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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1125/2023

ATA/1032/2023 du 19.09.2023 sur JTAPI/584/2023 ( AMENAG ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1125/2023-AMENAG ATA/1032/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 septembre 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCAN intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 mai 2023 (JTAPI/584/2023)


EN FAIT

A. a. Par jugement du 25 mai 2023, le Tribunal administratif de première instance
(ci-après : TAPI) a déclaré irrecevable le recours du 27 mars 2023 formé par A______ contre la décision du 15 mars 2023 du département du territoire confirmant que le relevé cité dans celle-ci était considéré comme une forêt.

L’avance de frais qu’il avait sollicitée par courrier recommandé du 11 avril 2023, correctement acheminé à l’adresse indiquée dans ledit recours et impartissant un délai au 11 mai 2023 sous peine d’irrecevabilité, n’avait pas été effectuée dans ce délai. L’intéressé n’avait pas retiré ce courrier à la Poste dans le délai de garde de sept jours échéant au 19 avril 2023, de sorte qu’il avait été retourné au TAPI au terme de ce délai avec l’indication « non réclamé ». Il était ainsi réputé en avoir pris connaissance à cette date. Le délai fixé pour l’avance de frais continuait donc à courir et était raisonnable. Par ailleurs, rien ne permettait de retenir que l’intéressé avait été victime d’un empêchement non fautif de s’acquitter en temps utile du montant réclamé.

B. a. Par courrier mis à la poste le 2 juin 2023 à l’attention du TAPI et transmis par celui-ci le 14 juin 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative), A______ a recouru contre ledit jugement, au motif qu’il avait rendu visite à son fils au Nigéria du 9 au 19 avril 2023. À son retour, il avait constaté avoir reçu un courrier recommandé et consulté, le lendemain, le site de la Poste qui l’avait informé que ce courrier avait été renvoyé à l’expéditeur sans lui préciser que l’envoi provenait du TAPI. Il n’avait donc pas pu en prendre connaissance.

b. Les parties s’en sont ensuite remises à justice quant à la recevabilité du recours.

c. Puis, elles ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ -
E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant ne comprend pas le prononcé d’irrecevabilité du fait de son absence.

2.1 La juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables. Elle fixe à cet effet un délai suffisant (art. 86 al. 1 LPA). Si l’avance n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (art. 86 al. 2 LPA).

Le texte de cette disposition ne prévoit pas de délai supplémentaire, étant précisé que l’exigence de l’avance de frais et les conséquences juridiques en cas de
non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal (arrêt du Tribunal fédéral
2C_178/2022 du 16 mars 2022 consid. 5.3 ; ATA/153/2023 du 14 février 2023 consid. 2.1).

2.2 La notification d’un acte soumis à réception, comme une décision ou une communication de procédure, est réputée faite au moment où l'envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd., 2011, p. 302 s n. 2.2.8.3). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 137 III 308 consid. 3.1.2 ; 118 II 42 consid. 3b ; 115 Ia 12 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 ; 2A.54/2000 du 23 juin 2000 consid. 2a et les références citées). Celui qui, pendant une procédure, omet de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle s’il devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2009 du 1er mars 2010 consid. 3.2.1 et les références citées ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 3).

2.2.1 La preuve de la notification d’un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité qui veut contrer le risque d'un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé. En tel cas, lorsque le destinataire de l'envoi n'est pas atteint et qu'un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l'envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n’a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3 ; ATA/464/2022 du 3 mai 2022 consid. 3d).

2.2.2 D’une manière générale, l’administré, lorsqu’il doit s’attendre à recevoir une décision, doit prendre des dispositions pour faire en sorte d’être atteint. Tel n’est pas le cas de celui qui, dans cette situation, part en vacances sans prendre de dispositions pour avertir l’autorité de son absence, ou pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l’arrivée, pendant cette période, d’une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n’est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l’échéance du délai de dépôt de l’avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l’échéance du délai de sept jours (ATF 134 V 49 consid. 4). C’est seulement en l’absence d’un empêchement non fautif du destinataire de la décision que la notification de celle-ci ne déploie pas ses effets ou que ceux-ci sont reportés (ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 4) .

2.3 Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/153/2023 du 14 février 2023 consid. 2.3 et les arrêts cités).

2.3.1 Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/153/2023 du 14 février 2023 consid. 2.3 et les arrêts cités). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016 consid. 2c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée). L’empêchement doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/470/2022 du 3 mai 2022 consid. 2b ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9).

2.3.2 Selon la jurisprudence, la maladie ou un accident peut être considérée comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, si elle met l'administré ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/234/2014 du 8 avril 2014 consid. 10). La désorganisation de la vie privée suite au décès d’un proche a été considérée comme pouvant constituer un empêchement non fautif d’agir à temps et justifier une restitution de délai s’il survient peu avant l’échéance de celui-ci (arrêts du Tribunal fédéral 9C_54/2017 du 2 juin 2017 consid. 5 ; 1C_293/2010 du 21 juin 2010 consid. 2 ; ATA/153/2023 du 14 février 2023 consid. 2.3).

2.4 Un formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la mise en œuvre du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1). L'application stricte des règles sur les délais de recours ne relève en principe pas d'un formalisme excessif, mais se justifie dans l'intérêt d'un bon fonctionnement de la justice et de la sécurité du droit (ATF 104 Ia 4 consid. 3).

2.5 En l’espèce, il n’est pas contesté que le courrier recommandé du 11 avril 2023 du TAPI sollicitant l’avance de frais litigieuse est parvenu à l’adresse du recourant, qu’en son absence, un avis a été déposé dans sa boîte aux lettres et que le délai de garde est arrivé à échéance le 19 avril 2023. Dans ces circonstances, le TAPI a dûment prouvé que son envoi a été notifié à cette date au recourant, ce qui laissait encore trois semaines pour procéder au paiement de l’avance de frais.

Le fait que le recourant soit parti à l’étranger du 9 au 19 avril 2023 pour rendre visite à son fils ne constitue pas, au regard de la jurisprudence, un cas de force majeure susceptible de conduire à une restitution du délai. Même à admettre que l’expéditeur ne fut pas indiqué sur le site de la Poste consulté le 20 avril 2023 par le recourant, celui-ci n’ignorait pas avoir déposé fin mars un recours auprès du TAPI et devait ainsi s’attendre depuis ce moment à être contacté par cette juridiction. Il revenait, dans ces circonstances et conformément à la jurisprudence, au recourant de prendre toutes les dispositions utiles pendant son absence, comme demander à un tiers de relever son courrier pour répondre à d’éventuelles interpellations du TAPI. Par ailleurs, dans l’hypothèse où la consultation du site de la Poste le 20 avril 20203 ne lui aurait effectivement pas permis d’identifier le TAPI comme expéditeur du courrier recommandé, le recourant pouvait, dès cette date, prendre des nouvelles de l’avancement de son dossier auprès de cette juridiction, ce qui lui aurait permis de pallier l’absence de mesures pendant son séjour à l’étranger et disposer d’un délai largement suffisant pour procéder au paiement de l’avance de frais. Il y a enfin lieu de préciser que le Tribunal fédéral a déjà jugé que le droit genevois n’oblige pas les juridictions administratives à effectuer un second envoi après une notification infructueuse d’un courrier recommandé.

Dans ces circonstances, c’est à bon droit que le TAPI a déclaré irrecevable le recours formé par l’intéressé auprès du TAPI, faute de paiement de l’avance de frais sollicitée dans le délai imparti. Le recours doit donc être rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 250.- est mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 mai 2023 ;


 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 250.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, au département du territoire-ocan ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :