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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3615/2022

ATA/1197/2023 du 07.11.2023 ( FORMA ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : APPRENTISSAGE(FORMATION PROFESSIONNELLE);FORMATION PROFESSIONNELLE;APPRENTI;EXAMEN(FORMATION);RÉSULTAT D'EXAMEN
Normes : LFPr.2.al1.leta; LFPr.16.al1; LFPr.19; LFPr.33; LFPr.34; LFPr.38; OFPr.30; OFPr.31; OFPr.34; OFPr.35; LFP.1; LFP.5; LFP.73.leth; RFP.9; RFP.31.al1
Résumé : Recours d’un apprenti contre la décision de refus de lui délivrer un CFC de boulanger-pâtissier-confiseur, en raison d’une note insuffisante à l’examen pratique. Les examinateurs ont abusé de leur pouvoir d’appréciation à plusieurs titres, notamment en sanctionnant le candidat à réitérées reprises pour la même faute ou en lui attribuant la note minimale correspondant à un travail non réalisé alors que sa préparation a été jugée insuffisante. Admission partielle du recours et renvoi à l’autorité intimée pour réévaluation des pénalités retenues par les examinateurs, puis nouvelle décision.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3615/2022-FORMA ATA/1197/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 novembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

OFFICE POUR L’ORIENTATION, LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET CONTINUE intimé



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : l’apprenti) a effectué trois années d’apprentissage en vue d’obtenir le certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) de
boulanger-pâtissier-confiseur, orientation pâtisserie-confiserie.

b. Les 29 et 30 mai 2022, il a passé son examen pratique, consistant en la confection de plusieurs préparations, tirées d’un livre de recettes élaboré par le candidat, sur son lieu d’apprentissage, soit la B______(ci-après : l’entreprise). Il a été évalué par les examinateurs C______et D______, sous la responsabilité de E______, coordinateur des experts.

B. a. Par décision du 23 juin 2022, l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : l’OFPC) a informé l’apprenti qu’il avait échoué à sa procédure de qualification.

Selon le bulletin de notes annexé, il avait obtenu la note de 2.7 à son travail pratique. Compte tenu de ses autres résultats (4.5 en connaissances professionnelles, 5.7 en culture générale et 5.5 de note d’expérience), la note globale était de 3.9.

b. Le 4 juillet 2022, l’apprenti, accompagné de son père, s’est rendu à une séance de concertation à l’OFPC, en présence de E______, F______, formateur de l’entreprise, et G______, son conseiller en formation.

c. Les 5 et 6 juillet 2022, l’apprenti a écrit aux Conseillers d’État en charge des Départements de l’instruction publique et de la cohésion sociale. Il a contesté les résultats obtenus, faisant valoir que l’expert l’avait injustement noté et que le règlement n’avait pas été appliqué de manière égalitaire entre les différents candidats. Sa camarade de volée, avec laquelle il avait tout préparé, avait exécuté et présenté un travail similaire, mais elle avait obtenu la note de 5.1. Il a joint de nombreuses photographies prises à l’issue des examens.

d. Par courrier du 22 juillet 2022, l’intéressé, par l’intermédiaire d’un avocat, a complété son opposition et requis de nombreuses mesures d’instruction, dont la production de l’entier de son dossier d’examen, en particulier le formulaire de contrôle dûment rempli, les procès-verbaux, documents personnels, grilles d’évaluation et commentaires des experts, la production anonymisée des dossiers des autres candidats afin de démontrer les inégalités de traitement dans la notation en cas d’utilisation de matériel préparé à l’avance ou d’une production insuffisante de pièces requises. Enfin, il a sollicité l’audition en qualité de témoins des deux experts ayant examiné sa prestation, du coordinateur des experts qui avait été présent à la fin de son travail pratique, et de son maître d’apprentissage. À titre principal, il a demandé que la décision contestée soit réformée et que le CFC lui soit décerné. Il a invoqué une violation du droit d’être entendu, dès lors qu’il n’était pas possible de comprendre les motifs retenus pour l’attribution de la note de 2.7, une violation des dispositions relatives à son examen, une inégalité de traitement et une notation arbitraire de la part des experts, qui avaient attribué la note de 1 à plusieurs de ses travaux.

e. Le 27 juillet 2022, l’OFPC a informé l’apprenti qu’un délai au 10 août 2022 avait été imparti au service de formation professionnelle pour prendre position sur sa contestation.

f. Par courrier du 15 septembre 2022, l’apprenti a demandé à l’OFPC de lui transmettre les déterminations du service précité et réitéré sa requête de mesures d’instruction.

g. Par lettre recommandée du 4 octobre 2022, il a derechef sollicité l’accès à son dossier et les déterminations qui auraient dû être transmises le 10 août 2022.

h. Par décision sur opposition du 4 octobre 2022, l’OFPC a confirmé la décision d’échec.

Dans un courriel du 21 août 2022, non autorisé à la diffusion mais que l’apprenti pouvait demander à consulter, E______ avait contesté les reproches formulés dans l’opposition et relevé que le manque de préparation et de connaissance des directives de la part du candidat avaient conduit à une note insuffisante. Le système « H______ » fonctionnait par déduction de points, ce qui permettait aux experts de rester le plus juste possible, étant ajouté que les notes étaient attribuées par le système informatique qui suivait des coefficients identiques dans toute la Suisse. Les experts avaient appliqué les directives d’examen et leur notation était de bonne qualité et neutre. En outre, les photos produites par l’apprenti ne montraient pas le cheminement de la recette, et la candidate avec laquelle il se comparait avait bénéficié d’un aménagement en raison d’un problème physique. La prise de clichés étant interdite pendant l’examen, il ne pouvait pas montrer l’état du laboratoire.

Ainsi, après instruction et analyse des faits, aucune violation du cadre légal ne pouvait être retenue, étant souligné que les directives pour la procédure de qualification accordaient une large marge d’appréciation aux experts. Il était donc raisonnable d’admettre que l’évaluation avait été réalisée en tenant compte des critères pertinents.

i. Le 5 octobre 2022, l’OFPC a indiqué à l’apprenti que sa correspondance du
4 octobre 2022 s’était croisée avec la décision sur opposition.

j. Le 24 octobre 2022, l’apprenti a pris connaissance des remarques de
E______, accompagnées de la feuille de notes et du protocole d’évaluation.

Selon la feuille de notes, le candidat a obtenu les notes de 2.5 pour les produits de la pâtisserie (2 pour les produits de petite boulangerie au lait et viennoiserie, 1.5 pour les snacks et produits traiteur, 2.5 pour les biscuits et masses, 5.5 pour les pâtisseries, 2 pour les pièces sèches et/ou petits fours, 2.5 pour les tourtes, cakes ou tartelettes, et 2 pour les desserts à la crème et desserts glacés), 3 pour les produits de la confiserie (1 pour le travail au sucre, 2.5 pour les masses de base, 5 pour les pralinés et produits dragéifiés, 4.5 pour le travail de couverture et 1 pour les articles de fantaisie) et 2.5 pour la qualité et la sécurité (1.5 pour l’assurance qualité, 6 pour la sécurité au travail et 1 pour l’assurance qualité selon le document des recettes et planifications).

Il sera revenu dans la partie en droit sur le détail du protocole d’évaluation.

C. a. Par acte du 31 octobre 2022, l’apprenti a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à la réformation de cette dernière en ce sens que le CFC de boulanger-pâtissier-confiseur lui était décerné.

Son droit d’être entendu avait été gravement violé à plusieurs titres par l’intimé. Ainsi, il n’avait pas eu accès à son dossier dans le cadre de la procédure d’opposition, et la décision litigieuse se fondait sur des déterminations des experts qui ne lui avaient pas été transmises. Il n’avait d’ailleurs toujours pas eu un accès complet à son dossier malgré ses demandes, puisque le formulaire de contrôle de l’examen pratique, ne lui avait pas été remis.

La décision sur opposition ne traitait pas les griefs soulevés et ne répondait pas aux exigences de motivation. Il ne lui était notamment pas possible de savoir quels faits et quelle motivation juridique avaient été retenus pour lui attribuer la note de 2.7 à l’examen pratique.

Le déroulement et l’appréciation de l’examen pratique avaient été émaillés de discriminations et étaient arbitraires.

Ainsi, il avait reçu la note de 1, correspondant à une prestation « inutilisable », à plusieurs réalisations au motif que le nombre de pièces produites ne correspondait pas au nombre exigé. En procédant de la sorte, les experts avaient violé les directives de qualification, et adopté une notation sans rapport avec la prestation réalisée. Un tel résultat était arbitraire. Cette appréciation valait également pour la note de 1 qui lui avait été attribuée en raison du caractère incomplet de son planning. On ne pouvait juger de manière identique un planning incomplet et une absence totale de planning. Par ailleurs, retenir la note de 1 pour le « St Honoré » au motif que cette pièce n’avait pas été placée au frigo, alors que celui-ci était inadapté, relevait également de l’arbitraire. Les experts avaient reporté sur le candidat les risques liés au matériel qui présentait une humidité trop importante alors que du matériel adapté devait être mis à sa disposition. Il avait pris les mesures qui s’imposaient pour protéger sa préparation en l’entreposant dans la chambre froide. La note de 1 se révélait également arbitraire dans la mesure où l’on ne pouvait faire totalement abstraction du travail réalisé et le noter de manière similaire à un candidat qui n’aurait rien exécuté du tout. Le fait d’avoir utilisé la chambre froide démontrait qu’il avait constamment le souci du respect des règles d’hygiène alimentaire.

L’attribution de la note de 1 à l’ensemble des préparations qui comportaient de la crème fouettée au motif que celle-ci aurait été préparée à l’avance était arbitraire. Cette notation contrevenait à l’égalité de traitement dans la mesure où les autres candidats ne s’étaient pas vus appliquer cette règle. En outre, l’attribution de la note 1 à tous les produits concernés revenait à sanctionner plusieurs fois la même erreur, ce qui était arbitraire.

Enfin, la notation avec l’appréciation 1 des pièces « fantaisie » au motif que le socle aurait été préparé en avance était également arbitraire. Les règles applicables à l’examen pratique permettaient que les socles de présentation fussent réalisés à l'avance par des collaborateurs. Lui infliger la note minimum pour ce motif était contraire aux directives de qualification.

À défaut de motivation de la décision sur ces questions et d’un accès complet au dossier, il ne lui était pas possible de contester de manière très détaillée la notation et de faire valoir adéquatement ses moyens. Toutefois, sur la base de ses notes prises à la suite de la consultation des pièces le 24 octobre 2022 dans les locaux de l’intimé, il apparaissait que les notes étaient attribuées sur la base d’un système informatique dans lequel les examinateurs entraient des points pour chaque préparation. Une bonne prestation était notée « 0 », une prestation moyenne « 1 » et une mauvaise prestation « 2 ». Sur 96 rubriques, il s’était vu appliquer 84 fois une pénalité de « 2 » points et douze fois une pénalité de « 1 » point. La pénalité maximale lui avait été attribuée pour de nombreuses préparations, avec une motivation très succincte et sans que les erreurs retenues justifient une telle réduction de points. Une prétendue problématique d’hygiène, qu’il contestait, avait été retenue à plusieurs reprises, ce qui représentait une pénalisation multiple d’un même problème et était donc arbitraire.

Il avait pâti d'une inégalité de traitement, les conditions d’examen entre les différents candidats ayant été différentes. En particulier, les autres candidats qui n’avaient pas réussi à présenter le nombre de pièces requis avaient été jugés sur la base des produits présentés sans avoir obtenu la note de 1. Certains apprentis avaient été autorisés à utiliser de la crème fouettée ou d’autres préparations effectuées en amont de l’examen. En outre, d’autres candidats qui avaient été amenés à utiliser la chambre froide à la place du frigo n’avaient pas été sanctionnés. Enfin, certains qui avaient préparé un socle à l’avance pour la pièce « fantaisie » n’avaient pas du tout été sanctionnés. Ses préparations et celles de I______avaient fait l’objet de photographies, dont la comparaison permettait de conclure que la notation avait été effectuée en violation du principe de l’égalité de traitement. Les mesures d’instruction requises seraient à même de les démontrer.

b. Le 7 décembre 2022, l’autorité intimée a conclu au rejet du recours.

Le grief de violation du droit d’être entendu ne pouvait pas être admis. La décision litigieuse avait été rendue sur dossier, que le recourant avait déjà consulté le
4 juillet 2022. Une instruction n’était donc pas nécessaire. De plus, le recourant avait eu l’occasion de consulter son dossier postérieurement au prononcé de la décision. Il avait alors pu prendre connaissance de la position du 15 août 2022 de E______.

Le grief concernant l’évaluation arbitraire des experts ne pouvait être retenu. Le chef expert avait recontacté les experts concernés et confirmé la qualité de l’évaluation. Les protocoles d’examen versés à la procédure étaient détaillés et conformes au système prescrit pour toute la Suisse. Le recourant avait été informé en temps utile que le nombre de pièces à réaliser était important, que si l’une d’elles manquait, un convive n’était pas servi, ce qui n’était pas admissible. Il avait certes perdu beaucoup de points de ce fait, mais le critère à évaluer était la quantité prescrite, et non la qualité du produit fini. La question du frigo relevait de la responsabilité du recourant et de sa gestion du matériel pour l’examen, qui se déroulait sur son lieu d’apprentissage. Ces deux aspects étaient également évalués.

Le recourant n’avait pas fait l’objet d’une inégalité de traitement.
I______avait bénéficié de mesures de compensation et passé son examen pratique en trois demi-journées, au lieu d’un jour et demi d’affilée, afin d’alléger ses difficultés physiques. La production de photographies n’était pas admissible, car contraire aux directives, et « non sourcée ».

c. Lors de l’audience qui s’est tenue le 1er février 2023 devant la chambre administrative, E______, entendu comme témoin, a confirmé avoir officié comme chef expert pour le compte de l’association professionnelle des boulangers-pâtissiers du canton, sur mandat de l’autorité intimée.

Pour la théorie et la pratique, il était présent au début de l’examen et à la fin, et vérifiait que tout se passe bien. Il s’occupait de la coordination et de la méthode de notation, étant précisé que les notes de culture générale et d’expérience dépendaient de l’école.

La note de 1 (« inutilisable ») avait été attribuée pour un certain nombre de prestations du recourant, notamment pour les pièces rendues en nombre insuffisant, le socle ou la crème fouettée préparés à l’avance, ou la génoise démoulée en dehors du temps d’examen.

Les déductions en fonction des insuffisances constatées étaient précisées sur le programme informatique. Lorsque le nombre de pièces était insuffisant, cela donnait automatiquement la note de 1. La directive indiquait un nombre précis de pièces à fournir pour chaque poste et ils disaient toujours à leurs apprentis d’en faire un peu plus, au cas où une pièce se casserait ou serait inutilisable. Ils ne connaissaient pas le barème, le programme étant fourni par l’office fédéral. Il était exact que ne pas avoir le nombre de pièces était sanctionné beaucoup plus sévèrement qu’un manque qualitatif. Si les pièces étaient moins belles mais qu’il y avait le nombre, on pouvait atteindre 4.5. La quantité était plus importante que la qualité, même si cela prêtait à discussion au sein de la profession.

Le buffet de présentation de fin d’examens, qui pouvait être fait par un tiers, n’était jamais noté. En revanche, pour les produits « fantaisie » qui incluaient trois présentoirs, ces derniers devaient être faits pendant l’examen par l’apprenti. Les décors sur les pâtisseries pouvaient être faits à l’avance, mais par l’apprenti
lui-même. Le jury pouvait néanmoins, notamment en cas de doute, demander au candidat de confectionner un décor supplémentaire. Le socle du produit « fantaisie », tout comme le décor, faisaient partie de la pièce, mais il avait pour but de démontrer les qualités du candidat en matière de pièce artistique, même s’il ne s’agissait pas de quelque chose de très élaboré.

La question de la propreté était évaluée à chaque poste et pouvait vite enlever des points. L’hygiène était quelque chose de très important, surtout lorsque l’on utilisait des produits crus. Là aussi, le manquement constaté était entré dans le programme qui débitait automatiquement un certain nombre de points.

Le procès-verbal de notation contenait à chaque ligne une rubrique « pénalités » avec 0, 1 et 2. Un 0 correspondait à une absence de problème et un « OK » était inscrit, sans besoin d’argumenter. Le 1 correspondait à un problème pas trop sévère et le 2 à un problème plus grave. Dans ces deux cas, les experts motivaient leur évaluation et la conversion en points se faisait automatiquement. Il y avait des phases de la confection qui pouvaient correspondre à une, deux, voire quatre lignes et les éventuelles pénalités étaient alors cumulées.

Le point 1.06 avait cumulé deux pénalités pour le produit fini concernant les pains au lait. Il s’agissait d’une pénalité de 2 pour un « produit pâle », qui impliquait une sous-cuisson et un problème de volume, et une pénalité de 1 pour un travail irrégulier. Il s’agissait de produits simples, qui devaient être exécutés parfaitement. Le travail irrégulier dans le décor correspondait probablement à des raies qui n’étaient pas au milieu du petit pain.

Le point 1.01 à la page 25 correspondait à l’hygiène personnelle. Interrogé sur la raison de la pénalité maximale appliquée alors que certains éléments étaient conformes, le témoin a répondu que, de mémoire, les vêtements et les chaussures étaient sales, tandis que la veste professionnelle était conforme, mais avait été utilisée les deux jours alors qu’il convenait d’en changer entre les deux jours.

Les photographies qui figuraient dans le bordereau de pièces avaient été prises lors de la présentation finale du buffet. Visiblement, le candidat s’était changé, mais ses vêtements n’étaient pas aussi propres pendant l’examen, à la fin duquel il avait été présent.

Il y avait un problème de fonctionnement du frigo, qui rendait de l’humidité. Le fonctionnement des installations n’était pas imputable aux candidats. Cela étant, il s’agissait de conserver un saint-honoré pendant une demi-journée. Le risque, vu le mauvais fonctionnement du frigo, était que le caramel fonde, mais le candidat avait choisi de le conserver plutôt dans une chambre à chocolat, où il faisait généralement 18 degrés selon l’expérience générale, rompant ainsi la chaîne du froid et prenant un risque plus important que la crème se corrompe.

S’agissant de la candidate qui avait bénéficié des aménagements de temps en raison de son handicap, cela n’avait pas de conséquences sur l’évaluation des produits finis.

Il n’avait pas un souvenir parfait quant aux dialogues qui s’étaient tenus à propos du démoulage de la génoise, mais il se souvenait d’avoir interpellé le recourant lors du démoulage. Celui-ci lui avait dit qu’il l’avait démoulée le matin du deuxième jour, avant que les experts n’arrivent « car ceux-ci étaient en retard », alors qu’ils étaient bien à l’heure. La veille, le candidat avait forcé pour tenter de démouler la génoise, alors que le lendemain elle était parfaite, avec une « peau » non décollée.

Le recourant était à sa première tentative au travail pratique et disposait encore de deux tentatives lui permettant de passer son CFC sans avoir à refaire d’autres matières. Il y avait une session de travail pratique par année, et les experts étaient changés.

d. La chambre de céans a ensuite entendu F______, maître d’apprentissage du recourant. Il avait formé plusieurs apprentis au cours de sa carrière et le recourant était l’un des trois qui avaient passé l’examen le jour en question.

Le recourant était une personne calme, posée et sans problème, qui avait bien respecté les horaires de la profession, assez difficiles. S’agissant de la qualité de son travail, il y avait eu évidemment une progression au cours des trois ans. Lors de la dernière année, la qualité du travail était tout à fait correcte et ce que l’intéressé avait produit avait été vendu. S’agissant de l’hygiène, l’idéal était d’avoir toujours une place de travail propre, et il y avait encore une marge de progression sur ce point. Il s’agissait d’une question de netteté de la place de travail et de vaisselle qui n’était pas faite au fur et à mesure, plutôt que d’hygiène proprement dite. Les experts aimaient bien voir une place de travail parfaitement nette.

Lors de l’examen, il y avait une liste assez longue de préparations à effectuer et le temps était compté, les candidats n’ayant pas d’aide pour la vaisselle. Lors de l’examen du recourant, il avait pu être présent une heure avant le début pour établir notamment la liste de travail, un petit moment après la fin de la première journée, un petit moment au début de l’examen le second jour, et une demi-heure en fin d’examen pour préparer le buffet de présentation.

Il n’avait pas un souvenir très précis de la tenue du recourant, mais rien ne l’avait choqué, ce qui aurait été le cas si ses vêtements avaient été très sales. Il n’avait rien constaté d’anormal. Pour lui, la pénalité maximale sur ce point correspondait à des vêtements vraiment souillés et des chaussures croûtées depuis longtemps. À la fin de l’examen, il restait sur le marbre central du laboratoire pas mal de miettes qu’il aurait probablement pu nettoyer en temps normal, si le temps d’exécution avait été plus long.

Les experts n’avaient pas de maîtrise directe de la notation, car ils entraient les pénalités et le programme convertissait en points. Si le nombre de pièces demandées n’était pas fourni, cela baissait considérablement la note.

S’agissant du démoulage de la génoise, les candidats devaient faire une masse à biscuit. La plupart le faisait dans un cercle, ce qui permettait un démoulage aisé. Pour sa part, il suggérait aux apprentis de cuire la génoise dans un moule à marguerite, ce qui était plus joli mais rendait le démoulage plus délicat. Le moule étant un peu ancien, le recourant n’avait pas réussi à le démouler lors de la première journée, alors il avait laissé reposer le biscuit toute la nuit ce qui permettait de le rétrécir. Il l’avait ensuite démoulé le lendemain matin. Le biscuit était très joli, mais les experts avaient apparemment considéré que le gâteau avait été refait pendant la nuit, puisqu’ils n’avaient pas vu le démoulage, effectué dans le laboratoire.

Le laboratoire était climatisé à 20 degrés. Le frigo étant trop humide, le caramel aurait pu couler et le recourant avait mis le saint-honoré dans la chambre à chocolat, où il faisait entre 15 et 18 degrés. Savoir si cela pouvait convenir dépendait de la durée d’entreposage. Pour un quart d’heure par exemple, cela allait très bien. Quoi qu’il en soit, ce n’était pas non plus comme de mettre le gâteau dans une pièce à 25 degrés.

S’agissant des socles pour les produits « fantaisie », le recourant avait été pénalisé pour ne pas les avoir faits pendant l’examen. Les experts avaient considéré que cela ne pouvait pas être préparé à l’avance. Pour lui, cela n’était pas évident. Il le considérait plutôt comme un travail supplémentaire de l’apprenti que celui-ci pouvait faire à l'avance. Ce qui lui semblait particulier, c’était qu’il n’y aurait probablement pas eu de pénalité s’il n’y avait pas eu de socle.

La note finale de 2.7 l’avait un peu surpris. Il ne s’attendait certes pas à une note très haute, mais celle qui avait été attribuée impliquait pour lui une majorité de produits invendables, alors que les produits en question avaient été mis en vente. Il n’avait pas vu la fabrication elle-même, mais pour ce qui était du produit fini et du visuel, cela lui semblait mériter plus.

Le recourant continuait à travailler au sein de l'entreprise. Il était inscrit à la prochaine session de travail pratique, fixée à fin avril 2023. Ce ne serait pas les mêmes experts qui jugeraient son travail, ce qui était très bien.

e. Le 27 février 2023, le recourant a informé la chambre administrative qu’il avait renoncé à se faire assister de son conseil, pour des raisons financières.

S’agissant de son droit d’être entendu, il n’avait pas reçu le détail de son évaluation le 4 juillet 2022, mais seulement après le prononcé de la décision litigieuse. Même à ce moment, il n’avait pas pu obtenir une copie du formulaire de notation. Il ne savait toujours pas comment les pénalités avaient été converties en notes et l’intimé n’avaient pas donné d’explications dans ses écritures, succinctes.

Il ne s’expliquait pas comment il avait pu obtenir une note de pratique aussi basse, alors qu’il avait fabriqué des produits de la même qualité que ceux qu’il confectionnait dans l’entreprise, qui était une pâtisserie reconnue.

Les experts auraient dû, selon les directives, lui attribuer ensemble des notes. Or, ils lui avaient seulement infligé des pénalités, sans savoir comment ces dernières seraient converties. Ils n’étaient pas au courant du barème appliqué par le logiciel et n’avaient aucune idée de l’impact des différentes pénalités sur la note finale. Ils utilisaient un outil qu’ils ne maîtrisaient pas, ce qui avait conduit à des résultats aberrants. Ils l’avaient pénalisé plusieurs fois pour la même erreur, sans nuancer les pénalités, et n’avaient jamais évalué dans son ensemble chacune de ses productions pour lui fixer une note. Il avait obtenu beaucoup de 1, 1.5, 2 et 2.5, notes réservées aux produits inutilisables ou très faibles.

Le témoignage de E______ démontrait qu’il ne pouvait qu’échouer pour le saint-honoré. Il pouvait soit le rater en le plaçant au frigo, puisque le caramel aurait fondu, ou être fortement pénalisé en le plaçant dans la chambre froide. Il s’était adapté à la situation, étant relevé que l’examen ne s’était pas déroulé sur sa place de travail habituelle. Il n’était pas responsable du fonctionnement du frigo et avait donc été sanctionné à tort.

Deux autres candidats avaient utilisé une crème fouettée préparée à l’avance sans avoir été sanctionnés. Sa camarade et lui avaient les mêmes recettes, le même formateur et ils avaient préparé ensemble l’examen. Il ne pouvait s’expliquer leur différence de note que par le fait qu’ils n’avaient pas eu les mêmes experts et que ceux qui l’avaient jugé avaient été beaucoup plus sévères.

S’agissant de la génoise, l’expert avait sous-entendu qu’il aurait triché et n’avait pas tenu compte de ses explications. Il avait appliqué les conseils de son formateur, et l’expert était censé connaître la technique utilisée.

Le problème du socle démontrait l’extrême sévérité de l’appréciation des experts. Le socle n’était pas demandé, il l’avait fait en sus et avait été sanctionné car il l’avait réalisé au préalable.

Il avait subi une double pénalité à plusieurs reprises et il contestait avoir porté un pantalon ou des chaussures exagérément sales.

Il avait été sanctionné 104 fois par la pénalité maximale et quatre fois par la non maximale, ce qui représentait un taux de 96.3% de pénalités maximales. Ses recettes avaient souvent été jugées trop simples ou minimalistes, alors qu’il avait exécuté le type de pâtisserie et de confiserie qui étaient demandées conformément à ce qu’il avait appris. Certaines notations étaient contradictoires et ne correspondaient pas à la rubrique jugée. Ces éléments, cumulés avec des inégalités de traitement, des pénalités multiples pour le même élément, aboutissaient à une notation arbitraire.

Il était évident que sans l’acharnement des experts et les incohérences dans la grille d’évaluation, il aurait dû obtenir une note supérieure à 4.

f. Le 2 mars 2023, l’autorité intimée a persisté dans ses conclusions. Le chef expert avait motivé la position des examinateurs et le recourant n’avait pas apporté la preuve qu’il avait subi une évaluation arbitraire ayant causé son échec. S’agissant des déclarations du formateur, il était rappelé que ce dernier n’était pas un évaluateur officiel, si bien que ses remarques devaient être appréciées avec précaution.

g. Le 15 mars 2023, le recourant a rappelé qu’F______ était également « expert/examen » et évaluait régulièrement d’autres apprentis. Il savait de quoi il parlait. L’autorité intimée s’était contredite s’agissant de son éventuelle responsabilité du frigo et tentait désormais de minimiser l’impact de ce point.

h. Le 31 mars 2023, l’autorité intimée a transmis à la chambre administrative le courriel de G______ du 20 mars 2023, les directives pour les travaux pratiques prescrits (TPP), deux courriels de E______ du 30 mars 2023, maintenant que les experts avaient appliqué les directives et jugé les produits présentés, sans double pénalité. L’apprenti avait abordé les examens avec une certaine nonchalance, sans les préparer suffisamment, et cherchait désormais à les passer « gratuitement ».

i. Les 27 juin et 13 juillet 2023, le recourant a informé la chambre de céans avoir échoué à sa deuxième tentative et produit son opposition.

j. Le 3 août 2023, il a communiqué une attestation de travail, aux termes de laquelle il était en mesure de remplacer un professionnel dans ses tâches quotidiennes.

Le 9 octobre 2023, il a transmis une décision de l’intimé du 2 octobre 2023 annulant la note au domaine de qualification de travail pratique d'avril 2023 et invitant les autorités en charge de l’examen à organiser sa répétition dans les meilleurs délais, avec un collège d’experts entièrement renouvelé. Le déroulement de l’examen ne s’était pas réalisé dans des conditions objectivement admissibles et avait été entaché de plusieurs vices de procédure. Le chef expert, E______, aurait dû se récuser et du temps supplémentaire aurait dû être alloué au candidat en raison de l’inversion des câblages électriques.

Cela démontrait qu'il avait été « saqué » une seconde fois, et il n’entendait pas se faire humilier une troisième fois.

k. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 31 al. 4 du règlement d’application de la loi sur la formation professionnelle du 17 mars 2008 - RFP - C 2 05.01 ; art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le refus de l’autorité intimée de délivrer au recourant le CFC de boulanger-pâtissier-confiseur, compte tenu de la note insuffisante de 2.7 obtenue à l’examen pratique des 29 et 30 mai 2022.

3.             Dans un grief d’ordre formel qu’il convient de traiter en premier lieu, le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu, au motif que la décision litigieuse était insuffisamment motivée et qu’elle lui avait été notifiée sans qu’il ait pu avoir accès à l’intégralité de son dossier.

3.1 Le droit d’être entendu consacré à l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73
consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022
consid. 3.1). L’art. 29 al. 2 Cst. n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425
consid. 2.1).

3.2 Le droit d’être entendu implique aussi pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 143 III 65 consid. 5.2). L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ;
137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1). Elle ne doit, à plus forte raison, pas se prononcer sur tous les arguments (arrêt du Tribunal fédéral 2C_286/2022 du 6 octobre 2022 consid. 6.3 et les arrêts cités). La motivation peut d’ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision
(ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_56/2019 du
14 octobre 2019 consid. 2.4.1 et les arrêts cités).

Conformément à ces principes, lorsque la décision porte sur le résultat d’un examen et que l’appréciation des experts est contestée, l’autorité satisfait aux exigences de l’art. 29 al. 2 Cst. si elle indique au candidat, de façon même succincte, les défauts qui entachent ses réponses et la solution qui était attendue de lui et qui eût été tenue pour correcte. Par ailleurs, si le droit cantonal n’en dispose pas autrement, la Constitution n’exige pas que la motivation soit fournie par écrit ; selon les circonstances, elle peut être orale. De même, l’art. 29 al. 2 Cst. ne permet pas à un candidat d’exiger des corrigés-types et des barèmes (ATA/1745/2019 du
3 décembre 2019 consid. 4a ; ATA/1588/2019 du 29 octobre 2019 consid. 3a et les références).

3.3 En l’espèce, le recourant, accompagné de son père, a participé à une séance de concertation le 4 juillet 2022, en présence du chef examinateur, de son maître d’apprentissage et de son conseiller en formation. Il ressort du courriel de
G______ du 20 mars 2023 que tous les travaux pratiques réalisés par l’apprenti durant l’examen ont été commentés durant cet entretien, notamment les points négatifs qui avaient entraîné des pénalités. Les remarques et les pondérations lui avaient été précisées, de même que les problèmes liés à l’hygiène, et l’intéressé avait pu prendre des notes pour constituer son dossier en vue de répéter l’examen.

Que le recourant n’ait alors pas obtenu une copie de la grille d’évaluation comportant les sanctions appliquées avec les notes des examinateurs ne viole pas son droit d’être entendu, puisque les raisons de son échec lui ont été dûment expliquées. L’intéressé a été en mesure de comprendre l’appréciation faite de son travail et il a pu valablement donner sa version des faits, comme attesté par ses courriers des 5, 6 et 22 juillet 2022.

Enfin, la décision entreprise satisfait aux exigences de motivation, étant rappelé que l’autorité intimée n’avait pas à se déterminer sur chacun des allégués du recourant.

4.             La loi fédérale sur la formation professionnelle du 13 décembre 2002
(LFPr - RS 412.10) régit notamment, pour tous les secteurs professionnels autres que ceux des hautes écoles, la formation professionnelle initiale (art. 2 al. 1
let. a LFPr).

L’art. 16 al. 1 LFPr prévoit que la formation professionnelle comprend une formation à la pratique professionnelle (let. a), une formation scolaire composée d’une partie de culture générale et d’une partie spécifique à la profession (let. b) et des compléments à la formation à la pratique professionnelle et à la formation scolaire, là où l’exige l’apprentissage de la profession (let. c).

Selon l’art. 19 LFPr, le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (ci-après : SEFRI) édicte des ordonnances portant sur la formation professionnelle initiale (al. 1), ordonnances qui fixent, notamment, les procédures de qualification, les certificats délivrés et les titres décernés (al. 2 let. e).

À teneur de l’art. 33 LFPr, les qualifications professionnelles sont attestées par un examen global, par une combinaison d’examens partiels ou par d’autres procédures de qualification reconnues par le SEFRI.

Conformément à l’art. 34 al. 1 LFPr, le Conseil fédéral fixe les conditions relatives aux procédures de qualification. Il en assure la qualité et la comparabilité. Les critères d’appréciation utilisés doivent être objectifs et transparents, et assurer l’égalité des chances.

Selon l’art. 38 LFPr, reçoit le certificat fédéral de capacité la personne qui a réussi l’examen de fin d’apprentissage ou qui a suivi avec succès une procédure de qualification équivalente (al. 1). Le certificat fédéral de capacité est délivré par les autorités cantonales (al. 2).

4.1 L’art. 30 de l’ordonnance sur la formation professionnelle (OFPr - RS 412.101) précise que les procédures de qualification doivent répondre aux exigences suivantes (al. 1) : se fonder sur les objectifs en matière de qualification définis dans les prescriptions sur la formation correspondantes (let. a) ; permettre d’évaluer et de pondérer équitablement les éléments oraux, écrits et pratiques en tenant compte des particularités du domaine de qualification correspondant et prendre en considération les notes obtenues à l’école et dans la pratique (let. b) ; utiliser des méthodes adéquates et adaptées aux groupes cibles pour vérifier les qualifications à évaluer (let. c). La vérification d’une qualification en vue de l’octroi d’un certificat ou d’un titre se fait au moyen de procédures d’examen globales et finales ou de procédures équivalentes (al. 2).

Selon l’art. 31 OFPr, sont réputées autres procédures de qualification les procédures qui, en règle générale, ne sont pas définies dans les prescriptions sur la formation, mais qui permettent néanmoins de vérifier les qualifications requises (al. 1). Les procédures de qualification visées à l’al. 1 peuvent être standardisées pour des groupes de personnes particuliers et réglées dans les prescriptions sur la formation déterminantes (al. 2).

L’art. 34 OFPr précise que les prestations fournies lors des procédures de qualification sont exprimées par des notes entières ou par des demi-notes. La meilleure note est 6, la plus mauvaise est 1. Les notes inférieures à 4 sanctionnent des prestations insuffisantes (al. 1). Des notes autres que des demi-notes ne sont autorisées que pour les moyennes résultant des points d’appréciation fixés par les prescriptions sur la formation correspondantes. Ces moyennes ne sont pas arrondies au-delà de la première décimale (al. 2). Les prescriptions sur la formation peuvent prévoir d’autres systèmes d’appréciation (al. 3).

Selon l’art. 35 OFPr, l’autorité cantonale engage des experts qui font passer les examens finaux de la formation professionnelle initiale. Les organisations compétentes du monde du travail ont un droit de proposition (al. 1). Les experts aux examens consignent par écrit les résultats obtenus par les candidats ainsi que les observations qu’ils ont faites au cours de la procédure de qualification, y compris les objections des candidats (al. 2). Si, en raison d’un handicap, un candidat a besoin de moyens auxiliaires spécifiques ou de plus de temps, il en sera tenu compte de manière appropriée (al. 3). Les organes chargés de l’organisation des examens finaux accordent par voie de décision le certificat fédéral de capacité ou l’attestation fédérale de formation professionnelle (al. 5).

4.2 En application de l’art. 19 LFPr, le SEFRI a édicté l’ordonnance sur la formation professionnelle initiale de boulangère‑pâtissière‑confiseuse/boulanger-pâtissier-confiseur avec CFC (RS 412.101.221.47 ; ci-après : l'ordonnance).

Selon l’art. 18 de l'ordonnance, la procédure de qualification avec examen final porte sur les domaines de qualification ci-après selon les modalités suivantes
(al. 1) :

-          travail pratique sous la forme d’un travail pratique prescrit (TPP) d’une durée de 12 à 16 heures : ce domaine de qualification est évalué vers la fin de la formation professionnelle initiale. La personne en formation doit montrer qu’elle est à même d’exécuter les tâches demandées dans les règles de l’art et en fonction des besoins et de la situation. Le dossier de formation et les documents relatifs aux cours interentreprises peuvent être utilisés comme aides (let. a) ;

-          connaissances professionnelles d’une durée de 4 h 30 : ce domaine de qualification est évalué vers la fin de la formation professionnelle initiale ; la personne en formation subit des examens écrit et oral (sic) ; ce dernier dure une demi-heure (let. b) ;

-          culture générale : ce domaine de qualification est régi par l’ordonnance du SEFRI du 27 avril 2006 concernant les conditions minimales relatives à la culture générale dans la formation professionnelle initiale (let. c).

Dans chaque domaine de qualification, deux experts aux examens au moins évaluent les prestations (al. 2).

Conformément à l’art. 19 de l’ordonnance, la procédure de qualification avec examen final est réussie si (al. 1) : la note du domaine de qualification « travail pratique » est supérieure ou égale à 4 (let. a) et la note globale est supérieure ou égale à 4 (let. b). La note globale correspond à la moyenne, arrondie à la première décimale, des notes pondérées des domaines de qualification de l’examen final ainsi que de la note d’expérience pondérée (al. 2). La note d’expérience correspond à la moyenne, arrondie à une note entière ou à une demi-note, des 6 notes de l’enseignement des connaissances professionnelles figurant dans les bulletins semestriels (al. 3). Pour le calcul de la note globale, les notes sont pondérées de la manière suivante (al. 4) : travail pratique : 50% (let. a) connaissances professionnelles : 20% (let. b) ; culture générale : 20% (let. c) ; note d’expérience : 10% (let. d).

4.3 À Genève, la loi sur la formation professionnelle du 15 juin 2007
(LFP - C 2 05) assure la mise en œuvre de la loi fédérale et englobe tous les niveaux de qualification liés à la formation professionnelle (art. 1 al. 1). Elle régit notamment pour tous les secteurs professionnels autres que ceux relevant des hautes écoles les procédures de qualification, les procédures de reconnaissance et de validation des acquis, les certificats et attestations délivrés ainsi que les titres décernés (art. 1 al. 3 let. d).

Conformément à l’art. 5 LFP, par délégation du département, l’OFPC est chargé, en collaboration avec les services de l’État et les organisations du monde du travail, de l’application des dispositions de la présente loi.

L’art. 73 let. h LFP prévoit notamment que l’OFPC est chargé d’assurer la surveillance de la formation professionnelle, des examens et des procédures de qualification.

Selon l’art. 9 du règlement d’application de la loi sur la formation professionnelle (RFP – C 2 05.01), l’OFPC veille à ce que les procédures de qualification aient lieu et se déroulent conformément aux prescriptions légales et réglementaires (al. 1). Pour chaque profession, l’office établit un rapport sur le déroulement de la procédure de qualification dans lequel sont consignés notamment tous les faits qui ont pu avoir une incidence sur le déroulement de la procédure (les incidents qui ont pu survenir, les griefs soulevés à l’appui d’éventuels recours formés à l’encontre des résultats ; al. 3).

En application de l’art. 31 al. 1 RFP, la décision relative au résultat de la procédure de qualification, suite à une évaluation ou à une appréciation selon un système de notes ou par toute autre méthode, peut faire l'objet d'un recours auprès de l'office uniquement pour motif d'illégalité ou d'arbitraire.

4.4 Les Directives pour la procédure de qualification « Boulanger(ère) - pâtissier(ère) - confiseur(euse) » CFC, valables pour toute la Suisse dès le 1er janvier 2022 (ci-après : directives), prévoient notamment des instructions pour les travaux pratiques prescrits.

Ainsi, les produits non réalisés obtiendront la note 1. Les produits commencés seront appréciés dans l’état de leur exécution.

Les produits invendables engendreront obligatoirement une note insuffisante.

Le nombre de pièces, de sortes ou les poids indiqués dans un devoir représentent la quantité minimale à réaliser. Le non-respect de ces prescriptions engendrera obligatoirement une note insuffisante.

Lorsque rien n’est expressément autorisé, tous les produits (pâtes, fonds, biscuits, crèmes, masses, etc.) doivent être entièrement réalisés pendant l’examen, y compris le pesage des matières premières. Le volume/quantité des masses et des pâtes à réaliser doit être choisi de manière à ce que le candidat puisse les transformer lui‑même (les petits restes de pâtes, masses, crèmes et glaçures peuvent être emballés et conservés correctement au réfrigérateur).

Tous les éléments de décor peuvent être préparés, mais doivent être réalisés par le candidat lui-même. Dans le devoir 6 de la boulangerie/confiserie et dans le devoir 5 a) de la pâtisserie, le décor doit être entièrement réalisé durant le temps de l’examen.

Tous les travaux et les préparations ainsi que l’ordre et l’hygiène à la place de travail doivent être exécutés par le candidat. Exceptions : l’enfournement, le nettoyage de la vaisselle, le placement des produits finis sur les plateaux et la réalisation de la table d’exposition pour la discussion finale peuvent être exécutés par des collaborateurs.

Le jour de l’examen, les locaux et les installations nécessaires doivent être mis à disposition du candidat. L’utilisation de toutes les machines et les installations est autorisée pour autant que rien d’autre ne soit précisé dans le devoir concerné. Toutefois, le candidat doit pouvoir les régler et les servir d’une manière autonome.

Les farines prêtes à l’emploi, les pré-mélanges, les pâtes de panification, les crèmes finies, les poudres de crèmes à froid et les éléments de décors, achetés ne sont pas autorisés à l’examen. Si le candidat fait usage de l’un de ces articles, le produit sera considéré comme non exécuté.

Sont évalués : le degré de difficulté, les compétences professionnelles (les techniques de travail), les compétences méthodologiques (le temps utilisé, la dextérité), l’aspect, l’utilisation du matériel et la conformité avec le livre des recettes.

Les prestations de la procédure de qualification sont évaluées avec des notes entières de 1 à 6. Les notes 4 et plus qualifient des prestations suffisantes. Les notes inférieures à 4 sanctionnent des prestations insuffisantes. La qualité des prestations est ainsi évaluée : 6 Très bien ; 5 Bien ; 4 Suffisant ; 3 Faible ; 2 Très faible ;
1 Inutilisable.

4.5 En vertu de l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

4.5.1 Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 145 II 32 consid. 5.1; 145 I 108 consid. 4.4.1). Toutefois, la chambre de céans ayant un pouvoir d'examen non limité à l'arbitraire, un tel grief se confond avec celui d'abus du pouvoir d'appréciation.

Il y a en particulier un tel abus lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; ATA/349/2021 du 23 mars 2021 consid. 3). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

4.5.2 En matière d’examens, le pouvoir de l’autorité de recours est extrêmement restreint, sauf pour les griefs de nature formelle, qu’elle peut revoir avec un plein pouvoir d’examen. En effet, l’évaluation des résultats d’examens entre tout particulièrement dans la sphère des décisions pour lesquelles l’administration ou les examinateurs disposent d’un très large pouvoir d’appréciation, et ne peut faire l’objet que d’un contrôle judiciaire limité (ATA/1214/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4 et les références citées).

Cette retenue est conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui admet que l’autorité judiciaire précédente fasse preuve d’une certaine retenue (gewisse Zurückhaltung), voire d’une retenue particulière (besondere Zurückhaltung), lorsqu’elle est amenée à vérifier le bien-fondé d’une note d’examen (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_54/2014 du 23 janvier 2015
consid. 5.6 ; 2C_632/2013 du 8 juillet 2014 consid. 3.2). Les marges d’appréciation qui existent en particulier dans le cadre de l’évaluation matérielle d’un travail scientifique (ou, comme en l'espèce, pratique) impliquent qu’un même travail ne soit pas apprécié de la même manière par des spécialistes. Les tribunaux peuvent ainsi faire preuve de retenue tant qu’il n’y a pas d’éléments montrant des appréciations grossièrement erronées (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1). Cependant, faire preuve de retenue ne signifie pas limiter sa cognition à l’arbitraire. Une telle limitation n’est compatible ni avec l’art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ni avec l’art. 110 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), qui garantissent pour tous les litiges l’accès à au moins un tribunal qui peut contrôler exhaustivement les questions de fait et de droit (arrêts du Tribunal fédéral 2D_2/2015 du 22 mai 2015 consid. 7.5 ; 2D_54/2014 précité consid. 5.6).

La chambre de céans ne revoit l’évaluation des résultats d’un examen qu’avec une retenue particulière, dès lors qu’une telle évaluation repose non seulement sur des connaissances spécifiques mais également sur une composante subjective propre aux experts ou examinateurs, ainsi que sur une comparaison des candidats. En outre, à l’instar du Tribunal fédéral (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_38/2011 du 9 novembre 2011 consid. 4.1), et par souci d’égalité de traitement, la juridiction de céans s’impose cette retenue même lorsqu’elle possède les connaissances spécifiques requises qui lui permettraient de procéder à un examen plus approfondi de la question, comme c’est le cas en matière d’examens d’avocats ou de notaires (ATA/408/2016 du 13 mai 2016 consid. 4 ; ATA/915/2015 du 8 septembre 2015 consid. 7d ; ATA/141/2015 du 3 février 2015 consid. 3). En principe, elle n’annule donc le prononcé attaqué que si l’autorité intimée s’est laissée guider par des motifs sans rapport avec l’examen ou d’une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467
consid. 3.1 ; ATA/1372/2017 précité consid. 7b).

5.             En l’espèce, la chambre de céans observe à titre préalable que le bulletin de notes produit, qui conclut à une moyenne de 2.7 au travail pratique, ne comprend pas la note attribuée pour chaque production. Elle ignore donc sur quels éléments se fonde le recourant lorsqu’il allègue avoir obtenu la note de 1 à plusieurs travaux. Cela étant, E______ a confirmé, lors de son audition, que le candidat avait obtenu la note de 1 pour les produits ne comportant pas le nombre requis de pièces, la production comportant un socle, les préparations contenant de la crème fouettée et la génoise démoulée en dehors du temps de l’examen. Ces notes peuvent donc être considérées comme avérées.

5.1 Il ressort du protocole finalisé que les experts ont tenu compte d’un manque d’hygiène lorsqu’ils ont jugé plusieurs produits du recourant. Ainsi, pour les « canapés », ils ont appliqué une sanction de deux points dans la rubrique « Mise en place / Préparation du travail » en raison d’une « hygiène déplorable sur le plan de travail ». De même, les « escargots salés » ont reçu deux points de pénalité sous « Façonnage / Technique de travail » avec la mention « utilisation du feuilletage trop chaud, Hygiène déplorable ». La « fabrication de la masse » des « S au chocolat » a subi une pénalité de deux points en raison d’erreurs de fabrication flagrantes, « comme par exemple la mauvaise cuisson du sucre, l’hygiène et l’incorporation de copeaux de chocolats ». La « technique de travail » des « caracs » et celle des « éclairs gourmands » a reçu deux points de pénalité en raison d’une « hygiène déplorable » et de la mention « travaille salement ». La « mousse framboise » a également été sanctionnée d’une pénalité de deux points en raison d’une « mauvaise gestion du montage, travail d’hygiène encore et toujours sale » et les « mille-feuilles fruits » pour une « hygiène non adaptée ». Le « Gianduja amande » a aussi reçu deux points de pénalité suite à une « pesée dans des conditions d’hygiène déplorables » et deux autres points pour la « fabrication des intérieurs », au motif que « le candidat étale la masse sur un plan de travail ultra sale avec de la crème diplomate résiduelle de l’exercice précédent ». Le « Lapin Pablo » a été sanctionné deux fois de deux points, la première pour l’« exactitude » avec la précision « pas net, moule sale, toujours et encore une hygiène non adaptée aux règles sanitaires en vigueur » et la seconde pour l’« effet » en raison de l'« utilisation d’une éponge sale ». Enfin, la technique de travail des articles « Fantaisie » a reçu deux points de pénalité en raison d’une « hygiène déplorable ».

Or, selon les directives, le candidat doit réaliser plusieurs devoirs, dont cinq de boulangerie, sept de pâtisserie, et cinq de confiserie. L’appréciation des examinateurs doit porter sur le degré de difficulté, les compétences professionnelles (les techniques de travail), les compétences méthodologiques (temps utilisé, dextérité), l’aspect, l’utilisation du matériel et la conformité avec le livre des recettes. La « qualité et sécurité » fait l’objet d’une rubrique séparée : elle comprend trois postes, à savoir l’« assurance qualité » (« hygiène personnelle », « hygiène dans l’entreprise » et « hygiène dans la production »), la « sécurité au travail » et l’« assurance qualité selon le document des recettes et la planification « gestion du temps » (« qualité des recettes », « plan de travail »). Ces éléments font ainsi l’objet d’une évaluation séparée et particulière, également sanctionnée par des pénalités converties en notes. Le recourant a reçu deux points de pénalité pour les trois postes figurant dans le protocole finalisé sous « hygiène personnelle » (soit l’« hygiène des mains », les « vêtements de travail » et les « chaussures »). De même, l’« hygiène de l’entreprise » a été sanctionnée à deux reprises de deux points (pour les « surfaces de travail » et le « sol »). Ainsi, pour la partie de l’examen relative à la « qualité et sécurité », il a obtenu une moyenne de 2.5, compte tenu des notes de 1.5 pour l’« assurance qualité », de 6 pour la « sécurité au travail », et de 1 pour l’« assurance qualité selon le document des recettes et planifications ».

En pénalisant plusieurs productions du recourant en raison d’un manque d’hygiène, les examinateurs ont effectivement abusé de leur pouvoir d’appréciation, puisque la note globale de 1.5 retenue pour la partie « assurance qualité » tient déjà compte des manquements constatés. Les explications de E______ à cet égard ne sont pas pertinentes. Le chef expert a en effet indiqué que l’hygiène était très importante, que la question de la propreté était évaluée à chaque poste et pouvait rapidement enlever des points, et que le manquement constaté était entré dans le programme qui débitait automatiquement un certain nombre de points. S’il n’est pas question ici de critiquer le programme informatique utilisé pour évaluer les travaux pratiques des apprentis suisses, il sied toutefois de relever que les points de pénalité sont décidés et entrés dans le système par les examinateurs. L’application de la pénalité maximale à chaque production élaborée dans des conditions sanitaires insatisfaisantes revient à sanctionner le candidat à réitérées reprises pour la même faute. Ce procédé et le résultat qui en découle apparaissent choquants et ne peuvent être justifiés même par l’importance qu’il convient d’attribuer à l’hygiène, dès lors que cet aspect fait l’objet d’une notation spécifique.

5.2 Dans d’autres rubriques, les examinateurs ont également appliqué plusieurs pénalités pour les mêmes motifs.

Ainsi, les pains « fesses » (sic) ont été sanctionnés une première fois de deux points à la rubrique « préparation à la cuisson / cuisson / défournement / friture » sous « soin », en raison d’une « dorure mal appliquée, sommaire, manque de couleur », puis une seconde fois à la rubrique « produit fini » sous « volume / couleur » avec la mention « produit pâle ». La couleur insatisfaisante a donc été sanctionnée deux fois de la pénalité maximale, et ce quand bien même le processus de cuisson a été validé.

Les « brioches à tête » ont également reçu deux fois la pénalité maximale, la première pour le « soin » avec la mention « mal doré, travail sommaire » et la seconde pour « volume / couleur » avec l’annotation « un peu pâle et très irrégulier ». Or, retirer plusieurs fois des points pour le même motif dans des rubriques différentes relève d’un abus du pouvoir d’appréciation.

5.3 Le recourant a obtenu la note de 1 pour ses brioches et ses masses de base, faute d’avoir produit la quantité exigée.

Or, il ressort des directives que les produits non réalisés obtiennent la note de 1 et que les produits commencés doivent être appréciés dans l’état de leur exécution. Lorsque le nombre de pièces minimales n’a pas été atteint, une note insuffisante doit être retenue.

Le recourant devait donc effectivement obtenir une note inférieure à 4, puisqu’il n’a présenté que 17 brioches sur 20 et 63 pièces de masse sur 80, mais son travail aurait dû être apprécié en l’état. Le candidat a cependant été jugé comme s’il n’avait rien réalisé ou comme s’il avait présenté des produits invendables, ce qui est choquant, tant dans le principe que dans le résultat, et constitue un abus du pouvoir d’appréciation.

5.4 Le recourant a également obtenu la note minimale à l’ensemble de ses préparations contenant de la crème fouettée, soit les « saint-honoré »,
« mille-feuille », « mousse » et « gourmands », en raison du fait que ladite crème avait été préparée à l’avance.

L’intéressé n’a pas respecté les directives applicables qui mentionnent expressément que tous les produits contenant de la crème doivent être entièrement réalisés pendant l’examen. Une sanction était donc justifiée, ce que le recourant ne conteste au demeurant pas. Cependant, comme précédemment relevé, lui attribuer la note minimale comme s’il n’avait pas du tout effectué le devoir est injustifié, ce d’autant plus que cette préparation a été utilisée pour de nombreuses confections. À toutes fins utiles, il sera observé que le chef examinateur a confirmé qu’il avait été reproché au recourant d’avoir préparé la crème fouettée à l’avance, et non pas d’avoir utilisé un produit prêt à l’emploi, ce qui aurait justifié de considérer son travail comme non exécuté.

5.5 S’agissant du devoir « fantaisie », le recourant considère qu’il était en droit de préparer le socle à l’avance.

Les directives précisent que les éléments de décors peuvent être préparés, mais doivent être réalisés par le candidat lui-même. Dans les devoirs « fantaisie » de la boulangerie et de la confiserie, il est clairement indiqué que le décor doit être entièrement réalisé durant le temps de l’examen. Il est en outre noté, pour les articles « fantaisie » de la rubrique confiserie, que tous les autres travaux doivent être entièrement réalisés durant l’examen, que les corps creux doivent être coulés durant l’examen et que seules des matières premières comestibles sont autorisées.

Ainsi, le recourant aurait dû préparer le socle utilisé pour ce devoir durant le temps d’examen. Toutefois, les examinateurs ont abusé de leur pouvoir d’appréciation en infligeant la note minimale pour l’entier de cette production pour ce seul motif, dès lors que ce support n’était pas exigé et ne devait pas être évalué. Ils auraient donc dû juger la prestation sans prendre en considération cette partie.

5.6 Les mêmes conclusions s’imposent pour la note minimale de 1 attribuée à la partie « Assurance qualité selon le document des recettes et planifications ».

Le recourant a présenté un livre de recettes et un planning pour son examen. Considérer que ces documents n’ont pas du tout été préparés alors qu’un travail, à tout le moins partiel, a été réalisé est choquant.

5.7 Le recourant a reproché aux examinateurs de ne pas du tout avoir examiné ses saint-honorés car ils étaient restés trop longtemps hors d’un frigo. Or, le frigo à disposition des candidats était humide et aurait pu endommager la marchandise. En l’absence d’une armoire réfrigérante adaptée, il avait utilisé la chambre froide, ce qui avait été considéré comme insuffisant par les experts, alors que cette manière de procéder avait été tolérée pour sa collègue I______.

Ces différents problèmes logistiques ne sont pas consignés dans le protocole finalisé, mais ont été confirmés par les témoignages.

Contrairement à ce que soutient l’autorité intimée, le dysfonctionnement du frigo ne relevait pas de la responsabilité du recourant, qui aurait dû disposer des installations nécessaires en bon état de marche pour travailler. Or, il ne pouvait pas, pour des raisons qui ne lui étaient pas imputables, réussir ce devoir. En omettant de tenir compte de ces circonstances, les examinateurs ont commis un abus du pouvoir d’appréciation.

5.8 Le recourant a également obtenu un 1 pour sa « génoise », démoulée hors la présence des experts.

Le protocole finalisé mentionne « la génoise ne s’est pas démoulée pendant les heures de travail », ce qui n’est pas suffisamment précis pour comprendre les manquements exacts reprochés au recourant.

Il ressort toutefois des témoignages que les examinateurs ont semble-t-il considéré que le recourant aurait refait le travail durant la nuit, ce qui était évidemment interdit. Toutefois, le maître d’apprentissage a expliqué la technique enseignée à ses apprentis et confirmé que le recourant n’avait pas refait sa génoise. Attribuer la note de 1 pour cette seule raison ne paraît donc pas soutenable.

5.9 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les examinateurs ont abusé de leur pouvoir d’appréciation lors de l’évaluation de l’examen pratique du recourant, notamment en lui décernant la note minimale de 1 pour plusieurs productions réalisées en nombre insuffisant, avec une préparation ou un décor réalisé avant l’examen, ou encore pour un démoulage effectué avant le début du second jour d’examen.

5.10 En outre, le recourant a fait valoir, dans ses courriers des mois de juillet 2020 déjà, une inégalité de traitement avec les autres apprentis de l’entreprise ayant présenté l’examen pratique le même jour que lui.

Il a notamment indiqué que les deux autres candidats qui avaient également préparé à l’avance la crème fouettée n’avaient pas obtenu un 1 pour toutes les productions qui en contenaient.

Ils avaient aussi préparé un socle à l’avance, socle qui avait été toléré et leurs productions avaient été évaluées, contrairement à la sienne.

D’autres candidats avaient bénéficié d’une tolérance quant au nombre de pièces produites.

Sa collègue avait elle aussi utilisé la chambre froide au lieu du frigo, et elle ne se l’était pas vu reprocher.

Leurs recettes étaient similaires, mais les siennes avaient souvent été qualifiées de trop sommaires ou simples, ce qui avait engendré de nombreuses pénalités, qui n’avaient certainement pas été infligées à sa collègue, puisque cette dernière avait obtenu la note générale de 5.1.

L’autorité intimée aurait aisément pu contrôler ces affirmations qui, si elles devaient être avérées, révéleraient effectivement une inégalité de traitement dans l’appréciation des candidats et donc un abus du pouvoir d’appréciation de la part des examinateurs.

5.11 Eu égard à tout ce qui précède, le recours doit être partiellement admis et la décision attaquée annulée en tant qu’elle attribue la note de 2.7 au recourant pour son travail pratique.

La cause sera renvoyée à l’autorité intimée afin qu’elle réévalue les pénalités attribuées par les examinateurs dans le protocole finalisé, établisse une nouvelle feuille de notes du domaine de qualification pour les travaux pratiques prescrits, émette un nouveau bulletin de notes et, le cas échéant, délivre au recourant le CFC.

6.             Vu l'issue du recours, un émolument – réduit – de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe partiellement (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 800.- lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87
al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 octobre 2022 par A______ contre la décision de l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue du 4 octobre 2022 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du 4 octobre 2022 en tant qu'elle confirme la note de 2.7 attribuée au recourant pour son travail pratique ;

renvoie la cause au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 200.- ;

alloue à A______, à la charge de l'État de Genève, une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, dès lors qu'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue ainsi qu'au secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Sylvie DROIN, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :