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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3522/2023

ATA/555/2024 du 03.05.2024 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 07.06.2024, 2C_298/2024
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3522/2023-EXPLOI ATA/555/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mai 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Lassana DIOUM, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1972, mariée et mère de deux enfants, est la fille de feu B______ décédé en ______ 2022.

b. C______ et D______ ont été employés pour diverses tâches domestiques (cuisine, nettoyage, courses et accompagnement), en faveur de ce dernier, principalement à son domicile, à tout le moins, entre mars 2018 et juin 2022.

B. a. Pour courrier du 29 septembre 2022, C______ a écrit à A______ qu'il avait travaillé pour elle en qualité d'employé de maison dès le 1er janvier 2019, s'occupant de son père. Il travaillait chaque jour de manière continue dès 6h00, l'heure à laquelle il ouvrait la porte au personnel soignant et infirmier jusqu'à environ 21h00. Son parent, désorienté, le réveillait pendant la nuit. Il n'avait pas le droit de sortir de l'appartement sans l'autorisation de l'intéressée, à moins que cela n’eût été justifié.

Il avait perçu un salaire de CHF 800.- par mois ainsi que CHF 150.- pour ses repas et CHF 70.- pour son abonnement TPG. Il avait également été logé dans une très petite pièce correspondant à un salaire en nature de CHF 345.- (3m x 2m), soit un montant total mensuel de CHF 1'365.-.

Au vu de ses horaires et en retenant un taux d'occupation de 100%, soit 195 heures par mois, sans les heures supplémentaires, cela correspondait à un salaire de CHF 7.- par heure. Ce salaire était non seulement inférieur aux salaires minimaux impératifs de l'économie domestique, mais également usuraire.

Dès septembre 2021, il avait été payé CHF 1'200.- au lieu de CHF 1'800.-, soit un salaire mensuel total de CHF 1'765.-, soit CHF 9.- par heure. Il n'avait eu ni vacances payées, ni jours fériés pendant la durée des rapports de travail. Ne supportant plus de travailler dans ces conditions, il avait donné sa démission et était au bénéfice d'une aide d'urgence.

b. Par courrier du 10 octobre 2022, A______ a répondu qu’elle avait publié l'annonce d'emploi à la demande de feu son père, à laquelle C______, qui se trouvait alors en Italie, avait répondu disant être intéressé à venir vivre à Genève. À son arrivée dans cette ville, C______ avait, en sa présence, convenu avec son père qu'il s'installait à son domicile pour des tâches quotidiennes totalisant un maximum de 2h30 par jour sauf les samedis de congé. Il était attendu de lui qu'il se lève pour accueillir l'infirmier ou l'infirmière à 6h30 chaque matin pour la dispense de divers soins et médicaments. Il s'occupait de la préparation du petit-déjeuner pour feu son père et lui-même. L'infirmier ou l'infirmière repassait au domicile le soir entre 18h et 18h30, au plus tard à 19h30 pour lui prodiguer des soins, une toilette corporelle et administrer ses médicaments. Il se mettait ensuite au lit vers 20h.

C______ pouvait également prendre des vacances. Il partait régulièrement en Tunisie, son père prenant en charge les frais y relatifs.

Il avait une rémunération de CHF 800.- initialement avec nourriture, à laquelle s'ajoutaient les frais de CHF 70.- pour l'abonnement TPG ainsi que CHF 150.- pour les achats de nourriture complémentaire. Il occupait une chambre de 3m40 x 2m et jouissait de la totalité de l'appartement de feu son père. Ces prestations équivalaient à environ la somme de CHF 1'361.- par mois.

Prenant en compte la réalité de l'activité de l'intéressé dont la charge de travail s'élevait à quinze heures par semaine pour 60 heures mensuelles environ, son salaire correspondait initialement à CHF 2'381.- (CHF 800.- + CHF 150.- + CHF 70.-+ CHF1'361.-), soit une rémunération horaire de CHF 39.- par heure. Dès juillet 2021, il équivalait au montant mensuel de CHF 2'931.- (CHF 1'500.- + CHF 70.- + CHF 1'361.-), soit CHF 48.85 par heure ou CHF 26.16 par heure sans logement. Ces salaires étaient bien au-dessus du salaire minimum applicable dans le canton de Genève. C______ percevait par ailleurs CHF 50.- par mois pour tondre les cheveux de feu B______.

Elle ignorait tout de l'absence du droit de sortir sans autorisation formulée par feu son père. C______ l'informait spontanément de ses absences afin qu'elle, son mari ou l'une de ses filles puissent « prendre le relais ». La présence d'une tierce personne à domicile était requise pour ne pas le laisser seul pendant une longue durée, en raison de son âge et de son état de santé.

C______ avait à l'origine passé un accord verbal avec feu B______. Celui-ci n'avait ni fait de demande d'autorisation de travail, ni déclaré cet employé domestique aux assurances sociales. C______ avait sollicité un contrat écrit dès mai 2021 afin de demander un permis de séjour. Son père avait entrepris des démarches en vue d'établir un contrat de travail et un titre de séjour, mais elles n'avaient pas abouti.

Feu B______ rejetait les prétentions de salaire abusives et fantaisistes de C______.

c. Le 26 octobre 2022, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a initié un contrôle des conditions de travail par courrier adressé à A______ lui demandant la transmission de documents et informations concernant toute personne ayant travaillé dans le ménage de son père à partir du 1er janvier 2015 jusqu'à cette date, en particulier les copies des fiches de salaires et les attestations de salaires déclarés à l’AVS.

d. Par courrier du 31 octobre 2022, A______ a répondu qu’elle n'avait jamais engagé, ni envisagé de conclure un quelconque contrat avec une quelconque personne pour s'occuper de son père. L'OCIRT était invité à contacter directement feu B______ pour obtenir les documents si tant était qu'il en possédait, ainsi que tout renseignement sollicité. Elle n'était ni sa tutrice, ni sa curatrice.

e. Par courrier du 18 novembre 2022, l'OCIRT a indiqué à A______ qu’il était en possession des échanges WhatsApp entre C______ et elle-même qui démontraient clairement un lien de subordination. Elle était la personne qui lui donnait des instructions et à laquelle il devait répondre au sujet de ce que son feu père devait faire, manger, etc. Elle lui transmettait le planning des rendez-vous médicaux de ce dernier, exigeait qu'il l'accompagne, lui donnait l'argent nécessaire pour les achats alimentaires et autres dépenses concernant son père et versait son salaire.

A______ était une nouvelle fois invitée à transmettre les renseignements et documents nécessaires pour effectuer un contrôle complet des rapports de travail.

f. Le 22 novembre 2022, l'OCIRT a entendu D______.

Il avait connu A______ et son mari en 2016. Ce dernier lui avait proposé une chambre et un montant de CHF 200.- par mois en contrepartie d'un emploi au domicile de feu B______ dès mars 2018. Séparé et sans logement, il avait accepté ce travail « énorme » pour peu d'argent. Il y avait travaillé de mars à octobre 2018. Il s'occupait des repas, du ménage, des courses, de la vaisselle, de la lessive ainsi que de l'accompagnement de feu B______ lors des sorties. Celui-ci se réveillait vers 7h00, se couchait vers 20h30 et avait toujours un service à lui demander. Il devait rentrer des courses à 17h00 pour accueillir l'infirmier ou l'infirmière. A______ l'appelait tous les jours pour lui dire ce qu'il devait faire, parfois la nuit, le matin ou à toutes heures. Il travaillait tous les jours sauf mercredi où il donnait des cours de musique à E______ (France). Il donnait le petit- déjeuner à feu B______ avant de partir. Sa journée de travail était « non-stop » de 7h00 à 20h30. Il n'était pas sollicité la nuit. Feu B______ avait « pas mal » de rendez-vous médicaux. Il devait vérifier son semainier, car ce dernier oubliait beaucoup de choses.

Il avait à disposition une petite chambre et de la nourriture de temps en temps. Il gagnait un peu d'argent en donnant des concerts. Chaque fois qu'il devait aller donner un concert, A______ le lui reprochait. Il avait reçu en espèces de la part du mari de A______ CHF 200.- les deux premiers mois seulement. Il n'avait pas osé demander sa paie pour les autres mois.

A______ l'avait recontacté fin 2018 pour savoir s'il connaissait quelqu'un en France prêt à travailler au domicile de son père. Selon elle, « les gens en France travaillaient pour pas cher ». Il avait toutefois rompu le contact avec elle.

En mars 2021, il avait accepté, à sa demande, de travailler deux mois complets sauf samedi après-midi durant six heures pour un salaire mensuel de CHF 1'650.- en remplacement de C______ qu'il allait connaître avant son départ pour la Tunisie. Il devait rentrer en France avant 19h00, heure de début du confinement lié au Covid-19.

C______ travaillait sept jours sur sept de 7h à 20h30. Il gagnait CHF 1'000.- par mois.

g. Le 8 décembre 2022, l'OCIRT a recueilli le témoignage d' F______, voisine de palier de feu B______.

Trois personnes avaient travaillé au domicile de ce dernier avant l'arrivée de C______. Elle avait remarqué la présence de C______ dans l'appartement depuis 2019. Celui-ci était venu chez elle deux ou trois fois, une fois pour qu'elle aidât à acheter des billets de bateau pour la Tunisie. Il lui avait aussi demandé des informations en vue d'obtenir une plaque pour une voiture, car la famille G______ lui avait demandé d'immatriculer un véhicule à son nom pour pouvoir déplacer feu B______. Il lui avait dit que le travail était très difficile, qu'il n'avait pas d'horaires, qu'il était mal payé, soit EUR 1'000.- ou 1'200.- et qu'il était sollicité durant la nuit. Il se plaignait des conditions chaque fois qu'elle le croisait. Son état se dégradait. Elle le croisait chaque jour, au début avec feu B______ quand il sortait avec lui, puis chaque fois quand il revenait des courses. En juillet 2020, elle avait dû appeler le 144 pour un mal dont il souffrait. Il avait été ausculté sur place. Il faisait tout au domicile de feu B______, à savoir le nettoyage, la cuisine, l'accompagnement, les courses, etc. Elle était partie de son appartement en avril 2022.

h. Par courrier du 9 janvier 2023, A______ a persisté qu'elle n'avait jamais employé aucun employé domestique. Que ceux-ci aient pu travailler au service de son défunt père ne la concernait en rien. Les échanges qu'elle avait pu avoir avec eux étaient de simples communications visant en particulier à organiser au quotidien l'alimentation et la prise en charge médicale de son père. Il n'y avait jamais eu aucun lien de subordination entre elle et les intéressés. Elle ne les avait jamais rémunérés, ceux-ci étant nourris et logés par son père. Compte tenu de l'insuffisance de ses revenus, sa famille avait été prise en charge par l'hospice général entre 2016 et 2020 et était depuis avril 2020 au bénéfice des prestations complémentaires familiales. Elle voyait mal comment et sur quelle base pouvaient lui être imputées les responsabilités d'une employeuse. C______ et D______ tentaient par tous les moyens de recouvrer auprès d'elle d'éventuelles créances qu'ils auraient eues à l'égard de son père.

i. Par courrier du 13 janvier 2023, l'OCIRT a maintenu sa position. Les employés domestiques résidaient au domicile de feu son père et étaient quasiment en permanence avec lui, si bien qu'il paraissait peu vraisemblable que, s'il était celui qui donnait des instructions, il ne les donnât pas directement et oralement, ce d’autant plus qu'ils parlaient la même langue. Sa situation financière difficile ne constituait pas une preuve qu'elle n'avait pas employé du personnel à plein temps auprès de feu son père. Plusieurs échanges de la messagerie WhatsApp entre C______ et elle prouvaient sa qualité d'employeuse.

Elle avait été sollicitée à plusieurs reprises par C______ pour établir un contrat de travail, car celui-ci recevait ses instructions principalement de sa part ainsi que son salaire. Le 4 juin 2021, il lui avait écrit : « Sœur A______, nous voudrions savoir combien d'heures je travaille par jour et quand est mon jour de congé, ou est-ce que je travaille 24 heures parce que depuis quatre heures le matin, le chef me sollicite. Il faut qu'on précise les heures de travail et quand je peux sortir, nous devons nous mettre d'accord sur une solution qui satisfasse les deux parties ». Elle lui avait répondu : « Demain nous parlerons ». Le 17 août 2021, l'intéressé était revenu sur le sujet du contrat : « Vous avez le temps samedi à neuf heures concernant le contrat. Si vous êtes d'accord, nous prenons rendez-vous ». Le 29 août 2021, il a ajouté : « Bonjour, A______, s'il vous plaît rédigeons le contrat de travail au début du mois prochain parce que le 18 décembre j'aurai 60 ans. C'est difficile d'entrer après 60 ans, selon le fiduciaire. Et il rédigera le contrat selon ce que vous lui direz. Merci ». Le 10 septembre 2021, il avait réitéré : « Bonjour, A______, svp. Vous ne m'avez pas répondu concernant le contrat, ni positif ni négatif, avec tout le respect et l'appréciation que je vous dois. Merci ». Le 11 novembre 2021, elle avait indiqué : « Avant la fin du mois de novembre, nous auront fait le contrat et l'enverrons au bureau des passeports. Rassurez-vous, frère C______, les choses prennent un peu de temps, mais dans le bon sens, et comme je vous l'avais promis, je ne reviendrai pas sur ma promesse de vous aider et de faire tous vos papiers. ».

A______ rémunérait les employés. D______ avait travaillé auprès de feu son père, une première fois en 2018, pour une rémunération en nature consistant en l'occupation d'une chambre, hormis une fois un montant de CHF 200.-, puis pour deux mois en 2021 payés CHF 1'650.- en mains propres par elle ou par l'intermédiaire de son époux. Le 29 juin 2021, A______ avait indiqué à C______ : « Je me suis mise d'accord avec H______ [son époux], il vous apportera votre salaire et l'argent de I______ ». Le 4 novembre 2021, elle lui avait écrit : « Si Dieu le veut, aujourd'hui nous vous enverrons votre argent avec H______ ou on t'appellera pour venir les prendre. ». Le 3 mars 2022, elle lui avait précisé : « Appelle-moi pour que je t'explique comment aller chez H______ pour qu'il te donne le salaire. ». Le 6 avril 2022, elle l'avait informé : « Bonjour C______. Nous venons d'arriver aujourd'hui, si Dieu le veut, nous vous donnerons l'argent pour les dépenses et le salaire. ». Le 28 avril 2022, C______ lui avait rappelé : « Bonjour, je vous rappelle pour le salaire et les affaires du chef. ». Le 29 avril 2022, elle lui avait annoncé : « Viens déjeuner après que papa ait déjeuné, on te donne ton salaire. ». Le 14 mai 2022, elle lui avait signalé : « On va passer dans une demi-heure, je te donne les CHF 200.- d'avance sur ton salaire du mois de mai. ».

A______ instruisait C______ : il ressortait des messages qu’elle coordonnait non seulement les soins à domicile et le réchauffage des plats qu'elle avait cuisinés et surgelés pour feu son père, mais qu'elle sollicitait quotidiennement, voire plusieurs fois par jour, les employés pour s'assurer du suivi de l'exécution des tâches domestiques. Elle exigeait des photos de feu son père prenant son repas, chez le coiffeur ainsi que de ses vêtements. Elle demandait à C______ d'aller à l'hôpital lui rendre visite, lui apporter des affaires. Chacun des deux employés lui adressait chaque jour de nombreux messages écrits et vocaux ainsi que des photos. Entre le 1er juin 2021 et le 4 juin 2022, il n'y avait quasiment aucun jour où elle n'avait pas échangé de messages avec l'un d'eux. Elle passait de nombreux appels sur le téléphone de son défunt père pour s'assurer que ceux-ci étaient bien à son domicile avec lui.

j. Par courrier du 10 mars 2023, A______ s'est déterminée sur le rapport d'audition d'D______.

Elle doutait qu'il ait pu travailler plus que dix heures par semaine, le ménage et la lessive n'étant pas des tâches quotidiennes, mais plutôt hebdomadaires. Domicilié en France et ayant un statut administratif conforme, elle ne comprenait pas qu'il ait accepté de réintégrer cet emploi en dépit des conditions de travail qu'il décrivait comme difficiles et sans un contrat de travail négocié. À cela s'ajoutait le fait qu'en période de Covid-19 caractérisée par les restrictions « extrêmement » strictes en vigueur en France, il était « extrêmement » douteux d'imaginer qu'il pût travailler et passer la frontière sept jours sur sept sans contrat de travail. Il apparaissait qu'il avait aidé ponctuellement feu son père dans son quotidien contre un logement, des repas et un peu d'argent de poche entre mi-mars 2018 et octobre 2018, tout en exerçant parallèlement un travail rémunéré. Pour la période de deux mois en 2021, il avait reçu un montant de CHF 1'650.- net pour un travail dont on ignorait la charge, mais qui ne pouvait dépasser quelques heures par jour.

Compte tenu des éléments précédents, elle n'avait joué qu'un rôle accessoire qui ne saurait être assimilé à celui d'un employeur.

k. Par courrier du 22 mars 2023, A______ s'est déterminée sur les conditions de travail de C______.

Son père était l'employeur des employés de maison et les instruisait. Il donnait, d'une part, des instructions directement à ses employés successifs puisqu'ils partageaient le même toit et parlaient la même langue. D'autre part, il sollicitait sa fille par téléphone afin que ses instructions soient transmises par son intermédiaire aux employés. À cet égard, ils échangeaient en moyenne une dizaine de fois par jour. À titre exemplatif, elle avait écrit à C______ le 1er septembre 2021 : « papa veut que tu lui apportes un pantalon parce qu'il n'a plus de pantalon propre », le 18 septembre 2021 : « papa vient de me parler, il a dit que tu n'étais toujours pas arrivé. Je m'inquiète pour toi », le 19 septembre 2021 : « papa m'a rappelé de te dire d'apporter des rasoirs », le 25 septembre 2021 : « tout à l'heure, mon père m'a appelé. Il m'a dit qu'à sa sortie de l'hôpital, il m'appellera pour que je te dise de descendre quand il arrivera ».

Ce rôle d'intermédiaire excluait un quelconque pouvoir décisionnel sur les tâches ou l'étendue des conditions d'engagement des employés. Elle n'était que l'exécutante des décisions de feu son père. Il n'existait aucune discussion entre elle et C______ au cours de laquelle elle avait pris la décision d'établir un contrat de travail pour ce dernier. Au sujet du message WhatsApp du 17 août 2021, celui-ci lui demandait si elle était d'accord de fixer un rendez-vous avec son père pour qu'ils puissent discuter du contrat de travail. Il avait discuté de cette question directement avec ce dernier qui lui avait par la suite confié la tâche de gérer la rédaction du contrat et les recherches d'informations y relatives. Tous les messages WhatsApp relatifs à la conclusion du contrat de travail auxquels faisait référence l'OCIRT avaient trait à une consultation juridique destinée à renseigner C______ et feu B______ sur les différentes possibilités afférentes à leurs situations personnelles respectives, dans l'optique de conclure un contrat de travail entre eux.

Il n'était pas du ressort de A______ de prendre des décisions sur les heures de travail quotidiennes et les jours de congé des employés. Elle ne pouvait se permettre de répondre de manière précise au message de C______ du 4 juin 2021 relatif auxdites questions. C'est pourquoi elle s'était contentée de lui écrire : « demain, nous parlerons », ce qui lui laissait le temps d'en discuter avec son défunt père. Il n'y avait donc pas de lien de subordination entre, d'une part, A______ et, de l'autre part, C______ et D______.

Feu B______ prenait en charge la rémunération des employés. En qualité d'intermédiaire, elle s'était vu confier la gestion des dépenses courantes de son père. Celui-ci lui avait remis sa carte bancaire afin qu'elle puisse procéder au paiement de ses factures et couvrir ses besoins courants. Elle effectuait des retraits de son compte bancaire pour payer diverses dépenses le concernant, y compris le paiement des salaires de C______. Selon les extraits dudit compte bancaire, sept retraits d'argent dont les montants se situaient entre CHF 740.- et CHF 2'000.- avaient été opérés soit le même jour, soit le lendemain du jour où elle avait reçu une demande de paiement de salaire de la part de ce dernier. Lorsqu'elle n'était pas disponible, son mari ou un autre membre de la famille se chargeait d'acheminer le salaire. Était annexée une preuve que sa sœur s'était, à une occasion, occupée du paiement du salaire. Il s'agissait d'une copie du transfert d'un montant de 264.08 – sans indication de la monnaie –, à titre de salaire, le 29 janvier 2022, par J______ en faveur de K______.

Elle cuisinait les repas pour son père, qui étaient ensuite congelés et conservés dans le réfrigérateur. Comme en attestaient les échanges de messages avec C______ des 29 septembre et 11 décembre 2021, il avait pour tâche de les sortir et de les réchauffer. C______ et son remplaçant D______ profitaient gratuitement du logement et des repas. Une femme de ménage venait au domicile à raison de deux à quatre heures, d'habitude toutes les deux semaines. C______ n'effectuait pas de ménage. Il devait être présent le matin au réveil de son père pour préparer son petit-déjeuner, puis à midi pour réchauffer le plat cuisiné par elle et, parfois, un petit moment en soirée. Le reste du temps, il avait toute la latitude de sortir, exercer un autre travail et organiser son temps comme bon lui semblait. Sa charge de travail était de deux à trois heures maximum par jour pour six fois par semaine, un jour de congé durant le weekend ayant été convenu. Il travaillait d'ailleurs en journée dans un restaurant dont il avait toujours voulu taire le nom. Si, le reste du temps, elle le sollicitait pour savoir comment allait son défunt père ou pour organiser la cohabitation, ce n'était que dans un but informatif. C______ était libre de partir en vacances aussi souvent qu'il le souhaitait. Il en avait pris en 2019, 2020, 2021 et en 2022.

C______ était rémunéré CHF 1'500.- par mois pour les trois heures de travail journalier. Il était nourri et logé. Un abonnement TPG lui était offert. Sur la base du guide du syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs ( ci-après : SIT), il percevait un salaire en nature chiffré comme suit : petit-déjeuner (CHF 105.-), repas de midi (CHF 300.-), repas du soir (CHF 240.-), logement (CHF 345.-) et TPG (CHF 70.-) pour un total de CHF 1060.- net. Son revenu mensuel total s'élevait donc à CHF 2'560.-. En l'absence d'une expérience particulière, C______ ne pouvait prétendre à un salaire horaire dépassant CHF 23.50 par heure selon le contrat-type de travail avec salaires minimaux impératifs de l’économie domestique du 13 décembre 2011 (CTT-EDom - J 1 50.03). Vu le salaire net versé, il avait été suffisamment rémunéré et ne saurait prétendre à aucun rattrapage.

l. Le 27 mars 2023, l'OCIRT a entendu C______.

Il avait pris connaissance d'une annonce publiée sur internet concernant une offre d'emploi au sein d'un ménage à Genève pour un salaire de CHF 800.- par mois pour deux heures de travail par jour. Ayant composé le numéro de téléphone indiqué, il avait parlé à A______ à qui il avait donné son accord pour venir s'occuper de feu son père âgé. Cette dernière ne lui avait pas donné les précisions sur la durée du travail. Il avait travaillé de janvier 2019 à juin 2022.

Il était payé CHF 800.-, puis CHF 1'000.- dès le début de la pandémie et CHF 1'500.- d'avril à mai 2022. Il recevait son salaire en espèces de A______, parfois de son mari ou de ses enfants. Il avait essayé plusieurs fois de discuter d'une augmentation du salaire avec feu B______, mais ce dernier avait affirmé que c'était A______ qui décidait. Quand il s'adressait à elle, elle déclarait qu'elle devait en discuter avec toute sa famille, mais cela prenait beaucoup de temps. Elle lui avait dit de ne pas embêter son père avec des « histoires » de salaire ou d'horaire.

Son travail consistait principalement à être présent pour veiller sur feu B______. Il accueillait l'infirmière des soins à domicile le matin et préparait le petit-déjeuner. Il rangeait l'appartement. Une aide-soignante effectuait la douche de ce dernier avant de lui mettre des protections pour l'incontinence vers 10h30-11h00. À midi, il réchauffait le plat cuisiné par A______. Il changeait les protections plusieurs fois par jour, car l'urine débordait. En fin d'après-midi, vers 17h00, une aide-soignante passait de nouveau pour l'administration des médicaments du soir. Il préparait le repas du soir après avoir fait les courses. Le soir, tous les deux parlaient ou regardaient ensemble la télévision. Il l'accompagnait à toutes ses sorties. Après le passage de l'aide-soignante le matin, il allait seul boire un café et lire le journal. A______ l'appelait ou laissait des messages vocaux pour lui indiquer ce qu'il fallait faire, même les tâches qu'il effectuait déjà chaque jour. Il lui envoyait des photos de tout ce qu'il faisait, des repas qu'il réchauffait, de feu son père qui mangeait, en particulier avec la cuillère pleine dans la bouche, etc. Elle avait engagé une seule fois une femme de ménage en été 2021 pendant son absence pour maladie d'une durée d'une semaine.

Il travaillait tous les jours du matin au soir. Parfois, feu B______ faisait appel à lui la nuit pour qu'il lui apportât de l'eau, mît des gouttes dans les yeux ou changeât la protection. Ce dernier était sénile et oubliait tout. Il tremblait et était incapable de faire quoi que ce soit, même pas se servir seul un verre d'eau. Il ne pouvait pas utiliser la télécommande de la télévision. Il l'aidait pour manger. Il le sollicitait pour tout.

Il rentrait deux fois par année en Tunisie pour les vacances, chaque fois pour trois semaines. Il n'était pas payé pendant les vacances. Pour un mois incomplet, il recevait CHF 40.- par jour travaillé. Il devait avertir A______ de ses vacances afin qu'elle organisât son remplacement, car c'était elle qui décidait.

Il occupait une petite chambre de 9m2. Les repas cuisinés par A______ étaient réservés à feu son père. Il faisait séparément des courses pour ses propres repas. A______ lui avait promis à maintes reprises d'établir un contrat de travail et de le « déclarer », mais n'avait jamais tenu cette promesse.

Il avait décidé d'arrêter de travailler chez feu B______ parce qu'il était à bout. Il en voulait principalement à A______ qui décidait de l'organisation de son travail.

m. Le 26 avril 2023, A______ a transmis une pièce complémentaire attestant que sa sœur avait également payé le salaire de juillet 2021 de C______. Selon la pièce annexée, J______ avait transféré, le 31 juillet 2021, en faveur de celui-ci, un montant de USD 1'915.-.

n. Le 23 mai 2023, l'OCIRT a demandé à A______ de se mettre en conformité. Elle avait produit la preuve d'un virement équivalent à CHF 1'567.- effectué le 31 juillet 2021 par sa sœur à C______. Il ressortait des renseignements reçus qu'elle était en Libye en juillet 2021 et qu'elle avait, comme d'habitude, organisé le paiement du salaire de ce dernier. Contrairement aux dispositions du CTT-EDom, elle n'avait ni informé les employés sur les éléments essentiels concernant les conditions de travail, ni tenu un registre des heures de travail et des jours de repos effectifs.

Il était douteux qu'un domestique logé au domicile de son unique employeur ait pu travailler à temps partiel. Il ressortait des échanges entre elle et C______ que celui-ci devait être présent pour ouvrir la porte à l'infirmière entre 6h30 et 7h du matin, jusqu'au soir à 20h30-21h lorsque feu B______ se couchait, ce dernier n'ayant aucune autonomie. Elle lui adressait des messages et appels matin, midi et soir aussi bien la semaine que le week-end pour lui donner des instructions, lui demander des photos et nouvelles de son défunt père, ce qui démontrait qu'il était toujours auprès de lui. Compte tenu des difficultés à chiffrer précisément la durée du travail, il s'en tiendrait à une estimation basse, retenant une durée quotidienne du travail de neuf heures, soit 63 heures par semaine pour C______ et 54 heures par semaine pour D______ puisqu'il ne travaillait pas le mercredi durant la période de mars à octobre 2018 et retournait chez lui lors du remplacement effectué entre avril et mai 2021.

Les extraits du compte bancaire de feu son père couvraient une période de cinq mois sur les 28 mois qu'avaient duré les rapports de travail et faisant état de retraits de divers montants entre CHF 740.- et CHF 2'000.- sans qu'il puisse être établi qu'un montant régulier ait été remis aux employés. En l'absence de décomptes de salaire et de quittance, il retenait le montant de CHF 354.- pour la chambre mise à disposition, les employés ayant déclaré qu'ils n'étaient nourris qu'occasionnellement et devaient eux-mêmes acheter ou cuisiner leurs propres repas. Le salaire net était arrêté à CHF 950.- jusqu'en mars 2020, puis CHF 1'150.- jusqu'en mars 2022, respectivement CHF 1'500.- jusqu'en mai 2022 ainsi qu'un salaire en nature de CHF 345.- par mois.

Elle n'avait pas respecté les salaires minimaux prévus par la CTT-EDom pour les années 2019 à 2022, lesquels s'élevaient, pour une durée hebdomadaire de 63 heures, de 2019 à octobre 2020, à CHF 5'321.40, de novembre à décembre 2020 à CHF 6'279.-, en 2021 à CHF 6'316.80 et en 2022 à CHF 6'352.71. Ils se montaient pour une durée hebdomadaire de 54 heures, de 2019 à octobre 2020 à CHF 4'561.20 et en 2021 à CHF 5'414.40. Elle n'avait pas déclaré les salaires aux assurances sociales.

Les montants totaux bruts à déclarer pour l'AVS pour la période de janvier 2019 à juin 2022 était de CHF 212'886.24 concernant C______ et de CHF 42'757.20 pour D______. Sur la base de ces montants, avaient été calculés les rattrapages salariaux auxquels ces derniers pouvaient prétendre.

A______ était invitée à corriger les salaires et à faire parvenir à l'OCIRT les justificatifs attestant de la mise en conformité, à savoir les preuves de déclaration complète à l'AVS des salaires corrigés et les décisions/factures de la caisse AVS faisant mention des salaires déclarés et les cotisations y relatives. Une fois les factures émises, elle serait invitée à transmettre la preuve du paiement des rattrapages nets.

o. Le 26 juin 2023, A______ a indiqué qu'elle ne saurait donner suite à cette demande. Elle contestait la qualité d'employeuse. Le temps de travail allégué des employés était hors de toute proportion. Elle avait déposé plainte pénale à l'encontre d'D______, à teneur de laquelle il pouvait être constaté qu'il s'était concerté avec C______ et avait « préparé son coup ». Les déclarations sur lesquelles était fondée sa plainte pénale étaient empreintes de haine et de vengeance. L'OCIRT devait reconsidérer la crédibilité des déclarations fallacieuses et concertées des deux employés. Il devait pour le surplus tenir compte de ses moyens financiers dans son appréciation, étant donné qu'elle vivait dans l'indigence.

Étaient joints la plainte pénale du 28 février 2023, ses annexes, ainsi que son complément du 28 avril 2023 et ses annexes.

p. Le 26 septembre 2023, l'OCIRT a prononcé à l'encontre de A______ une amende de CHF 24'300.- et fixé un émolument de sanction de CHF 400.-.

Elle avait recruté C______ et D______ à qui elle donnait les ordres et instructions pour l'exécution de leur travail au domicile de feu son père. Elle organisait leur emploi du temps et leur versait leurs salaires en mains propres. Son père n'intervenait pas dans les rapports de travail. Les messages démontraient qu'elle discutait régulièrement avec C______ de l'établissement d'un contrat de travail et des démarches administratives en vue de l'obtention d'un permis. C'était à elle qu'il s'adressait lorsqu'il voulait prendre congé et partir en Tunisie ou lorsqu'il devait s'absenter pour un rendez-vous médical. Les deux employés pouvaient de bonne foi penser qu'elle agissait en tant qu'employeuse à leur égard. Ses affirmations selon lesquelles elle recevait par téléphone des instructions de feu son père qu'elle se contentait de relayer aux employés n'étaient pas crédibles dès lors qu'ils étaient ensemble toute la journée et parlaient la même langue (arabe). Elle revêtait seule la qualité d'employeuse et était liée par un contrat de travail avec chacun d'eux pour la durée de leur travail.

Lors du contrôle, il avait constaté qu'elle avait employé D______ durant deux périodes d’au total neuf mois en 2018, laquelle était prescrite, et deux mois en 2021 et C______ pendant 28 mois de 2019 à 2022. Elle n'avait pas respecté les salaires minimaux légaux.

Pour une durée hebdomadaire de travail de 63 heures, C______ avait été rémunéré, par mois, frais de repas et salaire en nature compris, CHF 1'295.- nets de janvier 2019 à mars 2020, puis CHF 1'495.- nets jusqu'à la fin des rapports de travail, au lieu de CHF 5'321.40 bruts de janvier 2019 à octobre 2020, CHF 6'279.- bruts en novembre et décembre 2020, CHF 6'316.80 bruts en 2021 et CHF 6'352.70 bruts en 2022. Il en résultait une sous-enchère totale d'un montant de CHF 159'871.- bruts.

Pour une durée hebdomadaire de travail de 54 heures, en avril et mai 2021, D______ avait été rémunéré par mois, salaire en nature compris, CHF 1'995.- nets au lieu de CHF 5'414.40 bruts. Soit une sous-enchère totale de CHF 6'838.80 bruts. Le total de la sous-enchère pour les périodes mentionnées s'élevait à CHF 166'709.80 bruts.

Compte tenu de l'importance de la sous-enchère, de la demande vaine de mise en conformité, de la non-déclaration des salaires aux assurances sociales obligatoires, de la vulnérabilité des personnes employées due à leur statut administratif non conforme, du taux d'activité dépassant largement la durée usuelle de travail et de la mauvaise collaboration dans l'établissement des faits, l'amende de CHF 24'300.- était justifiée quand bien même il s'agissait de la première infraction.

C. a. Par acte du 27 octobre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) à l’encontre de cette décision, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif, principalement à son annulation et à son exonération de toute amende.

C______ avait fourni une prestation de travail sur la durée en faveur de feu B______ qui l'instruisait et qui le rémunérait. Agissant en qualité de représentante de ce dernier, elle s'était limitée à l'assister dans le recrutement, puis dans le suivi des instructions à donner à son employé. Par le passé, feu B______ avait déjà sollicité une de ses connaissances pour l'assister dans le recrutement d'une dame pour s'occuper de son épouse. C______ n'avait pas fourni de prestations en sa faveur. Elle ne l'avait pas rémunéré sur ses deniers. Si elle avait adopté à certaines occasions un comportement « proactif », notamment en l'instruisant et en le surveillant, cela ne suffisait pas à faire d'elle son employeuse. Elle avait simplement pris les précautions nécessaires afin qu'il effectuât correctement sa prestation de travail en faveur de feu son père.

Il était déterminant d'identifier le bénéficiaire de la prestation de travail ainsi que le patrimoine servant au paiement du salaire du travailleur. Or, elle n'avait jamais profité directement de la prestation de travail de C______, ni rémunéré celui-ci avec ses deniers. Ce dernier avait déclaré avoir lui-même approché feu B______ en vue de la négociation de son salaire. Lors de son audition, l'inspectrice de l’OCIRT lui avait posé plusieurs questions mentionnant le fait qu'il travaillait pour feu B______ sans que cela suscitât chez lui de remarque ni d'opposition. Dans le cadre d'une procédure pendante au Tribunal des prud'hommes, les prétentions en paiement étaient dirigées notamment à l'encontre de l'hoirie de feu B______. Tous ces éléments indiquaient que, d'un point de vue subjectif comme objectif, la qualité d'employeur devait être reconnue à ce dernier. Toute autre solution reviendrait à reconnaître cette qualité à tous les proches aidants, curateurs et familiers.

La comptabilisation des heures de travail était erronée. Feu son père recevait trois fois par jour des soins à domicile : les premiers à 7h00, les deuxièmes à 11h00 et les troisièmes à 19h00. Ces soins duraient en moyenne une heure, temps qui ne comptait pas comme du temps de travail de C______. Une femme de ménage effectuait le nettoyage à raison de deux à trois heures toutes les deux semaines. Les tâches de l'employé de maison consistaient en la préparation des repas, en l'assistance pour manger, en l'administration du ménage et des achats. Selon l'Annexe 1 à la Circulaire sur la contribution d'assistance établie par l'office fédéral des assurances sociales (ci‑après : OFAS), l'impotence de degré 3 impliquait le besoin d'aide quotidien de 36 à 59 minutes pour manger, sept à neuf minutes pour l'administration du ménage, 41 à 59 minutes pour l'alimentation, onze à 19 minutes pour les achats et six à neuf minutes pour la lessive. Même à retenir la fourchette haute de chacun de ces postes, le travail quotidien qu'aurait pu solliciter feu B______ était au maximum de deux heures quarante minutes par jour travaillé.

Ce qui précédait valait mutatis mutandis pour D______.

Le temps passé par C______ au domicile de feu son père pendant la pandémie ne pouvait être pris en compte. Elle n'exerçait pas de contrôle continu sur les employés. Le témoignage d'F______ ne pouvait être retenu dans la mesure où elle se contentait de rapporter des propos tenus par l'employé de maison.

Même à supposer que la qualité d'employeuse lui soit reconnue, la peine retenue qui correspondait peu ou prou au maximum légal ne respectait pas le principe de proportionnalité ainsi que celui de la fixation de la peine. La prétendue violation constatée ne concernait que deux employés pour une période entre 2019 et 2022. Compte tenu de la répudiation de la succession de feu son père, elle n'avait pas accès aux relevés bancaires ainsi qu'à toute la documentation bancaire idoine pour attester du paiement des employés. En référence à l'ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 dans lequel la chambre administrative avait réduit une amende à CHF 14'000.- à l'égard d'une employeuse ayant opéré une sous-enchère salaire de CHF 381'701.18 sur six employés pendant de nombreuses années, sa peine ne saurait correspondre à près du double de ladite amende. Elle avait une situation financière obérée, si bien qu'on ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir donné suite à la demande de mise en conformité, ni s'attendre à ce qu'elle puisse s'acquitter d'une amende aussi importante.

b. L'OCIRT a conclu au rejet du recours.

La recourante n'avait à aucun moment précisé qu'elle représentait feu son père. Les pièces du dossier et les déclarations concordantes des employés démontraient qu'elle avait agi en qualité d'employeuse. Lorsque C______ avait tenté à plusieurs reprises de parler d'une possible augmentation de son salaire à feu B______, ce dernier l'avait dirigé vers elle. Informée de ces tentatives, elle avait dit à l'employé qu'il ne devait pas embêter feu son père pour des questions salariales. Elle ne pouvait non plus prétendre de ne jamais avoir profité du travail des employés, car celui-ci la soulageait également dans son quotidien.

c. La recourante a répliqué en relevant qu’il avait été toujours évident pour toutes les personnes employées qu'elle agissait comme simple représentante de feu son père. Il suffisait d'imaginer les rapports de force et les rapports hiérarchiques au sein d'une famille libyenne musulmane pour arriver à la conclusion que le chef de famille était feu B______ et que les employés travaillaient pour lui. Ceux‑ci employaient d'ailleurs le qualificatif « Chef » et le sollicitaient pour obtenir une hausse de salaire, démontrant ainsi avoir compris le rapport de représentation et sa qualité d'employeur. S'il était vrai qu'elle avait dit à C______ d'arrêter d'embêter celui-ci avec ses revendications, c'était parce que son père s'était plaint de son comportement. C'était ce type d'instructions et de conversations qu'ils avaient au téléphone. Les employés savaient pertinemment que leurs salaires, versés par elle-même, son époux, sa sœur ou d'autres membres de la famille provenaient toujours des deniers de feu son père. Il n'y avait jamais eu de lien de causalité direct entre les prestations fournies par les employés et un prétendu « soulagement du quotidien » de sa part. Elle n'avait aucune obligation légale de s'occuper de son père. Le fait qu'elle ait pu être supposément « soulagée au quotidien » ne pouvait pas faire d'elle une employeuse

Les temps de préparation du petit-déjeuner, de réchauffage des plats, de préparation du dîner ne pouvaient excéder respectivement 20 minutes, dix minutes, 40 minutes, vaisselle comprises. La durée des courses qui n'étaient pas quotidiennes ne pouvait excéder une heure, aller-retour compris. Compte tenu de l'âge avancé de son père, ses rendez-vous étaient rares voire inexistants pendant la période de confinement. Il n'y avait rien à faire au domicile pendant et après le passage des prestataires de soins à domicile. Dans ces conditions, il était insoutenable de retenir un temps de travail d'une durée hebdomadaire de 63 heures pour un « travailleur adulte normal ».

Les témoignages arrangés des deux employés dont l'un était un repris de justice reconnu pénalement coupable d'avoir nui intentionnellement à sa personne ne pouvait avoir la prépondérance sur ses propres déclarations.

Était annexé le dispositif d'une ordonnance pénale datée du 20 décembre 2023 condamnant D______ notamment pour injures, enregistrement non autorisé de conversations et menaces au préjudice de la recourante.

d. Le 26 février 2024, la recourante a transmis un état de colocation faisant état de la production des créances de salaires de C______ dans la faillite de feu B______ ainsi qu'un acte de défaut de biens clôturant sa succession liquidée par voie de faillite. Selon le second document, ledit employé a perçu CHF 11'078.53 à titre de paiement d'une partie de ses créances de salaires.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

f. Il ressort de la demande d’assistance juridique de la recourante – partiellement admise – qu’elle est au bénéfice de prestations complémentaires familiales, étant précisé qu’un revenu hypothétique lui a été imputé dans la décision relative à ces prestations.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable, étant précisé que le pli contenant l'acte de recours a été mis à La Poste suisse le 27 octobre 2023 (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de l'amende de CHF 24'300.- infligée à la recourante pour avoir versé à deux employés domestiques des salaires inférieurs aux salaires minimaux prévus par le CTT-EDom.

La recourante soutient qu'elle n'était partie à aucun contrat de travail avec les employés de feu son père.

2.1 Selon l'art. 1er CO de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO - RS 220), le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (al. 1). Cette manifestation peut être expresse ou tacite (al. 2).

En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 II 93 consid. 5.2.1). Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes), qu’elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait ; si au contraire, alors qu’elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s’entendre, ce dont elles étaient d’emblée conscientes, il y a un désaccord patent et le contrat n’est pas conclu.

Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l’une d’elles, ou toutes deux n’ont pas compris la volonté interne de l’autre, ce dont elles n’étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent. Le contrat est alors conclu dans le sens objectif que l’on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance ; en pareil cas, l’accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de rappeler dans un arrêt récent qu'il convenait en premier lieu de rechercher la réelle et commune volonté des parties, et en a rappelé les principes. En présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la réelle et commune intention des parties (arrêt du Tribunal fédéral 4A_156/2021 du 16 juillet 2021 ; interprétation subjective), sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO), le cas échéant empiriquement, sur la base d’indices (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2 ; 129 III 664 consid. 3.1). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu’il s’agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l’époque les conceptions des contractants eux-mêmes. (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et 5.2.3 ; 132 III 268 consid. 2.3.2 ; 131 III 606 consid. 4.1).

L’appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. S’il ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes, ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté exprimée par l’autre à l’époque de la conclusion du contrat- ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu’elle l’affirme en procédure, mais doit résulter de l’administration des preuves-, le juge doit recourir à l’interprétation normative (ou subjective), c’est-à-dire rechercher leur volonté objective en déterminant le sens que, d’après les règles de la bonne foi, chacune d’elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre. On parle d’une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3).

2.2 Selon l'art. 1 al. 2 de la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20), la notion de travailleur est définie par renvoi aux art. 319 ss CO (arrêt du Tribunal fédéral 2C_714/2010 du 14 décembre 2010 consid. 3.2 in fine ; ATA/894/2022 du 6 septembre 2022, consid. 6).

2.3 À teneur de l'art. 319 al. 1 CO, par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni. Les éléments caractéristiques de ce contrat sont donc une prestation de travail, un rapport de subordination, un élément de durée et une rémunération (arrêts du Tribunal fédéral 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3 ; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.1 ; 4A_10/2017 du 19 juillet 2017 consid. 3.1).

Le rapport de subordination revêt une importance primordiale dans la qualification du contrat de travail. Il s'agit de l'élément caractéristique essentiel du contrat de travail. Il présuppose que le travailleur est soumis à l'autorité de l'employeur pour l'exécution du contrat et cela au triple point de vue personnel, fonctionnel (organisation et contrôle), temporel (horaire de travail) et, dans une certaine mesure, économique (ATF 125 III 78 consid. 4, SJ 1999 I p. 385; 121 I 259 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_553/2008 du 9 février 2009 consid. 4.1).

Le travailleur est assujetti à la surveillance, aux ordres et instructions de l'employeur ; il est intégré dans l'organisation de travail d'autrui et y reçoit une place déterminée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_53/2021 précité consid. 5.1.3.1 ; 4A_64/2020 précité consid. 6.3.1 ; 4A_10/2017 précité consid. 3.1).

2.4 Selon l'art. 321d CO, l'employeur peut établir des directives générales sur l'exécution du travail et la conduite des travailleurs dans son exploitation ou son ménage et leur donner des instructions particulières (al. 1) ; le travailleur observe selon les règles de la bonne foi les directives générales de l'employeur et les instructions particulières qui lui ont été données (al. 2). Il s'agit du corollaire de l'élément essentiel du contrat de travail, à savoir le rapport de subordination. L'employé doit suivre les directives même lorsqu'elles sont inappropriées ou inefficaces parce qu'il n'a ni l'obligation, ni le droit d'en contrôler l'opportunité Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 4e éd., 2019, p. 155). Ce pouvoir de direction est exercé par l’employeur lui-même, mais il peut être délégué en partie ou entièrement à un tiers (arrêt du Tribunal fédéral 4A_344/2015 du 10 décembre 2015 consid. 3.4).

2.5 Lorsqu'un représentant agit au nom d'autrui, les droits et obligations dérivant de l'acte accompli passent directement au représenté si le représentant disposait des pouvoirs suffisants à cet effet en vertu du droit public, de la loi ou de la volonté du représenté (art. 33 al. 2 CO) ou, à défaut de pouvoirs, si le représenté ratifie l'acte accompli en son nom (art. 38 CO), ou encore si le tiers de bonne foi pouvait se fier aux pouvoirs qui lui avaient été communiqués, même tacitement (art. 33 al. 3, 34 al. 3 et 37 CO ; ATF 131 III 511 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_487/2018 du 30 janvier 2019 consid. 5.2.2).

Dès lors qu'il agit avec pouvoirs, le représentant n'engage pas seulement le représenté par ses actes, mais également par ce qu'il sait ou doit savoir. Étant donné que la volonté du représentant est le « moteur de la représentation », la connaissance ou l'ignorance par manque d'attention de certains faits par le représentant sont directement attribuées au représenté (représentation de la connaissance). C'est ainsi que la question du consentement, comme condition d'existence d'un contrat, est jugée en fonction du représentant et non du représenté (Christine CHAPPUIS in Luc THÉVENOZ/Franz WERRO [éd.], Commentaire romand du code des obligations, 3e éd., 2021, n. 21 ad art. 32 CO).

La manifestation de la volonté d'agir au nom d'autrui peut intervenir de manière expresse ou par actes concluants. La manifestation intervient par actes concluants lorsque le tiers doit déduire l'existence d'un rapport de représentation des circonstances. Aussi celui qui laisse créer l'apparence d'un pouvoir de représentation se trouve-t-il lié par les actes accomplis en son nom (ATF 131 III 511 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_58/2010 du 22 avril 2010 consid. 4.2).

2.6 Selon l'art. 530 al. 1 CO, la société simple est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun.

Le but de la société simple peut être de conclure en commun un contrat; les moyens nécessaires pour atteindre le but social peuvent consister dans des prestations pécuniaires ou personnelles, qui ne seront pas nécessairement égales ni toujours prédéterminées. La conclusion d'un contrat de société simple peut résulter tacitement du comportement des parties, même si ces dernières ne sont pas conscientes de conclure un tel contrat (ATF 124 III 363 consid. II/2a ; 116 II 707 consid. 2a).

Lorsque deux personnes emploient un salarié à plein temps dont elles déterminent l'occupation, en se répartissant, sur la base d'accords internes, leurs droits et obligations envers lui, il convient d'admettre qu'elles sont liées par un contrat de société simple, dont le but est l'utilisation des services du travailleur (arrêts du Tribunal fédéral 8C_130/2020 du 30 juin 2020 consid. 7.3; 4C.41/1999 du 12 juillet 2000 consid. 5b). Chacune d'elles a le droit d'administrer la société (art. 535 al. 1 CO) et de la représenter envers tout tiers, tel le salarié (art. 543 al. 3 CO), les associés étant solidairement responsables des engagements qu'ils ont assumés envers ledit tiers, singulièrement en agissant conjointement (art. 544 al. 3 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4C.41/1999 précité consid. 5b).

Dans le domaine du travail domestique, la jurisprudence tant en matière administrative que civile a ainsi retenu la qualité d'employeuse d'une recourante qui donnait régulièrement à l'employée de maison de sa mère des instructions sur la manière d'effectuer son travail (ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 6 ; C/18817/2022 CAPH/37/2024 du 15 avril 2024 consid. 3.2).

2.7 En l'espèce, il n'est pas contesté que les employés domestiques auprès de feu B______ étaient liés chacun par un contrat de travail tacite. Reste à déterminer l'identité de la partie employeuse.

L'OCIRT a considéré la recourante comme l'employeuse à la lumière de ses propres constatations. Cette qualification est rendue vraisemblable à l'examen des éléments du dossier. Il y ressort qu'elle a recruté et choisi C______ ainsi qu'D______ avec l'aide de son mari. Il n'est ni étayé ni démontré qu'ils auraient été recrutés par feu son père et qu'elle aurait été témoin de l'accord verbal entre celui-ci et le premier. Même s'il était exact que feu B______ avait participé à leur embauche, cela n'emporterait aucune conséquence sur la détermination de sa qualité d'employeuse qui est, selon la jurisprudence précitée, principalement tributaire de l'existence d'un lien de subordination entre elle et les employés précités.

En effet, les échanges de la messagerie WhatsApp versés au dossier et les déclarations concordantes des employés attestent de ce qu'elle planifiait, organisait et assurait un contrôle strict de la bonne exécution des tâches quotidiennes. Elle ne le conteste d’ailleurs pas totalement, puisqu'elle soutient avoir agi en qualité d'intermédiaire de son père. Or, elle n'a jamais indiqué aux employés intervenir en cette qualité. Au contraire, elle a réprimandé un employé qui s'était adressé à feu son père et non à elle pour entamer une négociation à la hausse de son salaire. Le fait qu'elle ait donné régulièrement des instructions aux employés même en présence de son défunt père sans expliquer de manière circonstanciée pourquoi celui-ci n'était pas capable de le faire lui-même alors qu'il parlait la même langue que les employés et qu'il disposait, en l'absence de preuves contraires, de la capacité de discernement s'accommode mal de son prétendu rôle d'intermédiaire.

Le fait que l'un des employés a été condamné par ordonnance pénale ne change rien à ce qui précède, l’ordonnance, dont la recourante n’a produit que le dispositif, ne comportant pas d’éléments venant contredire les constats qui précèdent.

Enfin, quand bien même il conviendrait de retenir un lien de subordination des employés à l'égard du défunt, il apparaît cependant à l'aune de l'ensemble des éléments sus-exposés, que ledit lien était tout aussi voire plus important avec la recourante qu’avec feu son père. Ainsi, peu importe, conformément à la jurisprudence précitée, que les salaires des employés aient été essentiellement payés avec les deniers du père de la recourante, le lien de subordination entre celle-ci et les employés devant être admis.

3.             La recourante reproche à l’OCIRT d'avoir mal apprécié les horaires de travail des employés.

3.1 Selon le CTT-EDom, en vigueur dès 2016 et jusqu’à la fin des relations de travail des employés, sont considérés comme personnel de l'économie domestique, les travailleurs occupés dans un ménage privé (art. 1 CTT-EDom).

La durée de leur semaine de travail est de 45 heures (art. 5 al. 1 CTT-EDom).

3.2 À teneur de l'art. 7 CTT-EDom, sont réputées heures supplémentaires les heures accomplies en sus du maximum quotidien ou hebdomadaire (al. 1). Les heures effectuées les dimanches et jours fériés ouvrent droit, au choix du travailleur, soit à une majoration de salaire de 50%, soit à un congé payé majoré de 50% (al. 2).

3.3 L’employeur tient un registre des heures de travail et des jours de repos effectifs. Le travailleur peut s’informer en tout temps sur ses heures de travail, jours de repos, jours fériés et vacances qui lui restent à prendre (art. 10bis al. 3 CTT- Edom). À défaut, l'enregistrement de la durée du travail fait par le travailleur vaut moyen de preuve en cas de litige (art. 10bis al. 4 CTT-Dom).

3.4 Selon l’art. 1 al. 2 LDét, parmi les objectifs de cette loi figure le contrôle des employeurs qui engagent des travailleurs en Suisse, et les sanctions qui leur sont applicables en cas de non-respect des dispositions relatives aux salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail au sens de l'art. 360a CO. La recourante, au vu de ce qui précède, appartient à cette catégorie d’employeurs, est donc soumise au respect des dispositions précitées qui renvoient à celles du CTT-EDom.

3.5 Aux termes de l’art. 1 al. 2 CTT-EDom, ce dernier s’applique à tout le personnel affecté aux activités domestiques traditionnelles ou nouvelles, notamment aux maîtres d'hôtel, gouvernantes, cuisiniers, cuisinières, valets de chambre, femmes de chambre, chauffeurs, jardiniers, jardinières, ainsi qu’aux autres employés de maison affectés notamment au nettoyage, à l’entretien du linge, aux commissions, à la prise en charge d’enfants, de personnes âgées, de personnes handicapées et de malades, à l’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées et aux malades dans la vie quotidienne.

3.6 Les salaires minimaux prévus dans le CTT-EDom ont un caractère impératif au sens de l’art. 360a CO (art. 10 al. 7 CTT-EDom). Les contrats-types édictés en application de l’art. 360a CO, relatif aux salaires minimaux, présentent un caractère impératif, de sorte qu’il ne peut être dérogé aux salaires minimaux en défaveur du travailleur (art. 360d al. 2 CO).

3.7 L’art. 10 CTT-Edom, dans sa teneur applicable au moment des faits, concrétise l’obligation de l’employeur de verser les salaires minimaux à ses employés pour une durée hebdomadaire de 45 heures, étant précisé qu’en cas de travail partiel, le salaire minimum est calculé prorata temporis (art. 10 al. 7 CTT EDom). Les salaires minimaux s’élevaient, à partir du 1er janvier 2018, à CHF 3'801.- pour un employé non qualifié, à CHF 4485.- entre novembre et décembre 2020, à CHF 4'512.- à partir du 1er janvier 2021 et à CHF 4537.65, dès le 1er janvier 2022 pour les deux catégories de travailleurs, sans distinction.

Les montants ci-dessus comprennent le salaire en nature pour le logement et pour la nourriture. S’il est logé ou nourri par l’employeur, le travailleur reçoit en espèces la différence entre ces montants et la valeur du logement ou de la nourriture selon les normes AVS en vigueur, rappelées en annexe au CTT-EDom (art. 10 al. 3 CTT- EDom).

Un décompte détaillé mentionnant les composantes du salaire (notamment salaire brut, heures supplémentaires), ainsi que les retenues (notamment AVS, assurances, impôt à la source) est remis chaque mois au travailleur (art. 10 al. 6 CCT-EDom).

3.8 Le travail à rémunérer, au sens de l'art. 319 CO, s'entend de toute occupation humaine qui tend, de manière planifiée, à la satisfaction d'un besoin. Il ne s'agit pas nécessairement d'un comportement actif. Lorsque le travailleur se tient prêt à fournir sa prestation, cette seule disponibilité à travailler contribue en effet à la satisfaction des besoins de l'employeur. Le service de disponibilité est une prestation de travail ; il ne se conçoit que contre rétribution (art. 320 al. 2 CO), car le travailleur ne fournit pas cette prestation de manière désintéressée, mais en vue de la prestation principale (rémunérée) (ATF 124 III 249 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_96/2017 du 14 décembre 2017 consid. 2.1 et 4A_334/2017 du 4 octobre 2017 consid. 2.2 et 2.3).

3.9 En l'espèce, la recourante ne tenait pas un registre des jours et heures de travail et des jours de repos effectifs. Elle allègue que le temps de travail à retenir devrait être compris entre deux heures et demie et trois heures. Après avoir déclaré le 10 octobre 2022 que C______ devait accueillir chaque matin à 6h30 et chaque soir entre 18h et 18h30, au plus tard à 19h30, un infirmier ou une infirmière pour les soins à domicile, elle indique dans son recours que ceux-ci étaient dispensés trois fois par jour, soit à 7h00, 11h30 et 19h00. Ces soins durant en moyenne une heure, les trois heures ne devaient pas être comptées comme du temps de travail. Seules devaient être prises en compte les tâches dédiées à la préparation des repas, à l'assistance pour manger, à l'administration du ménage et des achats.

Une telle argumentation ne convainc pas. C______ a déclaré qu'il se levait à 6h00 pour ouvrir la porte à l'infirmier ou l'infirmière, puis assurait une présence continue ponctuée de diverses tâches (petit-déjeuner, nettoyage, réchauffage des plats, remplacement des protections, achats alimentaires ou accompagnement) au service de feu B______ jusqu'à 21h00, heure à laquelle ce dernier se couchait. D______ a affirmé avoir assuré une présence effective continue auprès de feu B______ entre 7h00 et 20h30. Ce dernier, incontinent et dépendant, les sollicitait pour tout.

Selon la recourante elle-même, la présence de tiers, à savoir précisément les employés domestiques au domicile de feu son père, était justifiée par le souci de ne pas le laisser seul pendant une longue durée en raison de son âge et de son état de santé. L'employé devait lui annoncer son absence afin qu'elle-même, son mari ou l'une de ses filles puisse le relayer auprès de son défunt père. Conformément à l'allègement des preuves prévu à l'art. 10bis al. 4 CTT-Dom et à l'aune de cet état de fait, il sera retenu que la présence continue des employés auprès de ce dernier était requise. On ne peut pas non plus exclure que C______ ait été parfois sollicité par feu B______ pendant le nuit, comme l'atteste un message du 4 juin 2021 dans lequel il demandait à la recourante combien d'heures il travaillait par jour et indiquait qu'il avait été sollicité par feu son père depuis 4h00 du matin.

Quoi qu'en pense la recourante, outre les tâches dont l'exécution n'est pas contestée, le temps de présence continue des employés faisait partie du travail à effectuer. Peu importe que, selon l’allégation par ailleurs non prouvée de la recourante, une femme de ménage œuvrait également au domicile de son père.

Vu ce qui précède, la fixation de la durée hebdomadaire de la durée du temps de travail à 63 heures pour l'un des employés et à 54 heures pour l'autre ne prête pas le flanc à la critique.

Le montant de la sous-enchère salariale, d’au total CHF 166'709.80 brut, déterminé sur le base des heures de travail ainsi retenues, n’est en tant que tel pas contesté. Il est au demeurant conforme aux horaires accomplis pendant la durée d’emploi des deux employés, aux salaires déjà perçus et aux pièces du dossier.

4.             La recourante conteste tant le principe que la quotité de l'amende.

4.1 Selon l’art. 35 al. 3 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT- J 1 05), l’OCIRT est l'autorité de contrôle compétente pour le prononcé des sanctions et mesures administratives prévues par l'art. 9 LDét. En outre, il est spécifiquement désigné pour être l’autorité compétente pour contrôler le respect des salaires minimaux prévus dans les contrats-types de travail (art. 34A LIRT) et pour prononcer les sanctions administratives qui s’imposent selon l’art. 9 LDét en cas de non-respect de ceux-ci (art. 34B al. 1 LIRT).

4.2 Selon l’art. 39N LIRT, l'OCIRT peut prononcer une amende administrative de CHF 30'000.- au plus lorsqu'un employeur ne respecte pas le salaire minimum prévu à l'art. 39K LIRT. Ce montant de l'amende administrative peut être doublé en cas de récidive (al. 1). L'office peut également mettre les frais de contrôle à la charge de l'employeur (al. 2).

4.3 La LDét ne contient aucune précision concernant les principes afférents au prononcé d’une amende administrative et à sa quotité. Les règles générales en la matière peuvent ainsi s’appliquer, rien ne s’y opposant.

4.4 Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale. Leur quotité doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 6a ; ATA/810/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4a et la référence citée). En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût‑ce sous la forme d'une simple négligence. L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP ; principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP ; ATA/651/2022 du 23 juin 2022 consid. 14d et les arrêts cités).

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/651/2022 précité consid. 14d et les arrêts cités).

Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/651/2022 précité consid. 14f et la référence citée). Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATA/651/2022 précité consid. 14e et les arrêts cités).

4.5 De jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La chambre administrative ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus (ATA/131/2023 du 7 février 2023 consid. 5d ; ATA/1253/20 du 13 décembre 2022 consid. 3b).

4.6 La chambre adminstrative a confirmé une amende de CHF 1'300.- pour une sous-enchère salariale de CHF 24'051.-, commise pendant dix mois, par un employeur dont la collaboration à l’instruction avait été excellente, qui avait procédé au rattrapage salarial et n’avait pas d’antécédents (ATA/1071/2023 du 28 septembre 2023 consid. 3.2). Elle a confirmé une amende de CHF 8'000.- portant sur une sous-enchère salariale de CHF 42'668.-, ayant duré plus d'un an et demi, dans le contexte d’une mauvaise collaboration et de l’absence de rattrapage salarial (ATA/521/2023 du 22 mai 2023 consid. 4.2).

Dans une affaire dans laquelle la sous-enchère salariale avait duré quatre ans, été commise au préjudice de cinq employées, constituait la première infraction commise par l’intéressée et consacrait une faute moyenne de cette dernière relativisée par les circonstances, et où la collaboration avait été qualifiée de moyenne, la chambre administrative a réduit l'amende de CHF 28'000.- à CHF 14'000.- (ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 9).

4.7 En l'espèce, l'autorité intimée a infligé à la recourante une amende de CHF 24'300.-.

Mue par la volonté de réaliser des économies, la recourante s'est attachée à recruter les employés domestiques à l'étranger au mépris de la légalité, soit en particulier les normes protectrices des salaires minimaux et des dispositions relatives à l’exercice d’une activité lucrative exercée par une personne sans titre de séjour en Suisse. En dépit de la demande insistante de l'un des employés d'une augmentation de son salaire et de la régularisation de son statut administratif, ce choix a été maintenu jusqu'à ce que celui-ci décide de mettre fin à son activité. La sous-enchère salariale, de CHF 166'709.80, est importante. Malgré la demande de mise en conformité, la recourante n'a procédé ni au paiement des cotisations aux assurances sociales ni au versement, même partiel, du rattrapage salarial. Ces manquements peuvent être qualifiés de graves.

L’OCIRT a tenu compte dans la fixation du montant de l'amende des circonstances « particulièrement » déplorables dans lesquelles la sous-enchère salariale a été pratiquée, à savoir notamment la vulnérabilité des employés due à l'irrégularité de leur statut administratif et les conditions de travail caractérisées par des taux de travail dépassant de loin la durée usuelle d'un plein temps, pour un salaire non déclaré aux assurances sociales et largement en-dessous des minima légaux. S'y ajoute le fait que l'employeuse ne tenait pas de registre des heures de travail et des jours de repos effectifs. La collaboration de la recourante à l'établissement des faits a en outre – contrairement au cas qu’elle cite (ATA/894/2022) – été faible, celle-ci ne donnant pas entièrement suite aux demandes de renseignements, notamment en ne la renseignant pas sur la personne employée au domicile de feu son père avant C______ et D______, et en déclarant faussement qu'une femme de ménage était affectée au nettoyage de l'appartement de son père, alors que ce travail était effectué par les employés de maison. Au-delà de ces circonstances dont la prise en compte dans la fixation de l'amende contestée n'est pas critiquable, il convient encore de relever que la sous-enchère salariale de CHF 166'709.80 a duré trois années et demie et concernait deux employés.

Il apparaît toutefois que, dans l’appréciation de l’ensemble des circonstances, l’OCIRT n’a pas tenu compte de la situation financière de la recourante. Celle-ci est, à teneur du dossier, bénéficiaire de prestations complémentaires familiales, étant cependant relevé qu’elle n’exploite pas sa capacité de gain, un revenu hypothétique lui ayant été imputé par le service des prestations complémentaires.

En tant que ce critère d’appréciation n’a pas été pris en compte par l’OCIRT, celui‑ci a fait preuve d'une sévérité excessive en arrêtant la quotité de l'amende à CHF 24'300.-. L’amende infligée sera ainsi réduite à CHF 15'000.-, montant plus conforme au principe de proportionnalité. Il tient dûment compte de la gravité de la faute de la recourante, qui n’a pas d'antécédent, et de sa situation financière.

Le recours sera ainsi partiellement admis en tant que l’amende est réduite. Pour le surplus, il sera rejeté.

5.             Malgré l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu, la recourante plaidant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA et art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Ayant obtenu très partiellement gain de cause, une indemnité réduite de procédure de CHF 300.- lui sera allouée, à la charge de l'OCIRT (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 octobre 2023 par A______ contre la décision de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 26 septembre 2023 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

réduit le montant de l'amende de CHF 24'300 à CHF 15'000.- ;

rejette le recours pour le surplus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 300.- à A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lassana DIOUM, avocat de la recourante, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail ainsi qu’au secrétariat d’État à l’économie.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. DESCHAMPS

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :