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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3696/2023

ATA/1339/2023 du 12.12.2023 ( TAXIS ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.01.2024, rendu le 09.02.2024, IRRECEVABLE, 2C_30/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3696/2023-TAXIS ATA/1339/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 décembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1951, est au bénéfice d’un permis de conduire depuis le 26 septembre 1974.

b. Le 18 août 2017, il a obtenu une carte professionnelle de chauffeur de taxi ainsi qu’une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP) correspondant aux plaques d’immatriculation GE 1______, valable jusqu’au 17 août 2023.

B. a. Par courrier du 5 janvier 2023, envoyé en A+, le service de police du commerce de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a informé A______ qu’une requête de renouvellement de son AUADP devait lui parvenir au plus tôt le 28 février 2023 et au plus tard le 31 mars 2023. Il n’entrerait pas en matière sur les requêtes déposées en dehors du délai. À défaut de procéder dans ces délais, son AUADP prendrait fin à sa date d’échéance, sans possibilité de renouvellement.

À teneur du suivi des envois de la Poste, ce pli a été distribué, le 6 janvier 2023.

b. Par courriel du 15 février 2023, A______ a sollicité du PCTN « les papiers pour le renouvellement de la carte professionnelle ».

c. Par courriel du 16 février 2023, le PCTN lui a envoyé le formulaire de renouvellement de l’AUADP.

d. Par courriel du 19 juillet 2023 au PCTN, A______ a fait suite à une conversation téléphonique de la veille. Il leur confirmait n’avoir rien reçu de leur part concernant le renouvellement de son AUADP.

e. Par courriel du 21 juillet 2023, le PCTN a répondu à A______ qu’un courrier lui avait été adressé le 5 janvier 2023. Une décision de caducité lui serait prochainement envoyée.

f. A______ a déposé une requête en renouvellement de son AUADP le 30 août 2023. Selon le courrier d’accompagnement, il avait conscience que la demande arrivait avec quelques mois de retard. Il ne pouvait en être tenu pour responsable. Il n’avait reçu des nouvelles du PCTN, la première fois, que le 21 juillet 2023. Il s’agissait d’une réponse à sa propre requête du 19 juillet 2023. Il lui était impossible de prouver qu’il n’avait pas reçu le courrier du 5 janvier 2023, mais sa visite en leurs services pour s’inquiéter de sa situation, le paiement de l’émolument de CHF 816,65 et son courriel du 19 juillet 2023 attestaient de son intention de renouveler son autorisation. Aucune négligence ne pouvait lui être reprochée.

g. Par décision du 12 octobre 2023, le PCTN a retourné à A______ la requête en renouvellement de son AUADP déposée le 30 août 2023. Comme expliqué par courrier du 5 janvier 2023, il aurait dû la déposer entre le 28 février et le 31 mars 2023. Le PCTN refusait en conséquence d’entrer en matière et constatait que l’AUADP du 18 août 2017 était caduque depuis le 17 août 2023. A______ devait déposer ses plaques d’immatriculation auprès de l’office cantonal des véhicules. S’il souhaitait requérir une nouvelle AUADP, il lui appartenait de s’inscrire sur la liste d’attente au moyen du formulaire de requête idoine.

C. a. Par acte du 8 novembre 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Il a conclu au renouvellement de son AUADP.

Il n’avait jamais eu connaissance du courrier du 5 janvier 2023. L’exercice de son activité était essentiel pour sa survie économique. Il était passé, personnellement, au PCTN au début mars 2023 pour s’enquérir de la situation du renouvellement de son autorisation. Le fonctionnaire lui avait indiqué, en contrôlant sur son écran, qu’il devrait recevoir une information de leur part fin juin voire début juillet 2023. Il l’avait donc rassuré et lui avait confirmé qu’il devait attendre.

b. Le PCTN s’est référé à sa décision et a conclu au rejet du recours.

c. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant se plaint implicitement d’une violation de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31).

2.1 L’art. 13 LTVTC règle les modalités de l’AUADP.

Selon son al. 1, les AUADP sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. L’al. 2 prévoit qu’elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires, l’al. 3 qu’elles sont strictement personnelles et intransmissibles, l’al. 4 que le Conseil d’État en fixe le nombre maximal en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif.

Il ressort de l’art. 13 al. 5 LTVTC que l’AUADP est délivrée sur requête pour six ans à une personne physique ou morale aux conditions énumérées sous let. a à c.

Selon l’al. 7 de cette disposition, l’AUADP est renouvelée lorsque la requête en renouvellement est déposée 3 mois avant l’échéance de l’autorisation (let. a) ; les conditions de l’al. 5 sont toujours réalisées (let. b).

2.2 L’art. 21 RTVTC prévoit que le PCTN informe les titulaires six mois avant l'échéance de l’AUADP de la nécessité de déposer une requête en renouvellement (al. 1). La requête peut être formée au plus tôt 4 mois avant sa date d'échéance, mais doit être formée au plus tard trois mois avant sa date d'échéance (al. 2). Le PCTN n'entre pas en matière sur les requêtes en renouvellement déposées en dehors du délai (al. 3). La requête en renouvellement doit être déposée au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée et accompagnée des documents mentionnés dans ladite formule (al. 4). L'art. 5 est applicable pour le surplus (al. 5).

Selon l’art. 5 RTVTC, les requêtes en autorisation doivent être déposées auprès du PCTN au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée par la requérante ou le requérant, et accompagnée de toutes les pièces mentionnées dans ladite formule (al. 1). La requête ne réalisant pas les conditions de l'al. 1 est retournée à la requérante ou au requérant, sans fixation d’un délai pour la compléter (al. 2). Les requêtes en autorisation valablement déposées sont traitées dans un délai de 2 mois (al. 5).

2.3 En l’espèce, le recourant était au bénéfice d’une AUADP à compter du 18 août 2017, valable jusqu’au 17 août 2023. Le PCTN a explicitement indiqué dans son courrier du 5 janvier 2023 qu’il n’entrerait pas en matière sur les requêtes de renouvellement déposées en dehors du délai et qu’à défaut de procéder à temps, l’AUADP prendrait fin à sa date d’échéance, sans possibilité de renouvellement. Le recourant ne soutient à juste titre pas qu’il aurait adressé sa demande de renouvellement, datée du 30 août 2023, dans le délai indiqué dans le courrier du 5 janvier 2023. Au contraire, il indique dans le courrier d’accompagnement du 29 août 2023 être conscient que sa demande arrivait avec quelques mois de retard.

Le délai fixé par l’autorité intimée dans le pli du 5 janvier 2023 n’était toutefois pas conforme à la LTVTC et à son règlement qui veut que la requête soit formée au plus tôt quatre mois avant l’échéance de l’AUADP, mais au plus tard trois mois avant sa date d’échéance, le délai ayant couru in casu du 17 avril 2023 au 17 mai 2023, compte tenu de la date d’échéance au 17 août 2023 (art. 13 al. 7 LTVTC et 21 al. 2 RTVTC). Il n’est toutefois pas contesté que le recourant n’a pas déposé sa requête de renouvellement dans ce délai, ce qui implique que l’erreur de l’administration est sans conséquence sur l’issue du présent litige.

3.             Le recourant conteste avoir reçu le courrier de l’autorité intimée du 5 janvier 2023 par lequel son attention était attirée sur le fait que son AUADP arriverait prochainement à échéance, qu’il était nécessaire de déposer une requête en renouvellement au moyen de la formule officielle qui serait disponible sur son site Internet dès le 20 janvier 2023 et que cette demande devrait lui parvenir au plus tôt dès le 28 février 2023 mais au plus tard le 31 mars 2023. Ces dates sont mises en évidence en gras dans le texte.

3.1 Le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de sa date incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1).

3.2 La jurisprudence établit la présomption réfragable que les indications figurant sur la liste des notifications de la Poste, telle que notamment la date de la distribution du pli, sont exactes. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : si ce dernier ne parvient pas à établir l’absence de la distribution attestée par le facteur, la remise est censée être intervenue à cette date (ATF 142 IV 201 consid. 2.3 ; ATA/852/2022 du 23 août 2022).

La prestation « A+ » offre la possibilité de suivre le processus d’expédition du dépôt jusqu’à la distribution. Elle comporte également l’éventuelle réexpédition à une nouvelle adresse, ainsi que le retour des envois non distribuables. Lors de l’expédition par « Courrier A + », l’expéditeur obtient des informations de dépôt, de tri et de distribution par voie électronique via le service en ligne « Suivi des envois ». Les envois « Courrier A + » sont directement distribués dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire. En cas d’absence, le destinataire ne reçoit pas d’invitation à retirer un envoi dans sa boîte aux lettres (ATF 142 III 599 consid. 2.1).

Dans le cas de la pose dans la boîte aux lettres ou dans la case postale d’un courrier A+, comme d’un avis de retrait d’un pli recommandé, une erreur dans la notification par voie postale ne saurait être d’emblée exclue. Pareille erreur ne peut toutefois pas non plus être présumée et ne peut être retenue que si des circonstances particulières la rendent plausible. L’allégation d’un justiciable selon laquelle il est victime d’une erreur de notification par voie postale et par conséquent sa bonne foi ne peuvent être prises en considération que si la présentation qu’il fait des circonstances entourant la notification en cause est concevable et repose sur une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.2 ; 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.3, et les références citées). La simple affirmation du recourant selon laquelle il a toujours pris en considération les avis de retrait et qu’il leur a donné suite en temps utile ne constitue pas une circonstance qui rend plausible une erreur de notification par voie postale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 précité consid. 5.2 ; ATA/725/2018 précité consid. 2c confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_799/2018 du 21 septembre 2018).

3.3 Un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA).

3.4 L’art. 16 al. 1 LPA s’applique aux délais prévus par l’art. 13 al. 7 LTVTC et 21 al. 2 RTVTC (ATA/1110/2023 du 10 octobre 2023 consid. 4.5).

3.5 En l'espèce, le recourant invoque n’avoir pas reçu le courrier du 5 janvier 2023, dont il n’est pas contesté qu’il a été envoyé par courrier A+. Le suivi des envois de la poste atteste de sa distribution au recourant le 6 janvier 2023 à 9h43. Conformément à la jurisprudence précitée, il est dès lors présumé que l’intéressé est entré en possession du pli concerné à cette dernière date. Le recourant ne donne aucun élément qui permettrait de renverser cette présomption. À ce titre, le paiement de l’émolument, son passage aux guichets du PCTN ou son courriel du 29 juillet 2023 ne sont pas de nature à remettre en cause le document établi par la poste et attestant de la délivrance du pli le 6 janvier 2023. Tout au contraire, par courriel du 15 février 2023, le recourant s’est adressé à l’autorité intimée pour obtenir le formulaire de renouvellement de son AUADP, qu’il a reçu par retour de courriel le lendemain. Cette intervention, quelques jours après l’envoi litigieux, avant les dates précisées dans le courrier pour déposer le dossier, tend à confirmer qu’il était au courant des démarches à entreprendre et des délais fixés et qu’il avait, par voie de conséquence, bien reçu le courrier du 5 janvier 2023.

Le fait qu’un employé du PCTN lui aurait dit, en mars 2023, d’attendre n’est qu’allégué.

Face à ces éléments, le recourant échoue à démontrer l’existence d’un cas de force majeure au sens de l’art. 16 al. 1 LPA, de sorte que c’est à juste titre que l’autorité intimée n’est pas entrée en matière sur la demande de renouvellement et a constaté la caducité de l’AUADP délivrée le 18 août 2017, en application de l’art. 13 LTVTC.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 novembre 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 12 octobre 2023 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Cédric-Laurent MICHEL, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :