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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2248/2023

ATA/839/2023 du 09.08.2023 ( PROC ) , REJETE

Recours TF déposé le 11.09.2023, rendu le 25.10.2023, REJETE, 9C_368/2023, 9C_549/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2248/2023-PROC ATA/839/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ demandeur
représenté par Me Annette MICUCCI, avocate

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS défenderesses


 

 

 

 

 


EN FAIT

A. a. Par arrêt du 18 avril 2023, la chambre administrative de la Cour de justice a partiellement admis le recours formé par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) du 31 août 2022. Les bordereaux de rappel et d’amende de l’impôt communal et cantonal (ICC) et de l’impôt fédéral direct (IFD) pour l’année fiscale 2007 étaient annulés car prescrits et ceux relatifs à l’année fiscale 2008 annulés dans la mesure reconnue par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE). Le dossier était renvoyé à celle-ci afin qu’elle établisse à nouveau des bordereaux de rappel et d’amende pour 2008 tenant compte des rectifications qu’elle avait admises.

Il ressort de cet arrêt que par courrier du 14 mars 2023, les parties avaient été informées que la cause était gardée à juger et que le 13 avril 2023, le contribuable avait fait parvenir à la chambre administrative une écriture spontanée accompagnée de cinq pièces nouvelles. Cette écriture et lesdites pièces se rapportaient à la question de savoir si l’intéressé avait exercé une activité indépendante en France durant la période fiscale litigieuse.

b. A______ a saisi le Tribunal fédéral d’un recours contre cet arrêt. La procédure est pendante (9C_368/2023).

B. a. Par acte expédié le 4 juillet 2023 à la chambre administrative, A______ a formé une demande en révision de l’arrêt précité. Il a conclu, sur rescindant, à l’annulation de celui-ci et, sur rescisoire, à la récusation de B______ « pour la procédure cantonale », à ce que soient écartées du dossier les pièces provenant de la DAPE, à l’annulation des décisions dont était recours et au renvoi de la cause à l’AFC-GE pour nouvelles enquêtes et décisions. Préalablement, il convenait d’ordonner à B______ de produire « l’intégralité de ses échanges de courriels, de messages téléphoniques, de quelque nature que ce soit (« SMS », « WhatsApp » ou toute autre messagerie), y compris les pièces jointes, avec C______ » et d’auditionner les deux précités.

L’AFC-GE et la chambre administrative s’étaient largement fondés sur les rapports de la DAPE. Or, il avait appris que la DAPE avait « manœuvré de manière trompeuse pour récolter des informations », commettant possiblement une infraction à l’art. 179ter CP. Il avait déjà signalé ces éléments dans un courrier du 25 avril 2023 adressé à la chambre administrative. Il s’était toujours inquiété des liens entre B______ et D______, également enquêteur fédéral, et C______. L’existence de cette dernière ne ressortait nullement du dossier.

Il produisait des échanges de courriels entre cette dernière et B______, dont il ressort qu’elle aurait remis à celui-ci des pièces ainsi que des enregistrements de conversations qu’elle aurait eues avec le demandeur et que l’enquêteur et la précitée se seraient rencontrés à l’aéroport de Genève le 15 novembre 2017.

Il disposait de ces courriels depuis le 4 avril 2023, E______, auteur d’un ouvrage sur C______, les lui ayant remis à cette date.

Il existait deux motifs de révision : la DAPE avait utilisé des moyens de preuve obtenus de manière illicite, d’une part, et l’enquêteur B______, qui avait remercié C______ de la remise d’informations, puis avait caché ses contacts avec celle-ci, avait fait preuve de partialité et aurait dû se récuser.

b. Ni l’AFC-GE ni l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) n’ont été invités à répondre.

c. Le 7 juillet 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             La chambre administrative est compétente pour se prononcer sur la révision de l’un de ses arrêts (art. 81 al. 1 in fine de la loi sur la procédure administrative du 12septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l’art. 80 LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît : qu’un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision (let. a) ; que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b), les autres hypothèses n’étant in casu pas concernées.

2.1 En vertu de l’art. 81 LPA, la demande en révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (al. 1) et au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision. Le cas de révision de l’art. 80 let. a LPA est réservé. Dans ce cas, la révision peut avoir lieu d’office, notamment sur communication du Ministère public (al. 2). Les art. 64 et 65 LPA sont applicables par analogie. La demande doit, en particulier, indiquer le motif de révision et contenir les conclusions du requérant pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (al. 3).

2.2 L'art. 80 let. b LPA vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n'avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/627/2020 du 30 juin 2020 consid. 1b et 1c ; ATA/362/2018 du 17 avril 2018 consid. 1c ; ATA/294/2015 du 24 mars 2015 consid. 3c). Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c'est-à-dire de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5).

2.3 Les preuves doivent servir à prouver soit des faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu'il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu'il faut admettre qu'elle aurait conduit l'autorité administrative ou judiciaire à statuer autrement, si elle en avait eu connaissance, dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c'est que le moyen de preuve ne serve pas à l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers (ATF 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c ; ATA/821/2015 du 11 août 2015 consid. 5 et les références citées).

2.4 La révision ne permet pas de supprimer une erreur de droit, de bénéficier d'une nouvelle interprétation, d'une nouvelle pratique, d'obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors de la décision dont la révision est demandée ou de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATA/478/2021 du 4 mai 2021 consid. 2b ; ATA/362/2018 précité consid. 1d et les références citées).

2.5 Lorsqu'aucune condition de l'art. 80 LPA n'est remplie, la demande est déclarée irrecevable (ATA/232/2022 du 1er mars 2022 ; ATA/1748/2019 du 3 décembre 2019 ; ATA/1149/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2).

2.6 En l’espèce, le demandeur allègue avoir eu connaissance des courriels incriminant l’enquêteur de la DAPE le 4 avril 2023. Il produit un courriel du 3 juillet 2023 de l’auteur dont il tiendrait lesdits courriels, qui confirme les lui avoir transmis le 4 avril 2023.

Or, le 4 avril 2023, le recours formé contre le jugement du TAPI était encore pendant devant la chambre administrative. Certes, la cause avait été gardée à juger le 14 mars 2023. Toutefois, en produisant les pièces nouvelles dont il se prévaut dans les jours suivants le 4 avril 2023, le demandeur aurait encore agi dans le délai raisonnable accordé par la jurisprudence pour une réplique spontanée (ATF 133 I 98 consid. 2.2. ; 132 I 42 consid. 3.3.3 et 3.3.4), étant précisé qu’au vu du fait qu’il venait, selon ses allégations, d’avoir reçu les pièces dont il se prévaut, il n’aurait pu lui être reproché de ne pas les avoir produites plus tôt dans la procédure.

Le demandeur, qui a allégué durant la procédure tant devant le TAPI que devant la chambre administrative, l’existence de contacts privilégiés entre une prostituée – dont on comprend qu’il s’agit de C______ – et des enquêteurs de la DAPE, n’explique d’ailleurs pas pour quel motif il ne s’est pas prévalu des éléments de preuve en sa possession alors que la procédure était encore pendante devant la chambre administrative.

De jurisprudence constante, la procédure de révision ne permet pas de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire. Il n’y a ainsi pas lieu de procéder aux actes d’instruction sollicités, qui se rapportent à des éléments connus du demandeur alors que la procédure ordinaire était pendante.

Pour le surplus, aucune procédure pénale n’établit qu’un crime ou un délit aurait été commis. Le demandeur ne soutient, au demeurant, pas qu’il aurait déposé plainte pénale.

Les pièces produites, à savoir de prétendues copies de courriels échangés entre un enquêteur de la DAPE et C______, que l’auteur d’un ouvrage sur celle-ci aurait transmises au demandeur, ne sont pas de nature à remplacer l’établissement d’un crime ou d’un délit par une procédure pénale, étant relevé que, comme cela vient d’être exposé, il appartenait au demandeur de produire ces moyens de preuve alors que la procédure était encore pendante devant la chambre administrative. Derechef, il ne peut, dans le cadre de la procédure de révision, se prévaloir de faits ou moyens de preuve qu’il lui était loisible d’invoquer et de produire dans la procédure ordinaire.

Partant, les conditions d'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA ne sont pas réalisées. La demande de révision est ainsi manifestement irrecevable, ce que la chambre de céans peut constater sans échange d’écritures (art. 72 LPA).

3.             Compte tenu de l'issue de la procédure, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du demandeur (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable la demande en révision formée le 4 juillet 2023 par A______ contre l’arrêt ATA/404/2023 de la chambre administrative de la Cour de justice du 18 avril 2023 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge d’A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Annette MICUCCI, avocate du demandeur, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi que, pour information, au Tribunal fédéral.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :