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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/61/2024

ATA/269/2024 du 27.02.2024 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/61/2024-FORMA ATA/269/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 février 2024

2ème section

dans la cause

 

A______ recourant

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée



EN FAIT

A. a. A______ a été immatriculé pour l’année académique 2022-2023 au baccalauréat en relations internationales (ci-après : BARI) dispensé par le Global Studies Institut (ci-après : GSI) de l’Université de Genève.

b. Il n’a réussi aucun examen de la session de janvier-février 2023.

c. Il a réussi trois des huit examens de la session de mai-juin 2023, ce qui lui a valu neuf crédits.

d. Lors de la session extraordinaire d’examens d’août-septembre 2023, il a réussi deux des neuf examens. Il a ainsi obtenu, au total, moins de 30 crédits durant sa première année d’études au GSI.

e. Par décision du 15 septembre 2023, il a été éliminé du cursus, au motif que le nombre de crédits exigé n’avait pas été atteint.

f. Dans son opposition à cette décision, il n’a pas contesté les notes obtenues. Il s’est prévalu de circonstances exceptionnelles. L’hospitalisation de sa mère en décembre 2022, son domicile éloigné de l’Université et son emploi exercé les week-ends et pendant les vacances scolaires avaient eu un impact sur sa capacité à préparer ses examens.

g. Dans la décision rejetant l’opposition le 5 décembre 2023, le directeur du GSI a considéré que les éléments invoqués ne constituaient pas des circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 58 al. 4 du statut de l’Université.

B. a. Par acte du 8 janvier 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre cette décision, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu à être autorisé à redoubler sa première année universitaire. Il a requis, à titre superprovisionnel et provisionnel, la restitution de l’effet suspensif.

Il vivait avec sa mère au Territet (VD). Celle-ci souffrait d’une grave dépression l’ayant conduite à plusieurs reprises à des hospitalisations. Il lui apportait une assistance continue. En sus, il travaillait les week-ends et pendant les vacances universitaires auprès d’une chaîne de fast food à Montreux. À la suite de la rechute de sa mère qui l’avait conduite à être hospitalisée en décembre 2022 pendant deux semaines, il avait, pendant les deux mois suivants, revêtu la qualité de proche-aidant. La pathologie de sa mère, présente depuis décembre 2019, avait précédemment, alors qu’il était au collège, déjà eu un impact considérable sur lui. Il n’avait ainsi pu obtenir la maturité fédérale que grâce au soutien particulier d’une représentante du service de médiation scolaire de son gymnase, mais en était sorti profondément affecté.

L’autorité intimée, qui n’avait pas tenu compte de l’ensemble des éléments en présence, avait apporté une appréciation humiliante et insoutenable sur sa situation, qu’elle avait qualifiée, « entre les lignes », de banale.

Il a produit une attestation de suivi de la médiatrice scolaire du 15 décembre 2023, un certificat médical du 29 décembre 2023 au nom de sa mère, indiquant que l’état de santé de celle-ci l’avait entravé dans sa capacité de poursuivre sereinement ses études, ainsi qu’une attestation de travail pendant les week-ends et les vacances scolaires d’une chaîne de fast food de Montreux.

b. La requête de mesures superprovisionnelles a été rejetée le 10 janvier 2024.

c. L’Université a conclu, par écritures séparées, au rejet de la requête de restitution d’effet suspensif et du recours.

L’hospitalisation et la convalescence de la mère de l’étudiant avaient eu lieu entre décembre 2022 et février-mars 2023. Il aurait ensuite, avant la session d’examens extraordinaire d’août-septembre 2023, eu le temps de demander leur report. Il avait toutefois choisi de se présenter à cette session, de sorte qu’il ne pouvait a posteriori revenir sur ce choix.

d. Le recourant a contesté les conclusions de l’intimée sur effet suspensif et indiqué qu’il renonçait à répliquer.

e. Dans sa réplique sur le fond, il a relevé qu’il n’avait, lors de son inscription à la session de mai-juin 2023, en mars 2023, pas eu le temps de se rendre compte de son état psychologique. Il avait dû rattraper la quasi intégralité du semestre de printemps. Il n’avait appris son échec partiel aux examens de juin 2023 que le 30 juin 2023, ce qui ne lui avait pas laissé beaucoup de temps pour se préparer à son ultime tentative en août 2023. Le raisonnement de l’autorité intimée était trop simpliste lorsqu’elle retenait qu’il aurait aisément pu analyser sa santé psychologique. Il ne pouvait lui être reproché d’avoir réagi tardivement. La problématique de circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 58 du statut ne se posait qu’en cas d’élimination, de sorte qu’il ne pouvait lui être reproché de n’avoir réagi qu’à réception de la décision d’élimination.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif et sur le fond.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant soutient qu'il se trouvait dans une situation exceptionnelle justifiant l'octroi de deux semestres supplémentaires.

2.1 Selon l'art. 10 du règlement d’études du BARI du 24 septembre 2020 (ci-après : RE) applicable à la présente espèce, les études du BARI sont divisées en deux parties (al. 2). La première partie correspond aux deux premiers semestres d'études et permet d'acquérir 60 crédits (al. 3). La deuxième partie correspond à quatre autres semestres et permet d'acquérir 120 crédits (al. 3). Pour obtenir le baccalauréat, l'étudiant doit donc acquérir un total de 180 crédits, conformément au plan d'études (al. 5 RE).

À teneur de l'art. 21 al. 1 let. a RE, l'étudiant qui n'a pas acquis au moins 30 crédits lors des deux semestres d'études de l'année en cours, et ce, au plus tard à l'issue de la session extraordinaire, subit un échec définitif et est éliminé par décision du directeur du GSI.

2.2 L'art. 58 al. 4 du statut prévoit la prise en compte des situations exceptionnelles lors d'une décision d'élimination.

L'admission d'une situation exceptionnelle doit se faire avec restriction. Il en va de l'égalité de traitement entre tous les étudiants s'agissant du nombre de tentatives qu'ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N'est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l'étudiant, ce tant d'un point de vue subjectif qu'objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l'étudiant et être en lien de causalité avec l'événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'autorité de recours ne censure que l'abus. La chambre de céans n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/427/2022 du 26 avril 2022 consid. 3b ; ATA/281/2021 du 3 mars 2021).

Ont ainsi été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d'un proche s'il est établi qu'il a causé un effet perturbateur en lien de causalité avec l'échec de l'étudiant, de graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant. En revanche, des difficultés financières, économiques ou familiales ainsi que l'obligation d'exercer une activité lucrative en sus des études ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte. Ces difficultés sont certes regrettables, mais font partie d'une réalité commune à de très nombreux étudiants (ATA/281/2021 précité ; ATA/459/2020 du 7 mai 2020 consid. 5b ; ATA/250/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b et les références citées).

Les candidats qui ne se sentent pas aptes, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen doivent l’annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l’étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l’annulation des résultats obtenus. Un motif d'empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu'avant ou pendant l'examen (ATA/128/2023 du 7 février 2023 consid. 2.2.1 ; ATA/345/2020 du 7 avril 2020 consid. 7b ; ATA/250/2020 du 3 mars 2020 consid. 4c ; ATA/192/2020 du 18 février 2020).

2.3 Dans l'exercice de ses compétences, toute autorité administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, que ce respect soit imposé par l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ou, de manière plus générale, par l'art. 5 al. 2 Cst., dans ses trois composantes, à savoir l'aptitude, la nécessité et la proportionnalité au sens étroit. Ainsi, une mesure étatique doit être apte à atteindre le but d'intérêt public visé, être nécessaire pour que ce but puisse être réalisé, et enfin être dans un rapport raisonnable avec l'atteinte aux droits des particuliers qu'elle entraîne (ATF 136 I 87 consid. 3.2 ; 135 I 176 consid. 8.1 ; ATA/832/2013 du 17 décembre 2013 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 197 ss n. 550 ss).

2.4 En l'espèce, dans la mesure où le recourant n'a pas obtenu 30 crédits du BARI au cours de l'année académique 2022-2023, c'est à juste titre que l'intimé a prononcé son élimination ; le recourant ne le conteste d’ailleurs pas.

Il convient d'examiner si des circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 58 al. 4 du statut, dont se prévaut le recourant, justifient de l’autoriser à redoubler sa première année d’études du BARI.

Le recourant établit par pièces que sa mère souffre d’une dépression sévère, qui l’a conduite à plusieurs hospitalisations, notamment entre le 2 et le 13 décembre 2022. Il n’est pas contesté qu’il vit avec elle et qu’il exerce une activité lucrative les week-ends et pendant les vacances scolaires. Il ressort également des documents produits, notamment du certificat médical du 29 décembre 2023 ainsi que de l’attestation de suivi de la médiatrice scolaire du 15 décembre 2023, que les problèmes de santé de sa mère ont un impact sur l’état psychique du recourant. Il est manifeste que ces éléments l’ont affecté dans sa capacité à se consacrer pleinement à ses études.

Cependant, lorsqu’il s’est présenté aux examens, le recourant se savait affaibli dans sa santé. Il a, en effet, exposé qu’il était confronté aux problèmes psychologiques de sa mère depuis décembre 2019, avait pris un emploi en juin 2021 et que les difficultés familiales et financières avaient eu un impact sur sa formation et son état de santé psychique. Il convient ainsi de suivre l’autorité intimée lorsqu’elle considère que le recourant, lorsqu’il s’est présenté aux sessions d’examen de juin et d’août 2023, a pris le risque de se présenter à ceux-ci dans un état de santé déficient. L’étudiant n’établit pas que son état psychique, en mai-juin ou en août-septembre 2023, ne lui permettait pas de se rendre compte qu’il n’était pas en mesure de se présenter aux examens ; les pièces produites, notamment le certificat médical du 29 décembre 2023 établi par le médecin de sa mère, ne permettent pas d’en tirer une telle conclusion.

Par ailleurs, compte tenu de l’écoulement du temps entre l’hospitalisation de sa mère en décembre 2022, la convalescence de celle-ci de deux mois et les sessions d’examen de mai-juin et août-septembre 2023, le lien de causalité entre ces évènements et l’échec du recourant aux examens de ces sessions fait défaut. Ainsi, s’il est indéniable que le recourant a été confronté à une situation familiale et financière difficile, celle-ci n’atteint pas le degré d’intensité et de gravité suffisant exigé par la jurisprudence pour admettre l’existence de circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 58 al. 4 du statut et ne peut être mise en lien de causalité avec ses échecs.

Partant, c’est sans violer le droit ni abuser de son pouvoir d’appréciation que l’intimée a refusé d’admettre l’existence de circonstances exceptionnelles et prononcé l’élimination du recourant du GSI.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

Le présent arrêt rend sans objet la requête de restitution de l’effet suspensif.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge du recourant, qui n’indique pas être exonéré des taxes universitaires (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Plaidant en personne et succombant, il ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 janvier 2024 par A______ contre la décision de l’Université de Genève du 5 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;


communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :