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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3778/2023

ATA/267/2024 du 27.02.2024 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3778/2023-TAXIS ATA/267/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 février 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ est au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi depuis le 5 septembre 2017.

b. Le 29 août 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci‑après : PCTN) lui a octroyé une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP) liée aux plaques d’immatriculation GE 1______ jusqu’au 30 juin 2023.

c. Le 6 juillet 2022, A______ a fait l’objet d’une décision de retrait de permis de conduire pour un mois par l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) pour une infraction moyennement grave aux règles de la circulation, au sens de l’art. 16b de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958
(LCR - RS 741.01) en raison des faits ayant eu lieu le 23 juin 2019. Selon la décision, A______ a dépassé la vitesse maximale autorisée en localité de 18 km/h, marge de sécurité déduite, le 23 juin 2019 à 01h38 sur la route B______ en direction de la route C______ au volant d’une voiture.

B. a. Le 30 mars 2023, A______ a sollicité le renouvellement de son AUADP.

En annexe à sa demande, il a produit un extrait du système d’information relatif à l’admission à la circulation (SIAC) mentionnant un retrait de permis de conduire.

b. Le 22 mai 2023, l’OCV a transmis au PCTN une copie de sa décision du 6 juillet 2022.

c. Le 23 mai 2023, le PCTN a fait part à A______ de son intention de révoquer sa carte professionnelle de chauffeur de taxi et d’en ordonner le dépôt, dès lors que la décision du 6 juillet 2022 semblait correspondre à une décision incompatible avec la profession de chauffeur au sens de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et de son règlement d’application, le règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01).

d. Le 26 juin 2023, A______ a exposé que l’ancienne LTVTC devait lui être appliquée. L’infraction qui lui était reprochée n’était que moyennement grave. Aucun des neuf retraits dont il avait auparavant fait l’objet ne datait de moins de dix ans. La sanction le priverait de son activité professionnelle pendant une certaine période et serait contraire au principe de proportionnalité. Les principes ne bis in idem et de la lex mitior devaient lui être appliqués. La transmission par l’OCV au PCTN de la décision de retrait ne reposait pas sur une base légale et un intérêt suffisants et violait la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08).

e. Par décision du 11 octobre 2023, le PCTN a révoqué la carte professionnelle de chauffeur de taxi de A______, ordonné le dépôt de sa carte professionnelle de chauffeur de taxi et des plaques d’immatriculation GE 1______, refusé le renouvellement de son AUADP, constaté que l’AUADP liée aux plaques d’immatriculation GE 1______ était devenue caduque à son échéance, soit le 30 juin 2023 et ordonné le dépôt des plaques d’immatriculation GE 1______.

Les dispositions du nouveau droit étaient applicables. L’art. 6 al. 2 let. b RTVTC mentionnait expressément une décision administrative prononcée pour des infractions à la LCR ayant entraîné un retrait de permis selon l’art. 16b LCR. Déterminer s’il remplissait toujours les conditions d’accès à la profession ne violait pas les principes de la lex mitior et ne bis in idem. La transmission de la décision par l’OCV reposait sur une base légale et poursuivait un intérêt suffisant. Elle n’était pas contraire à la LIPAD.

C. a. Par acte mis à la poste le 13 novembre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du PCTN, concluant à son annulation, à ce qu’il soit constaté qu’il avait le droit de bénéficier de sa carte professionnelle et à ce que le renouvellement de son AUADP soit ordonné. Subsidiairement, la procédure devait être renvoyée au PCTN pour nouvelle décision. Préalablement, il devait être constaté que son recours avait effet suspensif, le PCTN devait se voir enjoindre de produire un dossier complet, des enquêtes devaient être ouvertes et une audience de comparution personnelle et de plaidoiries répondant aux réquisits de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) appointée.

Son droit d’être entendu avait été violé dès lors qu’il n’avait pas eu accès à son dossier complet. Le principe de non-rétroactivité avait été violé dès lors que le nouveau droit lui avait été appliqué. Les dispositions de l’ancien droit, plus favorables, avaient été violées, dès lors que le PCTN n’aurait selon son ancienne pratique pas dû révoquer sa carte professionnelle. Les dispositions du nouveau droit avaient été violées, dès lors que les agissements qui lui étaient reprochés n’étaient pas incompatibles avec les exigences de sa profession. La liberté économique avait été violée en lien avec le principe de proportionnalité, dès lors que le retrait était manifestement illicite et disproportionné. Le principe de la primauté du droit fédéral avait été violé, dès lors que selon l’art. 16 al. 3 LCR un retrait de permis ne s’opposait pas à une activité professionnelle nécessitant de conduire un véhicule automobile, et qu’il fallait faire preuve de clémence à son égard, dès lors que sa liberté économique était en jeu. Le principe ne bis in idem avait été violé, dès lors que le retrait du permis et de la carte professionnelle étaient des sanctions de même nature. La LIPAD en lien avec le principe de l’égalité de traitement avait été violée, l’ancien droit ne prévoyant pas un tel échange d’informations et la communication entre l’OCV et le PCTN n’était pas une pratique uniforme.

b. Le 30 novembre 2023, le PCTN a conclu au rejet du recours.

Le droit d’être entendu du recourant avait été respecté. Le principe de la lex mitior ne trouvait pas application. La décision était conforme au principe de la proportionnalité et, partant, à la liberté économique, reposant sur une base légale et poursuivant un but d’intérêt public.

c. Le 18 décembre 2023, le recourant a persisté dans sa requête de mesures provisionnelles.

d. Le 22 décembre 2023, le juge délégué a rappelé au recourant que son recours produisait ex lege un effet suspensif de sorte que ses conclusions sur mesures provisionnelles étaient sans objet.

e. Le 3 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions et son argumentation.

f. Le 8 janvier 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant invoque une violation de son droit d’être entendu, l’autorité intimée ayant refusé de lui transmettre une copie du dossier.

2.1 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1).

Par ailleurs, en tant que garantie générale de procédure, le droit d’être entendu permet au justiciable de consulter le dossier avant le prononcé d’une décision. En effet, la possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure suppose la connaissance préalable des éléments dont l’autorité dispose (ATF 126 I 7 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid. 3.2.2 ; ATA/5/2015 du 6 janvier 2015).

Ce droit est concrétisé par l’art. 44 al. 1 LPA, qui dispose que les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision. Dès le dépôt d’un recours, les parties sont admises en tout temps à consulter le dossier soumis à la juridiction saisie (art. 44 al. 2 LPA). L’autorité délivre copie des pièces contre émolument (art. 44 al. 4 LPA). Selon l’art. 45 LPA, l’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent (al. 1), ce refus ne pouvant s’étendre qu’aux pièces qu’il y a lieu de garder secrètes (al. 2).

2.2 En l’espèce, le recourant n’a aucun droit à la transmission par pli d’une copie du dossier.

Le grief sera écarté.

3.             Le recourant invoque une violation du principe de non-rétroactivité, les faits ayant fondé la décision étant antérieurs à l’entrée en vigueur de la LTVTC.

3.1 La rétroactivité est réalisée lorsque la loi attache des conséquences juridiques nouvelles à des faits qui se sont produits et achevés entièrement avant l’entrée en vigueur du nouveau droit (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 417).

3.2 En l’espèce, le grief tombe à faux. Lors de son entrée en vigueur la nouvelle LTVTC n’a pas prévu d’examiner à nouveau les conditions de la délivrance d’une carte professionnelle (art. 46 al. 2 LTVTC), celles délivrées sous l’ancienne LTVTC demeurant valable. Dans les deux lois, l’ancienne et la nouvelle, la carte professionnelle peut être révoquée lorsque les conditions de délivrance ne sont plus remplies (art. 7 al. 5 LTVTC et art. 5 al. 4 aLTVTC). L’une des exigences est que le chauffeur n’ait pas fait l’objet de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession, telles que définies par le Conseil d’État (art. 7 al. 3 let. e LTVTC et art. 5 al. 2 let. e aLTVTC). La seule différence substantielle réside dans la longueur de la période prise en compte, soit une période de cinq ans pour l’aLTVTC, réduite à trois ans dans la LTVTC (ATA/994/2023 du 12 septembre 2023 consid. 4.10 portant également sur la commission d’une violation à la LCR avant le 30 novembre 2022, date de l’entrée en vigueur de la LTVTC). Il n’est dès lors pas possible de retenir un effet rétroactif, au sens défini ci-dessus, à la loi. L’application de l’aLTVTC serait d’ailleurs moins favorable, dans la mesure où d’éventuelles décisions ou condamnations plus anciennes pourraient le cas échéant être prises en compte par l’autorité intimée.

4.             Le recourant invoque le principe ne bis in idem.

4.1 Selon la jurisprudence, le principe ne bis in idem, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, interdit qu'une personne soit pénalement poursuivie deux fois pour les mêmes faits. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (ATF 123 II 464 consid. 2b ; 120 IV 10 consid. 2b ; 118 IV 269 consid. 2).

Concernant l'application de ce principe en droit administratif, le Tribunal fédéral s'est penché sur d'éventuelles violations de celui-ci notamment dans le cadre des procédures administratives en matière de retrait de permis, en concluant que la double procédure pénale et administrative prévue par la LCR ne violait pas le principe ne bis in idem (ATF 137 I 363 consid. 2.4). De même, il a jugé que la décision de révoquer un permis de séjour à la suite d'une infraction pénale qui a valu à l'intéressé une condamnation pénale ne constituait pas une double peine et ne violait pas ledit principe (arrêts du Tribunal fédéral 2C_459/2013 du 21 octobre 2013 consid. 4 et 2C_432/2011 du 13 octobre 2011 consid. 3.3). De même, pour un avocat, une condamnation pénale pour des faits incompatibles avec la profession d'avocat peut entraîner, au plan administratif, une radiation du registre des avocats (arrêt du Tribunal fédéral 2C_187/2011 du 28 juillet 2011 consid. 7.2).

4.2 En l’espèce, la révocation de la carte professionnelle est une mesure administrative prévue par la LTVTC (art. 7 al. 5 LTVTC) qui vise à promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). En cela, cette mesure se distingue de la mesure administrative prise par l’OCV, laquelle est prononcée en application de la LCR qui vise à assurer la sécurité publique en gérant la circulation sur la voie publique notamment (art. 1 al. 1 LCR).

Il n’y a donc pas lieu d’appliquer le principe ne bis in idem, au même titre que dans les autres domaines du droit administratif précités, comme l’a déjà retenu la chambre de céans pour les mesures prévues par la LTVTC dans le cas de condamnations pénales (ATA/937/2022 du 20 septembre 2022 consid. 4b).

Le grief sera écarté.

5.             Le recourant invoque une violation de la liberté économique, de la loi et du principe de proportionnalité.

5.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.

5.2 Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2). L’art. 36 Cst. exige que toute restriction d’un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).

5.3 Constitue un excès négatif du pouvoir d'appréciation le fait que l'autorité se considère comme liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_144/2021 du 30 août 2022 consid. 2.1), ou qu’elle applique des solutions trop schématiques, ne tenant pas compte des particularités du cas d’espèce (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/1276/2023 du 28 novembre 2023 consid. 4.6 ; ATA/926/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6b).

L’excès du pouvoir d’appréciation revient à une violation pure et simple de la loi alors que son abus constitue une violation des principes constitutionnels (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 514).

6.             La LTVTC a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relatives à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique (art. 1 al. 2 LTVTC).

6.1 L’activité de chauffeur de VTC est soumise à autorisation préalable
(art. 6 al. 1 LTVTC). Les autorisations et immatriculations sont délivrées sur requête, moyennant le respect des conditions d’octroi (art. 6 al. 3 LTVTC).

La carte professionnelle est délivrée au chauffeur à plusieurs conditions décrites à l’art. 7 al. 3 LTVTC dont celle de n’avoir pas fait l’objet, dans les trois ans précédant le dépôt de sa requête, de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession telles que définies par le Conseil d’État (art. 7 al. 3 let. e LTVTC).

La carte professionnelle est révoquée par le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) lorsqu’une des conditions visées à l’art. 7 al. 3 LTVTC n’est plus remplie (art. 7 al. 5 LTVTC).

Les plaques d’immatriculation sont délivrées sur requête à un chauffeur, lorsque ce dernier est titulaire d’une carte professionnelle ou à une entreprise de transport, lorsque cette dernière est titulaire de l’autorisation d’exploiter visée à l’art. 10 de la présente loi et en réalise toujours les conditions (art. 14 al. 2 LTVTC). Le département ordonne le dépôt des plaques d’immatriculation, si l’une des conditions posées à l’al. 2 n’est plus remplie (al. 3).

6.2 Le RTVTC, entré en vigueur le 1er novembre 2022, prévoit à son art. 6 al. 2 que sont considérées comme incompatibles avec la profession de chauffeur de taxi ou de VTC au sens de l’art. 7 al. 3 let. 3 LTVTC les condamnations pénales et décisions administratives prononcées pour infractions : a) au droit pénal suisse ou étranger, en particulier les condamnations prononcées pour infractions contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine ; b) aux règles de la circulation routière ayant mené au retrait du permis de conduire en application des art. 15d, 16b, 16c, 16c bis ou 16d LCR ; c) aux prescriptions du droit fédéral ou cantonal régissant l’activité des chauffeurs professionnels ainsi qu’aux exigences liées aux véhicules ; d) aux prescriptions de la loi et du règlement ayant mené à un retrait de la carte professionnelle de chauffeur.

Le service tient compte de la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive (art. 6 al. 3 RTVTC).

S’agissant plus précisément du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée dans ce cadre, la chambre de céans a déjà relevé qu’avec l’entrée en vigueur des modifications de la LTVTC et du RTVTC le 1er novembre 2022, la jurisprudence rendue sous l’ancienne teneur restait applicable. Si le législateur avait entendu renforcer certaines mesures dans le domaine du service de transport professionnel, il n’en demeurait pas moins qu’il avait réduit le délai de prise en considération des antécédents de cinq à trois ans. Il s’agissait d’ailleurs là de la seule modification substantielle apportée aux dispositions légales concernant l’octroi et la révocation de la carte professionnelle. Les dispositions relatives au pouvoir d’appréciation du PCTN, dans le cas de décisions ou condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession de chauffeur, n’avaient pas été modifiées (ATA/994/2023 du 12 septembre 2023 consid. 4.10).

6.3 La chambre administrative a déjà examiné à de nombreuses reprises, sous l’ancienne ou la nouvelle version de la loi et de son règlement, des décisions du PCTN refusant ou révoquant une autorisation d’exercer la profession de chauffeur de taxi ou de VCT sous l’angle de l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée. Il a ainsi retenu à deux reprises qu’en considérant que des infractions qui n’avaient pas été accomplies dans l’exercice de la profession de chauffeur, le PCTN avait commis un abus de son pouvoir d’appréciation, ne prenant notamment pas en compte l’intérêt public premier visé par la loi (ATA/669/2018 du 26 juin 2018 ; ATA/3327/2018 du 10 avril 2018). Dans une autre espèce, il a considéré que la décision du PCTN révoquant une autorisation en raison d’une infraction pour violation grave des règles de la circulation routière, ne consacrait aucun excès ni abus du pouvoir d’appréciation du PCTN (ATA/994/2023 précité).

6.4 Ainsi, il n’est pas possible pour l’autorité de se référer au texte du RTVTC en renonçant à tout pouvoir d’appréciation. S’il est vrai que le texte de la nouvelle disposition est : « sont considérées comme incompatibles » (art. 6 al. 2 RTVTC) et que l’ancienne formulation utilisée était : « peuvent être considérées comme » (art. 6 al. 1 aRTVTC), il n’est pas possible de conclure que ce changement de formulation affecte le pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée, ne s’agissant que d’une disposition règlementaire adoptée sur délégation d’une disposition légale dont le contenu n’a pas été modifié sur ce point, comme vu ci-dessus.

De plus et surtout, si un doute devait subsister au sujet d’une formulation potestative de l’art. 6 al. 2 RTVTC, il doit être levé à la lecture de l’alinéa suivant qui précise, comme le faisait l’ancienne disposition, que le service doit prendre en compte dans sa décision, la gravité des faits, leur réitération, le temps écoulé depuis le prononcé de la sanction et le risque de récidive (art. 6 al. 3 RTVTC et art. 6 al. 2 a RTVTC qui ne présentent que de légères différences de rédaction).

L’autorité intimée ne peut pas être suivie lorsqu’elle soutient, pour justifier l’inexistence de toute marge d’appréciation dont elle se prévaut, que la prise en compte dans sa décision des éléments énumérés à l’art. 6 al. 3 RTVTC serait applicable aux let. a, c et d de l’al. 2 de l’art. 6 RTVTC et non à la let. b laquelle viserait des articles spécifiques de la LCR, alors que les autres lettres de la disposition se référeraient de manière générale à des domaines du droit, permettant au PCTN de déterminer quels états de faits seraient incompatibles. Cette affirmation est erronée, puisqu'à l’art. 6 al. 2 let. a RTVTC sont mentionnées des infractions précises, telles que celles contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine.

Il apparaît ainsi, en confirmation de la jurisprudence susmentionnée, que l’art. 6 al. 3 RTVTC confère un pouvoir d’appréciation au PCTN s’agissant de déterminer l’incompatibilité de décisions ou de condamnations prononcées pour des infractions telles que celles énumérées aux let. a à d de l’art. 6 al. 2 RTVTC. Ce pouvoir d’appréciation l’oblige à tenir compte notamment de la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive selon les termes de l’art. 6 al. 3 RTVTC.

7.             En l’espèce, dans sa décision, le PCTN mentionne uniquement que le recourant a subi un retrait de son permis de conduire en raison d’une infraction moyennement grave aux règles de la circulation routière en application de l’art. 16b LCR. L’infraction commise et les circonstances dans lesquelles elle a été commise ne sont pas mentionnées. L’état de fait ne mentionne pas non plus les antécédents de l’intéressé ou d’autres circonstances pourtant nécessaires à l’examen auquel l’autorité intimée aurait dû procéder. La décision retient uniquement que l’infraction moyennement grave rendue en application de l’art. 16b LCR entre dans la catégorie des décisions incompatibles avec l’exercice de la profession au sens de l’art. 7 al. 3 let. e LTVTC. En revanche, la motivation sous l’angle du principe de proportionnalité, dont le recourant s’est prévalu dans ses observations, est inexistante. On comprend que le PCTN a prononcé la révocation de manière automatique en présence d’une infraction mentionnée à l’art. 6 al. 2 let. b RTVTC, renonçant à exercer son pouvoir d’appréciation.

Comme vu ci-dessus, cette pratique est contraire à la loi (art. 7 al. 3 let. e et al. 5 LTVTC cum art. 6 al. 2 let. b et al. 3 RTVTC) puisqu’elle relève d’un excès négatif du pouvoir d’appréciation. Le PCTN ne pouvait se fonder sur la condamnation de l’OCV pour révoquer son autorisation d’exercer sans examiner si celle-ci était effectivement incompatible avec l’exercice de la profession de chauffeur de taxi dans les circonstances d’espèce.

Par conséquent, la décision querellée doit être annulée et le dossier renvoyé au PCTN pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

8.             Le recourant conteste également le refus de renouveler son AUADP.

8.1 L’art. 13 LTVTC règle les modalités de l’AUADP.

Selon son al. 1, les AUADP sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. L’al. 2 prévoit qu’elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires, l’al. 3 qu’elles sont strictement personnelles et intransmissibles, l’al. 4 que le Conseil d’État en fixe le nombre maximal en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif.

8.2 Il ressort de l’art. 13 al. 5 LTVTC que l’AUADP est délivrée sur requête pour six ans à une personne physique ou morale aux conditions énumérées sous let. a à c. Selon l’al. 7 de cette disposition, l’AUADP est renouvelée lorsque la requête en renouvellement est déposée 3 mois avant l’échéance de l’autorisation (let. a) ; les conditions de l’al. 5 sont toujours réalisées (let. b). Aux termes dudit al. 5, l’AUADP est délivrée, notamment, la requérante est titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi (let. a).

8.3 En l’espèce, la décision querellée, se fondant sur la révocation de la carte professionnelle de chauffeur de taxi du recourant, a refusé de renouveler son AUADP. Dès lors que, comme cela vient d’être exposé, la révocation précitée doit être annulée, le refus de renouveler l’AUADP n’est pas fondé non plus.

Partant, la décision doit également être annulée sur ce point. Il appartiendra au PCTN de compléter son instruction et de rendre une nouvelle décision.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement.

Vu l’issue de la procédure, les conclusions préalables tendant à l’ouverture d’enquêtes et à la tenue d’une audience sont devenues sans objet.

9.             Vu l’issue de la procédure, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.-, au vu de l’existence de plusieurs causes parallèles (arrêts du Tribunal fédéral du 21 février 2019 8D_2/2018 consid. 8 et 8D_3/2018 et 8D_4/2018 ; 4A_91/2010 du 29 juin 2010), sera allouée au recourant qui y a conclu, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir  du 11 octobre 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 11 octobre 2023 ;

renvoie la cause au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour instruction et nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______, à la charge de l’État de Genève (PCTN) ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :