séjour, les enfants avaient assimilé la Suisse à l’un des pays d’origine de leurs grands-parents, auxquels ils étaient particulièrement attachés. Depuis 2019, ils n’étaient d’ailleurs plus retournés au Kosovo. Par conséquent, en cas de renvoi, la réintégration des enfants dans leur patrie serait gravement compromise.

Ainsi, au vu des liens étroits qui unissaient toute la famille, de l’intégration réussie des grands-parents en Suisse et des efforts consentis par la famille pour adopter un comportement irréprochable, leur intégration socioculturelle devait être considérée comme particulièrement réussie.

Enfin, comme déjà exposé s’agissant de la procédure pénale ouverte à l’encontre d’B______ sur dénonciation de l’OCPM, il n’était pas à l’origine de la rédaction et de l’envoi des documents douteux à l’OCPM. Partant, il remplissait, de même que son épouse, la condition de l’absence de condamnation pénale.

À l’appui de leurs écritures, B______et A______ ont produit un chargé complémentaire de plusieurs pièces, notamment des certificats de salaire d’B______ pour l'année 2022 de la société J______ ; un décompte de salaire de J______ concernant B______ de décembre 2022 ; son contrat de travail avec la société Q______ du 2 mars 2023 ; un formulaire M dûment complété et signé en sa faveur par la société Q______ et un décompte de salaire de Q______ pour le mois de janvier 2023.

b. Par jugement du 12 juin 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Sous l’angle de l’« Opération Papyrus », au moment du dépôt de sa demande, le 10 octobre 2018, B______ se trouvait seul en Suisse et ne totalisait que trois ans de séjour continu à Genève. La condition de dix ans de séjour ininterrompu n’était dès lors pas réalisée. Concernant son épouse et leurs deux enfants, arrivés en Suisse en juillet 2019, la demande de régularisation de leurs conditions de séjour avait été déposée le 3 janvier 2023, alors que l’« Opération Papyrus », qui avait pris fin le 31 décembre 2018, n’était plus en cours. Les intéressés ne pouvaient donc pas se prévaloir de ce programme pour obtenir un titre de séjour.

Sous l’angle du cas de rigueur, il n’était pas contesté que le recourant totalisait un séjour continu en Suisse de huit ans. Le séjour de son épouse et de leurs enfants avait quant à lui duré quatre ans. Par conséquent, leur durée de séjour respective sur le territoire helvétique ne pouvait être qualifiée de particulièrement longue au regard de la jurisprudence pertinente. De surcroît, la durée de leur séjour devait être fortement relativisée.

S’agissant de leur situation économique, B______ avait toujours subvenu à ses besoins et à ceux de sa famille par ses propres moyens et n’avait jamais recouru à l’aide sociale. Il ne faisait par ailleurs l’objet d’aucune poursuite, ni d’aucun acte de défaut de biens. Cela étant, quand bien même il avait exercé diverses activités lucratives durant plusieurs années dans le domaine de la construction, son intégration professionnelle, s’il n’était pas contesté qu’elle était bonne, ne saurait être qualifiée d'exceptionnelle. Quant à la recourante, sans emploi, elle avait certes pris des cours de français mais n’avait pas non plus fait preuve d’une intégration socioprofessionnelle remarquable. Sur le plan social, si l’intégration semblait réussie, notamment à la lecture des lettres de soutien produites à l’appui de leur recours, il ne ressortait pas du dossier qu’ils auraient noué avec la Suisse des liens dépassant en intensité ce qui peut être raisonnablement attendu de tout étranger ayant passé un nombre d'années équivalent dans le pays.

Concernant la situation de C______, arrivé en Suisse pour la première fois en juillet 2019, âgé de 11 ans, il n’avait pas encore commencé la période déterminante de l’adolescence (comprise entre 12 et 16 ans selon la jurisprudence précitée). Après quatre ans de séjour, il s’était certainement créé un nouvel environnement de vie à Genève, mais cela ne permettait toutefois pas encore de tenir pour établi qu’il aurait tissé avec la Suisse des attaches profondes et durables. Il n’en allait pas différemment pour D______, âgée de 5 ans, qui avait commencé sa scolarité à Genève. Compte tenu de son très jeune âge, elle restait encore attachée dans une large mesure, par le biais de ses parents, à son pays d’origine. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’était dès lors pas non plus si profonde qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet.

E. a. Par acte du 14 juillet 2023, A______ et B______, agissant en leur nom et celui de leurs enfants mineurs, ont formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour. Ils ont sollicité à titre préalable, l’audition de F______ et G______.

Ils ont repris en substance la motivation développée devant le TAPI. B______ travaillait toujours pour la société Q______. Son salaire mensuel net, qui lui était versé treize fois par an, s’élevait à CHF 6'298.-. Son épouse poursuivait ses cours de français auprès de l’Université des cultures et avait déjà entamé des démarches en vue de sa réinscription pour la rentrée 2023-2024. Il était prévu que C______ rejoigne la classe de T______ dès le 21 août 2023. D______ poursuivait quant à elle sa scolarité à l’école S______.

Un séjour continu de cinq ans à Genève, cumulé avec une période de scolarisation d’au moins trois ans pour l’un des enfants, était suffisant sous l’angle de la durée du séjour. Ils réunissaient toutes les conditions telles qu’exigées dans le cadre de l’« Opération Papyrus » et le délai de dépôt de leur demande ne devait pas leur porter préjudice.

Sous l’angle du cas de rigueur, la réintégration des enfants dans leur pays d’origine était fortement compromise.

Leur renvoi de Suisse était également contraire à l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) qui protégeait la relation entre les petits-enfants et leurs grands-parents. Or, les parents du recourant, légalement domiciliés en Suisse depuis de nombreuses années, avaient un rôle de « parent de substitution ». Ils s’occupaient de leurs petits-enfants à la sortie de l’école et partageaient avec eux des activités récréatives.

La décision était, enfin, contraire au principe de la bonne foi, puisqu’une période de quatre ans s’était écoulée entre sa demande de régularisation et la réponse de l’autorité. Cette longue période avait créé une attente légitime, ce d’autant plus qu’ils résidaient chez les parents du recourant, lesquels étaient au bénéficie d’autorisations de séjour.

b. Par réponse du 16 août 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Les recourants ont répliqué le 19 septembre 2023.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les recourants sollicitent l’audition de témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

2.2 En l’espèce, les recourants sollicitent l’audition des grands-parents. Ils n’expliquent toutefois pas en quoi leurs déclarations seraient de nature à apporter des éléments utiles à l’issue du litige, étant précisé qu’il n’est pas contesté que les enfants ont développé « des liens d’attachement très profonds » avec leurs
grands-parents. Il ne sera donc pas donné suite à leur demande d’audition.

3.             Invoquant le principe de la bonne foi et de la célérité, les recourants reprochent à l’autorité intimée d’avoir tardé à statuer.

3.1 Selon l’art. 5 al. 3 Cst, les organes de l’État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Selon l’art. 9 Cst., toute personne a le droit d’être traitée par les organes de l’État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. Le principe de la bonne foi comprend notamment l’interdiction des comportements contradictoires (ATF 143 IV 117 consid. 3.2 ; 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_342/2018 du 6 février 2019 consid. 4.1 ; ATA/240/2017 du 28 février 2017 consid. 6b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., Zurich 2018, p. 207, § 580 ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II – Les droits fondamentaux, 4e éd., Berne 2021, p. 644, § 1296). L’interdiction des comportements contradictoires ne concerne que la même autorité, agissant à l’égard des mêmes justiciables, dans la même affaire ou à l’occasion d’affaires identiques (ATF 111 V 81 consid. 6 ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, op. cit., p. 644, § 1296).

3.2 En l’occurrence, les recourants ne concluent pas à la constatation d’une violation du principe de la bonne foi, mais prétendent en faire découler le droit à une autorisation de séjour. Or, ils ne sauraient être suivis sur ce point. D'une part, la violation du principe de célérité ne peut juridiquement pas conduire à la délivrance d'une autorisation de séjour (en sus des arrêts déjà cités, voir l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_529/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.1 in fine). D'autre part, s'il est vrai que l'OCPM a tardé à statuer sur le cas du recourant, la demande ayant été déposée le 10 octobre 2018 et la décision de refus ayant été prise plus de quatre ans plus tard, force est de constater qu'il n'a jamais été donné à ce dernier d'assurance formelle qu'il recevrait une autorisation de séjour (voir à cet égard l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_326/2019 du 3 février 2020 consid. 2.3.1). S’ajoute à cela qu’il ne ressort pas du dossier que le recourant ait relancé l'OCPM entre 2018 et 2023.

Le grief tiré de la violation du principe de la bonne foi sera dès lors écarté.

4.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au secrétariat d’État aux migrations
(ci-après : SEM) le dossier des recourants avec un préavis favorable, et prononçant leur renvoi de Suisse.

4.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEtr, devenue la LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

4.2 En l’occurrence la demande du recourant a été déposée le 10 octobre 2018, de sorte que c’est l’ancien droit qui s’applique à sa situation. En revanche, la demande d’autorisation de séjour en faveur de son épouse et de leurs enfants a été formée le 3 janvier 2023, de sorte qu’elle est régie par le nouveau droit. Il convient donc de traiter ces situations séparément, étant toutefois précisé que la plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques.

5.             Il y a lieu d’examiner en premier lieu la situation d’B______.

La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l'OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

5.1 Selon l’ancien art. 30 al. 1 let. b LEI (dont la teneur correspond à celle de l’actuel art. 30 al. 1 let. b LEI), il est possible de déroger aux conditions d’admission (art. 18 à 29) dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

Conformément à l’art. 31 al. 1 OASA (dans sa teneur en vigueur jusqu’au
31 décembre 2018), pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1087/2022 du 1er novembre 2022 consid. 11a ; ATA/1669/2019 du
12 novembre 2019 consid. 7b).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/189/2022 du 22 février 2022 consid. 3d). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/16/2024 du 9 janvier 2024 consid. 3.2).

5.2 L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid.  3 ; ATA/16/2024 précité consid. 3.3).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises
(ATF 139 II 393 consid. 6 ; 138 II 229 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2022 du 11 juillet 2023 consid. 6.2).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 et les références citées).

La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d’existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d’autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’elle y soit bien intégrée, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 précité consid. 7.2 et 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b), une durée de séjour régulier et légal de dix ans permettant de présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c). Les années passées en Suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance – par exemple en raison de l’effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

L’indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

5.3 L’« Opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » (www.ge.ch/dossier/operation-papyrus/processus-normalisation-statut-sejour/rappel-du-cadre-legal, consulté le 2 février 2024), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L’« Opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

L’« Opération Papyrus » s’est terminée le 31 décembre 2018.

5.4 Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). L’autorité compétente dispose d’un très large pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’examen des conditions de l’art. 31 al. 1 OASA.

5.5 En l'espèce, s’agissant d’abord des conditions de l’« Opération Papyrus », il n’est pas contesté que le recourant séjourne en Suisse de manière ininterrompue depuis 2015. Il n’est dès lors pas possible de retenir qu’au moment de sa demande de régularisation en 2018, le recourant remplissait la condition du séjour ininterrompu minimum de dix ans. C’est partant à bon droit que le TAPI a retenu que les conditions de l’« Opération Papyrus » n’étaient pas réunies.

Quant aux conditions permettant de retenir un cas de rigueur, elles ne sont pas non plus réalisées. Le recourant fait valoir qu’il est entré en Suisse pour la première fois en 2008, avant de retourner vivre au Kosovo en 2011 et de revenir en Suisse en 2015. Il n’a toutefois produit aucune pièce permettant d’attester d’un séjour en Suisse entre 2008 et 2011. Les pièces au dossier, en particulier l’attestation d’achats d’abonnements mensuels TPG du 11 janvier 2022, permettent tout au plus de démontrer un séjour en Suisse depuis 2015, soit depuis neuf ans. Si une telle durée peut certes être qualifiée d’« assez longue » selon la jurisprudence précitée, elle doit être fortement relativisée, l’intégralité du séjour s’étant déroulée dans l’illégalité, ou au bénéfice d’une simple tolérance des autorités.

Le recourant peut certes se prévaloir d’une bonne intégration sociale. Il justifie d’un niveau A2 de langue française et est membre d’un syndicat. Plusieurs lettres de soutien, démontrant qu’il est apprécié de son entourage, ont été versées au dossier. L'intégration ainsi mise en évidence ne revêt toutefois aucun caractère exceptionnel, comparé à celle de la moyenne des étrangers présents en Suisse depuis de nombreuses années. C’est le lieu de rappeler qu'il est normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Les relations d'amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l'étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité. Il ne suffit donc pas qu'une personne soit bien intégrée ; elle doit avoir une relation si étroite avec la Suisse et y être ancrée si profondément qu'on ne pourrait exiger qu'elle vive à l'étranger sans que cela ne crée un réel déracinement personnel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Sur le plan professionnel, le recourant a exercé différentes activités dans le domaine de la construction, ce qui lui a permis de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, sans recourir à l’aide sociale. Il ne fait par ailleurs l’objet d’aucune poursuite, ni d’aucun acte de défaut de biens. Cela étant, l'indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. Par ailleurs, ses activités, dans le domaine du bâtiment, ne sont pas constitutives d'une ascension professionnelle remarquable et ne l'ont pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. L'activité professionnelle exercée par l'intéressé en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée.

Pour le reste, même à retenir que le recourant a quitté le Kosovo alors qu’il était âgé de 20 ans, ce qui, comme on l’a vu, n’est pas démontré, force est de constater qu’il y a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Or, ces années apparaissent comme essentielles, puisque c'est précisément pendant cette période que se forge la personnalité, en fonction notamment de l'environnement culturel. À cet égard, il sied de noter que depuis sa demande de régularisation en 2018, il a requis quatre visas de retour pour se rendre au Kosovo. On relèvera d’ailleurs que, contrairement à ce que soutiennent les recourants, la demande de visa du 15 novembre 2021 a été accordée alors que la famille du recourant l’avait déjà rejoint en Suisse. Il y a lieu donc lieu d’en déduire qu’il bénéficie encore d'un réseau – familial ou social – au Kosovo susceptible de faciliter sa réintégration. Il n'est ainsi pas concevable que son pays d'origine lui soit devenu à ce point étranger qu'il ne serait plus en mesure, après une période de réadaptation, d'y retrouver ses repères. Enfin, le recourant pourra mettre à profit son expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises en Suisse. Ainsi, en cas de retour au Kosovo, il ne devrait, après une certaine période d’adaptation, pas rencontrer de difficultés insurmontables de réintégration.

C’est partant à juste titre que tant l’autorité intimée, qui a correctement appliqué le droit et n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI, ont retenu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur n’étaient pas remplies dans le cas du recourant.

6.             Il convient ensuite d’examiner la situation de l’épouse du recourant et de leurs enfants.

6.1 Comme indiqué supra, leur situation doit être examinée sous l’angle du nouveau droit. La plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques, de sorte qu’il peut y être renvoyé, de même qu’à la jurisprudence y relative.

L’art. 31 al. 1 OASA, dans sa nouvelle teneur, prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

6.2 En l’espèce, les recourants soutiennent qu’ils remplissent les conditions pour bénéficier de l’« Opération Papyrus ». Leur demande de régularisation a toutefois été formée le 3 janvier 2023, alors que l’opération avait pris fin le 31 décembre 2018. S’ajoute à cela qu’au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour, leur séjour en Suisse n’atteignait pas les cinq ans requis pour prétendre à l’obtention d’un titre pour les membres de la famille.

Sous l’angle du cas de rigueur, leur séjour en Suisse de quatre ans n’est pas particulièrement long et doit être relativisé puisqu’il s’est déroulé dans l’illégalité, voire au bénéfice d’une simple tolérance.

L’intégration socioprofessionnelle de la recourante ne saurait être qualifiée de bonne. N’ayant jamais travaillé en Suisse, elle n’a pas démontré posséder des notions suffisantes de français puisqu’elle n’a fourni qu’une attestation de suivi d’un cours de français de niveau A1. Entièrement prise en charge par son époux, elle n’a pas de dettes ni n’émarge à l’aide sociale. Or, comme exposé supra, il s’agit là d’éléments attendus de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Elle n’a pas allégué qu’elle se serait créé des attaches en Suisse, de sorte qu’il faut donc considérer que c'est au Kosovo que l’intéressée a ses principales attaches sociales et culturelles. Rien ne semble ainsi s'opposer à la réintégration de l'intéressée au Kosovo, pays où elle a passé son enfance, son adolescence et une bonne partie de sa vie d'adulte.

Reste à examiner la situation des enfants, étant rappelé que, selon la jurisprudence précitée, celle-ci est un aspect, certes important, de l'examen de la situation de la famille, mais ne constitue pas le seul critère.

Arrivé à l’âge de 7 ans, C______ est désormais âgé de 11 ans. Il n’est pas encore entré dans l’adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité. Compte tenu de son âge, il a créé à Genève son cercle d’amis et ses liens sociaux. Il est ainsi indéniable que sa réintégration requerra de sa part un important effort. Cependant, sa situation ne saurait être examinée pour elle seule, mais doit être appréciée au regard de l’ensemble des circonstances l’entourant. Il faut, en particulier, tenir compte du fait qu’en cas de retour au Kosovo, C______ sera accompagné de ses parents et de sa sœur. Sa famille nucléaire sera ainsi à ses côtés, étant relevé qu’au vu de l’âge de C______, l’attachement à celle-ci demeure encore important. Il est par ailleurs en bonne santé. Dans ces conditions, sa réintégration n’apparaît pas gravement compromise.

D______, désormais âgée de 6 ans, n’est scolarisée à Genève que depuis un an. Elle reste ainsi encore attachée dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son processus d’intégration au milieu socioculturel en Suisse n’est ainsi pas à ce point profond et irréversible qu'un retour au Kosovo constituerait un déracinement complet. Elle pourra compter sur l’aide de ses parents et de son frère pour s’adapter à son nouveau mode de vie, la langue du pays ne devant au surplus pas lui être étrangère.

Dans ces circonstances, il n’apparaît pas que les difficultés auxquelles les recourants devront faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour eux plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays. Les recourants ne présentent donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en leur faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est toutefois pas le cas en l’espèce. 

7.             Les recourants se prévalent enfin d’un droit à séjourner en Suisse sur la base de l’art. 8 CEDH.

7.1 Selon la jurisprudence, un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH, respectivement 13 al. 1 Cst., pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille. L'art. 8 CEDH vise en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2 ; 127 II 60 consid. 1d/aa). Le Tribunal fédéral admet aussi qu'un étranger puisse, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l'art. 8 par. 1 CEDH, s'il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse (nationalité suisse ou autorisation d'établissement), par exemple en raison d'une maladie ou d'un handicap (ATF 129 II 11 consid. 2 ; 120 Ib 257 consid. 1d.). 

7.2 Devant la chambre de céans, les recourants font valoir que les grands-parents assument un rôle de « parents de substitution » envers leurs petits-enfants. Or, dans la mesure où il s’agit de relations entre grands-parents et petits-enfants, l'art. 8 CEDH ne permet aux recourants d'obtenir un droit de séjourner en Suisse qu'en cas de relation de dépendance particulière avec ces derniers. Aucun élément au dossier ne permet toutefois de démontrer un tel lien de dépendance. Le simple fait que les enfants ont développé des liens d’attachement avec leurs grands-parents, qui s’occupent régulièrement d’eux, ne suffit pas. On rappellera au demeurant que, selon ses propres déclarations, la recourante travaille en qualité de « mère au foyer ». Dans ces conditions, on peine à comprendre en quoi les grands-parents assumeraient un rôle de « parents de substitution ». Les recourants relèvent d’ailleurs eux-mêmes que les enfants ont noué des relations étroites et effectives tant avec leurs parents que leurs grands-parents. On ne se trouve donc pas dans la situation, visée par la jurisprudence du Tribunal fédéral, dans laquelle seuls les grands-parents seraient à même d’apporter le soutien nécessaire à leurs
petits-enfants (arrêt du Tribunal fédéral 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1). C’est donc à juste que l’instance précédente a refusé de délivrer des autorisations de séjour aux recourants en application de l’art. 8 CEDH.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à la demande d'autorisation de séjour déposée par les recourants, et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

8.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

8.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

8.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour aux recourants, l'intimé devait prononcer leur renvoi. Les recourants n’invoquent aucun élément permettant de retenir que leur renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; de tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

9.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 juillet 2023 par B______ et A______, agissant en leur nom et pour le compte de leurs enfants C______ et D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de B______ et A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali BUSER, avocate des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. RODRIGUEZ ELLWANGER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.