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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2594/2023

ATA/1361/2023 du 19.12.2023 ( PRISON ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.01.2024, 2C_68/2024
Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION;ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE;ACTE MATÉRIEL;DÉCISION;COMPÉTENCE;COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE;MESURE DE CONTRAINTE(PROCÉDURE PÉNALE);PERQUISITION DE DOCUMENTS ET ENREGISTREMENTS;SPHÈRE PRIVÉE;DONNÉES PERSONNELLES;DROIT FONDAMENTAL;ATTEINTE À UN DROIT CONSTITUTIONNEL
Normes : CEDH.6; CEDH.13; Cst.29A; Cst.36; PA.25A; LPA.4.al1; LPA.4A.al1; LPA.5; LPA.6; LOJ.77; RRIP.42; RRIP.44; RRIP.45.leth; RRIP.46
Résumé : l'inspection d'une cellule, en raison de soupçons portant sur la présence de substances interdites, constitue un acte matériel fondé sur le droit public cantonal. Le courrier de la Conseillère d'État refusant de constater le caractère illicite de cet acte constitue une décision au sens de l'art. 4A al. 2 LPA. La saisie de documents personnels trouvés lors de l'inspection de la cellule, et susceptibles d’être utilisés comme moyens de preuve dans le cadre de la procédure pénale en cours, constitue un acte de procédure pénale relevant de la compétence du Ministère public. La chambre administrative n'est dès lors pas compétente pour examiner la légalité de cet acte. Les détenus doivent en principe assister à la fouille de leurs effets personnels. La jurisprudence admet toutefois une exception à ce principe lorsque l’absence du détenu est justifiée par des raisons objectives de pratique et de sécurité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2594/2023-PRISON ATA/1361/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Olivier PETER, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 2000, a été en détention préventive à la prison de Champ-Dollon du 15 mars au 8 juin 2023.

Selon l’ordonnance d’ouverture d’instruction du Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après : MP) du 14 avril 2022, il lui est reproché, dans la nuit du 4 janvier 2022, d’avoir pénétré sans droit sur le site de fabrication d’une entreprise à B______, d’avoir causé un incendie en boutant le feu à deux véhicules et une pelle mécanique, d’avoir causé des dommages à la propriété et inscrit des tags sur les bureaux de chantier.

b. Lors de sa détention, il partageait la cellule n° 1______ avec quatre autres détenus.

c. Selon un rapport d’incident du 21 avril 2023, un déplacement de foule avait eu lieu à l’extérieur de la prison à proximité du grillage devant l’établissement de Favra. Il y avait environ 20 personnes présentes avec des banderoles souhaitant un « joyeux anniversaire » ainsi que des ballons gonflables. La personne ciblée par ce mouvement était A______ qui était en promenade. Ce dernier n’avait pas réagi à la foule. Celle-ci a été contrôlée par la police, puis dispersée.

d. Selon un rapport d’incident du 17 mai 2023, un détenu a informé les gardiens avoir entendu, à la promenade, qu’un colis contenant de la matière de stupéfiants allait arriver ces prochains jours, par une visite ou par voie postale. Des substances illicites seraient déjà présentes dans la cellule n° 1______. Le gardien-chef adjoint a indiqué, en fin de rapport, qu’une fouille de cellule serait organisée pour le 18 mai 2023.

e. Le 18 mai 2023, les gardiens ont procédé à la fouille de la cellule n° 1______. Selon le rapport d’incident du même jour, établi à 10h50, les gardiens ont trouvé de la « fabrication artisanale d’alcool » qui était retirée et détruite. Les détenus avaient été fouillés à nu. Selon un deuxième rapport d’incident du même jour, établi à 15h30, le gardien rapporteur a identifié « dans un tas de document, les mots armes et bidon d’essence, rédigés sur une feuille volante dépassant d’un blocs-notes appartenant au détenu A______ ». Considérant les événements récents liés à ce détenu et les motifs liés à sa détention, le gardien a évalué brièvement les textes visibles rédigés dans deux bloc-notes. Il a identifié la mention d’une cachette pour téléphone mobile et de carte SIM, utilisés dans le cadre de ses activités militantes. Il a informé le gardien chef adjoint de la situation pour évaluation des suites à donner. Ce dernier a pris contact avec le procureur en charge du dossier, qui a validé la saisie des bloc-notes. À 15h55, il a procédé à leur saisie.

B. a. Le 23 mai 2023, A______, par l’intermédiaire de son avocat, a invité la direction de la prison de Champ-Dollon à rendre une décision formelle indiquant sur quelle base légale se fondait la fouille de sa cellule.

b. Le 1er juin 2023, il a invité la Conseillère d’État en charge du département des institutions et du numérique (ci-après : DIN ou le département) à constater l’illicéité de la fouille de sa cellule, de la saisie de ses notes personnelles et de leur communication au MP.

c. Par courrier du 28 juin 2023, la Conseillère d’État en charge du DIN a informé A______ que la fouille de cellule qui s’était déroulée le 18 mai 2023 à la prison de Champ-Dollon reposait sur les art. 85 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et 46 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04). Au vu de ces dispositions, la direction de la prison n’était pas tenue de rendre une décision formelle pour chaque fouille de cellule. Le rapport d’incident du 17 mai 2023 mentionnait que le motif à l’origine de la fouille de la cellule était lié à la suspicion de dissimulation de produits stupéfiants à l’intérieur de la cellule. Au cours de la fouille du 18 mai 2023, un agent de détention avait aperçu les mots « armes et bidons d’essence » alors qu’il feuilletait ses calepins. Cet élément avait fait naître un doute quant à la commission d’une infraction pénale, de sorte qu’il avait été immédiatement porté à la connaissance du MP. Aucune correspondance d’avocat n’avait été identifiée par les agents de détention ayant procédé à la fouille. La fouille d’une cellule en l’absence du détenu était du reste conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Aucun manquement n’était dès lors à relever de la part du personnel pénitentiaire de la prison. La fouille et la saisie des calepins n’avaient pas enfreint ses droits fondamentaux. Le département n’était, enfin, pas compétent pour ordonner la restitution des calepins saisis. Ce courrier était purement informatif et ne constituait pas une décision au sens de l’art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

C. a. Par acte du 16 août 2023, A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours visant à constater un déni de justice, une violation du droit à une défense effective et une violation du droit à la sphère privée. Cela fait, il a conclu à l’annulation de la « décision » du 28 juin 2023, à ce que soit constaté le caractère illicite de la fouille de ses effets personnels, de l’examen de ses notes personnelles par des gardiens et de leur saisie et communication au MP. Il a également invité la chambre de céans à ordonner au DIN de requérir du MP la restitution immédiate de ses notes personnelles et la destruction de toute pièce y faisant référence ainsi que l’interdiction à toute personne ayant pris connaissance de leur contenu de le partager. Il a sollicité l’ouverture d’une enquête administrative visant à identifier et sanctionner toute personne ayant participé, ordonné ou toléré la violation de ses droits fondamentaux et l’octroi d’une indemnité de CHF 1'000.- à titre de juste satisfaction pour le dommage moral causé par la violation de ses droits. Subsidiairement, il a sollicité une décision formelle du département. À titre préalable, il a requis une copie complète du rapport d’incident du 17 mai 2023 ainsi qu’une audience de comparution personnelle et d’enquêtes.

Le courrier du 28 juin 2023 par lequel la Conseillère d’État avait refusé de constater l’illicéité de la fouille de la cellule ainsi que la saisie des calepins par le personnel pénitentiaire constituait une décision. En affirmant le contraire, l’autorité avait commis un déni de justice.

La fouille de la cellule n’avait pas été ordonnée par la direction de Champ-Dollon, de sorte qu’elle était intervenue en violation des dispositions réglementaires. Aucun élément au dossier ne permettait de soupçonner qu’il était personnellement concerné par la fouille, ni que celle de ses affaires était conforme au but de la mesure. Malgré cela, les gardiens avaient manifestement procédé à l’examen de ses documents personnels, incluant son journal, ses notes personnelles en vue de la préparation de sa défense et ses correspondances avec ses avocats, cela en l’absence de toute personne, en particulier du prévenu, en portant atteinte au secret de ses échanges avec son avocat. La saisie de ses documents personnels ne reposait sur aucune base légale, le RRIP ne prévoyant aucunement le droit pour les gardiens de saisir des objets personnels de détenus. La fouille, l’examen et la saisie impliquait une violation de sa sphère privée.

Il n’avait pas été informé des modalités de la fouille et n’avait pas pu se déterminer sur les documents examinés, de sorte que les fonctionnaires avaient porté atteinte à son droit à une défense effective.

À l’appui de son recours, il a notamment produit :

-          une ordonnance de séquestre des deux calepins du 24 mai 2023 ;

-          la demande de levée de scellés du MP du 2 juin 2023, d’où il ressort qu’un séquestre avait été ordonné le 24 mai 2023 par le MP sur les deux calepins retrouvés dans le cadre de la « fouille administrative » de la cellule ; dans la mesure où la fouille de la cellule n’avait pas été ordonnée par le MP, aucune décision ne se trouvait dans la procédure ; s’agissant des calepins, ils étaient susceptibles de permettre de déterminer si A______ était l’auteur des faits qui lui étaient reprochés, d’identifier les tiers avec qui il aurait commis l’incendie qui lui était reproché, de connaître ses motivations et de déterminer l’ampleur de son activité délictuelle.

b. Par réponse du 3 octobre 2023, le département a conclu au rejet des conclusions du recourant. Si la chambre administrative devait considérer que le courrier du 28 juin 2023 constituait une décision sujette à recours, il conviendrait de constater le caractère admissible des actes contestés. Les faits étant suffisamment clairs et établis par pièces, l’ensemble des mesures d’instruction devaient être rejetées.

Les actes contestés par le recourant s’inscrivaient dans le cadre d’une perquisition et d’un séquestre, soit des actes de nature pénale qui ne relevaient pas de la compétence de la chambre administrative, mais de la chambre pénale de recours de la Cour de justice. Le recours devait donc être déclaré irrecevable.

c. Par réplique du 3 novembre 2023, le recourant a sollicité la production de l’intégralité des courriels échangés entre le gardien chef opérationnel et le MP en lien avec la fouille de la cellule et la saisie de ses documents personnels.

La fouille était une mesure administrative qui ne relevait pas de la procédure pénale, mais devait être qualifiée d’acte matériel administratif. Le MP avait d’ailleurs lui évoqué une « fouille administrative » dans son ordonnance de séquestre du 24 mai 2023. S’agissant de la saisie des documents, elle était intervenue avant le mandat du MP. Il ne pouvait être retenu que le gardien avait agi sur mandat du MP. Ces mesures relevaient ainsi de la compétence de la chambre administrative.

La fouille avait été ordonnée par un fonctionnaire qui n’en avait pas la compétence. Elle aurait dû être ordonnée par la direction, ce qui ne semblait pas être le cas.

Aucun motif raisonnable ne justifiait la fouille de ses affaires personnelles, ni la prise de connaissance de ses notes personnelles.

Aucune mesure n’avait été prise pour protéger sa sphère privée, ni la confidentialité de ses échanges avec son avocat.

d. Sur quoi, la cause a été garée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours est dirigé contre le « courrier » de la Conseillère d’État en charge du DIN du 28 juin 2023. Il a été interjeté en temps utile et dans les formes prescrites (art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b LPA).

2.             La chambre administrative examine d’office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 LPA ; ATA/1226/2023 du 14 novembre 2023).

2.1 La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 3, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132
al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières
(art. 132 al. 6 LOJ).

2.2 En vertu de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (al. 4).

Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/327/2023 du 28 mars 2023 consid. 2.1 et les arrêts cités).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (ATA/649/2023 du 20 juin 2023 consid. 1.3 ; ATA/141/2020 du 11 février 2020 consid. 1b et les arrêts cités). Toute décision administrative au sens de l’art. 4 LPA doit avoir un fondement de droit public. Il ne peut en effet y avoir décision que s’il y a application, au travers de celle-ci, de normes de droit public (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 314 n. 857 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 194 n. 2.1.1.1). De nature unilatérale, une décision se réfère à la loi dont elle reproduit le contenu normatif de la règle (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 285 n. 798 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 174 n. 2.1.1.1). Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte visé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base et conformément à la loi (ATA/29/2023 du 17 janvier 2023 consid. 3b et l’arrêt cité ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., p. 320 n. 876).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en droit public, la notion de « décision » au sens large vise habituellement toute résolution que prend une autorité et qui est destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'une obligation ; au sens étroit, c'est un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un cas individuel et concret (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; 106 Ia 65 consid. 3 ; 99 Ia 518 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1). La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré (ATF 141 I 201 consid. 4.2). Constitue une décision un acte étatique qui touche la situation juridique de l'intéressé, l'astreignant à faire, à s'abstenir ou à tolérer quelque chose, ou qui règle d'une autre manière obligatoire ses rapports avec l'État (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.2 et les références citées). De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2). Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 précité consid. 2.1 et les références citées).

2.3 À teneur de l'art. 4A al. 1 LPA, intitulé « droit à un acte attaquable », toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l'autorité compétente pour des actes fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et touchant à des droits ou des obligations s'abstienne d'actes illicites, cesse de les accomplir, ou les révoque (let. a), élimine les conséquences d'actes illicites (let. b), constate le caractère illicite de tels actes (let. c). L'autorité statue par décision (art. 4A al. 2 LPA). Lorsqu'elle n'est pas désignée, l'autorité compétente est celle dont relève directement l'intervention étatique en question (art. 4A al. 3 LPA).

Un acte matériel est défini comme un acte qui n'a pas pour objet de produire un effet juridique, même s'il peut en pratique en produire, notamment s'il met en jeu la responsabilité de l'État (ATA/649/2023 précité consid. 1.4 et les arrêts cités ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3e éd. 2012, p. 12 s ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 52 ; Mémorial du Grand Conseil [ci-après : MGC] 2007-2008/XI 1 A p. 10926). Les mesures internes, qui organisent l'activité concrète de l'administration, sont assimilables aux actes matériels de celle‑ci. Il en résulte qu'elles ne peuvent être attaquées en tant que telles par des recours, qui ne sont en principe ouverts que contre des décisions, voire contre des normes (ATA/649/2023 précité ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 666).

Selon les travaux préparatoires relatifs à l'art. 4A LPA, cette disposition vise en particulier à adapter le droit administratif genevois aux exigences posées par la garantie de l'accès au juge ancrée à l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; exposé des motifs du projet de loi n° PL 10253 modifiant la LOJ, déposé en mai 2003 par le Conseil d'État, in MGC 2007-2008/VIII A - 6520). Selon cette disposition constitutionnelle, toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire (phr. 1). La Confédération et les cantons peuvent, par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels (phr. 2). Lesdits travaux préparatoires précisent que le droit d'accès au juge peut être soumis à des conditions de recevabilité telles que la qualité pour recourir ou la définition de l'objet attaquable (MGC 2007-2008/VIII A - 6527 s). Sur cet élément-ci, lesdits travaux font référence non seulement aux décisions (MGC 2007-2008/VIII A - 6529 s), mais également aux actes matériels (MGC 2007-2008/VIII A - 6530 s), pour conclure qu'il ressort de la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la doctrine que les cantons sont tenus d'ouvrir la possibilité de demander à l'autorité compétente une décision attaquable et de prévoir une voie de droit analogue à celle de l'art. 25a de loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021 ; MGC 2007-2008/VIII A – 6535 ; ATA/649/2023 précité consid. 1.5 et l’arrêt cité).

Toujours selon les travaux préparatoires relatifs à cette disposition (MGC 2007‑2008/VIII A 6519), l’art. 4A LPA est une « reprise presque à l’identique » de l’art.  25a PA, l’intérêt étant de « profiter de la jurisprudence sur cette disposition » (MGC 2007-2008/VIII A - 6551). Selon l’art. 25a PA, intitulé « Décision relative à des actes matériels », toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l’autorité compétente pour des actes fondés sur le droit public fédéral et touchant à des droits ou des obligations (al. 1) : s’abstienne d’actes illicites, cesse de les accomplir ou les révoque (let. a) ; élimine les conséquences d’actes illicites (let. b) ; constate l’illicéité de tels actes (let. c). L’autorité statue par décision (art. 25a al. 2 PA).

2.4 La chambre administrative a eu l’occasion de relever qu’une fouille de cellule n’était pas une décision, mais un acte matériel effectué par le personnel de la prison (ATA/365/2019 du 2 avril 2019).

2.5 Aux termes de l’art. 5 LPA, sont réputées autorités administratives au sens de l’art. 1 LPA : le Conseil d’État (let. a) ; la chancellerie d’État (let. b) ; les départements (let. c) ; les services de l’administration cantonale (let. d) ; les institutions, corporations et établissements de droit public (let. e) ; les autorités communales, les services et les institutions qui en dépendent (let. f) ; les personnes, institutions et organismes investis du pouvoir de décision par le droit fédéral ou cantonal (let. g).

Selon l’art. 6 LPA, sont réputées juridictions administratives au sens de la LPA : le Tribunal administratif de première instance (let. a) ; la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (let. b) ; la chambre administrative de la Cour de justice (let. c) ; la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (let. d) ; le Conseil d’État lorsque le droit fédéral ou cantonal le désigne comme autorité de recours (let. e) ; les autres autorités que le droit fédéral ou cantonal charge du contentieux administratif en les désignant comme autorités de recours (let. f ; al. 1). Les tribunaux civils et pénaux chargés de trancher des contestations de droit administratif ne sont pas réputés juridictions administratives (al. 2).

Selon l’art. 77 LOJ, le MP est la juridiction prévue par : l’art. 16 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0 ; let. a) et les art. 6 al. 1 let. c et 21 PPMin (let. b ; al. 1). Il exerce les compétences que le CPP attribue au MP (let. a) et que la PPMin attribue au MP des mineurs (let. b ; al. 2). Il exerce en outre les compétences que la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP - E 4 10) lui attribue (al. 3). La loi peut attribuer d’autres compétences au MP (al. 4).

Selon le CPP, le MP est une autorité de poursuite pénale (art. 12 let. b CPP), à laquelle il incombe notamment de conduire la procédure préliminaire (art. 16 al. 2 CPP).

L’autorité de recours, soit à Genève la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après : chambre pénale de recours ; art. 128 LOJ) statue sur les recours dirigés contre les actes de procédure et contre les décisions non sujettes à appel rendues par le MP (art. 20 al. 1 let. b CPP).

2.6 Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le RRIP, dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 RRIP). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est interdit aux détenus, d’une façon générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement (art. 45 let. h RRIP). En tout temps, la direction peut ordonner des fouilles corporelles et une inspection des locaux (art. 46 RRIP).

2.7 En l’espèce, le courrier du 28 juin 2023 a été rédigé par une autorité administrative au sens de l’art. 5 let. a LPA. Il convient donc d’examiner si, conformément à l’art. 4 al. 1 LPA, il s’agit d’une mesure individuelle et concrète, fondée sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet l’une des mesures énumérées par cette disposition.

Dans le courrier litigieux, la Conseillère d’État retient que la fouille de la cellule et la saisie de ses calepins n’enfreignaient pas ses droits fondamentaux. Ces deux éléments doivent être examinés successivement.

S’agissant d’abord de la fouille de la cellule, celle-ci a pour fondement l’art. 46 RRIP. Il ressort en effet du dossier que la fouille a été ordonnée en raison d’une suspicion de substances illicites se trouvant dans la cellule du recourant. L’inspection de sa cellule répondait ainsi à l’objectif sécuritaire poursuivi par la prison. Selon la jurisprudence précitée, la fouille de la cellule constitue un acte matériel fondé sur le droit public cantonal. Par deux fois, le recourant a sollicité la notification d’une décision au sens de l'art. 4A LPA afin de constater le caractère illicite de cet acte. Le courrier du 28 juin 2023 doit ainsi être qualifié de décision au sens de l’art. 4A al. 2 LPA en tant qu’il constate qu’aucun manquement n’était à relever de la part du personnel pénitentiaire de la prison. Le recours est ainsi recevable en tant qu’il porte sur la décision constatant le caractère licite de la fouille de la cellule du recourant. Il convient donc d’entrer en matière sur ce point.

S’agissant en revanche de la problématique de la saisie des documents personnels du recourant, force est de relever que celle-ci se fonde sur l’art. 263 CPP. Cette disposition permet en effet la mise sous séquestre d’objets appartenant au prévenu lorsqu’il est probable qu’ils seront utilisés comme moyens de preuves (art. 263 al. 1 let. a CPP). Or, il ressort du rapport d’incident du 18 mai 2023 que le gardien avait identifié les mots armes et bidon d’essence rédigés sur une feuille volante dépassant d’un bloc-notes appartenant au recourant. Dans la mesure où de tels éléments étaient susceptibles d’être utilisés comme moyens de preuve dans le cadre de la procédure pénale, le gardien a informé le gardien chef adjoint, lequel a pris contact avec la procureure en charge du dossier du recourant, qui a validé la saisie des bloc‑notes. Il appert ainsi que l’ordre de saisie a été ordonné oralement (art. 263 al. 2 CPP), puis confirmé par ordonnance de séquestre du 24 mai 2023. Ainsi, dès lors que la saisie des calepins du recourant constitue un acte de procédure pénale relevant de la compétence du MP, il appartient au recourant de faire usage des voies de droit prévues par le CPP (art. 393 al. 1 let. a CPP) en cas de contestation. Le recourant ne s’y est du reste pas trompé puisqu’il a sollicité du MP la mise sous scellés de ces documents. Le recours est dès lors irrecevable sur ce point.

3.             Le recourant sollicite, à titre préalable, la production d’une copie complète du rapport d’incident du 17 mai 2023, l’intégralité des courriels échangés entre le gardien chef adjoint et le MP en lien avec la fouille et la saisie de ses documents personnels ainsi qu’une audience de comparution personnelle et l’audition d’un témoin.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 Le département a produit une copie du rapport d’incident du 17 mai 2023 de sorte que cette requête est devenue sans objet. Dans sa réplique, le recourant a requis la production de l’ensemble des courriels échangés entre le gardien chef adjoint et le MP en lien avec la fouille et la saisie de ses documents personnels. Il n’explique toutefois pas en quoi ces pièces seraient déterminantes pour l’issue du litige, étant rappelé que les griefs du recourant en lien avec la saisie des calepins concernent une procédure de nature pénale qui ne relève pas de la compétence de la chambre de céans. Quant à la requête visant à la tenue d’une audience de comparution personnelle, le recourant, qui ne dispose pas du droit à être entendu oralement, a eu l’occasion de se déterminer par écrit devant la chambre de céans. Aussi, par appréciation anticipée et vu ce qui suit, il ne sera pas donné suite à cette offre de preuves. La chambre de céans renoncera également à entendre le gardien chef dont le recourant demande l’audition, les circonstances de l’intervention du 18 mai 2023 étant suffisamment précisées dans les rapports d’incident versés au dossier.

4.             Le litige vise ainsi à déterminer si c’est à juste titre que l’autorité intimée a constaté le caractère licite de la fouille de la cellule du recourant. En revanche, les griefs visant à faire constater le caractère illicite de la saisie de ses calepins ne seront pas examinés.

5.             Invoquant les art. 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et 29 al. 1 Cst., le recourant se plaint d’une violation de son droit à un recours effectif et de son droit à obtenir une décision.

5.1 Selon l'art. 6 CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. L'art. 13 CEDH prévoit que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles.

Aux termes de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Commet un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. l'autorité qui refuse indûment de se prononcer sur une requête dont l'examen relève de sa compétence. Ainsi, la juridiction qui n'entre pas ou pas complètement en matière sur un recours qui lui est soumis dans un domaine dont elle a la compétence matérielle, locale et fonctionnelle pour en connaître commet un déni de justice formel (ATF 135 I 6 consid. 2.1). 

5.2 En l’occurrence, le recourant fait grief à l’autorité intimé d’avoir expressément refusé de rendre une décision. Or, comme il a été exposé ci-avant, le courrier de la Conseillère d’État du 28 juin 2023, qui fait suite aux interpellations du recourant, doit être qualifié de décision en tant qu’il constate le caractère licite de l’inspection de la cellule du recourant. Le fait que l’autorité intimée ait indiqué que son courrier était purement informatif et ne constituait pas une décision n’y change rien. Il n’apparaît au demeurant pas que l’autorité intimée aurait refusé de traiter certains griefs soulevés devant elle et commis de ce fait un déni de justice formel. Dans ces conditions, le grief tiré de la violation des art. 13 CEDH et 29 al. 1 Cst. est mal fondé. On précisera enfin que la procédure devant la chambre administrative remplit les conditions du droit à un procès équitable de l’art. 6 CEDH, ce qui exclut une violation de l’art. 13 CEDH.

6.             Le recourant soutient que la fouille de sa cellule a été réalisée en violation des art. 6 CEDH, 13 al. 1 Cst. et 46 RRIP.

6.1 À teneur de l'art. 13 al. 1 Cst., toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu'elle établit par la poste et les télécommunications. L'al. 2 de cette disposition précise que toute personne a le droit d'être protégée contre l'emploi abusif des données qui la concernent.

L'art. 13 Cst. protège la sphère privée dans une acception large, qui comprend la protection des données personnelles (PASCAL MAHON, in Petit commentaire de la Constitution fédérale [...], 2003, n° 2 ad art. 13 Cst. ; SYLVAIN MÉTILLE, Mesures techniques de surveillance et respect des droits fondamentaux, 2011, n. 226-228). Sont visés l'identité, les relations sociales et les comportements intimes de chaque personne physique, l'honneur et la réputation ainsi que, notamment, toutes les informations se rapportant à une personne qui ne sont pas accessibles au public, en particulier les informations relatives aux dossiers de procédures civiles, pénales ou administratives, qui porteraient atteinte à sa considération sociale (ATF 140 I 381 consid. 4.1 ; 137 II 371 consid. 6.1).

Selon l’art. 36 Cst., toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).

Lorsque les causes et la durée de la privation de la liberté sont prévues dans une loi au sens formel, les restrictions à la liberté personnelle des détenus qui découlent des conditions de détention peuvent figurer dans une loi au sens matériel, à savoir un règlement de prison, car ces personnes sont liées à l'État par un rapport de droit spécial (ATF 124 I 203 consid. 2b ; 118 Ia 64 consid. 3r-t).  

6.2 Aux termes de l'art. 85 CP, les effets personnels et le logement du détenu peuvent être inspectés pour des raisons d'ordre et de sécurité de l'établissement (al. 1). Les art. 241 à 243 CPP s'appliquent en tant que dispositions générales en matière de perquisitions, fouilles et examens. En tout temps, la direction peut ordonner des fouilles corporelles et une inspection des locaux (art. 46 RRIP).

6.3 La Recommandation Rec (2006)2-rev sur les Règles pénitentiaires européennes, adoptée le 11 janvier 2006 par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe et révisée le 1er juillet 2020 (ci-après: RPE), s'applique aussi à la détention provisoire (règle 10.1). Les RPE n'ont certes pas de valeur contraignante pour les États, mais leur contenu reflète les traditions juridiques communes à ces États et sert de référence dans la concrétisation des droits fondamentaux (ATF 140 I 125 consid. 3.2 p. 133 et les arrêts cités). S’agissant des fouilles et des contrôles, les détenus doivent assister à la fouille de leurs effets personnels, à moins que les techniques de fouille ou le danger potentiel que cela représente pour le personnel l’interdisent (règle 54.8).

6.4 En l’occurrence, lors de la fouille de la cellule, les gardiens de prison ont consulté des notes personnelles du recourant. Or, la sphère privée et les données personnelles sont protégées par l'art. 13 al. 1 et 2 Cst. Il ne peut donc y être porté atteinte par l'autorité qu'aux conditions de l'art. 36 Cst. Il convient donc d’examiner si cette atteinte repose sur une base légale, est justifiée par un intérêt public et respecte le principe de la proportionnalité.

La fouille de la cellule dont a fait l’objet le recourant repose sur une base légale suffisante, soit l’art. 46 RRIP, étant rappelé que, s’agissant d’une restriction à la liberté personnelle des détenus découlant des conditions de détention, une loi au sens matériel suffit. En tant que le recourant se plaint de ce que la fouille de sa cellule n’a pas été ordonnée par la direction, contrairement au texte clair de l’art. 46 RRIP, force est de relever que le rapport d’incident du 17 mai 2023, qui faisait état de soupçons quant à la présence de substances illicites dans la cellule du recourant, a été adressé au directeur de la prison. Le dossier ne contient certes pas de trace écrite d’un ordre d’inspection qui aurait été donné par ce dernier à ses subordonnés. Un tel document n’est toutefois pas exigé par le règlement de détention, étant rappelé que la fouille d’une cellule constitue un acte matériel. Dans la mesure où l’ensemble des rapports d’incidents sont adressés à la direction, celle‑ci garde la maîtrise quant aux suites à donner aux informations rapportées par les gardiens et aux mesures à ordonner. Aucun élément au dossier ne permet de retenir que tel n’aurait pas été le cas en l’occurrence. Contrairement à ce que soutient le recourant, le fait qu’il est mentionné, dans le rapport d’incident du 18 mai 2023, que la fouille a été effectuée sur demande du gardien chef adjoint n’exclut pas encore que l’ordre ait été émis par la direction. La mesure respecte ainsi la condition de forme fixée par le règlement de détention.

La fouille reposait sur des soupçons fondés portant sur la présence de substances interdites au sein de la cellule qu’occupait le recourant. Il n’est à cet égard pas déterminant que le recourant n’ait pas été spécifiquement visé par cette mesure, puisqu’il n’avait lui-même aucun antécédent dans le domaine des stupéfiants. Comme l’a relevé le département, l’inspection ne visait pas à découvrir des moyens de preuves pouvant être utilisés dans le cadre de sa procédure pénale, mais à assurer le respect des règles de vie fixées aux détenus par l’établissement. C’est le lieu de préciser, comme l’a fait l’autorité intimée, que des substances illicites peuvent être dissimulées dans des documents, si bien qu’il appartient aux gardiens de les parcourir, au même titre que tous les autres objets se trouvant dans la cellule. La question de savoir si, comme le soutient le recourant, ses notes personnelles ne sauraient être utilisées comme moyens de preuve puisqu’elles portaient sur ses échanges avec son avocat devra être examinée par les autorités pénales. Il en va de même des arguments du recourant liés à la manière dont les autorités ont procédé pour saisir ses documents personnels. L’atteinte à la sphère privée du recourant était ainsi justifiée au vu de l’objectif de la fouille de saisir des substances interdites afin de garantir la sécurité des personnes détenues ainsi que l’ordre et la tranquillité dans l’établissement. La mesure était en outre apte et nécessaire pour atteindre cet objectif puisque la fouille a permis de découvrir des dispositifs et substances interdits et de les détruire.

Enfin, en tant que le recourant se plaint de ne pas avoir été présent pendant la fouille, son grief doit être écarté. La recommandation du Comité des ministres prévoit certes que les détenus doivent en principe assister à la fouille de leurs effets personnels. La jurisprudence admet toutefois une exception à ce principe lorsque l’absence du détenu est justifiée par des raisons objectives (arrêt du Tribunal fédéral 1P.197/1994 consid. 16a in Pra 1996 n° 142 p. 474). Or, en l’occurrence, la cellule dans laquelle séjournait le recourant était occupée par quatre autres personnes détenues, qui étaient soupçonnées de dissimiler des produits stupéfiants. Dans ces conditions, l’absence des personnes occupant la cellule durant l’inspection de celle‑ci était justifiée par des raisons objectives de pratique et de sécurité.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. Au vu de ce résultat, il n’est pas nécessaire d’examiner la conclusion du recourant tirée d’une indemnisation pour dommage moral.

6.5 Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 16 août 2023 par A______ contre la décision de la Conseillère d’État en charge du département des institutions et du numérique du 28 juin 2023 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier PETER, avocat du recourant, ainsi qu'au département des institutions et du numérique.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY et Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

Le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :