Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1137/2023 du 17.10.2023 ( LIPAD ) , ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2599/2022-LIPAD ATA/1137/2023 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 17 octobre 2023 |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Stéphane GRODECKI, avocat
contre
B______ SA intimée
représentée par Me Martin ANDERSON, avocat
A. a. L'A______ (ci-après : l'association), dont le siège se trouve à Fribourg, a pour but de s'engager pour un approvisionnement énergétique respectueux de l'environnement et de lutter pour la protection des paysages, de la faune, de la flore et de la santé de l'homme contre l'éolien industriel.![endif]>![if>
b. La société neuchâteloise B______ SA (ci-après : B______) a notamment pour buts la rédaction d'expertise, l'identification, l'analyse, la planification, l'encouragement, le développement, la gestion de projets et l'exploitation d'installations de production d'énergies renouvelables, de même que la recherche, le développement et la structuration de possibilités d'investissement en faveur d'investisseurs privés ou institutionnels, dans le domaine de la production d'énergies renouvelables. Elle est notamment spécialisée dans le développement de projets éoliens. ![endif]>![if>
Depuis 2014, elle est détenue à hauteur de 100% par les Services industriels de Genève (ci-après : SIG), soit un établissement de droit public genevois ayant notamment pour but de fournir dans le canton de Genève l’eau, le gaz, l’électricité, de l’énergie thermique, ainsi que de traiter des déchets.
B. a. De 2016 et 2018, B______ a été mandatée, en qualité d'experte indépendante, par le service de l'énergie du canton de Fribourg (ci-après : SdE) en vue de réaliser une étude pour la définition de sites éoliens, dans le cadre de la planification éolienne cantonale fribourgeoise. ![endif]>![if>
b. Dans le courant de l'année 2021, l'association a sollicité d'B______ la production de documents liés à son activité et à celle des SIG dans la prospection et la planification de sites éoliens sur le canton de Fribourg, notamment « toute la correspondance écrite échangée entre les SIG, respectivement B______, et l'administration cantonale fribourgeoise ». ![endif]>![if>
c. B______ a transmis à l'association certains documents, mais pas la correspondance susmentionnée.![endif]>![if>
d. L'association a sollicité du préposé cantonal genevois à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé) la mise en œuvre d'une procédure de médiation. ![endif]>![if>
e. Après une rencontre de médiation ayant réuni des membres de l'association et d'B______ ainsi que la « responsable LIPAD » des SIG, l'association a persisté à demander à B______ la production d'un certain nombre de documents, en particulier « les courriels échangés ainsi que les pièces annexées entre d'une part C______ou D______, et d'autre part, E______, respectivement F______ ». ![endif]>![if>
f. B______ a refusé de donner accès aux documents requis, dans la mesure notamment où les demandes étaient disproportionnées et imprécises. ![endif]>![if>
g. L'association a indiqué vouloir qu'une recommandation soit rendue. ![endif]>![if>
h. Dans sa recommandation du 5 juillet 2022, le préposé, après avoir consulté les documents sollicités par l'association, a recommandé à B______ de transmettre à l'association certains d'entre eux, en particulier les courriels – transmis à titre exemplatif – échangés entre les collaborateurs d'B______ et ceux du SdE. ![endif]>![if>
Les documents émis dans le cadre du mandat confié à B______ par le SdE relevaient d'une tâche publique, car ils intervenaient dans la réalisation du plan directeur cantonal. Ils étaient donc soumis au principe de la transparence, sauf intérêt public ou privé prépondérant qui s'y opposerait. Les courriels soumis à titre exemplatif, qui devaient être considérés comme des documents au sens de la législation genevoise, ne contenaient pas d'éléments s'opposant à la communication.
i. Par décision du 15 juillet 2022, B______ a transmis à l'association un certain nombre de documents mais a refusé de lui faire parvenir les courriels de travail échangés entre ses collaborateurs et ceux du SdE. ![endif]>![if>
Ces courriels ne constituaient pas des documents au sens de la législation genevoise, et le SdE avait refusé de donner son accord à leur transmission, en lui rappelant qu'en tant que mandataire de ce dernier, elle avait signé une clause de confidentialité.
C. a. Par acte remis à la poste le 17 août 2022, l'association a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation ainsi qu'à la communication de « tous les courriels échangés entre les collaborateurs d'B______ et ceux du SdE ces cinq dernières années » (conclusion n°3). ![endif]>![if>
Son droit d'accès aux documents garanti par la législation genevoise avait été violé, dans la mesure où les documents sollicités contenaient des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique et devaient ainsi être rendus accessibles.
Elle disposait également d'un droit de rang fédéral à l'accès aux documents.
b. Dans sa réponse au recours, B______ a transmis, à l'attention de la chambre administrative et sur la base de l'art. 63 de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08), les courriels échangés entre les collaborateurs d'B______ et ceux du SdE des cinq dernières années, et a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. ![endif]>![if>
L'association avait délibérément étendu l'objet de sa requête initiale par le biais de la conclusion n° 3 de son recours. Une telle modification n'était pas admissible et entraînait l'irrecevabilité du recours.
Elle-même n'avait pas accompli de tâches publiques dans le cadre de son mandat auprès du SdE. Même à retenir le contraire, les documents querellés n'avaient pas atteint un stade suffisamment définitif d'élaboration pour que l'association puisse valablement en exiger la communication.
La demande de production de documents de l'association était vague et indifférenciée, de sorte qu'elle ne remplissait pas les exigences légales. Elle était par ailleurs abusive.
c. Dans sa réplique, l'association a confirmé qu'elle sollicitait les mêmes pièces que celles visées lors de la procédure devant le médiateur. ![endif]>![if>
Le droit conventionnel consacrait désormais le droit d'exiger de l'État de fournir des informations en sa possession. L'intervention dans l'élaboration d'un plan directeur, en particulier la réalisation d'une étude de base, telle que l'avait fait B______, relevait d'une tâche publique.
d. Dans sa duplique, B______ a relevé que l'association reconnaissait avoir modifié l'objet de sa demande d'accès dans le cadre de son recours, ce qui n'était pas admissible. ![endif]>![if>
Les documents sollicités étaient seulement destinés à permettre la rédaction du rapport final, de sorte que leur accès devait être refusé.
e. Donnant suite à une demande du juge délégué, B______ a transmis tous les échanges et demandes antérieurs à la procédure de médiation intervenus entre elle et l'association. ![endif]>![if>
f. L'association ayant informé la chambre de céans renoncer à déposer des observations complémentaires, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger. ![endif]>![if>
1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 60 al. 1 LIPAD).
1.1 L'intimée soutient que le recours serait irrecevable, dans la mesure où la recourante aurait, dans son mémoire de recours, étendu l'objet de sa requête initiale. ![endif]>![if>
1.2 L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 1ère phr. LPA). ![endif]>![if>
Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/243/2023 du 14 mars 2023 consid. 1.1).
1.3 La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA). ![endif]>![if>
L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est‑à‑dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a).
1.4 En l'espèce, à la suite de la rencontre de médiation, la recourante a initialement requis de l'intimée qu'elle lui transmette « les courriels échangés ainsi que les pièces annexées entre, d'une part, C______ou D______, et d'autre part, E______, respectivement F______ ». Les premiers sont des anciens collaborateurs de l'intimée, alors que les seconds sont des membres du personnel du SdE. ![endif]>![if>
Dans son mémoire de recours, la recourante a conclu à ce que la chambre de céans ordonne à l'intimée de lui transmettre « tous les courriels échangés entre les collaborateurs d'B______ et ceux du SdE ces cinq dernières années ».
Ce faisant, la recourante a étendu l'objet du litige en élargissant le cercle des personnes concernées par les échanges de courriels sollicités.
Un tel procédé n'aurait pas été admissible au regard de la jurisprudence précitée si la recourante n'avait pas, dans sa réplique, précisé expressément qu'elle sollicitait finalement les mêmes pièces que celles visées lors de la procédure devant le médiateur. En effet, cette conclusion, à l'inverse de celle prise dans le mémoire de recours, ne sort pas du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure.
Il s'ensuit que les conclusions seront déclarées recevables en tant qu'elles visent la transmission des courriels échangés ainsi que les pièces annexées entre, d'une part, C______ou D______, et d'autre part, E______ ou F______, soit les pièces qui ont été soumises au préposé et à la chambre de céans.
Le recours répond aux exigences de l'art. 65 LPA.
Il convient donc d'entrer en matière sur le recours.
2. La recourante se plaint d'une violation de sa liberté d'expression garantie par le droit conventionnel. ![endif]>![if>
Elle expose que l'art. 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) consacrerait désormais le droit d'exiger de l'État de fournir des informations en sa possession. La simple présence de données personnelles dans un document officiel, sans atteinte à la protection de la sphère privée, ne suffirait pas à elle seule à en empêcher la divulgation.
2.1 Selon l'art. 10 CEDH, toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière (al. 1). La même liberté est garantie par les art. 16 et 17 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 26 et 27 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).![endif]>![if>
L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH) Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie du 28 novembre 2016 (req. n° 18030/11) consacre la reconnaissance d'un droit d'accès aux informations détenues par un État fondée sur l'art. 10 CEDH, à certaines conditions. Il faut d'abord que la demande d'accès ait pour but d'exercer « sa liberté de recevoir et de communiquer des informations et des idées », la collecte des informations étant une étape préparatoire importante dans l’exercice d’activités journalistiques ou d’autres activités visant à ouvrir un débat public ou constituant un élément essentiel de la participation à un tel débat (§ 158). Autrement dit, cette condition exige que « les informations recherchées [soient] réellement nécessaires à l'exercice de la liberté d'expression » du demandeur. Il y a lieu de considérer qu’obtenir l’accès à des informations est nécessaire lorsque leur rétention serait de nature à entraver l’exercice par l’individu de son droit à la liberté d’expression ou à porter atteinte à ce droit (§ 159 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_59/2020 du 20 novembre 2020 consid. 5.1). Le deuxième critère a trait à la nature des informations recherchées, lesquelles doivent généralement présenter un intérêt public (§ 162 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_447/2016 du 31 août 2017 consid. 5.5). Troisièmement, le statut du demandeur doit être pris en compte. Celui-ci doit assumer « un rôle particulier de réception et de communication au public des informations qu'il recherche » (§ 164). La CourEDH évoque en particulier la presse et les organisations non gouvernementales, tout en rappelant le niveau de protection élevé dont bénéficient d'autres « chiens de garde publics », tels que les chercheurs universitaires (Başkaya et Okçuoğlu c. Turquie [GC], nos 23536/94 et 24408/94, § 61-67, CEDH 1999-IV, Kenedi, précité, § 42, et Gillberg, précité, § 93), les auteurs d’ouvrages portant sur des sujets d’intérêt public (Chauvy et autres c. France, no 64915/01, § 68, CEDH 2004-VI, et Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France [GC], nos 21279/02 et 36448/02, § 48, CEDH 2007-IV) ou encore la fonction des blogueurs et des utilisateurs populaires des médias sociaux (§ 168). Le quatrième critère tient à la disponibilité des informations sollicitées (§ 169), en ce sens que dans l'appréciation globale de la question de savoir s'il y a ingérence de l'État dans la liberté d'expression protégée par l'art. 10 CEDH, le fait qu'aucun travail de collecte de données n'est nécessaire constitue un élément important (§ 170 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_59/2020 précité consid. 5.1).
Selon FLÜCKIGER et JUNOD, le droit d'accès doit être nié si le demandeur ne peut ou ne veut pas motiver le but de sa demande dans un cas où la condition de la contribution à l’exercice de la liberté d’expression n’apparaît pas d’emblée remplie (Alexandre FLÜCKIGER/Valérie JUNOD, La reconnaissance d’un droit d’accès aux informations détenues par l’État fondée sur l’article 10 CEDH, in : Jusletter 27 février 2017, p. 6).
2.2 En l'espèce, la recourante sollicite l'accès à tous les courriels échangés ainsi que les pièces annexées entre des collaborateurs de l'intimée et des membres du personnel du SdE. ![endif]>![if>
Si ces pièces pourraient certes contenir des informations liées de près ou de loin à la poursuite de son but social, soit notamment la lutte pour la protection des paysages contre l'éolien industriel, il n'apparaît toutefois pas d'emblée que la collecte de ces informations permettrait d'ouvrir ou de poursuivre un débat public, ni même que leur rétention serait de nature à entraver l’exercice par la recourante de son droit à la liberté d’expression ou à porter atteinte à ce droit, faute d'éléments suffisamment concrets et pertinents permettant de retenir le contraire.
Dans ces circonstances, et conformément à la doctrine précitée, à laquelle la chambre de céans se rallie, il incombait à la recourante, pour pouvoir se prévaloir de la protection conférée par l'art. 10 CEDH, de motiver sa demande d'accès, ce qu'elle n'a pas fait, se limitant tout plus à exposer que cette dernière disposition consacrerait le droit d'exiger de l'État de fournir des informations en sa possession.
En outre, et a fortiori, elle n'allègue pas qu'il existerait un intérêt public prépondérant à ce qu'elle communique les informations qu'elle obtiendrait, le cas échéant.
Il s'ensuit que les deux premiers critères de la jurisprudence conventionnelle relative à la reconnaissance d'un droit d'accès aux informations détenues par un État ne sont pas réalisés, de sorte que le refus litigieux ne constitue pas une ingérence dans la liberté d'expression garantie par l'art. 10 CEDH.
Le grief sera dès lors écarté.
3. La recourante se plaint d'une violation de son droit d'accès aux documents garanti par le droit cantonal. ![endif]>![if>
Elle soutient que les documents sollicités contiendraient des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique. En effet, le développement de l'éolien, même hors du canton de Genève, ferait partie du but social des SIG et relèverait ainsi de l'exercice d'une tâche publique. L'intimée poursuivrait le même but. De plus, l'intervention dans un plan directeur, en particulier la réalisation d'une étude de base, telle que l'avait fait l'intimée, relèverait d'une tâche publique. Enfin, les courriels sollicités constitueraient des correspondances entre une société de droit privé et une administration publique, soit des entités distinctes.
3.1 À Genève, l'activité publique s'exerce de manière transparente, conformément aux règles de la bonne foi, dans le respect du droit fédéral et du droit international (art. 9 al. 3 Cst-GE). Toute personne a le droit de prendre connaissance des informations et d’accéder aux documents officiels, à moins qu’un intérêt prépondérant ne s’y oppose (art. 28 al. 2 Cst-GE). Il a déjà été jugé que cette disposition n’avait pas une portée plus large que la LIPAD (arrêt du Tribunal fédéral 1C_379/2014 du 29 janvier 2015 consid. 5.4).![endif]>![if>
3.2 La LIPAD régit l’information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Elle poursuit deux objectifs, à savoir, d’une part, favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique ainsi que, d’autre part, protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant (art. 1 al. 2 let. a et b LIPAD).![endif]>![if>
La LIPAD comporte deux volets. Le premier concerne l’information du public et l’accès aux documents ; il est réglé dans le titre II (art. 5 ss LIPAD). Le second porte sur la protection des données personnelles, dont la réglementation est prévue au titre III (art. 35 ss LIPAD).
La LIPAD s'applique, sous réserve de son art. 3 al. 3, non pertinent en l'espèce, notamment aux institutions, établissements et corporations de droit public cantonaux et communaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. c LIPAD). Elle s'applique également, à teneur de son art. 3 al. 2 let. a, aux personnes morales et autres organismes de droit privé sur lesquels une ou plusieurs des institutions visées à l'art. 3 al. 1 LIPAD exercent une maîtrise effective par le biais, alternativement d’une participation majoritaire à leur capital social (ch. 1), d’un subventionnement à hauteur d’un montant égal ou supérieur à 50% de leur budget de fonctionnement, mais au minimum de CHF 50'000.- (ch. 2) ou de la délégation en leur sein de représentants en position d’exercer un rôle décisif sur la formation de leur volonté ou la marche de leurs affaires (ch. 3).
3.3 L’art. 24 al. 1 LIPAD prévoit que toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par cette loi.![endif]>![if>
3.4 Selon l'art. 25 LIPAD, les documents au sens de cette loi sont tous les supports d'information détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique (al. 1). Constituent notamment des documents les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions (al. 2). Pour les informations n’existant que sous forme électronique, seule l’impression qui peut en être obtenue sur un support papier par un traitement informatique simple est un document (al. 3). ![endif]>![if>
Le document doit avoir un contenu informationnel, c'est-à-dire contenir un élément de connaissance ou un renseignement, quelle qu'en soit la nature, à condition toutefois qu'il concerne l'accomplissement d'une tâche publique, à savoir une activité étatique ou paraétatique (art. 1 LIPAD ; Mémorial du Grand Conseil [ci‑après : MGC] 2000 45/VIII 7693 ; ATA/1017/2022 du 11 octobre 2022 consid. 6a et les arrêts cités). Tant les activités étatiques que para-étatiques doivent en effet échapper au secret, sur le plan du principe, en tant qu’elles servent à l’accomplissement de tâches publiques financées au moyen des deniers publics (MGC 2000 45/VIII 7677).
3.5 La loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’administration du 17 décembre 2004 (LTrans - RS 152.3), qui vise à promouvoir la transparence quant à la mission, l’organisation et l’activité de l’administration fédérale, en garantissant notamment l’accès aux documents officiels (art. 1 LTrans), et renverse ainsi le principe du secret des activités administratives au profit de celui de la transparence (ATF 136 II 399 consid. 2.1 ; 133 II 209 consid. 2.3.1 ; FF 2003 1807, p. 1819), contient une disposition similaire à l'art. 25 al. 1 LIPAD, en prévoyant que, par document officiel, on entend toute information qui concerne l’accomplissement d’une tâche publique (art. 5 al. 1 let. c LTrans). Par souci d'harmonisation verticale et dans la mesure où les différentes législations sur la transparence visent le même but et reprennent des principes de base globalement identiques, la jurisprudence rendue sur la base de la LTrans peut en principe être transposée à la LIPAD (ATA/39/2022 du 18 janvier 2022 consid. 7b et l'arrêt cité).![endif]>![if>
3.5.1 L'ancien Tribunal administratif, dont les compétences ont été reprises par la chambre de céans, avait déjà retenu que des messages envoyés d'un collaborateur à l'autre au sein de la police constituaient des échanges informels entre les membres du personnel de l'administration et ne revêtaient pas la qualité de documents au sens de la LIPAD. Il en allait de même des notes de service – ou « mémos » personnels –établis par les membres de l'administration et qui sont préparatoires à l'établissement de documents visés par la LIPAD. Ces notes constituaient de simples brouillons non achevés (ATA/211/2009 du 28 avril 2009 consid. 7a et 7b).![endif]>![if>
3.5.2 Selon le Tribunal fédéral, constitue une tâche publique l'activité administrative destinée à satisfaire un besoin d'intérêt général. Il ne suffit pas toutefois qu'une loi qualifie une tâche de publique pour que celle-ci le soit ; inversement, une loi cantonale est sans portée si elle considère comme privés des biens, qui, servant à accomplir une tâche publique, appartiennent manifestement au patrimoine administratif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_78/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.3.2). ![endif]>![if>
La limite entre tâches publiques et tâches privées n'est pas toujours aisée à tracer (ATF 125 I 209 consid. 6b). La notion de tâche publique doit être définie largement et englobe toutes les activités qui favorisent un intérêt public, sans être nécessairement elles-mêmes des tâches publiques à proprement parler (ATF 135 II 49 consid. 5.2.2).
Les tâches publiques sont déterminées par la Constitution et les lois et procèdent d'un choix politique ; elles impartissent à l'État l’obligation d’agir en vue de la préservation ou de la réalisation d’un certain intérêt public. Le cas échéant, il appartient au législateur de déterminer si la tâche publique incombe aux organes étatiques ou si elle est déléguée à des privés. En d'autres termes, c'est l'interprétation de la loi qui détermine ce qui est une tâche publique, qui assume cette tâche et comment elle doit être menée à bien (ATF 138 II 134 consid. 4.3.1 et les références citées).
3.5.3 Dans les limites de leurs compétences respectives, la Confédération et les cantons s’emploient à promouvoir un approvisionnement énergétique suffisant, diversifié, sûr, économiquement optimal et respectueux de l’environnement, ainsi qu’une consommation économe et rationnelle de l’énergie (art. 89 al. 1 Cst.). La Confédération fixe les principes applicables à l’utilisation des énergies indigènes et des énergies renouvelables et à la consommation économe et rationnelle de l’énergie (art. 89 al. 2 Cst.).![endif]>![if>
La politique de l'énergie ne doit pas être appréhendée de manière isolée en la séparant des autres activités de l'État. Elle comporte notamment des liens étroits avec la politique de l'environnement ou avec l'aménagement du territoire (Étienne POLTIER, in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], Commentaire romand - Constitution fédérale, 2021, n. 5 ad art. 89 Cst.).
3.5.4 La Confédération fixe les principes applicables à l’aménagement du territoire. Celui-ci incombe aux cantons et sert une utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire (art. 75 al. 1 Cst.). ![endif]>![if>
Pour celles de leurs tâches dont l’accomplissement a des effets sur l’organisation du territoire, la Confédération, les cantons et les communes établissent des plans d’aménagement en veillant à les faire concorder (art. 2 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700).
En vue d’établir leurs plans directeurs, les cantons élaborent des études de base dans lesquelles ils désignent notamment les parties du territoire qui se prêtent à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables (art. 6 al. 2 let. bbis LAT). Ils décrivent, dans les études de base, l’état et le développement de l’approvisionnement, notamment en électricité issue des énergies renouvelables (art. 6 al. 3 let. bbis LAT). Le plan directeur désigne les zones et les tronçons de cours d’eau qui se prêtent à l’utilisation d’énergies renouvelables (art. 8b LAT).
Le plan directeur cantonal est un acte de nature juridique particulière car il s'agit d'un instrument procédural de coordination des activités ayant des effets sur le territoire (arrêt du Tribunal fédéral 1C 82/2022 du 1er décembre 2022 consid. 2.3.1 et les références citées).
La planification en général est une tâche publique (ATF 140 II 473 consid. 3.5.1).
3.6 En l'espèce, l'intimée ne conteste pas – à juste titre – être soumise à la LIPAD, dans la mesure où elle est détenue à hauteur de 100% par les SIG (art. 3 al. 2 let. a ch. 1 LIPAD), eux-mêmes soumis à cette loi (art. 3 al. 1 let. c LIPAD). Elle ne conteste pas non plus avoir été mandatée, de 2016 à 2018, par le SdE, soit une entité de droit public fribourgeoise, en vue de la réalisation d'une étude pour la définition de sites éoliens dans le cadre de la planification éolienne fribourgeoise. ![endif]>![if>
Elle prétend en revanche que les échanges sollicités seraient exclus du droit d'accès institué par la LIPAD car ils ne contiendraient pas de renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique. À l'appui de son raisonnement, elle soutient qu'étant intervenue uniquement en qualité de spécialiste indépendant dans le domaine de l'éolien afin de procéder à des analyses techniques, elle n'aurait pas été en charge et/ou responsable de la planification éolienne à Fribourg et n'aurait agi qu'en tant que prestataire externe.
Il convient ainsi de déterminer si ces échanges contiennent des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique au sens de l'art. 25 al. 1 LIPAD et s'ils peuvent être qualifiés de documents selon l'art. 25 al. 2 LIPAD.
L'obligation d'élaborer un plan directeur cantonal découle expressément de la loi, en l'occurrence de la LAT, et incombe aux autorités cantonales. L'élaboration de ce plan fait partie des activités qui favorisent un intérêt public, dans la mesure où, achevé, il traite des projets importants qui ont un effet sur l’organisation du territoire (ATA/56/2022 du 25 janvier 2022 consid. 10c et la référence citée), notamment la planification énergétique, y compris éolienne.
Il s'ensuit que l'élaboration d'un plan directeur cantonal, soit une activité liée à la planification, relève d'une tâche publique. En procédant à des analyses techniques qui ont été utilisées pour l'élaboration du plan directeur cantonal fribourgeois et qui se sont révélées nécessaires, l'intimée a participé à ce processus. Il en découle, à la lumière des circonstances du dossier, qu'elle doit être considérée comme ayant accompli une tâche publique. À cet égard, et contrairement à ce qu'elle prétend, il est indifférent qu'elle n'ait pas été en charge de la planification éolienne à Fribourg dans la mesure où elle a œuvré, qui plus est de façon officielle, pour le service responsable de cette planification.
La chambre de céans constate que les courriels en sa possession ont pour objet des discussions relatives à l'élaboration du plan directeur cantonal et la planification éolienne. Ils contiennent donc, vu ce qui précède, des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique au sens de l'art. 25 al. 1 LIPAD et correspondent également à la notion de documents sous l'angle de l'art. 25 al. 2 et 3 LIPAD. En effet, il s'agit de correspondances entre des membres d'entités différentes, soit une société de droit privé et une administration publique – ce qui n'était pas le cas dans l'ATA/211/2009 précité, les courriels ayant été échangés entre les membre d'un même service étatique – et travaillant sur un projet commun à finalité publique.
Cette conclusion ne suffit toutefois pas encore à retenir une violation du droit d'accès de la recourante aux documents sollicités. Il reste en effet à examiner les objections que fait valoir l'intimée pour en refuser l'accès.
4. L'intimée se prévaut premièrement du fait que ces documents n'auraient pas atteint un stade définitif d'élaboration au sens de l'art. 25 al. 4 LIPAD. Ils renfermeraient uniquement des réflexions individuelles en cours, des échanges et/ou des avis de nature stratégique, exprimés de manière provisoire. ![endif]>![if>
De plus, dans l'ATA/1267/2021 du 23 novembre 2021, la chambre administrative aurait refusé l'accès à des documents à usage personnel détenus par un expert indépendant mandaté par l'État de Genève, en considérant qu'ils étaient seulement destinés à permettre la rédaction du rapport final. Il devrait en aller de même en l'occurrence, les documents querellés concernant des échanges internes, par nature provisoires ou inachevés, entre une administration et son mandataire dans le cadre de la préparation d'un document.
4.1 Les notes à usage personnel, les brouillons ou autres textes inachevés ainsi que les procès-verbaux encore non approuvés ne constituent pas des documents (art. 25 al. 4 LIPAD). Les notes à usage personnel sont celles prises à l’usage exclusif de celui qui les prend, et non les notes adressées même confidentiellement à une personne déterminée (MGC 2000 45/VIII 7694 ; ATA/1267/2021 précité consid. 6e). L'art. 6 du règlement d'application de la LIPAD (RIPAD – A 2 08.01) précise encore que constituent notamment des notes à usage personnel au sens de l'art. 25 al. 4 LIPAD, qu’elles soient manuscrites ou non et quels qu’en soient la forme ou le support, les notes prises en vue de la rédaction future d’un document (let. a) ou encore les notes de séance éventuellement prises à défaut d’une obligation légale ou réglementaire d’élaborer des procès-verbaux (let. b).![endif]>![if>
4.2 La LTrans prévoit que les documents qui n’ont pas atteint leur stade définitif d’élaboration ne constituent pas des documents officiels (art. 5 al. 3 let. b LTrans). Un document a atteint son stade définitif d’élaboration lorsque l’autorité dont il émane l’a signé (art. 1 al. 2 let. a OTrans), ou lorsque son auteur l’a définitivement remis au destinataire notamment à titre d’information ou pour que celui-ci prenne position ou une décision (art. 1 al. 2 let. b OTrans). ![endif]>![if>
Selon le message du Conseil fédéral du 12 février 2003 relatif à LTrans, cette entorse au principe de transparence est motivée par le souci de préserver l’autonomie d’action de l’administration qui doit pouvoir modifier et faire évoluer ses projets avec toute la latitude nécessaire. Afin d’illustrer la notion de document inachevé, on citera par exemple un texte raturé ou annoté – de manière manuscrite ou électronique – avant sa correction définitive, un tableau récapitulatif en cours d’élaboration, la version provisoire d’un rapport, l’esquisse d’un projet, les brouillons de séance, les notes de travail informelles, les ébauches de texte, les notes récapitulatives en vue d’une réunion ou encore les notes établies lors de l’exécution de révisions internes et qui forment la base pour un rapport de révision. La notion de document achevé ou inachevé est un concept juridiquement indéterminé. C’est à la pratique et à la jurisprudence qu’il incombera de la préciser (FF 2003 1807, 1840).
4.3 En l'espèce, à l'analyse des échanges de courriels sollicités, la chambre de céans constate, à l'instar du préposé, qu'ils ne constituent manifestement pas de simples notes à l'usage personnel de son auteur, ni des documents amenés à être revus et/ou corrigés en vue de la rédaction d'un rapport final, comme tel était le cas dans l'ATA/1267/2021 précité dont se prévaut l'intimée. Comme on l'a vu, il s'agit bien plutôt de correspondances externes entre les membres des entités concernées, soit des écrits définitifs remis à leurs destinataires à titre d'information ou dans le but d'obtenir des réponses aux questions posées, et tombant ainsi sous le coup de l'art. 25 al. 2 LIPAD. ![endif]>![if>
L'intimée se prévaut à tort du fait que ces échanges entreraient dans le champ d'application de l'art. 25 al. 4 LIPAD, dans la mesure où, selon elle, ils viseraient l'élaboration ou la réévaluation du rapport d'expertise rédigé par elle‑même. En effet, si le rapport d'expertise pouvait certes évoluer au fil du temps, tel n'est pas le cas des échanges concernés, qui sont définitifs. De plus, ces derniers ne constituent pas des ébauches de ce rapport, qui seraient par hypothèse la base de travail de son auteur, mais bien des discussions autour de son processus d'élaboration intervenues entre des membres d'un service étatique et ceux de son mandataire.
L'objection sera dès lors écartée.
5. L'intimée se prévaut deuxièmement du fait que les courriels sollicités contiendraient des données confidentielles qui ne devraient pas être publiées. Dans le cadre de son mandat auprès du SdE, elle aurait accepté de produire un rapport, rendu public. Néanmoins, elle n'aurait pas donné son accord à ce que le processus intellectuel ayant permis d'aboutir à ce rapport soit connu de tiers et/ou de concurrents. Les étapes, y compris les courriels ayant mené au résultat final, seraient exclues du droit de consultation.![endif]>![if>
5.1 L’adoption de la LIPAD a renversé le principe du secret de l’administration pour faire primer celui de la publicité. Toutefois, l’application de la LIPAD n’est pas inconditionnelle. En effet, dans la mesure où elle est applicable, elle ne confère pas un droit d’accès absolu, mais prévoit des exceptions, aux fins notamment de garantir la sphère privée des administrés et de permettre le bon fonctionnement des institutions (ATA/1149/2022 du 15 novembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités ; MGC 2000/VIII 7641 p.7694 ; MGC 2001 49/X 9676 p. 9680 ss, 9697 et 9738). ![endif]>![if>
Aux termes de l’art. 26 LIPAD, les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s’oppose sont soustraits au droit d’accès institué par la LIPAD (al. 1) ; tel est le cas, notamment, lorsque l’accès aux documents est propre à révéler des informations couvertes par des secrets professionnels, de fabrication ou d’affaires, le secret fiscal, le secret bancaire ou le secret statistique (al. 2 let. i). L'art. 7 al. 2 let. b RIPAD précise que sont soustraits au droit d'accès tout document couvert par un autre secret protégé par le droit fédéral, une loi ou un règlement.
D’une manière générale, l’application des restrictions prévues à l’art. 26 LIPAD, énumérées de façon exemplative au deuxième alinéa de cette disposition, implique une pesée concrète des intérêts en présence (MGC 2000 45/VIII 7694 ss et 2001 49/X 9680). La chambre administrative a ainsi jugé que si l’existence d’une clause de confidentialité mettait certes en exergue une volonté des parties contractuelles de maintenir le contenu de leur accord dans leur sphère privée, cet élément pouvait être pris en considération à ce titre dans la pesée des intérêts commandée par l’art. 26 LIPAD, mais ne conduisait pas à exclure la mise en œuvre, sur le document concerné, des droits d’accès conférés par la loi (ATA/39/2022 du 18 janvier 2022 consid. 10a et l'arrêt cité).
La LTrans fonde une présomption en faveur du libre accès aux documents officiels (ATF 142 II 340 consid. 2.2 et références citées). Dès lors, si l'autorité décide de limiter ou refuser l'accès à des documents officiels, elle supporte le fardeau de la preuve destiné à renverser la présomption du libre accès aux documents officiels, instituée par la LTrans. En d'autres termes, elle doit exposer pour quel motif et dans quelle mesure une exception légale est réalisée (ATF 142 II 324 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_59/2020 du 20 novembre 2020 consid. 4.1).
5.2 En l'espèce, l'intimée n'indique pas – et l'on ne voit pas – quel secret serait touché par la communication des échanges sollicités, ce qui lui incombait de démontrer pour refuser légitimement, sur le principe, l'accès aux documents sollicités. Ainsi, faute pour elle de démontrer l'existence d'un tel secret, elle ne peut pas se prévaloir d'un intérêt privé prépondérant s’opposant au droit d’accès institué par l'art. 24 LIPAD, étant précisé que l’existence de la clause de confidentialité dont elle se prévaut n'y change rien dans la mesure où, de jurisprudence constante, une telle clause ne suffit pas à exclure un droit d'accès aux documents concernés. Il doit en aller de même du fait qu'elle n'ait pas donné son accord à ce que le processus intellectuel ayant permis d'aboutir au rapport final soit connu de tiers et/ou de concurrents, l'absence d'accord à cet égard ne permettant pas à lui seul de faire obstacle à l'application de la LIPAD. ![endif]>![if>
Cette deuxième objection sera dès lors écartée.
6. L'intimée prétend troisièmement que la demande d'accès ne serait pas suffisamment précise, dans la mesure où la recourante n'aurait pas précisé l'objet abordé dans les documents sollicités ni les personnes concernées par sa demande. ![endif]>![if>
6.1 La demande d’accès n’est en principe soumise à aucune exigence de forme. Elle n’a pas à être motivée, mais elle doit contenir des indications suffisantes pour permettre l’identification du document recherché. En cas de besoin, l’institution peut demander qu’elle soit formulée par écrit (art. 28 al. 1 LIPAD).![endif]>![if>
L’institution peut refuser de donner suite à une demande d’accès à un document dont la satisfaction entraînerait un travail manifestement disproportionné (art. 26 al. 5 LIPAD).
6.2 Selon le message du Conseil fédéral du 12 février 2003 relatif à LTrans, celle‑ci n’a pas pour objet de transformer les autorités en documentalistes en les chargeant de procéder à des recherches destinées à réunir pour le demandeur une documentation détaillée sur un sujet précis. Une demande dont le caractère général contraint l’administration à procéder à de longues recherches n’est cependant pas abusive en soi : l’autorité prie alors le demandeur de préciser sa demande, sans préjuger de sa prise de position sur le fond. Il est à noter que l’exigence d’une demande suffisamment précise permettant d’identifier les documents en question ne doit pas être interprétée de manière trop stricte : il suffit que le document soit identifiable par l’autorité destinataire de la demande sans complications excessives. Le degré de précision exigé dépend en outre des moyens dont les demandeurs disposent, du moins lorsqu’il n’existe pas de registre de documentation complet auquel ils puissent se référer (FF 2003 1807, p. 1861). ![endif]>![if>
6.3 En l'espèce, la recourante a sollicité l'accès aux courriels échangés entre des membres de l'intimée et ceux du SdE concernant le mandat confié par ce dernier à l'intimée de 2016 à 2018 pour la planification éolienne cantonale. ![endif]>![if>
Cette demande s'inscrit dans un cadre suffisamment précis, soit un mandat s'étant étendu sur deux années, et concerne un nombre restreint d'individus. Elle a d'ailleurs manifestement permis à l'intimée d'identifier les documents visés, celle-ci les ayant fournis au préposé et à la chambre de céans. L'intimée ne soutient d'ailleurs pas que leur recherche aurait engendré un travail disproportionné.
Dans ces circonstances, et contrairement à ce qu'elle prétend, la demande est suffisamment explicite et remplit les exigences légales.
Cette objection sera dès lors elle aussi écartée.
7. L'intimée soutient enfin que la demande d'accès serait chicanière. En effet, la recourante lui aurait demandé de manière systématique et répétée des documents qu'elle possédait déjà. Elle aurait utilisé les documents obtenus pour l'attaquer publiquement lors de conférences de presse.![endif]>![if>
7.1 Ancré à l'art. 9 Cst., et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1 ; ATA/175/2023 du 28 février 2023 consid. 4b ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454).![endif]>![if>
L’interdiction de l’abus de droit représente un correctif qui intervient dans l'exercice des droits (Giorgio MALINVERNI et al., Droit constitutionnel suisse, vol. II – Les droits fondamentaux, 4e éd., 2021, n. 1307). L’abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l’écart entre le droit exercé et l’intérêt qu’il est censé protéger s’avère manifeste (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, n. 6.4.4 p. 933 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 208 n. 583). L’interdiction de l’abus de droit vaut, tout comme la notion de fraude à la loi qui en constitue une composante, en droit administratif (ATF 142 II 206 consid. 2.3), et ce tant pour les administrés que pour l’administration (ATA/872/2023 du 22 août 2023 consid. 6.3 et l'arrêt cité ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 208 n. 584).
7.2 Les motifs qui guident une demande d'accès aux documents ou la qualité du requérant ne revêtent pas de pertinence (ATA/1145/2022 du 15 novembre 2022 consid. 11 et les arrêts cités). ![endif]>![if>
Cela étant, selon le message du Conseil fédéral du 12 février 2003 relatif à LTrans, l’accès aux documents officiels peut être exceptionnellement refusé lorsque, par exemple, le demandeur vise délibérément à perturber le fonctionnement d’une autorité ou lorsqu’il saisit l’autorité de manière répétée et systématique afin d’accéder à un document auquel il a déjà eu accès, soit par le mécanisme du projet, soit par un autre moyen. La simple répétition d’une demande n’est pas encore en soi constitutive d’un abus. Si le traitement d’une demande nécessite plus qu’un simple travail minime, la loi autorise l’administration à percevoir un émolument (FF 2003 1807, p. 1858 s).
7.3 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité établit les faits d’office (art. 19 LPA) sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Ce principe n’est toutefois pas absolu ; sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; ATA/533/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.2 et l'arrêt cité). ![endif]>![if>
7.4 En l'espèce, les documents qui font l'objet de la présente procédure n'ont pas été mis à la disposition de la recourante, de sorte que l'on ne saurait lui reprocher d'avoir demandé de manière systématique et répétée des documents qu'elle possédait déjà. ![endif]>![if>
En ce qui concerne les attaques personnelles et publiques qu'aurait subies l'intimée lors de conférences de presse auxquelles la recourante aurait participé, la seule pièce du dossier qui en fait état est un communiqué de presse du 24 août 2022 qu'elle a rédigé elle-même.
Ce document indique en particulier que la première conférence de presse organisée par les opposants à l'énergie éolienne dans le canton de Fribourg avait été le théâtre d'attaques sans précédent contre des entreprises privées et des services de l'administration fribourgeoise, et que lesdits opposants, utilisant des arguments sans fondement, jetaient le discrédit sur la planification fribourgeoise par des procès d'intention, des accusations fallacieuses et des attaques personnelles. Lors de la conférence de presse du 16 août 2022, les noms d’employés de l'intimée et de fonctionnaires du canton de Fribourg avaient été « jetés en pâture » au public.
Malgré son contenu explicite, ce communiqué de presse ne suffit pas à lui seul à prouver à satisfaction de droit les faits dont se prévaut l'intimée, dans la mesure où il ne fait que les relater de façon subjective, ou du moins avec une objectivité et une force probante devant être fortement relativisée, puisque qu'émanant de l'intimée elle-même.
Il s'ensuit qu'en l'absence de documents probants, par exemple des extraits des conférences de presse litigieuses, rien ne permet objectivement de retenir que la recourante aurait utilisé, ou souhaiterait utiliser, les documents transmis, respectivement requis, par pour attaquer publiquement l'intimée et ternir sa réputation. Celle-ci doit par conséquent supporter les conséquences du défaut de preuve.
La demande ne saurait ainsi être considérée comme abusive ou chicanière ou consacrant un abus de droit, de sorte que cette dernière objection sera écartée.
Au vu de tout ce qui précède, et faute pour l'intimée de pouvoir se prévaloir d'objections fondées, celle-ci a violé le droit – de la recourante – d'accès aux documents garanti par la LIPAD.
Le recours sera ainsi admis. La chambre de céans fera droit à la conclusion principale de la recourante, en ordonnant que l'intimée lui donne accès aux documents sollicités, tels que transmis à la chambre de céans sur la base de l'art. 63 LIPAD.
Cette issue rend superflu l'examen du grief lié à la violation du droit fédéral, en l'occurrence de l'art. 10g de loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01).
8. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l'intimée (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante, également à la charge de l'intimée (art. 87 al. 2 LPA).![endif]>![if>
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 17 août 2022 par l'A______ contre la décision d'B______ SA du 15 juillet 2022 ;
au fond :
l'admet ;
ordonne à B______ SA de transmettre les documents demandés par l'A______ au sens des considérants ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge d'B______ SA ;
alloue à l'A______ une indemnité de CHF 1'000.-, à la charge d'B______ SA ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Stéphane GRODECKI, avocat de la recourante, à Me Martin ANDERSON, avocat de l'intimée, ainsi qu'au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.
Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Nathalie RAPP, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
J. PASTEUR
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| la présidente siégeant :
V. LAUBER |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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