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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3211/2023

ATA/1247/2023 du 17.11.2023 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3211/2023-FPUBL ATA/1247/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 17 novembre 2023

sur effet suspensif

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé



Vu, en fait, le recours interjeté le 2 octobre 2023 par devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par A______contre la décision du département des institutions et du numérique (ci-après : DIN) du 29 août 2023, résiliant les rapports de service pour le 30 novembre 2023 pour insuffisance de prestations et inaptitude à remplir les exigences du poste ; qu’il est, en particulier, reproché à A______, conseiller de direction à l’office cantonal des systèmes d’information et du numérique (ci-après : OCSIN), notamment la qualité et la quantité de ses prestations ainsi que sa communication avec sa hiérarchie, ses collègues et les clients, ses occupations étrangères au service pendant les heures de travail, son refus de signer son cahier des charges, l’utilisation des outils et accès numérique professionnel à titre privé, le dépôt d’une arme dans le tiroir de son bureau, et l’absence de contact avec son employeur pendant ses arrêts de travail pour des raisons de santé ;

qu’il a conclu au constat de la nullité de la décision, subsidiairement à son annulation, à sa réintégration immédiate à son poste, respectivement à un poste équivalent notamment en termes de rémunération, plus subsidiairement à l’octroi d’une indemnité correspondant à 24 mois de son dernier traitement brut, avec intérêts à 5% l’an dès le 29 août 2023 ; que préalablement son médecin devait être auditionné ; qu’il a requis la restitution de l’effet suspensif ;

qu’il a précisé que dès février 2020, à la suite du déclenchement du dispositif « organisation en cas de catastrophe et de situation exceptionnelle » (ci-après : ORCA) du fait du semi confinement décrété par le Conseil fédéral, le fonctionnement de la cellule de systèmes d’information et de communication (ci-après : CSIC) avait été modifié afin de répondre aux besoins de gestion de la crise sanitaire ; que dans ce cadre il avait été amené à remplacer B______, son supérieur ; que le compte-rendu de son entretien d’évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM) du 20 septembre 2020 était positif ; qu’il avait été confirmé dans la fonction de conseiller de direction le 13 novembre 2022 ; qu’il avait toutefois rencontré des difficultés avec B______, lequel l’avait progressivement mis à l’écart ; qu’il avait été contraint, en janvier 2021, de solliciter une entrevue avec le directeur général de l’OCSIN afin de se retirer provisoirement de la responsabilité d’adjoint de la cellule ; que ce retrait du dispositif avait été validé par le directeur mais que le cahier des charges n’avait pas pu entrer en vigueur compte tenu du refus d’B______ de le signer ; que la cristallisation des tensions avec son supérieur avait porté atteinte à sa santé et conduit à plusieurs arrêts pour cause de maladie ; que chaque reprise, bien que suivie par le service de santé du personnel de l’État, avait été constitutive d’une nouvelle atteinte à sa personnalité et à son intégrité professionnelle ; que le 27 février 2023, le DIN avait annoncé l’ouverture d’une procédure de reclassement ; que sa demande de report du premier entretien, pour raisons de santé, avait été refusée ; qu’il lui avait été indiqué que la procédure se déroulerait par écrit ; que, le 15 mars 2023, il avait sollicité l’ouverture d’une investigation à l’encontre d’B______ auprès du groupe de confiance (ci-après : GdC) ; qu’une enquête préliminaire avait été ouverte le 3 avril 2023 ; qu’elle était toujours pendante ; qu’il avait eu un accident le 8 mai 2023 ; que l’entretien de fin de reclassement s’était tenu le lendemain ; que, le 7 juin 2023, la conseillère d’État en charge du DIN l’avait informé qu’elle entendait procéder à la résiliation des rapports de service qui lui serait notifiée ultérieurement, compte tenu de son incapacité de travail pour cause d’accident depuis le 8 mai 2023 et pour cause de maladie depuis le 12 mai 2023 ; que le 20 juin 2023 il avait été informé qu’il serait prochainement soumis à une expertise médicale auprès du Dr C______, praticien en psychiatrie et psychothérapie et médecin-conseil mandaté par le département ; qu’il avait proposé de s’adresser au Dr D______, qui avait réalisé une expertise médicale en 2021 et connaissait l’historique de son dossier ; que cette proposition avait été refusée par le DIN ; que le Dr C______ avait conclu, suite à l’examen du patient le 25 juin 2023, que l’arrêt de travail n’était pas bien-fondé du point de vue psychiatrique et que des facteurs non médicaux étaient en cause ; que le 29 août 2023, la conseillère d’État en charge du DIN avait résilié ses rapports de service pour le terme du 30 novembre 2023 ;

qu’aucun intérêt public, déterminé actuel et concret, présentant une importance dépassant le simple intérêt à la mise en application immédiate de la décision n’existait ; qu’il avait été libéré de son obligation de travailler depuis de nombreux mois, de sorte que l’autorité intimée ne subirait aucun dommage en cas de restitution de l’effet suspensif ; que le recourant serait privé de son traitement à compter du 30 novembre 2023 alors qu’il contestait intégralement le bien‑fondé de la résiliation de ses rapports de service ; qu’il serait placé dans une situation financière difficile ayant deux enfants aux études dont il assumait l’entretien ; que son épouse n’était employée qu’à 50 % ; que ses chances de retrouver un emploi à brève échéance étaient minimes compte tenu de son âge et de son état de santé ; que son intérêt privé à ce que l’exécution de la décision litigieuse soit suspendue jusqu’à ce que la chambre de céans ait pu rendre un jugement au fond devait prévaloir ;

qu’il était protégé contre le licenciement pendant 180 jours soit jusqu’au 7 novembre 2023 ; que la décision de résiliation des rapports de service était en conséquence nulle de plein droit ; qu’il contestait l’expertise médicale hâtive et bâclée, en violation de ses droits procéduraux les plus élémentaires, qui avait conclu, à tort, à l’invalidation de ses certificats médicaux ; que sa médecin, qui le suivait depuis longtemps, disposait d’une vue d’ensemble sur sa situation et devait être entendue ; que son droit d’être entendu avait été violé sur plusieurs points ; que les faits avaient été établis de façon inexacte ; que la décision litigieuse faisait abstraction de la procédure en cours auprès du GdC ; que les conditions pour un licenciement n’étaient pas remplies ; que la procédure de reclassement n’avait pas été menée conformément à la loi et que le principe de la proportionnalité avait été violé ;

que le département a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif ; que le GdC avait classé, le 6 octobre 2023, la demande d’ouverture d’investigation déposée par A______ ; qu’il ressortait du compte-rendu de l’entretien de service et de ses annexes que le comportement du recourant envers sa hiérarchie, ses collègues et les clients internes de la CSIC avait profondément perturbé la bonne marche de la CSIC et de l’OCSIN ; que le résultat de l’enquête de satisfaction était éloquent à ce sujet ; que la restitution de l’effet suspensif reviendrait à admettre le droit du recourant à demeurer provisoirement membre du personnel de l’administration cantonale, ce qui correspondrait à ses conclusions au fond et était en principe prohibé ; qu’il n’alléguait pas ni a fortiori ne rendait vraisemblable qu’il aurait entrepris les démarches nécessaires en vue d’obtenir une décision de l’assurance‑chômage ou aurait fait valoir en vain ses droits à des prestations en cas d’incapacité passagère, totale ou partielle de travail ; qu’il n’avait produit aucune pièce attestant de son budget ;

que dans sa réplique sur effet suspensif, le recourant a persisté dans ses conclusions ; que ratifier le procédé de l’autorité intimée reviendrait à vider de son sens tant son droit constitutionnel à un contrôle judiciaire des griefs émis à son encontre, que l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) relatif à l’effet suspensif  ; que l’effet suspensif devait en conséquence être restitué afin que les griefs en question et la validité de la procédure soient examinés sans que le recourant ne subisse déjà les effets préjudiciables de la décision querellée ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

vu, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de celles-ci, par un juge ;

que l'art. 66 LPA prévoit que, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu’en l'espèce, si le recourant devait obtenir gain de cause en ce qui concerne l’absence d'un motif fondé de licenciement, sa réintégration serait obligatoirement ordonnée par la chambre de céans (art. 31 al. 2 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 [LPAC - B 5 05] ; ATA/348/2019 du 2 avril 2019 consid. 7) ;

que le recourant se plaint de ce que l’autorité intimée s’est contentée de prononcer le caractère exécutoire de la décision, alors qu’il n’existerait aucun intérêt public à ce que tel soit le cas ;

que l’intimé a toutefois appliqué la jurisprudence constante de la chambre administrative, rendue en matière de résiliation des rapports de service, selon laquelle l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées) ;

que le recourant n’a pas produit de documents détaillant sa situation financière et les difficultés alléguées ;

que sa capacité de travail est attestée par le médecin conseil de l’État, sa contestation devant faire l’objet d’un examen plus approfondi au fond ;

que la seule référence à l’intérêt privé du recourant à ne pas être « jugé et pénalisé avant même d’avoir pu faire valoir ses arguments devant une autorité impartiale » qui devrait l’emporter sur l’intérêt public du DIN ne suffit pas à justifier une réintégration immédiate ;

que les reproches apparaissent de prime abord nombreux, variés, et portant sur une période relativement longue ; que par ailleurs ses plaintes à l’encontre de son supérieur apparaissent prima facie avoir été classées ;

qu’enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif ;

que la requête de restitution de l’effet suspensif sera, partant, rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais du présent incident.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal-Fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'au département des institutions et du numérique.

 

 

 

 

La présidente :

 

 

V. LAUBER

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :