Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1859/2023

ATA/1272/2023 du 28.11.2023 ( PROC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1859/2023-PROC ATA/1272/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 novembre 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

et

COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE intimés



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1962, a été engagé par le département de l’instruction publique (ci-après : DIP) le 1er février 1987 en qualité de maître suppléant d’enseignement général ou technique dans l’enseignement secondaire.

b. Par courrier du 16 septembre 2021, la conseillère d’État en charge du DIP a sollicité du Groupe de confiance (ci-après : GdC) l’ouverture d’une investigation.

c. Le 9 mai 2022, le GdC a rendu son rapport, aux termes duquel il a constaté l’existence d’un harcèlement sexuel sous la forme d’un climat hostile imposé par A______ à l’encontre de B______.

d. Par arrêté du Conseil d’État du 24 août 2022, A______ a été libéré de son obligation de travailler, sans incidence sur son traitement.

e. Par décision du 12 octobre 2022, la conseillère d’État en charge du DIP a sanctionné A______ par la réduction de son traitement de cinq annuités à l’intérieur de sa classe de traitement. Par ailleurs, au vu des conclusions du GdC, il n’était pas souhaitable qu’il poursuive son activité professionnelle dans le même établissement. Il était en conséquence affecté au collège C______ et la libération de son obligation de travailler était levée.

Le recours interjeté le 15 novembre 2022 contre cette décision a été rejeté par arrêt du 26 septembre 2023 de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

f. Par arrêt (ATA/421/2023) du 25 avril 2023, la chambre administrative a dit que le recours interjeté le 5 septembre 2022 par A______ contre l’arrêté du Conseil d'État du 24 août 2022 était devenu sans objet, a rayé la cause du rôle, mis un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ et dit qu’il n’était pas alloué d’indemnité de procédure.

Le recours était devenu sans objet en raison de la décision de la conseillère d’État en charge du DIP du 12 octobre 2022. Cela ne résultait pas du fait du recourant, mais d’une issue prévisible depuis l’introduction de son recours, étant donné que l’arrêté du 24 août 2022 prévoyait que la libération de son obligation de travailler était temporaire. Ceci était d’autant plus vrai que, dirigé contre une décision incidente sans preuve d’un dommage irréparable ni que son admission aurait pu conduire immédiatement à une décision finale qui aurait permis d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse, le recours aurait été déclaré irrecevable pour l’un de ces motifs déjà. Bien que le recourant, assisté de son conseil, pût avoir connaissance des faibles chances de succès de son recours, à tout le moins dès le 22 septembre 2022, il l’avait maintenu. En ces circonstances, c’était bien le recourant qui était à l’origine de la procédure et n’y avait pas mis un terme lorsqu’il l’aurait pu, alors qu’il devait savoir que la libération de son obligation de travailler serait levée. Cette action n’avait pas été sans générer un travail certain pour la chambre de céans, compte tenu des divers échanges d’écritures produits avant que les parties ne s’accordent sur le fait que le recours avait perdu son objet. En conséquence, c’était bien au recourant qu’il revenait de s’acquitter de l’émolument relatif à cette procédure induite par son recours contre l’arrêté ayant expressément vocation à être temporaire. La décision du 12 octobre 2022 ne résultait pas d’un revirement du département ou du Conseil d’État quant à sa situation, mais au contraire de la notification d’une sanction disciplinaire, confirmant ce qui avait été annoncé au recourant dès le courrier du 28 avril 2021.

La procédure s’étant éteinte par la notification de la décision du 12 octobre 2022 résultant de la poursuite de la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre du recourant et tel qu’annoncé dès son ouverture, il ne pouvait être retenu que celui-ci avait obtenu gain de cause. Il n’avait été fait droit à aucune des conclusions du recourant, de sorte qu’aucune indemnité de procédure ne lui était allouée.

B. a. Par acte posté le 31 mai 2023, A______ a formé une réclamation contre l’ATA/421/2023 précité, concluant, sous suite d’indemnité, à l’annulation de l’émolument mis à sa charge et à l’octroi d’une indemnité de procédure de CHF 1'000.-.

La démarche consistant à recourir était fondée, l’autorité intimée cherchant à tirer disciplinairement parti d’une décision rendue en marge d’un rapport du GdC, déclarée exécutoire nonobstant recours. En d’autres termes, l’autorité avait cherché à transformer l’enquête du GdC, non contradictoire et ne respectant aucune des règles de la procédure disciplinaire, afin de pouvoir le sanctionner, en enquête administrative, tirant ainsi parti abusivement de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Ainsi, tout acte d’exécution vers une sanction disciplinaire devait être contesté, ou à tout le moins pouvait l’être légitimement. Un émolument de CHF 1'000.- était clairement punitif et insoutenable.

De même, la chambre de céans ne pouvait pas considérer que le recourant n’obtenait pas gain de cause, sans procéder à un pronostic sur l’issue du recours, conformément à la jurisprudence. Le recourant ne pouvait pas être suspendu, en dehors de toute procédure préalable, a fortiori sur la seule base de faits prétendument établis par le GdC, de façon contradictoire et en violation de son droit d’être entendu. Une indemnité de procédure aurait dû lui être octroyée.

b. Le Conseil d’État a conclu au rejet de la réclamation.

c. A______ ayant renoncé à répliquer dans le délai qui lui avait été imparti, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Formée en temps utile devant la juridiction compétente, la réclamation est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 87 al. 4 LPA).

2.             Le réclamant se plaint de la mise à sa charge d’un émolument dans la mesure où son recours aurait été légitime.

2.1 La chambre de céans statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/779/2022 du 9 août 2022 consid. 2a ; ATA/510/2016 du 14 juin 2016 consid. 2).

Selon l’art. 87 al. 1 2e phrase LPA, en règle générale, l’État, les communes et les institutions de droit public ne peuvent se voir imposer de frais de procédure si leurs décisions font l’objet d’un recours.

2.2 Selon l’art. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les frais de procédure qui peuvent être mis à la charge de la partie comprennent l’émolument d’arrêté au sens de l’art. 2 et les débours au sens de l’art. 3. En règle générale, l’émolument d’arrêté n’excède pas CHF 10'000.- (art. 2 al. 1 RFPA) ; toutefois, dans les contestations de nature pécuniaire, l’émolument peut dépasser cette somme, sans excéder CHF 15'000.- (art. 2 al. 1 RFPA).

2.3 Un principe général de procédure administrative veut que les frais soient supportés par la partie qui succombe et dans la mesure où elle succombe (René RHINOW et al., Öffentliches Prozessrecht, 3e éd., 2021, n. 971 ; Regina KIENER/Bernhard RÜTSCHE/Mathias KUHN, Öffentliches Prozessrecht, 3e éd., 2021, n. 1673 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p. 642).

Il est de jurisprudence constante que la partie qui succombe doit supporter une partie des frais découlant du travail qu’elle a généré par sa saisine (ATA/182/2018 du 27 février 2018 consid. 2). Les frais de justice sont des contributions causales qui trouvent leur fondement dans la sollicitation d'une prestation étatique et, partant, dépendent des coûts occasionnés par le service rendu. Il est cependant notoire que, en matière judiciaire, les émoluments encaissés par les tribunaux n'arrivent pas, et de loin, à couvrir leurs dépenses effectives (ATF 143 I 227 consid. 4.3.1 ; 141 I 105 consid. 3.3.2 ; 133 V 402 consid. 3.1).

2.4 La chambre administrative dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la quotité de l'émolument qu’elle met à charge de la partie qui succombe. Cela résulte notamment de l'art. 2 al. 1 RFPA dès lors que ce dernier se contente de plafonner – en principe – l'émolument d'arrêté à CHF 10'000.- (ATA/230/2022 du 1er mars 2022 consid. 2b ; ATA/1185/2018 du 6 novembre 2018 consid. 2b).

2.5 En l'espèce, l’arrêt contre lequel est dirigée la réclamation détaille de façon précise les motifs qui ont justifié la mise à la charge du recourant d’un émolument. Le réclamant ne fait pas valoir d’arguments nouveaux et se limite à persister dans sa critique de la procédure devant le GdC, substituant son appréciation de la situation à celle de la chambre de céans. Par décision du 12 octobre 2022, la libération de l’obligation de travailler litigieuse avait été levée. Le recourant ne s’est pas opposé à sa nouvelle fonction mais n’a toutefois pas souhaité retirer son recours alors que celui-ci était devenu sans objet. Pour ce motif déjà, le recourant doit supporter une partie des frais découlant du travail qu’il a généré par la saisine de la chambre administrative, de sorte que l’émolument de CHF 1’000.- mis à sa charge ne peut qu’être confirmé. Par ailleurs et contrairement à ce que le réclamant soutient, l’arrêt ATA/421/2023 précise que le recours, dirigé contre une décision incidente sans preuve d’un dommage irréparable ni que son admission aurait pu conduire immédiatement à une décision finale qui aurait permis d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse, aurait été déclaré irrecevable pour l’un de ces motifs déjà. Ceci conforte, en tant que de besoin, le bien-fondé de l’émolument mis à la charge du recourant.

Ce grief sera rejeté.

3.             Le recourant conteste l’absence d’allocation d’une indemnité de procédure.

3.1 La chambre administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA). L'art. 6 RFPA, intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

3.2 La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/1191/2022 du 29 novembre 2022 consid. 2b ; ATA/46/2022 du 18 janvier 2022 consid. 1; ATA/1042/2021 du 5 octobre 2021 ; ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA, dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-.

3.3 En l’espèce, et comme déjà relevé, dans l’arrêt litigieux, la chambre de céans a déclaré le recours sans objet. D’une part, le recourant n’avait pas souhaité retirer son recours alors que la mesure de libération de son obligation de travailler avait été levée. D’autre part, le recours aurait été déclaré irrecevable. Le recourant n’ayant pas obtenu gain de cause sur sa conclusion principale tendant à l’annulation de l’arrêté du 24 août 2022, c’est à juste titre que la chambre de céans a exclu l’octroi d’une indemnité de procédure en sa faveur.

4.             Conformément à la pratique courante de la chambre de céans, aucun émolument ne sera prélevé dans le cadre de la présente procédure de réclamation (art. 87 al. 1 LPA). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation formée le 31 mai 2023 par A______ contre l'arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 25 avril 2023 ;

au fond :

la rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure pour la présente réclamation ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, Françoise SAILLEN AGAD, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :