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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4638/2017

ATA/1120/2023 du 10.10.2023 sur JTAPI/36/2019 ( ICCIFD ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4638/2017-ICCIFD ATA/1120/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 octobre 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Mes Xavier OBERSON et Gregory CLERC, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 janvier 2019 (JTAPI/36/2019)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : la société) est une société anonyme inscrite au registre du commerce de Genève, canton dans lequel elle a son siège. Elle a pour but statutaire toutes prestations médicales au chevet du patient.

b. Elle emploie des médecins qui sont pour la plupart domiciliés en France et assujettis à l'impôt à la source en Suisse sur les revenus de leur activité.

c. Entre 2009 et 2014, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a adressé à la société des bordereaux d'impôt à la source pour les périodes fiscales 2008 à 2013, établis sur la base des décomptes produits par la société. Ces bordereaux sont entrés en force.

B. a. À la suite d'un contrôle effectué du 11 au 13 novembre 2014 dans les locaux de la société, l'AFC-GE a informé celle-ci, par courrier du 5 décembre 2014, qu'elle ouvrait à son encontre une procédure en rappel et en soustraction d'impôt concernant l'impôt à la source des périodes fiscales 2004 à 2013, parce qu'il était apparu, lors du contrôle, que la société n'aurait pas prélevé l'impôt à la source correctement. 

b. Par courriers des 5 août, 20 et 23 décembre 2016, l'AFC-GE a clos la procédure en rappel et soustraction d'impôt à la source pour les périodes fiscales 2006 à 2013. Elle a estimé que la société avait fait preuve de négligence, d'une part en ne convertissant pas les revenus des médecins sur une année afin de déterminer le taux de l'impôt applicable et, d'autre part, en s'abstenant de prélever l'impôt à la source sur les montants que les médecins encaissaient sur place. L'AFC-GE lui a par conséquent notifié des bordereaux de rappels d'impôt à la source (à hauteur de CHF 273'712.20 pour 2006, CHF 312'936.70 pour 2007, CHF 272'450.80 pour 2008, CHF 344'946.92 pour 2009, CHF 341'241.15 pour 2010, CHF 333'070.- pour 2011, CHF 448'474.94 pour 2012 et CHF 370'884.75 pour 2013), ainsi que des bordereaux d'amendes pour soustraction d'impôt, lesquelles correspondaient, pour chaque période fiscale, à un tiers de l'impôt soustrait. À ces bordereaux était jointe une liste qui, pour chaque année, indiquait, par médecin, les reprises, le nombre de jours travaillés, le montant des prestations déclarées, ainsi que ce même montant, annualisé sur 240 jours. 

c. Par décision du 20 octobre 2017, l'AFC-GE a rejeté les réclamations que la société avait élevées contre ces bordereaux de rappels d'impôt et d'amendes pour soustraction d'impôt.

d. Le 20 novembre 2017, la société a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision sur réclamation, concluant à son annulation. 

e. Par jugement du 14 janvier 2019, le TAPI a partiellement admis le recours, annulé les rappels d'impôt et les amendes des périodes fiscales 2006 et 2007, dit que les revenus des médecins devaient être annualisés sur 231 jours (correspondant au nombre de jours travaillés par année à Genève), au lieu de 240, pour fixer le revenu déterminant pour le taux de l'impôt, et confirmé pour le surplus les reprises et les amendes fixées par l'AFC-GE pour les périodes fiscales 2008 à 2013.

La société, qui n’obtenait que très partiellement gain de cause, était condamnée au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 1'000.- et se voyait allouer une indemnité de procédure de CHF 900.- à la charge de l'État de Genève.

C. a. La société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) contre ce jugement, concluant principalement à son annulation concernant les rappels d'impôt et les amendes des périodes fiscales 2008 à 2013 ; et subsidiairement, à ce que les amendes soient recalculées pour tenir compte du fait que le TAPI avait réduit la base de calcul de 240 à 231 jours pour fixer le revenu déterminant pour le taux de l'impôt.

b. Par arrêt du 26 novembre 2019 (ATA/1726/2019), la chambre administrative a partiellement admis le recours, en ce sens qu'elle a ordonné à l'AFC-GE de recalculer le montant des amendes pour tenir compte de la base de calcul de 231 jours. Elle a confirmé le jugement du TAPI pour le surplus.

c. La société a recouru contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral. Elle ne remettait plus en cause le fait qu'elle aurait dû prélever l'impôt à la source sur les montants encaissés sur place, mais contestait toujours l'annualisation des revenus des médecins pour déterminer le taux d'impôt à la source applicable. À titre préalable, elle faisait valoir, d'une part, que la chambre administrative avait commis un déni de justice formel en refusant d'examiner si les conditions d'un rappel d'impôt étaient remplies et, d'autre part, soutenait qu'il était exclu de mener une procédure en rappel d'impôt à l'encontre du débiteur de la prestation imposable, seule pouvant être engagée à son encontre une procédure en paiement complémentaire d'impôt à la source.

d. Par arrêt du 27 avril 2021 (2C_60/2020), le Tribunal fédéral a admis le recours. Entre 2009 et 2014, l'AFC-GE avait notifié à la société des bordereaux d'impôt qui revêtaient la qualité de décisions et qui étaient entrés en force. Par conséquent, depuis lors, seule une procédure en rappel d'impôt était susceptible d'être ouverte, laquelle pouvait être dirigée contre la société en tant que débitrice des prestations imposables. Le Tribunal fédéral a en revanche admis le grief de déni de justice formel. Il a par conséquent annulé l'ATA/1726/2019 s'agissant des rappels d'impôt et lui a renvoyé la cause pour qu'elle examine si les conditions du rappel d'impôt étaient remplies. L'issue de la procédure en rappel d'impôt étant déterminante pour celle en soustraction d'impôt, le Tribunal fédéral a également annulé l'arrêt sur ce point et renvoyé la cause à la chambre administrative pour nouvelle décision.

e. Par arrêt du 14 décembre 2021 (ATA/1368/2021), la chambre administrative a partiellement admis le recours, annulé le jugement du TAPI du 14 janvier 2019 dans le sens des considérants, renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour établissement de nouveaux bordereaux d'amende pour l'impôt à la source 2008 à 2013 dans le sens des considérants et confirmé le jugement pour le surplus. Les conditions du rappel d'impôt étaient remplies, parce que c'était seulement lors des contrôles effectués en 2014 que l'AFC-GE avait découvert que la société n'avait pas prélevé d'impôt à la source correctement, causant ainsi une perte fiscale à la collectivité. Les conditions de la soustraction d'impôt étaient réalisées, le montant des amendes devant simplement être recalculé pour tenir compte de l'annualisation des revenus sur une base de 231 jours.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- était mis à la charge de la société, qui succombait dans une très large mesure, et une indemnité de procédure de CHF 500.- lui était allouée, étant donné qu’elle n'obtenait que très partiellement gain de cause.

f. Saisi par la société d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral a, par arrêt du 12 avril 2023 (9C_689/2022), admis partiellement le recours, annulé l'ATA/1368/2021 et renvoyé la cause à l'AFC-GE dans le sens des considérants.

Le recours était rejeté s'agissant du bien-fondé du rappel d'impôt et de l'existence d'une soustraction d'impôt liés à l'absence de prélèvement d'impôt sur les montants encaissés sur place. Il était en revanche admis s'agissant du bien-fondé des rappels d'impôt à la source et de l'existence d'une soustraction d'impôt liés à l'absence d'annualisation des revenus pour la fixation des taux. La cause était renvoyée à l'AFC-GE pour qu'elle recalcule dans la procédure de réclamation les rappels d'impôt et les amendes. À cet effet, elle devrait recalculer les montants d'impôt à la source à prélever sur l'entier du revenu global brut réalisé par chaque médecin lors de chaque période fiscale litigieuse, sans annualisation du revenu pour la détermination du taux. Les montants d'impôt à la source à rappeler équivaudraient à la différence positive entre les montants d'impôts ainsi recalculés et les montants prélevés par la société. Les amendes pour soustraction d'impôt à la source devraient ensuite être recalculées, pour qu'elles correspondent à un tiers des montants soustraits.

Au vu de l'issue du recours, les frais judiciaires étaient répartis par moitié entre la recourante et le canton de Genève, soit CHF 10'000.- pour chacun, et des dépens réduits étaient alloués à la recourante, à hauteur de CHF 10'000.-. La cause était renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle détermine à nouveau le sort des frais et dépens de la procédure antérieure.

D. a. Le 14 juin 2023, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 30 juin 2023 pour se déterminer sur les frais et indemnités de la procédure cantonale à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 avril 2023.

b. Le 29 juin 2023, la recourante s'est déterminée, concluant à l'octroi d'une indemnité de procédure et à des frais réduits.

La question matérielle à trancher était celle de l'annualisation par extrapolation des revenus en cause pour fixer le taux de l'impôt à la source. Elle avait plaidé l'absence de base légale pour ce faire, et avait ainsi obtenu gain de cause sur le fond au Tribunal fédéral, qui avait certes en parallèle rejeté ses griefs sur la question de l'ouverture de la procédure en rappel d'impôt.

Il fallait tenir compte de la complexité de l'affaire et de la pertinence de ses écritures, qui ressortaient du fait que l'affaire avait été portée deux fois devant le Tribunal fédéral et que ce dernier lui avait donné raison sur la question matérielle essentielle. Il se justifiait de tenir compte de la quantité de travail de ses avocats et de fixer l'indemnité de procédure à un montant correspondant au haut de la fourchette prévue par le règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03).

c. Les intimées ne se sont pas déterminées, si bien que la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 13 juillet 2023.

EN DROIT

1. Le présent arrêt fait suite à celui du Tribunal fédéral du 12 avril 2023 (9C_689/2022).

1.1 En application du principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, l’autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par celui-ci est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées devant lui ou l’ont été sans succès. La motivation de l’arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_904/2020 du 7 septembre 2020 consid. 1.1 et les références citées).

1.2 En l’espèce, à la suite de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, demeurent seuls litigieux l'émolument et l'indemnité de procédure devant la chambre de céans ainsi que devant le TAPI.

2.             Il convient dès lors de fixer les montants y relatifs, ce qui doit être fait de manière globale pour les deux instances.

2.1 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les décisions des tribunaux en matière de frais et dépens n'ont pas à être motivées, l'autorité restant néanmoins liée par le principe général de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b ; 111 Ia 1).

2.2 Il ressort de l'art. 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) que la juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments. En règle générale, l’État, les communes et les institutions de droit public ne peuvent se voir imposer de frais de procédure si leurs décisions font l’objet d’un recours.

2.3 La juridiction administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA). La juridiction administrative statue dans les limites établies par règlement du Conseil d’État et cela conformément au principe de proportionnalité (al. 3).

2.4 L'art. 6 RFPA, intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.‑.

2.5 Il est de jurisprudence constante que la partie qui succombe supporte une partie des frais découlant du travail qu’elle a généré par sa saisine (ATA/182/2018 du 27 février 2018 consid. 2). Les frais de justice sont des contributions causales qui trouvent leur fondement dans la sollicitation d'une prestation étatique et, partant, dépendent des coûts occasionnés par le service rendu. Il est cependant notoire que, en matière judiciaire, les émoluments encaissés par les tribunaux n'arrivent pas, et de loin, à couvrir leurs dépenses effectives (ATF 143 I 227 consid. 4.3.1 ; 141 I 105 consid. 3.3.2 ; 133 V 402 consid. 3.1).

2.6 La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation également quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/334/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.- (ATA/1185/2018 du 6 novembre 2018 consid. 2b ; ATA/378/2015 du 21 avril 2015 consid. 2).

2.7 La fixation des dépens implique une appréciation consciencieuse des critères qui découlent de l'esprit et du but de la réglementation légale (ATF 107 Ia 202 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_435/2015 du 17 septembre 2015 consid. 3 ; 1P.63/2005 du 22 mars 2005 consid. 3). Elle s'effectue en fonction des circonstances particulières de chaque cas d'espèce, tenant compte notamment de la nature et de l'importance de la cause, du temps utile que l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre d'audiences auxquelles il a pris part, des opérations effectuées et du résultat obtenu (ATF 122 I 1 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_35/2016 du 21 avril 2017 consid. 6.2 ; 2C_825/2016 du 6 février 2017 consid. 3.1).

2.8 En l'espèce, tant le TAPI que, à deux reprises, la chambre de céans ont partiellement admis les recours, sur des points toutefois relativement mineurs. Il résulte de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 avril 2023 que le TAPI puis la chambre de céans auraient bien dû admettre partiellement le recours, comme cela a été le cas, mais dans une plus large mesure. On ne saurait toutefois retenir que le Tribunal fédéral a donné raison à la recourante sur « la question matérielle essentielle » ou de manière prépondérante. Pour rester sur le terrain des frais et dépens, le Tribunal fédéral a mis recourante et intimées sur un même pied au moment de répartir les frais judiciaires, et l'on peut ainsi retenir que la recourante a eu gain de cause dans la même mesure qu'elle a succombé. On peut dès lors fixer l'émolument global pour les deux instances cantonales à CHF 1'600.-.

S'agissant de l'indemnité de procédure, il convient de tenir compte de la longueur et de la complexité de la procédure, ainsi que du nombre et de la pertinence des écritures de la recourante. Entre également en ligne de compte le fait que la recourante n'obtient que partiellement gain de cause. L'indemnité globale pour les deux instances cantonales sera donc fixée à CHF 4'000.-, à la charge de l'État de Genève, indemnité qui vaut également pour la présente procédure après renvoi.

3.             Le présent arrêt est rendu sans frais.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

statuant sur les frais de la procédure cantonale :

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 1'600.‑ ;

alloue à A______ SA une indemnité de procédure de CHF 4'000.‑, à la charge de l'État de Genève (administration fiscale cantonale) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Xavier OBERSON et Gregory CLERC, avocats de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :