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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2733/2022

ATA/1123/2023 du 11.10.2023 sur JTAPI/331/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2733/2022-PE ATA/1123/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 octobre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par le CSP – CENTRE SOCIAL PROTESTANT, mandataire

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mars 2023 (JTAPI/331/2023)


EN FAIT

A.           a. A______, née le ______ 1981, est ressortissante des Philippines.

b. Le 19 août 2021, A______ a été interpellée par le Corps des gardes‑frontière. Lors de son audition du même jour, elle a notamment déclaré être arrivée en Suisse en juin 2012, être célibataire et sans enfant, et avoir onze frères et sœurs restés dans son pays d'origine.

Par ordonnance pénale du 29 septembre 2021, le Ministère public de l'arrondissement de La Côte l'a reconnue coupable de séjour illégal et activité lucrative en Suisse sans autorisation et l'a condamnée à une peine pécuniaire de cent cinquante jours-amende d'un montant de CHF 30.- avec sursis.

c. Par courrier du 27 octobre 2021, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) a informé A______ qu'il avait été avisé de son interpellation et de sa condamnation pour séjour illégal. Il a requis la production d'une copie de son passeport ainsi que d'une photographie format passeport dans le cadre de l'examen préliminaire de ses conditions de séjour dans un délai au 3 novembre 2021, faute de quoi il serait statué en l'état de son dossier.

d. Le 1er novembre 2021, sous la plume de son mandataire, A______ a sollicité de l'OCPM la régularisation de ses conditions de séjour. Dans sa lettre d'accompagnement, elle a déclaré être arrivée en Suisse en 2011.

À l'appui de sa demande, elle a notamment produit une copie de son passeport en cours de validité, une attestation de transferts d'argent vers les Philippines couvrant la période allant de septembre 2012 à août 2019, une attestation d'achat d'abonnements TPG de juin 2012 à janvier 2022, une attestation de l'Hospice général et une attestation de l'office des poursuites.

e. Le 22 mars 2022, l'OCPM a informé A______ de son intention de refuser sa demande de régularisation de ses conditions de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de trente jours pour faire valoir ses observations, ce qu'elle a fait par pli du 25 avril 2022.

f. Par décision du 29 juin 2022, l'OCPM a refusé la demande de régularisation des conditions de séjour de A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

Elle n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Si elle indiquait résider en Suisse depuis la fin de l'année 2011, les pièces produites ne démontraient un séjour qu'à partir de juin 2012, comptabilisant ainsi moins de dix années consécutives au moment du dépôt de sa demande.

Elle était financièrement indépendante, ne faisait l'objet d'aucune poursuite et n'émargeait pas à l'aide sociale, mais elle n'avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, laquelle correspondait au mieux à ce qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Elle avait obtenu le certificat attestant de sa connaissance de la langue française à l'oral niveau A2 après le dépôt de sa demande.

Elle n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Selon son audition du 19 août 2021, elle était venue en Suisse pour travailler et aider sa famille aux Philippines. Ainsi, les arguments d'ordre économique, professionnel et de convenance personnelle n'étaient pas déterminants dans le cas d'espèce.

Enfin, elle n'invoquait pas, ni ne démontrait, l'existence d'obstacles au retour dans son pays d'origine. Le dossier ne faisait pas non plus apparaître que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

B.            a. Par acte du 29 août 2022, A______ a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI), concluant principalement à l'annulation de la décision et, subsidiairement, à ce que l'inexigibilité de son renvoi soit constatée et à ce qu'elle soit mise au bénéfice d'une admission provisoire, le tout sous suite de frais et dépens.

Elle avait entamé sa dixième année de résidence à Genève au moment du dépôt de sa demande de régularisation. En refusant sa requête, alors même qu'elle remplissait les conditions d'octroi d'un cas de rigueur, l'OCPM opérait un changement de pratique marquant une véritable rupture avec l'esprit pragmatique avec lequel les autorités genevoises abordaient les situations répondant aux critères d'un cas individuel d'une extrême gravité. L'évolution postérieure de l'« opération Papyrus » devait continuer à inspirer la pratique des autorités genevoises, puisqu'aucun élément ne plaidait en faveur d'un durcissement.

Elle avait fait preuve d'un comportement irréprochable et respectueux de l'ordre public, en se conformant aux injonctions de l'autorité malgré les risques encourus. Elle faisait l'objet d'un traitement moins favorable qu'une personne dans la même situation mais qui n'aurait pas donné suite aux injonctions de l'autorité. En déposant sa demande précipitamment, avant même d'avoir pu compléter son dossier, elle s'était conformée aux ordres de l'OCPM. Retenir l'état incomplet de son dossier en sa défaveur, alors que l'autorité avait exigé qu'elle dépose sa demande sans délai, violait le sentiment de justice et d'équité.

De plus, l'OCPM n'avait procédé qu'à un examen sommaire des autres conditions du cas de rigueur. Elle avait atteint le niveau A2 de français et bénéficiait d'une excellente intégration. Depuis son arrivée en Suisse, elle travaillait avec constance, à l'entière satisfaction de ses employeurs. Cette situation lui conférait une grande stabilité. Elle n'avait aucune dette et n'avait jamais émargé à l'aide sociale.

Elle était partie des Philippines dix ans auparavant et n'y était jamais retournée. Depuis son départ, elle avait pu à la fois subvenir à ses besoins ainsi qu'à ceux de ses parents restés au pays. Plusieurs de ses frères et sœurs avaient quitté les Philippines et vivaient entre la Grande-Bretagne, le Canada et l'Arabie Saoudite. Un de ses frères prenait soin de leurs parents âgés et malades, tandis que les autres avaient leurs propres familles à prendre en charge dans des conditions très précaires. En cas de retour dans son pays d'origine, elle n'aurait plus aucun membre de sa famille proche sur lequel elle pourrait s'appuyer.

b. L'OCPM a conclu au rejet du recours.

A______ ne remplissait pas les critères d'un cas de rigueur au moment du dépôt de sa demande de régularisation. Si la durée de son séjour pouvait être qualifiée de relativement longue, le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années – même à titre légal – n'était pas suffisant pour reconnaitre un cas de rigueur sans qu'il n'existe d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles.

Bien qu'elle semblât bien intégrée, le dossier ne démontrait pas une ascension professionnelle remarquable ni d'attaches si profondes et durables à Genève susceptibles de justifier un cas humanitaire.

Les conditions de sa réintégration aux Philippines, pays dans lequel elle avait passé son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie d'adulte, et où vivaient encore ses parents, n'apparaissaient pas gravement compromises. Si elle serait peut‑être confrontée à quelques difficultés de réadaptation, rien n'indiquait qu'elles seraient plus graves pour elle que pour n'importe lequel de ses compatriotes qui se trouverait dans une situation similaire.

c. A______ a répliqué, relevant que l'affirmation de l'OCPM selon laquelle les critères de reconnaissance d'un cas de rigueur devaient être remplis au moment du dépôt de la demande et non au moment du prononcé de la décision s'éloignait des principes juridiques en matière de décisions administratives et de la pratique de l'OCPM. Si une autorité judiciaire devait tenir compte des changements intervenus dans la situation de fait après la décision, l'autorité administrative ne pouvait ignorer la situation factuelle au moment où elle rendait sa décision. De plus, dans un cas similaire, des recourants avaient déposé leur demande de régularisation alors qu'ils ne comptaient qu'une durée de séjour de trois ans et demi et que l'un des membres de la famille n'avait pas passé de test de français, ce qui n'avait pas empêché les autorités migratoires d'admettre la requête.

d. L'OCPM a dupliqué.

La pratique tendant à tenir compte de la réalisation des conditions nécessaires à l'octroi d'un permis pour cas de rigueur au moment du dépôt de la requête avait été décidée par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) et avait été confirmée à plusieurs reprises par les instances judiciaires. En tout état, la durée de séjour ne constituait pas le seul critère justifiant une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Concernant l'affaire soulevée à titre d'exemple, il s'agissait d'une famille et non d'une personne seule, de sorte que les critères à prendre en considération n'étaient pas comparables.

e. Par jugement du 23 mars 2023, le TAPI a rejeté le recours.

À teneur des éléments du dossier, A______ avait démontré séjourner à Genève depuis juin 2012, et non comme elle l'alléguait depuis 2011. La durée de son séjour était inférieure à dix ans au moment du dépôt de la demande d'autorisation. Il ne pouvait être tenu compte du temps écoulé après le dépôt de celle-ci, le séjour ne se poursuivant qu'au bénéfice d'une simple tolérance. Son intégration socio-professionnelle n'apparaissait pas particulièrement marquée. Elle avait passé son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, dont elle maîtrisait la langue. Sa relation avec la Suisse n'était pas si étroite qu'il ne puisse être exigé d'elle qu'elle retourne vivre aux Philippines. Rien ne permettait de retenir que sa réintégration dans son pays d'origine serait gravement compromise.

C. a. Par acte expédié le 9 mai 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation, reprenant ses précédentes conclusions.

Elle a réaffirmé qu'elle remplissait l'ensemble des critères permettant de lui accorder une autorisation de séjour. Il était « commun en matière de droit des étrangers » de tenir compte de la situation de fait de l'intéressé au moment de la prise de décision par l'autorité, voire même en cas de recours par le juge lors son jugement. Son mandataire avait pu obtenir plusieurs autorisations de séjour en tenant compte de la durée du séjour lors du prononcé de la décision.

b. l'OCPM a conclu au rejet du recours, se référant à sa décision du 29 juin 2022 et au jugement.

c. Le 31 août 2023, A______ a souligné qu'un jugement avait été récemment rendu par le TAPI, dans une cause similaire, semblant se rallier à sa méthode de calcul du délai de dix ans.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2. La recourante reproche au TAPI de ne pas avoir pris en considération la durée de son séjour au moment de la prise de décision par l'OCPM, respectivement au moment du jugement de première instance.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

2.2. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

2.3 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

2.4 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.5 Dans le cadre d'une affaire relative à une requête d'autorisation de séjour en vue de regroupement familial, le Tribunal fédéral a considéré que c'est la nécessité du soutien matériel apporté dans leur pays d'origine ou de provenance par le ressortissant UE/AELE séjournant en Suisse au moment du dépôt de la demande qui est déterminant (cf. ATF 135 II 369 consid. 3.1 et 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 2C_975/2022 du 20 avril 2023 consid. 6.1.1.; 2C_757/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.2).

Le Tribunal fédéral a également retenu qu'il convient de ne pas encourager les étrangers à vivre dans notre pays sans titre de séjour et de ne pas valider indirectement des comportements tendant à mettre l'État devant le fait accompli (cf. notamment arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2022 du 3 mai 2023 consid. 5.6 destiné à la publication aux ATF; 2C_882/2022 du 7 février 2023 consid. 4.7; 2D_33/2021 du 30 septembre 2021 consid. 5.5 et 2C_923/2017 du 3 juillet 2018 consid. 5.4).

2.6 L'absence d'infractions pénales et de dépendance à l'assistance publique en Suisse constituent des aspects qui sont en principe attendus de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constituent donc pas un élément extraordinaire en sa faveur (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2). 

2.7 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch /regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

De jurisprudence constante, la Chambre administrative a considéré que l'« opération Papyrus », qui a pris fin le 31 décembre 2018, n'emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères pouvaient entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (cf. notamment ATA/755/2023 du 11 juillet 2023 consid. 3.4; ATA/721/2023 du 4 juillet 2023 consid. 3.3; ATA/467/2023 du 2 mai 2023 consid. 3.3; ATA/463/2023 du 2 mai 2023 consid. 2.3; ATA/388/2023 du 18 avril 2023 consid. 3.3;  ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4c; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

2.8 En l'espèce, il est constant qu'au moment du dépôt de la demande d'autorisation de séjour, la recourante ne séjournait pas depuis dix ans en Suisse. Elle soutient qu'il se justifie de prendre en considération la durée de son séjour au moment où l'OCPM a pris sa décision, soit en juin 2022. Cette argumentation ne saurait être suivie. En effet, et à teneur de la jurisprudence constante tant du Tribunal fédéral que de la chambre administrative, l'examen de la durée du séjour doit se faire au moment du dépôt de la demande d'autorisation.

Le jugement JTAPI/820/2023 rendu le 7 juillet 2023 par le TAPI, cité par la recourante, ne lui est n'est d'aucun secours. Ce cas n'est en effet pas comparable au sien dès lors qu'il est question de la régularisation du séjour d'une famille, avec deux enfants scolarisés, examinée également sous l'angle du regroupement familial. Il ne peut par ailleurs pas être considéré qu'il s'agirait d'un changement de jurisprudence concernant le calcul du délai de dix ans de séjour de l'étranger dans l'examen d'un cas de rigueur. Il s'ensuit que la durée de séjour ininterrompu en Suisse susmentionnée doit être réalisée lors du dépôt de la demande d'autorisation de séjour, et non durant la procédure d'autorisation. Certes, la recourante séjournait depuis neuf ans et demi lors du dépôt de sa demande. Cela étant, et comme l'a retenu à bon droit le TAPI, même si ce séjour peut être qualifié de relativement long, il n'est pas suffisant, sans qu'il n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles.

En particulier, la recourante ne peut se prévaloir d'une intégration socio‑professionnelle remarquable ou exceptionnelle. Si, certes, elle est indépendante financièrement, n'a pas de dettes et n'a pas émargé à l'aide sociale, cette indépendance économique est un aspect qui peut en principe être attendu de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur de la recourante. Par ailleurs, elle n'est pas investie personnellement dans la vie sociale, associative, sportive ou culturelle genevoise.

De plus, les activités de la recourante, qui travaille dans le secteur de l'économie domestique, ne sont pas constitutives d'une ascension professionnelle remarquable et ne l'ont pas conduite à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse. La recourante pourra d'ailleurs mettre à profit dans son pays d'origine l'expérience professionnelle qu'elle a acquise.

Il n'apparaît en outre pas que la recourante se soit créé des attaches particulièrement étroites avec la Suisse au point de rendre étranger son pays d'origine. En effet, elle n'est arrivée en Suisse qu'à l'âge de 31 ans et a donc vécu toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte aux Philippines, de sorte que la Cour ne saurait admettre que les années passées en Suisse soient déterminantes pour la formation de sa personnalité, et, partant, pour son intégration socio-culturelle. La recourante maîtrise la langue de son pays d'origine.

Contrairement à ce qu'elle soutient, la situation aurait été la même si son cas avait été traité dans le cadre de l'« opération Papyrus ». En effet, la durée du séjour n'aurait pas permis à elle seule de conclure que les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité auraient été remplies, pour les motifs qui précèdent (absence d'intégration sociale remarquable, famille dans le pays d'origine, etc.).

Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que les difficultés auxquelles la recourante devrait faire face en cas de retour aux Philippines seraient pour elle plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants philippins retournant dans leur pays, même s'il ne peut être nié qu'un retour pourra engendrer pour elle certaines difficultés de réadaptation.

Par conséquent, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, c'est à bon droit que tant l'OCPM que le TAPI ont retenu que la recourante ne remplissait pas les conditions restrictives permettant d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Le recours sera dès lors rejeté.

3. Il convient encore d'examiner si le renvoi prononcé par l'OCPM est fondé.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64 let. d al. 1 LEI).

3.2 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

3.3 Dans le présent cas, et dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l'octroi d'une autorisation de séjour à la recourante, l'intimé devait prononcer son renvoi. La recourante n'invoque aucun élément permettant de retenir que son renvoie ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé. De tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.

4.      Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mai 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au CSP – CENTRE SOCIAL PROTESTANT, mandataire de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Nathalie LANDRY-BARTHE, Jean‑Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

 

 

S. CROCI TORTI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.