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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2076/2023

ATA/769/2023 du 14.07.2023 sur JTAPI/733/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2076/2023-MC ATA/769/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 juillet 2023

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 juin 2023 (JTAPI/733/2023)


EN FAIT

A. a. A______, également connu sous le pseudonyme de B______, né le ______ 1971, est originaire d'C______.

b. Il est arrivé en Suisse en 2019 et s'est présenté aux autorités sous l’alias B______.

c. Les 10 mars 2019, 8 juin 2019 et 1er avril 2020, A______ a été condamné – sous son nom d'alias – par le Ministère public pour dommages à la propriété (art. 144 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), lésions corporelles simples (art. 123 al. 1 CP) et entrée et séjours illégaux (art. 115 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 – LEI - RS 142.20).

À ces occasions, le Ministère public a retenu qu’il était célibataire, sans domicile fixe, démuni de revenus et sans aucune attache avec la Suisse.

d. Le 16 juin 2020, D______ ont rejeté la demande de reprise en charge de l'intéressé qui leur avait été soumise par la Suisse.

Par courriel du 29 juin 2020, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), a informé les services de police genevois que A______ avait déclaré être retourné dans son pays d'origine à la fin de l'année 2017 et qu'il n'était dès lors pas possible d'envoyer une demande de réexamen aux autorités D______. Son cas devait être traité par les autorités cantonales en vue d'un renvoi dans son pays d'origine.

e. Le 6 juillet 2020, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de Justice a ordonné l'expulsion judiciaire de A______ du territoire suisse pour une durée de trois ans conformément à l'art. 66a bis CP.

f. Par jugement du 14 avril 2021, A______ a été condamné par le Tribunal de police pour rupture de ban (art. 291 CP), voies de fait (art. 126 al. 1 CP) et dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP).

g. Deux procédures pénales supplémentaires ont été ouvertes en 2021 par le Ministère public à l'encontre de A______ pour rupture de ban, violation de domicile et vol simple, et sont en cours.

h. Le 12 octobre 2021, le SEM a informé l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que A______ avait été identifié par les autorités C______ sous le nom de A______, né le ______ 1971 à Alger en C______. Un entretien consulaire (counseling) devait avoir lieu avant la réservation d'une place sur un vol. À l'issue de ce counseling, une place pourrait être réservée auprès de swissREPAT dont la date devait être communiquée 30 jours ouvrables auparavant. À réception du laissez-passer par le SEM, le document serait envoyé directement à swissREPAT.

i. Le 18 novembre 2022, A______, démuni de document d'identité, a été interpellé par la police genevoise à la rue des E______ ______ à F______, après qu'il se fut montré violent avec une employée de l'association « G______ » suite au refus de celle-ci de le laisser entrer dans les locaux.

Selon le rapport d’arrestation, il lui aurait craché dessus et un agent de sécurité aurait été très légèrement blessé après l’avoir expulsé des locaux de l'association. Les recherches dans les bases de données de la police ont révélé qu’il faisait l'objet de trois mandats d’arrêt pour une peine privative de liberté totale de 47 jours ou CHF 1'010.-.

Entendu par la police le même jour, il a contesté s'être battu avec l'agent de sécurité et a déclaré qu'il voulait récupérer certaines de ses affaires restées dans les locaux de l'association du temps où il y logeait. Il était démuni d'argent et ne pouvait pas payer la peine de jours-amende à laquelle il avait été condamné. Il n'était pas non plus au courant de l'expulsion judiciaire et des trois ordres d’exécution de peine dont il faisait l’objet. Il a refusé de répondre aux autres questions posées par la police lors de cet interrogatoire.

j. Le 19 novembre 2022, A______ a été incarcéré à la prison de H______ pour purger ses condamnations.

k. Le 22 novembre 2022, l'OCPM a informé le SEM que A______ était en détention pénale et l’a prié de poursuivre le processus d'identification et d'obtention d'un document de voyage.

l. Le 29 novembre 2022, le SEM a proposé aux autorités genevoises de présenter A______ aux auditions consulaires de l'C______ le 21 décembre 2022.

m. A______ n'a alors pas pu être présenté mais est demeuré sur la liste d'attente pour le canton de Genève.

n. Libéré de détention pénale le 23 décembre 2022, il a été remis aux services de police.

o. Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée de quatre mois, en application des art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, précisant que les démarches relatives à l'organisation d'un entretien avec le Consul d'C______ en vue de la délivrance d'un laissez-passer se poursuivaient.

p. Entendu le 27 décembre 2022 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), A______ a déclaré qu’il ne s’opposait plus à son renvoi en C______, ayant changé d’avis, et qu'il était d’accord d’être présenté aux autorités C______ afin qu'elles puissent délivrer un laissez-passer. Il n'avait pas de documents d'identité. Il avait été logé à Genève, soit chez une amie, soit dans un foyer de I______ et avait vécu grâce à des aides d'associations et d'amis. Depuis 2019, il n'avait jamais quitté Genève. Lors de son interrogatoire le 19 novembre 2022, c'était la police qui avait répondu à sa place et qui lui avait fait signer deux documents. Sur question de son conseil, il a indiqué avoir été auditionné par le Ministère public le 5 décembre 2022 pour une procédure pénale concernant une rupture de ban et que cette procédure avait été renvoyée au Tribunal de police. Il avait également reçu un jugement du Tribunal de police le 30 juin 2022, pour des infractions de rupture de ban et de séjour illégal contre lequel son conseil avait fait appel.

La représentante du commissaire de police a indiqué qu’elle n’avait pas d'autres informations concernant le futur entretien avec les autorités consulaires C______ et, comme indiqué dans la dernière pièce produite, la police avait demandé à ce que A______ soit entendu prioritairement. Entre l'audition par les autorités C______, la délivrance du laissez-passer et la date d'un vol, il fallait compter en tous cas 30 jours. Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention pour la durée requise.

Le conseil de A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son client vu les procédures pénales en cours, subsidiairement à la réduction de la durée de la détention à un mois.

q. Par jugement du 27 décembre 2022, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de dix semaines, soit jusqu'au 2 mars 2023 inclus.

A______ faisait l’objet d’une décision d’expulsion judiciaire de Suisse prononcée le 6 juillet 2020 pour une durée de trois ans, laquelle était en force. Il avait fait l’objet de très nombreuses condamnations, notamment pour séjour illégal et rupture de ban, et n’avait jamais entrepris la moindre démarche en vue de se soumettre à la décision d’expulsion prononcée à son encontre le 6 juillet 2020. Il s’était présenté sous une fausse identité aux autorités suisses, ce qui avait rendu son identification plus difficile. Il avait indiqué devant le commissaire de police, notamment lors son audition du 23 décembre 2023, qu’il s’opposait à son renvoi de Suisse. Le fait qu'il avance pour la première fois, manifestement pour les besoins de la cause, ne plus être opposé à retourner en C______, ne permettait certainement pas de considérer qu'il serait désormais disposé à collaborer à son départ. Il était enfin sans domicile fixe en Suisse, sans aucune source de revenu et sans attaches particulières, et ayant été totalement aidé financièrement depuis son arrivée en Suisse. Au vu ce de qui précédait, son comportement laissait apparaître qu’il n’avait pas l’intention de se soumettre aux décisions des autorités et le risque qu’il disparaisse dans la clandestinité était avéré, étant rappelé que seul un renvoi à destination de l’C______ était possible, puisqu’il s’agissait du seul pays dans lequel il était autorisé à se rendre. Les conditions de la détention administrative étaient donc remplies. Les autorités avaient par ailleurs agi avec diligence et célérité. La durée de la détention, de quatre mois, paraissait toutefois disproportionnée et était réduite à 10 semaines.

r. Le 17 février 2023, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de A______ pour une durée de six mois, exposant que l'intéressé serait présenté à une prochaine audition consulaire de l'C______ qui devrait intervenir d'ici au mois de juin 2023. Un vol pourrait ensuite être organisé.

s. Le 28 février 2023, lors de sa comparution devant le TAPI, A______ a déclaré se nommer en réalité B______ et être né le ______ 1978. Il n'avait toutefois en sa possession aucun document d'identité, bien qu’il ait essayé de joindre les autorités C______ pour en obtenir, par téléphone et par courrier (dont il n’avait pas de copie), sans obtenir de réponse. Il était encore d'accord de retourner en C______. Son avocate a précisé qu'elle avait également tenté de contacter téléphoniquement ces autorités mais qu'effectivement, on tombait sur une boîte vocale. Elle avait par ailleurs vérifié l'adresse à laquelle son client avait adressé le courrier à l'Ambassade. Elle s'est engagée à effectuer elle-même des démarches auprès de l'Ambassade pour essayer de faire accélérer les choses.

Le représentant de l'OCPM s'est référé à un courrier du SEM du 12 octobre 2021, indiquant que l'intéressé avait été identifié par les autorités C______ en tant que A______, né le ______ 1971.

L'OCPM a précisé qu’il y avait audience consulaire chaque mois, mais que la liste d'attente était longue au vu du nombre de personnes devant y être présentées par les cantons. Il avait toutefois indiqué au SEM que le dossier était prioritaire. Quand la demande venait des autorités suisses, les autorités C______ ne faisaient pas de distinction entre le fait que leur ressortissant était volontaire ou pas, mais si A______ contactait lui-même son Ambassade pour attester du fait qu’il était volontaire, la procédure irait plus vite et les autorités C______ délivreraient immédiatement un laissez-passer.

Le conseil de A______ a remis ses extraits de compte au 1er novembre 2022, montrant qu'il avait travaillé à J______ (ci-après : J______) et qu'il pouvait financer en partie son billet de retour. A______ a précisé avoir gagné en totalité plus de CHF 1'000.-.

t. Par jugement du 28 février 2023, le TAPI a prolongé la détention administrative de A______ pour une durée de cinq mois, soit jusqu'au 2 août 2023 inclus.

u. Par arrêt du 16 mars 2023, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a partiellement admis le recours formé par A______ contre ce jugement en tant que la détention administrative était confirmée mais pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 2 juillet 2023.

Vu la décision d’expulsion le 6 juillet 2020, les condamnations dont il faisait l’objet, l’absence de toute démarche documentée en vue de quitter la Suisse et de se conformer à ces décisions, le comportement adopté jusqu’ici et sa situation en Suisse, il n’apparaissait pas qu’il avait l’intention de retourner dans son pays et le risque qu’il disparaisse dans la clandestinité était élevé. Les conditions de la détention administrative étaient donc remplies. L’intérêt public à l’exécution de son refoulement était certain et une mesure moins incisive, comme celle l’enjoignant à se présenter régulièrement à un poste de police jusqu’à sa présentation à l’Ambassade d’C______ et l’octroi d’un laissez-passer, ne paraissait pas apte à s’assurer de sa présence lors de cette présentation et au moment du départ de son vol pour l’C______. Cet intérêt public l’emportait également sur son intérêt privé à ne pas subir de détention administrative. Cela étant, dans la mesure où les présentations auprès de l’Ambassade d’C______ devaient en tout cas se faire d’ici à fin juin 2023, il n’y avait, en l’état, pas de motif justifiant que la détention administrative soit prononcée au-delà de cette date et la durée de celle-ci devait ainsi réduite à quatre mois, soit au 2 juillet 2023.

v. Le 22 mars 2023, A______ a été présenté aux entretiens consulaires avec les autorités C______. Le vice-consul a confirmé la délivrance d'un laissez-passer.

w. Par requête du 11 avril 2023 reçue par le TAPI le même jour, A______ a demandé sa mise en liberté.

Il se trouvait dans une réelle détresse en raison des conditions de sa détention. Il était détenu à J______ depuis le 23 décembre 2022. Il avait entamé une grève de la faim depuis 52 jours sans que personne ne s'en soucie. Il était par ailleurs détenu dans une infrastructure insalubre et dans des conditions totalement indignes. Samedi 8 avril 2023 au matin, une personne détenue au sein du même établissement avait été retrouvée inanimée dans sa cellule. Ce K______ avait mis fin à ses jours en raison de ses conditions de détention et du fait qu'il devait être renvoyé en L______. Dans la mesure où sa santé était clairement en danger et que J______ n'était pas à même de le protéger en respectant les standards minimaux en matière de détention, il y avait lieu de constater l'illégalité des conditions de sa détention et de le libérer avec effet immédiat.

x. Le 13 avril 2023, A______ a déposé une demande d'asile auprès du SEM.

y. Le 14 avril 2023, en raison de la demande d'asile déposée la veille, un vol avec escorte policière (DEPA) prévu le 2 mai 2023 a été annulé.

z. Le 18 avril 2023, le TAPI a notamment entendu A______.

Le représentant de l’OCPM a versé à la procédure un courrier du SEM du 11 avril 2023, demandant la délivrance d’un laissez-passer au Consulat d’C______ en faveur de A______, vu la réservation d’un vol le 2 mai 2023, la réservation dudit vol ainsi que la demande d’asile déposée par l’intéressé le 5 avril 2023.

L’OCPM était désormais dans l'attente de la décision du SEM sur la demande d'asile. Si cette dernière était refusée, il reprendrait les démarches en vue de l'organisation d'un nouveau vol avec escorte et l’obtention d'un laissez-passer. La décision du SEM devrait lui parvenir rapidement car A______ faisait l'objet d'une expulsion pénale qui le rendait indigne à l'obtention de l'asile. Il n'aurait plus à être représenté au Consulat C______.

Le conseil de A______ a conclu à sa mise en liberté immédiate.

aa. Par jugement du 20 avril 2023, le TAPI a admis la demande de mise en liberté formée le 11 avril 2023, confirmé l’ordre de mise en détention jusqu’au 2 juillet 2023 inclus, à condition que les conditions de détention de A______ soient adaptées conformément aux considérants et ce, au plus tard le mardi 25 avril 2023 à 14h, et dit que si cette condition n’était pas respectée, ce dernier devait être libéré au plus tard à cette date et heure.

bb. Deux jours plus tard, A______ a été transféré à M______ (ci-après : M______).

cc. Par arrêt du 28 avril 2023, la chambre administrative a rejeté le recours interjeté par A______ contre ce jugement.

Elle avait déjà admis, dans l’arrêt du 16 mars 2023, que les conditions d’une mise en détention administrative étaient réunies, vu notamment les condamnations dont il faisait l’objet, l’absence de toute démarche documentée en vue de quitter la Suisse et se conformer à ces décisions, le comportement adopté et sa situation en Suisse. Par ailleurs, sa mise en détention ayant été prononcée le 23 décembre 2022, soit moins de six mois auparavant, les conditions d’une prolongation étaient toujours réalisées au sens de l’art. 79 al. 2 LEI. Même si la réservation d’une place dans le vol du 2 mai 2023 avait été annulée en raison du dépôt de la demande d’asile, le renvoi en C______ n’apparait pas impossible. Sa nationalité était établie et il ne serait pas nécessaire de le présenter à nouveau au Consulat C______. Mis à part l’acquisition d’un document de voyage ou, à défaut, d’un sauf-conduit, et si sa demande d’asile était rejetée, l’organisation de son retour en C______ pourrait être reprise, de sorte qu’aucun obstacle dirimant n’empêchait son retour. Il alléguait craindre pour sa vie s’il rentrait en C______ sans toutefois l’étayer d’une quelconque manière ni le rendre vraisemblable. C’était ainsi à bon droit que le TAPI n’avait pas retenu que cette allégation constituait un cas de nullité ou d’impossibilité du renvoi. Quant à la procédure d’asile, dont le dépôt apparaissait destiné à retarder l’exécution du renvoi, il ne rendait pas non plus vraisemblable que les chances de succès de sa demande seraient bonnes, à défaut d’avoir étayé les risques qu’il disait encourir. Ainsi la détention administrative du recourant était également fondée sous l’angle de l’art. 75 al. 1 let. f LEI.

B. a. Le 20 juin 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 2 octobre 2023 inclus.

Le 26 juin 2023 se tiendrait son audition concernant sa demande d'asile. La prolongation requise constituait dès lors l’unique moyen de mener à terme son rapatriement. Une telle durée ne violait par ailleurs pas le principe de proportionnalité eu égard au comportement qu’il avait adopté jusque-là.

b. Entendu devant le TAPI le 28 juin 2023, A______ a indiqué que sa situation n’avait pas vraiment évolué depuis le 28 avril 2023. Il était toujours traumatisé par le suicide de son ami survenu à J______. Cela faisait maintenant six mois et une semaine qu'il était en détention administrative et à son âge cela lui était pénible. Il était déprimé. Il demandait la clémence du TAPI. S'il était libéré, il s'engageait à quitter la Suisse dans l’heure. Il avait gagné assez d’argent à J______ et M______ pour ce faire. Le 26 juin 2023, il avait été entendu dans le cadre de sa demande d’asile. L’avocate de N______ qui l'avait assisté lui avait indiqué que ses chances d’obtenir l’asile étaient très faibles. On n’avait pas su lui dire quand la décision le concernant serait rendue. Il avait fait une grève de la faim durant 55 jours, durant la période où il était détenu à J______. Il avait repris, depuis, quelques kilos, mais il n'avait plus d’appétit. Il prenait des antidépresseurs et fumait trop. Il n'en pouvait plus et souhaitait être libéré et quitter la Suisse. Il était entre le marteau et l’enclume. S'il retournait en C______, il serait torturé et ici, il resterait en détention administrative, ce qu'il ne supportait plus. Il jurait que si le TAPI le libérait, il quitterait la Suisse immédiatement. S'il était à nouveau interpellé sur le territoire suisse, il était prêt à purger dix ans de détention administrative, pénale, « la totale ».

Le représentant de l'OCPM a indiqué que son service s’était entretenu le matin même avec le SEM au sujet de la demande d’asile. Il lui avait été répondu qu’une décision serait rendue sous peu. À son avis, ils devraient recevoir une décision dans un délai d’environ une semaine. A______ ayant été présenté au Consulat C______ en mars 2023, il ne serait plus nécessaire de le représenter en vue de l’obtention d’un laissez-passer. Un tel document devrait pouvoir être facilement délivré, en suite de quoi ils pourraient réserver un vol dans un délai d’environ deux mois, une fois la décision d’asile entrée en force. Si toutefois A______ devait être d’accord avec son renvoi en C______, ils devraient pouvoir obtenir une place sur un vol dans un délai inférieur à un mois. Sur question de l’avocate de celui-ci, la pièce 5 de leur dossier confirmait que le vice consul d’C______ était disposé à délivrer un laissez-passer pour A______. Il s’agissait d’un courrier du SEM à leur attention. Ils n'avaient pas de document émanant du consulat d’C______ dans leur dossier. C’était le SEM et non pas l’OCPM qui était en charge des négociations avec les États étrangers. Le SEM ne leur aurait pas donné cette information s’il n’était pas certain de la position du Consulat C______. Le SEM ne leur transmettait pas ses échanges de correspondances avec les États étrangers. L’C______ ne délivrait ses laissez-passer que quelques jours avant la date du vol programmé, ce qui expliquait qu'ils n'avaient pas encore ce document au dossier. Il a conclu à la confirmation de la demande de prolongation de la détention pour une durée de trois mois.

Le conseil de A______ a conclu au rejet de la demande de prolongation et à la libération immédiate de son client, rien n’ayant été organisé en vue du départ de ce dernier, en violation du principe de célérité.

c. Par jugement du 28 juin 2023, le TAPI a prolongé la détention de A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 2 octobre 2023 inclus.

Il n'y avait pas lieu d'examiner à nouveau le motif sur lequel reposait la détention administrative, la légalité de cette dernière ayant déjà été examinée et admise par le TAPI puis la chambre administrative, la dernière fois dans l’arrêt du 28 avril 2023, sans qu'un changement quelconque des circonstances pertinentes ne soit intervenu depuis. Par conséquent, sur ce point, il était renvoyé aux motifs de cette décision.

L'assurance du départ effectif de A______ répondait toujours à un intérêt public certain et s'inscrivait dans le cadre des obligations internationales de la Suisse (cf. not. art. 3 ch. 3 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, reprise par la Suisse dans le cadre du développement de l'acquis de Schengen - Directive sur le retour - RO 2010 5925), étant rappelé que les autorités suisses devaient s'assurer du fait qu'il quitterait effectivement le territoire (art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l’ordonnance sur l’exécution du renvoi et l’expulsion des étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281). À cet égard et à toutes fins utiles, il ne saurait ainsi être remis sans autre en liberté pour quitter la Suisse en choisissant lui-même son lieu de destination. Pour le surplus, vu son refus maintes fois allégué et démontré de retourner en C______, aucune autre mesure moins incisive ne pouvait être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à l'exécution de son refoulement. La détention en cause respectait par conséquent le principe de la proportionnalité.

Il n’en allait pas différemment du principe de diligence et célérité, le temps pris en vue de finaliser le renvoi de l'intéressé ne demeurant pas imputable aux autorités suisses. Ces dernières étaient désormais dans l’attente de la décision sur la demande d’asile et, dès son entrée en force, le représentant de l’OCPM avait expliqué qu’ils pourraient réserver un vol dans un délai d’environ deux mois, soulignant que ce délai pourrait être raccourci si A______ était d’accord de retourner en C______.

La durée de la prolongation de la détention sollicitée par l'OCPM (trois mois) respectait le cadre légal fixé par l'art. 79 LEI, étant précisé que la détention administrative de A______, même après cette prolongation, n’aurait de loin pas atteint la durée maximale possible au sens de cette disposition (art. 79 al. 2 let. a LEI). Cette durée apparaissait au surplus nécessaire et adéquate, vu les démarches en cours.

C. a. Par acte remis au greffe le 10 juillet 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation et à sa mise en liberté immédiate.

Il vivait en Suisse depuis 2019 et y avait été condamné à quelques reprises pour de petits délits. L’expulsion judiciaire prononcée en juillet 2020 avait pris fin le 6 juillet 2023. Il était disposé à quitter immédiatement et définitivement la Suisse mais pas à retourner en C______, pays qu’il avait quitté il y avait 29 ans et avec lequel il n’avait plus de lien. Aucune assurance des autorités C______ relative à la délivrance d’un laissez-passer ne figurait au dossier.

Le TAPI aurait dû prendre acte que les démarches n’avaient pas permis d’obtenir un laissez-passer depuis le 23 décembre 2022. Les affirmations selon lesquelles ce document pourrait être obtenu quelques heures avant le vol paraissaient inexactes. Aucun laissez-passer ne figurait au dossier et on se demandait pourquoi le SEM attendrait quelques heures avant le vol pour solliciter un tel document. Les principes de célérité et de diligence accrue n’avaient pas été respectés.

La décision était par ailleurs inopportune. La détention devait constituer l’exception. Son maintien en détention était excessivement onéreux alors qu’il était disposé à quitter la Suisse dans l’heure suivant sa libération.

b. Le 12 juillet 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les autorités C______ avaient délivré le 25 avril 2023 le laissez-passer nécessaire à l’expulsion prévue le 2 mai 2023, et mise en échec par le dépôt de la demande d’asile. Il produisait le document. Les principes de célérité et de diligence accrue n’avaient pas été violés.

Le délai d’échéance de l’expulsion prononcée le 6 juillet 2020 pour une durée de trois ans n’avait pas commencé à courir, dès lors que A______ ne s’était jamais soumis à cette mesure.

Le recourant était démuni de toutes ressources, lieu de résidence et attache sérieuse avec la Suisse. L’exécution de son expulsion revêtait de manière évidente un intérêt public prépondérant et aucune autre mesure n’était apte à garantir sa disponibilité le moment venu.

S’il se souciait réellement des frais engendrés par sa détention, il pouvait y mettre un terme en coopérant à l’organisation de son départ de Suisse.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti au 13 juillet 2023 à 15h00.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la procédure était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 11 juillet 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Il y a lieu d’examiner si les conditions générales de la mise en détention administrative et de sa prolongation sont réunies.

3.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

3.2 À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si celle-ci a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4). Selon la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice, pour qu'une personne puisse être mise en détention sur la base de cette disposition, elle doit avoir été condamnée par une juridiction pénale de première instance, sans qu'il soit nécessaire que le jugement soit définitif (ATA/127/2015 du 3 février 2015 consid. 6).

L’art. 75 al. 1 let. f LEI, auquel renvoie également l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, prévoit un autre motif de détention, lorsque la personne concernée séjourne illégalement en Suisse et dépose une demande d’asile dans le but manifeste d’empêcher l’exécution d’un renvoi ou d’une expulsion, tel pouvant être le cas notamment lorsque le dépôt de la demande d’asile aurait été possible et raisonnablement exigible auparavant et que la demande est déposée en relation chronologique étroite avec une mesure de détention, une procédure pénale, l’exécution d’une peine ou la promulgation d’une décision de renvoi.

Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI).

3.3 En l’espèce, la chambre de céans a déjà admis dans ses précédents arrêts des 16 mars et 28 avril 2023 que les conditions de la mise en détention administrative du recourant étaient réunies, vu notamment les condamnations dont il faisait l’objet, l’absence de toute démarche documentée en vue de quitter la Suisse et de se conformer à ces décisions, le comportement qu’il avait adopté et sa situation en Suisse. Or, ces circonstances n’ont pas changé.

Le recourant ne peut être suivi lorsqu’il fait valoir que son expulsion aurait « pris fin » le 6 juillet 2023. L’art. 66c al. 5 CP prévoit en effet que la durée de l’expulsion est calculée à partir du jour où la personne condamnée a quitté la Suisse. Or, il n’a jamais quitté le territoire, de sorte que son expulsion n’a pas été exécutée à ce jour et que la garantie de son exécution fonde toujours la détention administrative, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. h LEI.

À cela s’ajoute qu’il a déposé une demande d’asile le 13 avril 2023 alors qu’un rapatriement était programmé le 2 mai 2023, entraînant l’annulation de ce dernier. Or, il était détenu depuis décembre 2022 et séjournait en Suisse depuis 2019, de sorte que la chronologie dans laquelle s’inscrit sa demande d’asile peut conduire à considérer celle-ci comme visant à empêcher l’exécution de son renvoi, ce qui permet de fonder sa détention également sur l’art. 75 al. 1 let. f LEI par renvoi de 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI.

La mise en détention du recourant a par ailleurs été prononcée le 23 décembre 2022, soit il y a un peu plus de six mois, les conditions d’une prolongation sont toujours réalisées au sens de l’art. 79 al. 2 LEI, comme examiné ci-après.

Il suit de là que les conditions de la détention sont réunies.

4.             Le recourant se plaint de la violation des obligations de célérité et de diligence.

4.1 Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

4.2 En l’espèce, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il soutient que les autorités suisses n’ont pas été en mesure d’obtenir des autorités C______ un document de voyage. Il a pu suivre, à tout le moins lors de ses comparutions successives devant le TAPI les 27 décembre 2022, 28 février, 18 avril et 28 juin 2023, toutes les démarches entreprises par le SEM et l’OCPM pour obtenir sa reconnaissance et un laissez-passer. Le 22 mars 2023, il a été présenté aux autorités consulaires C______ et le Consul a indiqué qu’un laissez-passer serait délivré.

Le recourant affirme ne pas comprendre pourquoi le SEM ne demande un laissez-passer qu’au dernier moment. Or, le représentant de l’OCPM a expliqué le 28 juin 2023 lors de l’audience devant le TAPI que l’C______ ne délivrait ses laissez-passer que quelques jours avant la date du vol programmé, ce qui expliquait qu'il n'avait pas encore ce document au dossier.

L’OCPM a depuis lors produit une copie du laissez-passer délivré le 25 avril 2023, soit peu de temps avant le vol prévu le 2 mai 2023. Le recourant ne soutient pas qu’il ne pourrait en aller de même le jour où les démarches en vue de l’exécution pourraient être reprises.

Le grief sera écarté.

5.             Le recourant critique enfin l’opportunité de la décision de mise en détention et de la prolongation de celle-ci.

5.1 À teneur de l’art. 10 al. 2 2e phr. LaLEtr, la chambre de céans est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en matière de détention administrative en vue d’expulsion.

5.2 En l’espèce, il n’est pas douteux que l’exécution du renvoi du recourant correspond à un intérêt public certain. Celui-ci séjourne depuis plusieurs années de manière illégale en Suisse, où il dispose d’aucun moyen de subsistance, d’aucun logement ni d’aucun domicile fixe et ne fait pas valoir d’attaches. Il a été condamné à plusieurs reprises et n’a jamais donné suite à l’expulsion judiciaire pénale qui a été prononcée contre lui le 6 juillet 2020. Il ne peut être expulsé vers d’autres pays et a encore récemment manifesté son opposition à son renvoi en C______. L’opportunité de son maintien en détention aux fins de garantir l’exécution de ce renvoi ne fait dès lors aucun doute, le risque qu’il disparaisse dans la clandestinité étant avéré, seul un renvoi à destination de l’C______ était possible, puisqu’il s’agit du seul pays dans lequel il est autorisé à se rendre.

Les coûts pour la collectivité de sa détention, invoqués par le recourant, ne sont que la conséquence de l’application de la loi, laquelle de prévoit pas leur prise en compte dans une pesée d’intérêts, de sorte qu’ils sont sans pertinence s’agissant d’examiner l’opportunité de celle-ci.

Pour le surplus, la durée de la procédure, et partant de la détention, a été prolongée du fait du refus de collaborer puis du dépôt de la demande d’asile par le recourant, à des fins probablement dilatoires. Il ne tient qu’à lui de coopérer à l’exécution de son renvoi, ce qui lui permettrait de retrouver rapidement la liberté.

Les griefs seront écartés.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 juillet 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dina BAZARBACHI, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à M______ , pour information.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY et Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :