Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4005/2020

ATA/281/2021 du 02.03.2021 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4005/2020-FORMA ATA/281/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mars 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Madame Cristiana MONTEIRO OLIVEIRA
représentée par Me Tal Schibler, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1) Madame A______s'est immatriculée à la faculté de médecine (ci-après : faculté) de l'université de Genève en automne 2019.

2) Compte tenu de la pandémie liée au coronavirus, le Rectorat de l'université a publié une directive le 25 mars 2020 indiquant qu'un échec à une évaluation lors de la session d'examens de mai-juin 2020 ne serait pas compté comme tentative. En outre, un congé d'un semestre serait accordé à chaque étudiant qui en ferait la demande avant le 30 avril 2020.

3) Le 28 mars 2020, la faculté a informé les étudiants qu'au vu de la crise sanitaire qui ne permettait pas d'organiser l'examen de première année de médecine dans des conditions acceptables, celui-ci était reporté au mois d'août 2020.

4) Dès mai 2020, la faculté a mis en place un programme de révision structurée. Elle a également proposé des séances de méditation afin d'aider les étudiants à mieux gérer leur stress. Le service santé et psychologie de l'université a, en outre, ouvert une permanence téléphonique pour les étudiants.

5) Le 8 juin 2020, l'université a ré-ouvert ses portes ainsi que celles de la bibliothèque du Centre médical universitaire (ci-après : CMU).

6) Lors de la session d'examens d'août 2020, Mme A______a obtenu la note de 2.75, soit une note éliminatoire.

7) Le 8 septembre 2020, le doyen de la faculté a prononcé son élimination compte tenu de l'échec définitif.

8) Dans son opposition, l'étudiante a exposé qu'elle avait travaillé, en raison de la crise sanitaire, entourée de cinq membres de sa famille, puis de manière acharnée pendant trois mois. Se désinscrire serait revenu à effacer huit mois de sa vie. Il était, par ailleurs, injuste de ne pas comptabiliser les échecs comme le faisaient les autres facultés.

9) Dans son préavis sur opposition, la commission d'opposition de la faculté a relevé que les examens avaient été déplacés au mois d'août 2020 afin que les étudiants aient plus de temps pour se préparer et bénéficier de la réouverture de la bibliothèque. Des répétitoires supplémentaires avaient été organisés et un soutien psychologique proposé aux étudiants. Le fait que d'autres facultés aient adopté des règles plus souples n'était pas pertinent. La candidate avait attendu de recevoir les résultats avant de se prévaloir de la situation qui l'avait empêchée de les réussir. Le préavis était donc négatif.

10) Par décision sur opposition du 2 novembre 2020, le doyen a rejeté l'opposition, faisant sienne la motivation de la commission précitée.

11) Par acte déposé le 30 novembre 2020 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______a recouru contre cette décision, dont elle a demandé l'annulation. Elle a conclu aux constats que celle-ci était contraire au droit et que les conditions d'une dérogation en vue de redoublement étaient remplies ainsi qu'à sa ré-immatriculation et réintégration en première année d'études de médecine.

Pendant le semi-confinement, les membres de sa famille avaient entrepris divers travaux et bricolages, qui avaient occasionné du bruit et l'avaient empêchée de se concentrer, malgré ses demandes de faire moins de bruit. Dès lors qu'un congé qu'elle aurait pu demander aurait engendré un redoublement de l'année, elle avait préféré continuer dans la préparation des examens. Après son échec, qui s'écartait d'un quart de point de la note permettant un redoublement, elle avait dû attendre deux semaines avant de pouvoir parler à une conseillère aux études. Celle-ci lui avait rapidement indiqué qu'il ne lui restait plus qu'à aller étudier en Roumanie ou à refaire ses études dans huit ans.

Elle remplissait les conditions d'une situation exceptionnelle, du fait d'avoir dû suivre les cours à distance et réviser à domicile où elle ne bénéficiait pas d'un cadre de travail adéquat et des difficultés psychologiques engendrées par l'enfermement, le manque de soutien et le stress. La possibilité de prendre un congé en s'annonçant avant le 30 avril 2020 l'avait placée dans une situation encore plus défavorable. En plus, les étudiants ayant choisi le congé étaient mieux placés que ceux qui s'étaient présentés aux examens.

12) La faculté a conclu au rejet du recours.

Elle avait pris des mesures pour que l'examen de première année se passe dans des conditions satisfaisantes malgré la situation sanitaire. Il avait été déplacé d'un mois afin que les étudiants disposent de plus de temps et bénéficient de la réouverture des bibliothèques. Des places de travail supplémentaires avaient été proposées dans les locaux du CMU. Un programme de révision structurée avait exceptionnellement été mis en place pour soutenir les étudiants dans leur apprentissage dans cette période inhabituelle. L'existence du groupe de soutien avait été rappelée aux étudiants. Par ailleurs, une permanence téléphonique avait spécialement été instaurée par le service santé et psychologie de l'université. Enfin, des séances de méditation avaient été organisées. La recourante avait pu bénéficier de ces aides. Les difficultés qu'elle avait rencontrées, bien que regrettables, faisaient partie d'une réalité commune à de nombreux étudiants. Enfin, le principe de l'égalité de traitement avait été respecté.

13) La recourante ne s'étant pas manifestée dans le délai de réplique, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante indique, à titre de preuve, son audition.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 144 I 11 consid. 5.3). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de celles-ci, s'il acquiert la certitude qu'elles ne l'amèneront pas à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, la recourante a pu exposer sa situation par écrit à plusieurs reprises tant devant l'autorité intimée que devant la chambre de céans. Son audition n'apparaît pas nécessaire, dès lors qu'elle a eu l'occasion de détailler son argumentaire au travers de son opposition et son recours et de produire les pièces pertinentes à l'appui de sa position. Par ailleurs, elle n'explique pas en quoi son audition permettrait d'apporter un élément décisif supplémentaire par rapport aux explications déjà fournies. Pour le surplus, la chambre administrative dispose d'un dossier complet lui permettant de statuer en connaissance de cause.

Il ne sera donc pas procédé à l'audition de la recourante.

3) Celle-ci ne conteste pas les résultats de l'examen ni que, selon le règlement applicable, la note obtenue conduit à un échec définitif, qui entraîne son élimination de la faculté. Elle se prévaut toutefois de circonstances exceptionnelles.

a. À teneur de l'art. 58 al. 3 du statut de l'Université du 22 juin 2011 (ci-après : statut), l'étudiant qui échoue à un examen ou à une session d'examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d'études est éliminé (let. a). La décision d'élimination est prise par le doyen de l'unité principale d'enseignement et de recherche, lequel tient compte des situations exceptionnelles (art. 58 al. 4 du statut).

Le doyen ou la doyenne tient compte des situations exceptionnelles lors de la prise d'une décision d'élimination (art. 58 al. 4 du statut).

b. Selon la jurisprudence, l'admission d'une situation exceptionnelle doit se faire avec restriction. Il en va de l'égalité de traitement entre tous les étudiants s'agissant du nombre de tentatives qu'ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N'est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l'étudiant, ce tant d'un point de vue subjectif qu'objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l'étudiant et être en lien de causalité avec l'événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'autorité de recours ne censure que l'abus. La chambre de céans n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/1121/2020 du 10 novembre 2020 consid. 4.d ; ATA/716/2020 du 4 août 2020 et les références citées).

Ont ainsi été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d'un proche s'il est établi qu'il a causé un effet perturbateur en lien de causalité avec l'échec de l'étudiant, de graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant. En revanche, des difficultés financières, économiques ou familiales ainsi que l'obligation d'exercer une activité lucrative en sus des études ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte. Ces difficultés sont certes regrettables, mais font partie d'une réalité commune à de très nombreux étudiants (ATA/459/2020 du 7 mai 2020 consid. 5b ; ATA/250/2020 précité consid. 4b et les références citées).

c. Les candidats qui ne se sentent pas aptes, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen doivent l'annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l'étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l'annulation des résultats obtenus (ATA/459/2020 précité ; ATA/345/2020 du 7 avril 2020 consid. 7b).

Un motif d'empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu'avant ou pendant l'examen (ATA/714/2020 du 4 août 2020 consid. 4d ; ATA/250/2020 précité consid. 4c et les références citées). Des exceptions au principe évoqué ci-dessus permettant de prendre en compte un certificat médical présenté après que l'examen a été passé ne peuvent être admises qu'à certaines conditions cumulatives, non applicables en l'espèce (ATA/459/2020 précité consid. 5c ; ATA/192/2020 du 18 février 2020 consid. 15c).

d. En l'espèce, il convient d'examiner si l'intéressée remplit les conditions jurisprudentielles pour admettre une situation exceptionnelle.

La recourante se prévaut de ses difficultés de concentration pendant la période du semi-confinement liées au bruit que faisaient les cinq membres de sa famille et des difficultés psychologiques dues à l'enfermement, au manque de soutien et au stress.

La crise sanitaire et, singulièrement, le confinement ont engendré, pour les étudiants une importante réorganisation et entraîné un chamboulement dans leur apprentissage et leur vie. Afin de ne pas prétériter les étudiants de première année, la faculté a décidé de reporter la session d'examens de mai-juin au mois d'août 2020. Début juin 2020, les bibliothèques ont rouvert et le CMU a mis à disposition des places de travail supplémentaires. Le groupe de soutien spécifique à l'apprentissage est demeuré, pendant toute la période du confinement, présent pour les étudiants. Par ailleurs, une permanence psychologique a été instaurée et des séances de méditation étaient organisées pour apporter un soutien psychologique aux étudiants.

La recourante ne soutient pas qu'elle n'aurait pas eu accès à ces aides, à une place en bibliothèque ou ailleurs dans les locaux du CMU. Elle s'est ainsi retrouvée dans la même situation que nombre d'étudiants. De plus, elle n'a fait état des difficultés de concentration liées à son environnement familial et au confinement qu'après avoir appris son élimination de la faculté, ce qui, à teneur de la jurisprudence précitée, ne permet pas de retenir l'existence d'une situation exceptionnelle.

Enfin, la recourante a été traitée comme les étudiants qui ont décidé de se présenter aux examens en août 2020. Elle ne peut pas tirer argument de la situation des étudiants qui ont demandé un congé dans le délai échéant le 30 avril 2020. Cette option lui était également ouverte. Le fait d'y avoir renoncé relève de son propre choix. Pour le surplus, il n'y a pas lieu d'examiner si d'autres facultés ont décidé de ne pas comptabiliser la session d'examens du mois d'août 2020. En effet, les filières d'études d'autres facultés diffèrent de celle de médecine, de sorte qu'il ne s'agit pas de situations identiques justifiant le même traitement.

Partant, la faculté n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que la situation de la recourante ne pouvait pas être considérée comme des circonstances exceptionnelles permettant de revenir sur sa décision d'élimination.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

4) Vu l'issue du litige, l'émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2020 par Madame A______ contre la décision de l'université de Genève du 2 novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Tal Schibler, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :