Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3366/2023

ATA/176/2024 du 06.02.2024 ( PROF ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT;SECRET PROFESSIONNEL;SAUVEGARDE DU SECRET;HONORAIRES;PESÉE DES INTÉRÊTS;MESURE DISCIPLINAIRE;DÉNONCIATEUR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION
Normes : LPA.60.al1; LLCA.13.al1; LLCA.17; LPAv.48; LPAv.12
Résumé : Recours contre la décision de la commission du barreau levant le secret professionnel d’un avocat. Pesée des intérêts en présence. Les recourants, qui ont allégués plusieurs manquements professionnels, ne disposent pas de la qualité pour recourir contre la décision de la commission en tant qu’elle classe leurs dénonciations, faute d’intérêt propre et digne de protection à demander le prononcé d'une sanction disciplinaire pour d’éventuelles violations des obligations professionnelles. Rejet du recours contre la décision en tant qu’elle porte sur la levée du secret professionnel.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3366/2023-PROF ATA/176/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 février 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

COMMISSION DU BARREAU

et

C______ intimés

 



EN FAIT

A. a. Par courrier du 9 septembre 2022, Me C______, avocat, a saisi la Commission du barreau (ci-après : la commission) d’une demande de levée du secret professionnel à l’égard de A_______ et B______ (ci-après : les époux), lui-même inscrit au tableau des avocats.

Il avait été mandaté par les époux dans le cadre d’un recouvrement. L’office des poursuites du canton de Berne lui avait versé sur son compte « clients » la somme de CHF 509'779.66 en faveur des époux, ce dont il les avait informés, en les priant de lui fournir leurs coordonnées de paiement. Les époux avaient refusé et exigé un versement en espèces. Sa banque n’avait pas accepté de décaisser une telle somme. Irrités par cette situation, les époux avaient invoqué une mauvaise exécution du mandat et refusé de régler un reliquat d’honoraires de CHF 4'356.80, puis de le délier de son secret professionnel, en dépit de sa demande du 29 mars 2022. Ils l’avaient ensuite sommé de s’engager par écrit à leur remettre la somme leur revenant divisée en six virements égaux de CHF 84'963.25, sur six comptes bancaires qu’ils allaient ouvrir à cette fin. Compte tenu de son caractère insolite, il n’avait pas donné suite à cette demande. Afin de l’y contraindre, les époux lui avaient fait notifier six commandements de payer. Son obligation de restituer n’étant nullement contestée, il s’en état acquitté par un virement unique sur le compte de l’office des poursuites du canton de Genève. Le but poursuivi par les époux n’ayant strictement rien à voir avec l’exécution forcée d’une dette d’argent, il entendait faire constater la nullité des poursuites, manifestement abusives. La demande de levée du secret professionnel s’étendait dès lors également aux démarches utiles auprès de l’office des poursuites et, au besoin, de son autorité de surveillance.

Me C______ a notamment produit :

-          les procurations signées par les époux et datées du 17 juillet 2019 ;

-          le courrier qu’il leur avait adressé le 16 septembre 2019 afin de les informer que PostFinance avait fait virer leurs fonds sur le compte de l’office des poursuites de Berne, qui avait reviré le jour même la somme de CHF 509'779.66 sur son compte ; l’action judiciaire en paiement étant devenue sans objet, son mandat était terminé ; les époux étaient invités à lui communiquer leurs coordonnées de paiement ;

-          un courrier du 12 novembre 2019, dans lequel les époux ont évoqué une discussion du 17 juillet 2019, au cours de laquelle l’avocat leur avait promis « d’ouvrir sans tarder action en paiement de l’argent en mains propres contre PostFinance » ; or, il n’avait jamais agi judiciairement contre cet établissement qui était également sa banque, ce qu’ils ignoraient à l’époque ; l’avocat était prié de leur rendre en espèces le montant de CHF 509'779.66 et de poursuivre le but « fixé ensemble », soit l’obtention du « retour de l’argent en espèce [s] » ;

-          un courrier de PostFinance du 13 octobre 2020 l’informant qu’il ne pouvait pas retirer en espèces CHF 509'779.66, compte tenu des obligations de diligence ;

-          un courrier envoyé aux époux le 7 décembre 2020 pour leur confirmer qu’en dépit de ses meilleurs efforts, l’argent ne pouvait pas être remis en espèces ; il les invitait à nouveau à lui transmettre leurs coordonnées bancaires ;

-          deux factures relatives à l’activité déployée pour les époux, la première portant sur la période du 20 août 2019 au 31 décembre 2021 et la seconde sur celle du 1er janvier 2020 au 31 mars 2022 ;

-          un courrier du 25 mai 2021 signé par A_______, lui rappelant qu’elle l’avait sommé le 17 courant de lui confirmer qu’il lui rembourserait dans un délai de sept jours le montant de CHF 509'779.66, dont il était débiteur depuis le 16 septembre 2019, par six virements égaux sur six comptes différents ; en l’absence de réponse, elle allait agir par d’autres voies ;

-          les six commandements de payer pour un montant de CHF 84'963.25 du
1er mars 2022, mentionnant A_______ en tant que créancière et désignant la créance comme : « Argent viré au bénéfice de la créancière poursuivante sur le compte du débiteur poursuivi alors qu’il était le représentant vis-à-vis d’une banque débitrice de la créancière poursuivante » ;

-          un récépissé attestant du versement de CHF 505'422.86 le 23 mars 2022 à l’office des poursuites, avec les références des six numéros de poursuites ;

-          un courrier qu’il leur avait adressé le 29 mars 2022, les informant qu’il était contraint de saisir l’office des poursuites d’une demande motivée de radiation de leurs poursuites abusives ; il les invitait donc à le lever du secret professionnel, faute de quoi il devrait saisir la commission d’une demande, également motivée.

b. La commission a enregistré cette demande sous le n° CB/1_______/2022 et invité les époux A______ et B_______ à se déterminer.

c. Par écriture du 29 novembre 2022, B_______ s’est opposé à la requête de levée du secret professionnel.

Les griefs de Me C______ à son encontre étaient faux et diffamatoires, et l’intérêt de l’avocat à la levée du secret à son égard était inexistant, dès lors que les poursuites avaient été initiées par A_______, à laquelle il avait cédé tous ses droits à l’encontre de l’avocat le 11 mai 2021.

Me C______ n’était pas en situation de recouvrir des honoraires, puisqu’il s’était servi sur l’argent de sa créancière, et n’avait donc aucun intérêt au maintien du secret. En outre, l’intérêt de l’avocat ne prévalait pas sur celui de son épouse au maintien du secret, les poursuites n’étant pas abusives. A_______ avait demandé à l’avocat de ventiler la somme due auprès de six établissements, afin de bénéficier de la garantie légale limitée à CHF 100'000.- pour chaque client d’une banque. L’avocat ayant refusé, elle avait été contrainte de requérir des poursuites, ce dont elle l’avait averti suffisamment à l’avance. Après avoir fait opposition, l’avocat s’était exécuté en pleine connaissance de cause. Il avait ainsi renoncé « par lui-même à son intérêt », après notification des commandements de payer, au lieu de « s’opposer jusqu’au bout ».

B_______ a joint à sa missive :

-          un courrier du 11 mai 2021 que son épouse avait adressé à l’avocat, accompagné d’une cession de créance de son mari datée du jour même ; elle était désormais son unique créancière et sollicitait « pour des raisons de garanties bancaires » les versements de six virements concomitants de CHF 84'963.28 chacun auprès de six banques qu’elle choisirait ; elle attendait une réponse écrite jusqu’au
17 mai 2021 ;

-          les six réquisitions de poursuite introduites par son épouse le 23 février 2022 ;

-          une facture de Me C______ relative à la période du 1er janvier 2020 au 21 mars 2022.

d. Par écriture du jour même, A_______ s’est également opposée à la demande de levée du secret professionnel.

Elle avait souhaité déposer sur le compte qu’elle détenait conjointement avec son époux auprès de PostFinance la somme de CHF 495'000.-, constituée de deux héritages d’un montant total de CHF 375'140.95 et d’économies à hauteur de
CHF 155'981.-. Un responsable de l’établissement lui avait proposé de verser en espèces CHF 99'000.- cinq jours de suite. Le service de compliance avait par la suite requis des justificatifs quant à l’origine des fonds, qui avaient été fournis, ainsi qu’une « copie de l’avis de taxation ». Vu les données « confidentielles, voire intimes » du document, elle avait refusé et demandé la restitution du montant, selon les mêmes modalités, soit cinq versements en espèces. PostFinance ayant exigé de procéder à un transfert unique sur un compte bancaire, les époux avaient mandaté Me C______ pour qu’il introduise sans tarder une action en paiement. L’avocat avait tu qu’il était lui-même client de PostFinance, et donc qu’il se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts. Il avait d’ailleurs remis, pour les provisions reçues, des quittances couchées sur du papier vierge, plutôt que sur celui à en-tête de son étude, sur lequel ses coordonnées bancaires apparaissaient. Le conflit d’intérêts s’était concrétisé, l’avocat s’étant abstenu d’actionner judiciairement PostFinance. De plus, il avait résilié le mandat en temps inopportun, sans leur remettre en espèces, comme convenu, les fonds reçus de PostFinance. Il prétendait que l’établissement avait refusé de décaisser l’intégralité de la somme, mais il n’avait pas proposé de procéder de façon échelonnée. Il aurait pu déposer une action en paiement contre PostFinance, payer de ses propres deniers ou contracter un prêt. En réalité, Me C______ lui avait avoué qu’il était paniqué à l’idée de recevoir le montant de CHF 509'779.66 sur son compte, car cela « l’aurait fait entrer dans le viseur des autorités compétentes en matière de LBA et
d’OBA-FINMA ». En raison de cette peur de l’avocat, « à côté du problème des garanties bancaires », elle avait envisagé le partage des fonds en des virements inférieurs à CHF 100'000.- auprès de plusieurs banques. Il tentait de la diffamer en qualifiant sa demande d’ « artificielle et insolite », alors qu’il connaissait ses motifs tendant à bénéficier de la garantie bancaire de CHF 100'000.-. Elle avait dû introduire des poursuites, face au silence de l’avocat, qui aurait pu les éviter en payant intégralement les fonds dus.

Me C______ avait admis la légitimité des poursuites en s’acquittant du montant de CHF 505'422.86 le 23 mars 2022, sans toutefois payer les frais de poursuites, qui restaient dus, exigibles et exigés, et en retenant indûment
CHF 4'356.80. Concernant ce « reliquat » d’honoraires, l’avocat s’était servi injustement et sans retenue sur le montant qu’il devait rembourser. Ayant « répudié » le mandat le 13 septembre 2019, il était depuis lors une partie adverse et n’était plus en droit de leur facturer des honoraires. Sa note avait été émise deux jours avant le paiement à l’office des poursuites, ce qui lui avait permis de procéder à la déduction injustifiée. La facture du 31 décembre 2019 mentionnait un montant de CHF 3’627.- pour l’activité déployée jusqu’au 13 septembre 2019. Après déduction de la provision de CHF 3'000.-, le solde s’élevait à CHF 627.-.

L’avocat n’avait aucun intérêt à faire constater la nullité des poursuites, puisqu’il avait admis, en procédant au paiement, que le montant réclamé était dû. Compte tenu des données confidentielles, elle s’opposait à la levée du secret professionnel.

En outre, l’avocat n’avait que partiellement donné suite à ses demandes de restitution du dossier.

En sus de certaines pièces déjà transmises par son époux, A_______ a produit :

-          un courrier du 27 mai 2019 de PostFinance, par lequel l’établissement, se référant aux obligations de diligence résultant de la réglementation des marchés financiers, mettait un terme à la relation avec les époux et requérait des coordonnées bancaires pour procéder au transfert des avoirs en compte ; la disponibilité de ces avoirs et les prestations seraient limitées jusqu’à réception des coordonnées bancaires ;

-          une quittance du 17 juillet 2019 de Me C______ attestant, sur un papier vierge, qu’il avait reçu CHF 1'000.- en espèce à titre de provision de la part de Me B_______ ;

-          une quittance du 30 août 2019 de Me C______ attestant, sur un papier vierge, avoir reçu CHF 3’000.- à titre de provision de A_______ ;

-          une quittance du 30 août 2019 de Me C______ attestant, sur un papier vierge, avoir reçu CHF 414.20 de A_______ pour le paiement de sa facture ;

-          un courrier du 13 septembre 2019 de Me C______, informant l’office des poursuites de Berne que son mandat était terminé et que ses anciens clients se présenteraient eux-mêmes pour récupérer les fonds qui leur revenaient ;

-          une lettre de PostFinance confirmant aux époux que la somme de
CHF 509'779.66 avait été virée le 12 septembre 2019 ;

-          un courrier qu’elle avait adressé à Me C______ le 11 janvier 2020, par lequel elle lui avait reproché de ne pas avoir remis deux jurisprudences, un
stick-mémoire et l’ensemble de la correspondance avec l’office des poursuites ou les notes-mémoire y relatives, et ce malgré plusieurs demandes écrites et orales ;

-          les six oppositions aux commandements de payer formées le 4 mars 2022 par
Me C______ ;

-          un extrait du registre des poursuites concernant Me C______ au
5 avril 2022.

e. Par décision du 4 avril 2023, le Bureau de la commission (ci-après : le bureau) a accédé à la requête de Me C______.

Sa cognition portait uniquement sur les éventuels motifs qui pourraient s’opposer à la levée du secret professionnel de l’avocat, et nullement sur le fond du litige. En particulier, la question du montant des honoraires réclamés ne relevait pas de sa compétence. Le bureau ne voyait pas quelles informations préjudiciables aux intérêts de ses anciens clients Me C______ pourrait dévoiler dans le cadre de ses démarches en recouvrement, dans la mesure où seules les informations nécessaires à la démonstration du bien-fondé de ses prétentions tendant à la constatation de sa créance et/ou à la condamnation pouvaient être révélées. Les époux n’avaient justifié d’aucun motif valable susceptible de s’opposer à ce que des faits les concernant soient révélés dans le cadre de la procédure de recouvrement d’honoraires. Au regard des explications fournies par l’avocat et du montant qu’il avait payé à ses anciens clients, il n’apparaissait pas que les six poursuites intentées à son encontre seraient justifiées par l’exécution forcée d’une dette d’argent. Le maintien de ces poursuites était susceptible de porter atteinte aux intérêts de
Me C______, notamment en sa qualité d’avocat. Il se justifiait dès lors de l’autoriser à requérir leur annulation.

Il appartenait à l’avocat de respecter les principes de proportionnalité et de subsidiarité applicables en matière de levée du secret professionnel, en ne révélant dans le contexte de ses démarches que les faits strictement nécessaires aux besoins de la procédure.

B. a. Par deux écritures du 15 mai 2023, chacun des époux a requis la saisine de la commission plénière. En substance, ils ont repris les arguments développés devant le bureau, qu’ils ont suspecté de partialité et auquel ils ont reproché une constatation inexacte ou erronée des faits pertinents, des omissions, une violation de leur droit d’être entendus et un déni de justice.

Ils ont joint un décompte de poursuite du 22 avril 2022 s’élevant à CHF 7'541.15.

b. Le 30 mai 2023, la commission a informé les parties qu’un nouveau dossier était ouvert sous le n° CB/2_______/2023 en lien avec les divers manquements professionnels reprochés à l’avocat.

c. Le 2 juin 2023, les époux ont souligné que A_______ avait déjà relevé les manquements professionnels dans son écriture du 29 novembre 2022. La décision de levée du secret du 4 avril 2023 apparaissait objectivement partiale, compte tenu de ses omissions manifestes. La nullité des poursuites ne pouvait être reconnue que dans des cas exceptionnels. A_______ avait agi dans le cadre de la procédure de poursuites, puisque son avocat avait refusé de lui rendre l’argent en espèces comme convenu, ou de le lui virer dans les conditions légitimes de sécurité demandées. Son but n’était pas de le tourmenter, puisqu’elle lui avait laissé neuf mois avant d’engager des poursuites.

d. Par écritures des 6 et 8 juin 2023, Me C______ a conclu au classement de la procédure n° CB/2_______/2023 et au maintien de la décision du 4 avril 2023 dans le cadre de la procédure n° CB/1______/2023.

Il a contesté s’être engagé à une quelconque restitution de compte en espèces. Aucune mauvaise exécution du mandat ne pouvait lui être reprochée, compte tenu de l’impossibilité de remettre en espèces la somme de plus de CHF 500'000.-, du refus de B_______ de lui communiquer ses coordonnées bancaires et des règles sur le mandat qui ne consacraient aucune obligation de résultat, encore moins lorsque les instructions ne pouvaient pas être exécutées. Toutes les pièces du dossier avaient été retournées par voie postale. En octobre 2020, à l’occasion du passage de son cabinet de raison individuelle à société, il avait clôturé son compte « clients » et ouvert de nouveaux compte. Seuls les avoirs en cause se trouvaient encore au crédit de son compte professionnel et il avait à nouveau tenté d’en prendre possession en espèces, sans donner aucun nom de clients à l’établissement. L’activité facturée après la fin du mandat était celle générée par le refus de
B_______ d’accepter la prestation qui lui avait été régulièrement offerte. Sa demande de levée du secret professionnel n’avait rien d’illégitime, dès lors que son décompte final était contesté et qu’il devait saisir la commission compétente en matière de taxation.

Me C______ a produit un courrier du 12 décembre 2019, par lequel il avait retourné le dossier aux époux, avec la liste des pièces annexées.

d.  

e. Par courriers des 7, 9, 11 et 20 août 2023, A_______ a reproché à Me C______ une violation de son secret professionnel à trois reprises.

Elle avait été contrainte de requérir la mainlevée provisoire de l’opposition formée par l’avocat à l’un des six commandements de payer, pour éviter la péremption de son droit à la créance en souffrance de CHF 7'541.15. Or, pour résister à cette requête, Me C______ s’était exprimé sur le mandat qui lui avait été confié, en produisant des pièces du dossier et en se prévalant indûment de la décision de levée du secret, laquelle n’était pas entrée en force. Il l’avait dénigrée et laissé entendre qu’elle avait tenté d’accomplir une opération insolite. L’avocat avait encore violé son secret professionnel dans le cadre de sa demande en annulation des poursuites du 19 mai 2023, accompagnée de six pièces confidentielles, puis lors du dépôt d’une plainte le 13 juin 2023 auprès de la chambre de surveillance des offices de poursuite, accompagnée de trois pièces supplémentaires.

A_______ a en outre relevé que l’avocat avait tenté d’induire en erreur la chambre de surveillance, en ne l’informant pas que la décision du 4 avril 2023, dont il s’était prévalu devant l’office des poursuites, n’était pas entrée en force.

Elle a notamment produit :

-          sa requête du 3 mars 2023 tendant à la mainlevée provisoire de l’opposition pour le reliquat de l’une des six poursuites à hauteur de CHF 7'541.15 ; elle avait mandaté Me C______ suite au blocage abusif de ses avoirs par PostFinance, puis lui avait sans succès demandé la transmission en espèces de l’argent recouvré ; de guerre lasse, elle lui avait demandé de confirmer « pour raison de garanties bancaires (limitées à CHF 100'000.- par client) » qu’il était en état de le faire au moyen de six virements auprès de six banques qu’elle désignerait aussitôt la confirmation reçue ;

-          la réponse du 24 juin 2023 de l’avocat à la requête en mainlevée provisoire, dans laquelle il a contesté avoir été débiteur de A_______, cette dernière ayant au contraire été en demeure en refusant d’accepter le paiement ; elle avait « ourdi un subterfuge qu’elle suppos[ait] apte à satisfaire son exigence de liquide : fractionner artificiellement le montant à encaisser » d’où les six poursuites ; il s’était acquitté du capital, après déduction du solde de ses honoraires, et n’était débiteur ni des intérêts moratoires, ni des frais de poursuite ;

-          le courrier du 19 mai 2023 de Me C______, requérant de l’office des poursuites la constatation de la nullité des six poursuites ; il avait obtenu, pour le compte des époux, le versement via l’office des poursuites de Berne d’un montant de CHF 509'779.66, crédité sur son compte professionnel le
16 septembre 2019 ; il en avait immédiatement informé ses clients en leur demandant leurs coordonnées de paiement ; ils s’y étaient refusés, exigeant un règlement en espèces exclusivement ; il n’avait pu satisfaire cette demande, car la banque n’acceptait pas de décaisser de cette manière une somme d’une telle importance ; il n’avait ensuite pas donné suite à la sommation de ses clients de « diviser artificiellement » la somme en six virements égaux, vu le « caractère insolite » de l’opération ; pour l’y contraindre, A_______ avait alors intenté les six poursuites ; ne contestant pas son obligation de restitution, il avait viré sur le compte de l’office des poursuites le montant unique de
CHF 509'779.66 sous déduction de ses honoraires ; les poursuites étaient abusives dans la mesure où les clients n’avaient pas agi à des fins de recouvrement, le paiement n’ayant pas été refusé mais au contraire spontanément offert ; les anciens clients avaient agi dans un but chicanier et l’institution des poursuites avait été « instrumentalisée aux seules fins de fractionner artificiellement » la somme à verser en six montants inférieurs à la limite de CHF 100'000.- « pour les opérations en espèces hors contrôle LBA » et le contraindre à se dessaisir des fonds d’une manière qui aboutisse au résultat recherché ; copie de la décision du 4 avril 2023 le relevant de son secret professionnel était annexée, de même les courriers des 16 septembre et
12 novembre 2019, 13 octobre et 7 décembre 2020, 25 mai 2021, ainsi que le document attestant de son virement à l’office des poursuites ;

-          la première page de la plainte du 13 juin 2023 auprès de l’autorité de surveillance de l’office des poursuites.

f. En date du 24 août 2023, la commission a transmis à Me C______ la nouvelle dénonciation, enregistrée sous le n° CB/3_______/2023, et l’a invité à se déterminer.

g. Le 27 août 2023, Me C______ a conclu au classement de la nouvelle dénonciation.

h. Par décision du 11 septembre 2023, envoyée le 14 septembre 2023, la commission plénière a délié Me C______ de son secret professionnel, dans le sens de ses considérants et de ceux de la décision du 4 avril 2023 dans la cause n° CB/1______/2022, et classé les dossiers nos CB/2_______/2023 et CB/3_______/2023.

S’agissant de la cause CB/1______/2022, les époux avaient relevé à raison que
Me C______ n’était plus créancier d’honoraires lorsqu’il avait requis la levée du secret professionnel, car il avait recouvré le solde qu’il avait facturé par voie de compensation. Du reste, il n’était pas certain que sa requête tendait à la levée du secret aux fins de faire constater la créance. Le bureau avait compris que telle était l’intention de l’avocat en raison de la façon dont l’acte était rédigé et du fait qu’il était mentionné dans la description des faits que les clients avaient refusé de régler le reliquat d’honoraires, et car la facture et le time-sheet étaient produits. Cela étant, la situation avait évolué, car A_______ agissait désormais aux fins de recouvrer le montant retenu par Me C______ au titre de la compensation avec ses honoraires. En raison de cette démarche, l’intérêt de l’avocat à établir qu’il détenait une créance d’honoraires qu’il pouvait, à due concurrence, opposer en compensation renaissait, étant rappelé qu’il n’incombait pas à l’autorité de surveillance de se prononcer sur l’existence ou la quotité de la créance, puisque la réalité même du mandat était établie. À cet égard, Me C______ exposait à bon escient qu’il avait déployé et, partant, facturé certaines opérations après avoir mis un terme au mandat, mais que cela s’expliquait par le fait que l’office des poursuites de Berne lui avait néanmoins remis les avoirs des clients, qu’il s’était attelé à tenter de leur restituer, conformément à son obligation. Ces diligences relevaient donc bien de l’activité déployée par l’avocat dans le prolongement du mandat qui lui avait été confié.

L’avocat avait un intérêt à entreprendre les démarches utiles pour faire constater la nullité des poursuites engagées à son encontre par A_______, puisque l’existence de poursuites était susceptible de porter préjudice à tout citoyen, et encore plus à un avocat. L’intention de Me C______ de résister aux démarches de A_______ ne saurait être qualifiée d’abusive.

Pour leur part, les époux ne faisaient valoir aucun motif, supérieur à celui de l’avocat, de s’opposer à la demande de levée du secret. Leurs arguments tenaient à la supposée mauvaise exécution du mandat et n’étaient pas pertinents dans le cadre de la pesée des intérêts. Ils n’exposaient pas en quoi la révélation de faits couverts par le secret serait de nature à leur porter préjudice. Ils avaient d’ailleurs eux-mêmes dévoilé l’existence du mandat, son objet, son déroulement et le litige avec l’avocat qui s’était ensuivi dans le cadre des poursuites intentées par A_______, puis de la requête de mainlevée de l’opposition, rédigée pour son compte par son époux, également bénéficiaire du secret. Ainsi, ils avaient concédé leur absence d’intérêt concret à la sauvegarde du secret dans le cas d’espèce.

Partant, la décision du bureau du 4 avril 2023 était confirmée, étant derechef rappelé à l’avocat qu’il ne pourrait révéler que les informations nécessaires à la démonstration du bien-fondé de ses prétentions tendant à la constatation de sa créance ou l’inexistence d’une dette et veiller à préserver le secret sur les faits confidentiels qui n’étaient pas en relation directe avec la cause.

Concernant le dossier CB/2_______/2023, la commission a examiné chacun des griefs des époux. Elle a conclu que les manquements relatifs à l’exécution du mandat n’étaient pas fondés et que l’avocat n’avait commis aucune faute grave. Elle a écarté les griefs de conflit d’intérêts, de résiliation du mandat en temps inopportun, et considéré qu’il ne pouvait pas être reproché à Me C______ d’avoir, postérieurement à la résiliation du mandat, tenté une dernière fois de satisfaire les exigences de A_______. On pouvait tout au plus s’étonner que l’avocat avait accepté un mandat qui n’exigeait pas son intervention, tant il était évident que la seule issue était de fournir à PostFinance un numéro de compte sur lequel verser les avoirs, mais il ne lui appartenait pas de se livrer à un tel examen en opportunité, l’acceptation du mandat ne pouvant être considérée comme un manquement aux devoirs contractuels, a fortiori un manquement grave, ce d’autant moins que l’un des deux clients était lui-même avocat. En conclusion, les dénonciations à l’origine de la procédure CB/2_______/2023 étaient classées, sans qu’il soit nécessaire d’instruire davantage.

Enfin, dans la cause CB/3_______/2023, la commission a également conclu que la dénonciation de la violation du secret professionnel devait être classée, sans instruction complémentaire. La manœuvre de A_______ consistant à se prévaloir du secret professionnel pour empêcher l’avocat de se défendre contre ses démarches relevait de l’abus de droit.

C. a. Par acte du 16 octobre 2023, A_______ et B______ ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, dont ils ont requis l’annulation et le prononcé du maintien du secret professionnel.

Ils ont reproché à la commission, dont Me C______ était un membre suppléant, un parti pris objectivement perceptible avant le prononcé de la décision entreprise. En effet, compte tenu des allégations erronées de Me C______, selon lesquelles B_______ l’aurait mis en poursuite avec son épouse, la commission avait averti celui-ci à tort qu’une procédure disciplinaire était réservée à son encontre. De plus, le délai initialement accordé pour répondre était très court, alors que les époux étaient atteints dans leur santé. Qui plus est, le bureau avait retenu dans sa décision du 4 avril 2023, conformément au motif fallacieux invoqué par Me C______, que ce dernier agissait en recouvrement de ses créances. Ce n’était que quatre mois plus tard que la commission avait finalement été obligée d’admettre que l’avocat s’était déjà servi. À ce propos, la commission n’avait pas rendu sa décision dans les 60 jours suivant la réclamation. La décision du 4 avril 2023 était en outre muette quant aux manquements commis par l’avocat, pourtant déjà relevés le 29 novembre 2022. Il était évident que la commission voulait étouffer ces aspects afin d’avantager Me C______.

Les recourants ont également invoqué un parti pris de la commission dans le prononcé de la décision litigieuse. Elle ne leur avait pas transmis l’écriture de l’avocat du 6 juin 2023, violant le principe de l’égalité des parties dans la procédure. En soutenant que celui-ci avait un intérêt à établir un droit à des honoraires, alors qu’il avait « répudié » le mandat, la commission avait procédé à une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents et violé l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation. Il était par ailleurs contradictoire et arbitraire de s’étonner de l’acceptation d’un mandat inutile et vouloir également justifier l’idée d’honoraires post-mandat. Suite à la « répudiation » du mandat, l’avocat était devenu une partie adverse et devait supporter lui-même ses prétendus frais hors procédure. De plus, la constatation de la nullité des cinq poursuites était impossible, dès lors que
celles-ci avaient été exécutées. Il était très dommageable de consentir à la levée du secret professionnel d’une personne devenue leur adversaire et qui avait dévoilé leurs données à l’office des poursuites et les avait diffamés. L’avocat faisait par ailleurs l’objet d’une autre poursuite.

Me C______ n’avait jamais ouvert l’action en paiement, alors qu’il avait été mandaté pour ce faire le 17 juillet 2019. De plus, il avait été convenu qu’une fois l’argent viré, il aurait dû le retirer en espèces. La décision attaquée concernant le refus tacite de Me C______ de faire les six virements tenait du domaine de l’impression et de l’arbitraire, sans expliquer pourquoi répartir son argent auprès de plusieurs banques, afin d’obtenir des sûretés sur chaque compte, était insolite. Ils avaient fourni à l’avocat les preuves de l’origine irréprochable de l’argent, mais il n’avait pas exécuté son engagement pendant plus de deux mois, se limitant à un simple commandement de payer. S’ils avaient eu connaissance des relations de
Me C______ avec la banque, ils ne l’auraient pas engagé. En résiliant son mandat et contraignant une femme de 76 ans, souffrante, à se débrouiller seule dans un autre canton, il avait fait preuve d’indifférence. Enfin, la non restitution du dossier était manifeste.

b. La commission a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.

c. Le 1er novembre 2023, Me C______ a conclu à l’irrecevabilité du recours en tant qu’il portait sur le classement des procédures disciplinaires, au motif que le dénonciateur ou le plaignant n’était pas partie à de procédure.

S’agissant de la levée de son secret professionnel, les époux avaient contesté son décompte d’honoraires, lequel devait donc être soumis à taxation. De plus, la recourante avait introduit la poursuite et il était dans l’obligation de se défendre. Il disposait donc d’un intérêt juridique suffisant à la levée du secret.

d. Dans une écriture spontanée du 15 novembre 2023, les recourants ont transmis à la chambre de céans un courriel dont ils avaient pris connaissance la veille, dans le cadre de la procédure introduite par Me C______ suite au refus de l’office des poursuites d’annuler les poursuites, et qui démontrait selon eux que l’avocat avait accepté de se soumettre aux poursuites.

Dans ce message adressé à l’office des poursuites le 4 avril 2022, l’avocat a indiqué que le créancier, qui avait refusé de fournir ses coordonnées bancaires, avait procédé au « saucissonnage artificiel d’une créance unique », et que le plus simple serait de solder complètement les cinq premières poursuites et reporter le solde sur la sixième.

e. Dans leur réplique, les recourants ont observé que la décision litigieuse les reconnaissait de facto comme parties aptes à saisir la chambre de céans, en indiquant les voies de recours sans distinction aucune quant au régime des objets traités ensemble dans la décision. À ce propos, était relevée la nature contradictoire et erronée de cette décision, qui condamnait séparément et solidairement « sa mandante » dans la cause CB/1______/2022.

Concernant le dossier CB/1______/2022, l’avocat avait reconnu, lors du dépôt de son mandat, leur devoir la somme de CHF 509'776.66, sans aucune condition, ni réserve, ni prétention d’honoraires. La commission avait d’ailleurs dû admettre qu’elle s’était égarée dans sa décision du 4 avril 2023 à cause de l’avocat, mais prétendait que la situation avait changé suite à la demande de mainlevée de la sixième poursuite encore en souffrance. Les poursuites avaient été exécutées sur instruction de l’avocat, ce qui les rendaient irrévocables et inattaquables en nullité. En outre, Me B_______ n’était pas l’auteur des poursuites et il n’y avait donc aucune justification à ce que ses données soient dévoilées. Lever son droit au secret constituait une atteinte inadmissible à sa personnalité. Me C______ n’avait pas d’intérêts réels et encore moins prépondérants à ce que leurs données soient divulguées. Ils avaient clairement exposé en quoi la révélation des faits couverts par le secret serait de nature à leur porter préjudice. L’émission de la requête en poursuite, avec les seules identités du créancier, du débiteur, du montant et de la cause, ne pouvait être interprétée comme la renonciation au secret. Le dossier de l’avocat comportait de nombreuses données personnelles, bancaires, d’assurances, de bénéficiaires de paiement, de santé et de débiteurs, qu’ils n’avaient pas dévoilées et qu’ils voulaient garder secrètes.

S’agissant du dossier CB/2_______/2023, il ressortait du courrier de l’avocat du
16 septembre 2019 qu’il devait ouvrir une action en paiement en espèces et du courrier du 13 septembre 2019 envoyé à l’office des poursuites qu’il devait prendre possession des fonds. La commission aurait donc dû constater que
Me C______ avait été engagé dans ce but précis, ce d’autant plus que PostFinance avait déjà voulu les contraindre à un virement bancaire le 25 mai 2019. La législation autorisait le retrait d’importantes valeurs patrimoniales pourvu que les autorités compétentes puissent suivre leur trace. Ne pas appliquer la législation afin d’exécuter le mandat à l’avantage du client était une faute grave. Il en allait de même de ne pas les avoir informés de l’existence du conflit d’intérêts. L’action en paiement contre PostFinance était justifiée, étant rappelé que cette banque avait fait opposition au commandement de payer et viré l’argent que deux mois plus tard. Il ressortait de leur courrier du 11 janvier 2020 qu’ils avaient demandé à
Me C______, sans succès, la restitution de leur dossier, par téléphone le 16 septembre 2019, par courriers des 23 et 27 novembre, et 6 décembre 2019, et également à son bureau le 26 novembre 2019.

Quant au dossier CB/3_______/2022, ils ont maintenu qu’ils n’avaient aucunement renoncé au secret professionnel. L’avocat avait violé ce dernier, à cause de la commission qui n’avait pas rendu de décision sujette à recours pendant près de dix mois. Me C______ avait produit sept pièces de leur dossier sous le sceau du secret à l’appui de sa réponse, ce qui était une violation illégale et punissable, alors qu’il aurait pu demander une prolongation du délai, à laquelle l’épouse ne se serait pas opposée. Il avait également communiqué à la commission trois pièces dont il avait la garde confidentielle. Ces démarches spontanées, non urgentes et non provoquées, constituaient des fautes graves.

f. La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours contre la décision du 11 septembre 2023, envoyée le 14 septembre 2023, a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 49 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10).

2.              

2.1 Selon l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/91/2023 précité consid. 3b et les références citées). L’intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (ATA/1352/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3d).

L’intérêt digne de protection consiste dans l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait à la partie recourante en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que la partie recourante soit touchée de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés. L’intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération avec l’objet de la contestation (ATF 143 III 578 consid. 3.2.2.2 ; 137 II 40 consid. 2.3).

2.2 Aux termes de l’art. 48 LPAv, si la procédure a été ouverte sur une dénonciation, l’auteur de cette dernière est avisé de la suite qui y a été donnée. Il n’a pas accès au dossier ; la commission du barreau lui communique la sanction infligée et décide dans chaque cas de la mesure dans laquelle il se justifie de lui donner connaissance des considérants.

La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle n’importe quel administré peut attirer l’attention d’une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l’État dans l’intérêt public. La dénonciation est possible dans toute matière où l’autorité pourrait intervenir d’office. En principe, l’administré n’a aucun droit à ce que sa dénonciation soit suivie d’effets, car l’autorité saisie peut, après un examen sommaire, décider de la classer sans suite ; le dénonciateur n’a même pas de droit à ce que l’autorité prenne une décision au sujet de sa dénonciation (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; ATA/139/2021 précité consid. 3a ; ATA/1123/2020 du 10 novembre 2020 consid. 4c et les références citées).

Par conséquent, la seule qualité de plaignant ou de dénonciateur ne donne pas le droit de recourir contre la décision prise ; le plaignant ou le dénonciateur doit encore pouvoir invoquer un intérêt digne de protection à ce que l’autorité de surveillance intervienne. La jurisprudence a ainsi dénié la qualité pour recourir au plaignant dans le cadre d’une procédure disciplinaire dirigée contre un avocat, considérant que celui-là n’avait pas un intérêt propre et digne de protection à demander une sanction disciplinaire à l’encontre de l’avocat pour une éventuelle violation de ses obligations professionnelles (ATA/622/2023 du 13 juin 2023 consid. 2.3).

En effet, la procédure de surveillance disciplinaire des avocats a pour but d’assurer l’exercice correct de la profession par les avocats et de préserver la confiance du public à leur égard, et non de défendre les intérêts privés des particuliers
(ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/91/2023 précité consid. 3d ; ATA/139/2021 précité consid. 3a). Dans les procédures disciplinaires engagées contre des personnes exerçant une profession réglementée, le dénonciateur ou le plaignant n’est donc pas partie à la procédure (ATA/91/2023 précité consid. 3d ; ATA/841/2019 du 30 avril 2019 et les références citées).

Celui qui introduit une procédure disciplinaire ne possède aucun droit à une décision, de sorte que, s’il n’y est pas donné suite, il n’est pas atteint dans ses intérêts personnels. Le fait que la décision de la commission du barreau soit susceptible d’avoir une incidence sur une procédure à laquelle le dénonciateur est partie ne permet pas non plus de considérer que celui-ci est directement touché dans ses droits et obligations (ATA/1123/2020 précité consid. 4c ; ATA/316/2020 du
30 avril 2020 consid. 4).

Par conséquent, le refus de donner suite à une dénonciation ne peut faire l’objet d’aucun recours, puisque le dénonciateur n’agit dans ce cadre que comme auxiliaire de l’autorité en déclenchant la procédure (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; ATA/1123/2020 précité consid. 4c).

De jurisprudence constante, la chambre de céans considère que le client qui dénonce son avocat à la commission du barreau pour des manquements professionnels supposés ne dispose pas de la qualité pour recourir contre la décision de classement (ATA/622/2023 précité consid. 2.3 et les références citées).

2.3 D’après un principe général du droit, déduit de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) protégeant la bonne foi du citoyen et concrétisé en droit genevois par l’art. 47 LPA, le défaut d’indication ou l’indication incomplète ou inexacte des voies de droit ne doit en principe entraîner aucun préjudice pour les parties (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_626/2022 du 21 février 2023 consid. 2.2).

2.4 En l’espèce, la cause n° CB 2_______/2023 a été ouverte à la suite des allégations de divers manquements professionnels qui auraient été commis par l’intimé et la cause n° CB/3_______/2023 en raison d’une prétendue violation du secret professionnel. Ces procédures ne portent donc pas sur une question ayant une incidence directe sur la conduite d’un mandat de représentation en cours conduit par l’intimé, mais ont trait au respect par ce dernier de ses obligations de diligence découlant de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61). Dans ces affaires, les recourants, qui endossent la position de dénonciateurs, ne sont pas directement atteints par la décision de classement rendue par la commission, de sorte qu’ils ne peuvent pas se prévaloir d’un intérêt digne de protection particulier. Que la décision litigieuse ne précise pas que les époux ne peuvent pas recourir contre ces classements est sans pertinence, puisqu’il n’en résulte aucun préjudice pour les intéressés.

Partant, conformément à la jurisprudence constante, le recours est irrecevable s’agissant des causes nos CB/2_______/2023 et CB/3_______/2023, de sorte que la chambre de céans n’examinera pas les griefs des recourants y relatifs.

En revanche, les époux disposent de la qualité pour recourir concernant le dossier n° CB/1______/2022. Partant, le recours contre la décision du 11 septembre 2023 est recevable en tant qu’il porte sur cette procédure.

3.             Les recourants invoquent un manque d’objectivité de la part de la commission.

Cette dernière avait averti à tort le recourant qu’une procédure disciplinaire était réservée contre lui et elle leur avait initialement accordé un très court délai pour répondre.

Elle n’avait pas rendu sa décision dans le délai de 60 jours suivant celle du bureau et avait ainsi tardé à statuer sur leur contestation.

Elle ne leur avait pas transmis l’écriture de l’intimé du 6 juin 2023.

Enfin, le bureau avait erré en considérant que l’intimé agissait en recouvrement de ses créances et il avait omis d’examiner les manquements professionnels allégués.

3.1 L’art. 29 al. 1 Cst. prévoit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. La jurisprudence a tiré de cette disposition un droit à ce que l’autorité administrative qui statue le fasse dans une composition correcte et impartiale (ATF 142 I 172 consid. 3.2 et les références citées).

Selon la jurisprudence, le droit à une composition correcte et impartiale permet notamment d’exiger la récusation des membres d’une autorité administrative dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur leur indépendance ou leur impartialité. Il tend à éviter que des circonstances extérieures à l’affaire ne puissent influencer une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. La récusation peut s’imposer même si une prévention effective du membre de l’autorité visée n’est pas établie, car une disposition interne de sa part ne peut pas être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération, les impressions purement individuelles d’une des personnes impliquées n’étant pas décisives (ATF 131 I 24 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_629/2015 du
1er décembre 2015 consid. 3.1 ; ATA/940/2021 du 14 septembre 2021 consid. 8 ; ATA/107/2018 du 6 février 2018).

3.2 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst, le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

3.3 Les membres de l’Ordre des avocats de Genève sont soumis à certaines règles professionnelles et déontologiques. Il leur est notamment défendu de procéder en leur nom personnel ou au nom d’un client ou d’une cliente contre un avocat ou une avocate - membre de l’Ordre ou non - sans avoir saisi le Bâtonnier au préalable, en se conformant à la procédure décrite à l’art. 22 Us et Coutumes (art. 6 al. 4 Statuts ; art. 31 et 32 Code suisse de déontologie). Ainsi, en vertu de cette procédure, lorsque deux ou plusieurs avocats sont en désaccord, ils s’efforcent tout d’abord de résoudre le litige à l’amiable, en déployant de bonne foi et avec empressement les efforts raisonnables propres à régler le cas (art. 22 al. 2 Us et Coutumes). Lorsqu’en dépit des efforts précités et après au moins une rencontre entre les avocats concernés ou une offre écrite de rencontre par l’un d’entre eux, le litige n’a pu être résolu à l’amiable, il peut être soumis au Bâtonnier (art. 22 al. 3 Us et Coutumes)

3.4 La commission exerce les compétences dévolues à l’autorité de surveillance des avocats par la LLCA, ainsi que celles qui lui sont attribuées par LPAv
(art. 14 LLCA et 14 LPAv).

Au nombre de ces compétences, il lui appartient d’autoriser l’avocat à révéler un secret en l’absence de consentement du bénéficiaire (art. 12 al. 2 a contrario et
al. 3 LPAv), par le truchement de son bureau, dont la décision peut être déférée à la plénière (art. 12 al. 3 LPAv), ainsi que de statuer sur tout manquement aux devoirs professionnels (art. 43 al. 1 LPAv)

3.5 Selon l’art. 52 LPA, qui s’applique à la procédure de réclamation, la nouvelle décision doit être prise dans les 60 jours dès la réception de la réclamation (al. 1). Si les circonstances l’exigent, l’autorité peut statuer dans un délai plus long ; l’administré doit être informé par écrit de cet ajournement et de ses raisons avant l’expiration du premier délai (al. 2).

3.6 En l’occurrence, les recourants ne soutiennent pas que la commission n’était pas valablement constituée, ni ne font état d’un quelconque motif de récusation. Par ailleurs, les circonstances qu’ils citent ne sont pas de nature à créer l’apparence d’une prévention ou à douter de l’impartialité de la commission. En effet, cette dernière a accordé les prolongations de délai sollicitées par les recourants et elle s’est limitée à informer le recourant, dans son premier courrier du 11 octobre 2022, qu’une procédure disciplinaire à son encontre était réservée. Cette mention est compréhensible, puisque la demande de levée de secret professionnel s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant l’avocat aux deux époux, dont l’un est également avocat. Par ailleurs, la commission pouvait ne pas avoir remarqué, à l’ouverture du dossier, que les poursuites contre l’intimé avaient été introduites par la recourante uniquement, ce d’autant plus que les pièces transmises ne comportaient aucune mention de la cession de créance.

La commission plénière a été saisie le 15 mai 2023. À la suite des manquements invoqués par les recourants, elle a décidé d’ouvrir une nouvelle instruction, ce dont les intéressés ont été informés le 30 mai 2023. Les parties se sont encore exprimées les 2, 6 et 8 juin 2023 sur les deux premières procédures. Dans ses écritures des 7, 9, 11 et 20 août 2023, la recourante a émis de nouveaux reproches à l’encontre de l’avocat et produit plusieurs pièces, ce qui a conduit la commission à ouvrir une troisième cause, sur laquelle l’intimé s’est déterminé le 27 août 2023. Compte tenu de ces circonstances, la commission pouvait ajourner le prononcé de sa décision, rendue moins de trois semaines après la réception des dernières observations de l’intimé.

Les recourants se plaignent d’une violation de leur droit d’être entendus, faute d’avoir reçu l’écriture du 6 juin 2023 de l’intimé. Dans cette détermination, l’avocat s’est principalement prononcé sur les faits relatifs à la cause n° CB/2_______/2023, soit sur les manquements professionnels allégués par les recourants. Comme déjà relevé, les dénonciateurs n’ont pas accès au dossier, ce dont les recourants avaient par ailleurs été dûment informés le 30 mai 2023 par la commission. La missive de l’avocat n’avait donc pas à leur être communiquée en tant qu’elle portait sur cette affaire. Concernant la cause n° CB/1______/2022, l’intimé s’est limité à prendre position sur la qualité de partie du recourant, qui avait cédé sa créance à son épouse et intervenait comme avocat de celle-ci. Dès lors que l’intimé a reconnu à l’époux ladite qualité et que ce point n’a pas été litigieux, ce courrier était dépourvu de conséquence juridique sur la situation des recourants. La commission n’avait donc pas l’obligation de le transmettre, ce d’autant plus qu’il portait essentiellement sur la cause n° CB/2_______/2023. Ainsi, aucune violation du droit d’être entendus des recourants ne saurait être retenue.

Enfin, concernant les critiques émises à l’encontre de la décision du bureau du
4 avril 2023, il est rappelé que celle-ci a été remplacée par la décision de la commission plénière du 11 septembre 2023. Seule cette dernière est litigieuse et fait l’objet de la présente procédure.

4.             Les recourants contestent la levée du secret professionnel de l’avocat.

Ils invoquent une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, ainsi qu’un excès et un abus du pouvoir d’appréciation. L’intimé ne disposait d’aucun intérêt à établir son droit à des honoraires, puisqu’il était devenu une partie adverse à la suite de la résiliation de son mandat et devait ainsi supporter lui-même ses prétendus frais hors procédure. De plus, il ne pouvait pas obtenir la constatation de la nullité des cinq poursuites, ces dernières ayant été exécutées par paiement.

L’argumentation de la commission était également arbitraire, puisque celle-ci s’était étonnée que l’avocat avait accepté un mandat qui n’exigeait en réalité par son intervention. Cette appréciation aurait dû la conduire à exclure toute justification à des honoraires à la fin du mandat.

4.1 Selon l’art. 13 al. 1 LLCA, l’avocat est soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l’exercice de sa profession, cette obligation n’étant pas limitée dans le temps et étant applicable à l’égard des tiers.

En droit genevois, l’art. 12 LPAv prévoit que l’avocat est soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l’exercice de sa profession ou dont il a connaissance dans l’exercice de celle-ci, cette obligation n’étant pas limitée dans le temps et étant applicable à l’égard des tiers (al. 1). Sans en avoir l’obligation, l’avocat peut toutefois révéler un secret si l’intéressé y consent (al. 2). Il en est de même si l’avocat obtient l’autorisation écrite de la commission (al. 3). L’autorisation n’est délivrée que si la révélation est indispensable à la protection d’intérêts supérieurs publics ou privés (al. 4).

4.2 Le secret professionnel poursuit un but d’intérêt public, qui impose à l’ordre social que le silence soit commandé à l’avocat sans conditions ni réserves
(SJ 1997 p. 316 et ss et références citées), de sorte que l’autorisation n’est délivrée que si la révélation est indispensable à la protection d’intérêts supérieurs publics ou privés ou aux besoins de la défense de l’avocat lui-même, lorsque celui-ci est atteint dans ses intérêts personnels, sa probité ou son honneur (décision de la Commission du barreau du 10 juin 2002, dossier 35/02, citée in SJ 2003 Il 254 ; cf. aussi
M. VALTICOS/C. REISER/B. CHAPPUIS/ F. BOHNET [éd.], Commentaire romand - Loi sur les avocats, 2022, 2e éd, n. 306 ad art. 13 LLCA)

4.3 Pour agir en recouvrement d’honoraires impayés, l’avocat doit obtenir la levée de son secret professionnel (ATF 142 II 307 consid. 4.3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_439/2017 du 16 mai 2018 consid. 3.2 ; 6B_545/2016 du 6 février 2017 consid. 2.3 ; François BOHNET/Luca MELCARNE, La levée du secret professionnel de l’avocat en vue du recouvrement de ses créances d’honoraires, in SJ 2020 II 29 ss, p. 37 ; Benoît CHAPPUIS, L’évolution jurisprudentielle récente sur le secret de l’avocat, 2019, Bulletin CEDIDAC n. 83). L’autorité de surveillance doit procéder à une pesée de l’ensemble des intérêts en présence pour déterminer si elle doit accorder la levée du secret. Au regard de l’importance du secret professionnel du double point de vue de l’institution et des droits individuels, la levée du secret ne peut être accordée qu’en présence d’un intérêt public ou privé nettement prépondérant (ATF 142 II 307 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_101/2019 du 18 février 2019 consid. 4.3).

Lors de la pesée des intérêts, il faut prendre en considération le fait qu’un avocat a ordinairement un intérêt digne de protection à la levée du secret en vue du recouvrement de ses honoraires. Cet intérêt s’oppose en principe à l’intérêt institutionnel au maintien de la confidentialité et à l’intérêt individuel du client à tenir secrets le mandat et les informations qui s’y rattachent (ATF 142 II 307
consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_439/2017 précité consid. 3.4). La justification de l’intérêt au secret ne doit pas être soumise à des exigences excessivement élevées, faute de quoi la protection du secret professionnel consacrée à l’art. 321 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) serait compromise (ATF 142 II 307 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_704/2016 du 6 janvier 2017 consid. 3.2).

Dans la pesée des intérêts, il faut également prendre en compte le fait que l’avocat peut en principe se faire verser une provision par le client. Il incombe ainsi à l’avocat qui sollicite la levée du secret de démontrer pourquoi il ne lui était pas possible de faire couvrir les coûts par le versement d’une provision
(ATF 142 II 307 consid. 4.3.3). La procédure de levée du secret professionnel ne préjuge en rien des procédures civiles ultérieures relatives au recouvrement des honoraires. Les questions juridiques de fond n’ont pas à être examinées dans une procédure de levée du secret professionnel de l’avocat, le client étant libre de soulever des objections dans le litige de droit civil au sujet des honoraires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_439/2017 précité consid. 3.3 ; ATA/345/2021 du 23 mars 2021 consid. 4b ; ATA/1526/2019 du 15 octobre 2019 consid. 4b).

4.4 En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’avocat a été mandaté par les recourants au mois de juillet 2019 et qu’il a obtenu CHF 4'000.- à titre de provisions, par deux remises en espèces aux mois de juillet et août 2019, puis CHF 414.20 pour le paiement d’une facture le 30 août 2019. Il n’a donc pas attendu la fin de son mandat pour procéder à une facturation de ses honoraires, ce qui aurait plaidé en défaveur de la levée de son secret professionnel, conformément à la jurisprudence précitée.

L’office des poursuites du canton de Berne a viré les avoirs sur le compte professionnel de l’intimé le 12 septembre 2019, soit quelques jours avant que
celui-lui lui annonce la fin de son mandat et que les intéressés récupéreraient personnellement leur argent. À la suite de cette réception involontaire, l’avocat a immédiatement contacté les recourants afin de leur restituer les fonds, mais
ceux-ci se sont opposés à toute communication de leurs coordonnées bancaires. Ils ont exigé dans un premier temps une remise en espèces, refusée par la banque de l’avocat, puis la recourante a requis que la somme due soit ventilée en six parts égales sur autant de comptes qu’elle entendait ouvrir à cette fin. N’obtenant pas satisfaction, elle a alors introduit six procédures de poursuite à l’encontre de l’avocat, manifestement dans le but de le forcer aux six versements distincts. Par ces agissements, qui ont duré entre septembre 2019 et mai 2021, les recourants ont contraint l’intimé à déployer une activité supplémentaire qui s’inscrivait bien dans le prolongement de son mandat, puisque c’est dans ce cadre que l’argent des recourants lui a été transféré. À cet égard, il sera encore observé que les interrogations de la commission quant à l’utilité du mandat confié à l’avocat est sans conséquence, les honoraires litigieux résultant essentiellement des démarches rendues nécessaires par les exigences des recourants après la réception des fonds, comme en attestent les factures produites.

L’argumentation des recourants, qui font valoir que l’intimé n’était plus créancier d’honoraires puisqu’il s’était servi sur leurs avoirs, n’est pas pertinente. Comme constaté à juste titre dans la décision litigieuse, la recourante conteste le montant des honoraires et a introduit une action pour obtenir la mainlevée provisoire de l’opposition, et recouvrer les frais de poursuites et le montant déduit par l’intimé au titre de la compensation avec ses honoraires. De même, l’avis des recourants quant au bien-fondé d’une demande en constatation de la nullité des poursuites engagées est irrelevant, étant rappelé que les questions juridiques de fond n’ont pas à être examinées dans une procédure de levée du secret professionnel de l’avocat. L’intimé dispose donc d’un intérêt certain à la levée du secret afin de faire valoir son droit aux honoraires retenus et entreprendre toute démarche utile visant à faire annuler les réquisitions de poursuite litigieuses, lesquelles sont de nature à lui porter préjudice, indépendamment de l’existence d’autre poursuite.

Pour leur part, les recourants ne se prévalent d’aucun motif concret au maintien du secret. Ils n’avancent en particulier pas d’élément qui pourrait laisser craindre que l’intimé révèle des informations susceptibles de leur faire du tort. Ils se limitent à signaler que le dossier de l’avocat comporte des données personnelles, bancaires, d’assurances, de bénéficiaires de paiement, de santé et de débiteurs, qu’ils aimeraient garder secrètes. Or, comme rappelé dans les décisions des 4 avril et
11 septembre 2023, l’intimé est tenu au respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité, et n’est autorisé à révéler que les faits strictement nécessaires aux besoins de la procédure.

Enfin, la chambre de céans observera que les recourants n’ont pas hésité à révéler eux-mêmes de nombreux faits couverts par le secret professionnel, lorsque cela pouvait contribuer à atteindre leur objectif. Ainsi, la recourante a indiqué à l’office des poursuites que les montants réclamés avaient été virés à son représentant qui avait agi contre la banque débitrice des fonds. Or, comme déjà constaté, les recourants savaient que l’intimé voulait leur restituer l’argent et attendait leurs références bancaires pour ce faire. L’introduction des six poursuites n’était donc pas nécessaire et avait pour seul but d’obtenir le remboursement de l’intégralité de la somme par le biais de six versements distincts. De même, à l’appui de sa requête de mainlevée provisoire, la recourante, représentée par son époux également bénéficiaire du secret, a divulgué de nombreuses informations couvertes par le secret, notamment le blocage de ses comptes par PostFinance, le mandat confié à l’intimé pour récupérer leurs avoirs, la réception des fonds par l’avocat suite au virement par l’office des poursuites de Berne, l’exigence de la recourante de les recevoir en espèces puis par ventilation sur six comptes, et le litige qui s’était ensuivi avec l’intimé. Ainsi, les recourants ont concédé leur absence d’intérêt concret à la sauvegarde du secret.

Enfin, la chambre de céans relèvera l’attitude chicanière des recourants, qui ont maintenu les réquisitions de poursuites sans aucun motif s’agissant des montants restitués, qui s’opposent à la levée du secret professionnel alors qu’eux-mêmes ne se sont pas privés de livrer de nombreux détails de l’affaire, ne laissant ainsi d’autre choix à l’intimé que de s’adresser à la commission pour en obtenir la levée.

Il appert ainsi que l’autorité intimée a dûment apprécié les intérêts des parties en cause à la levée ou non du secret professionnel de l’avocat. Elle a correctement veillé à la limitation de ladite levée, en relevant qu’il appartenait à l’avocat de respecter strictement les principes de la proportionnalité et de subsidiarité en ne révélant que les informations nécessaires à la démonstration du bien-fondé de ses prétentions.

La décision de la commission étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l’intimé comparant en personne et n’exposant pas de frais pour la défense de ses intérêts (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 octobre 2023 par A_______ et B______ contre la décision de la commission du barreau du 11 septembre 2023 en tant qu’elle porte sur la cause n° CB/1______/2022 ;

déclare irrecevable le recours interjeté le 16 octobre 2023 par A______ et B_______ contre la décision de la commission du barreau du 11 septembre 2023 en tant qu’elle porte sur les causes nos CB/2_______/2023 et CB/3_______/2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A_______ et B______ ;

dit qu’aucune autre indemnité de procédure ne sera allouée ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A_______ et B______, à la commission du Barreau, ainsi qu’à Maître C______.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Eleanor McGREGOR juge, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN



Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :