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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1663/2022

ATA/681/2023 du 27.06.2023 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1663/2022-FPUBL ATA/681/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 27 juin 2023

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Charles PIGUET, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Me Nathalie SUBILIA, avocate

 



Attendu, en fait, que :

1) A______, né le ______ 1972, a été engagé par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en qualité d'infirmier en soins généraux au département B______, à 100 % et en classe maximum de traitement 12, avec entrée en fonction le 1er octobre 2001. Il a baissé son taux d'activité à 80 % en 2014.

2) Entre le 1er octobre 2004 et la fin de l'année 2021, A______ a changé de service ou d'unité à quatre reprises (dont une à titre de mesure de reclassement) et fait l'objet de douze évaluations (neuf globalement bonnes et trois globalement peu satisfaisantes) et, en 2017, d'un entretien de service. Lui avaient été reprochés, à cette dernière occasion, l'administration d'un médicament sans prescription médicale même a posteriori, l'utilisation abusive du téléphone portable pendant ses heures de service ainsi que des moments de « disparition » où il laissait ses collègues s'occuper des patients.

3) Le 16 février 2022, A______ a été convoqué à un entretien de service au sujet des « événements de la nuit du 4 au 5 février 2022 » et de son comportement. Il avait le droit d'être accompagné.

4) L'entretien de service a eu lieu le 15 mars 2022 en présence de A______, de sa supérieure hiérarchique directe C______ et de D______, responsable des ressources humaines (ci-après : RH). Un procès-verbal a été tenu.

Les sujets abordés étaient « les événements de la nuit du 4 au 5 février 2022 » (durant laquelle il n'avait notamment pas effectué son travail d'infirmier transverse, avait « disparu » sans annonce préalable durant 4h15 au total et n'avait répondu à aucune sonnette ; une absence durant six heures la nuit précédente a également été évoquée) et « le comportement de A______ » (défaut de communication manifeste, absence d'entraide et de collégialité, absence de conscience professionnelle et de respect des valeurs institutionnelles). Il s'agissait de manquements graves aux devoirs de service, qui pouvaient déboucher sur une sanction allant du blâme au licenciement.

Les reproches se fondaient sur des courriels reçus par E______, cadre infirmier de l'unité 1______ au sein de laquelle A______ avait travaillé au début du mois de février, émanant de deux collaboratrices de ladite unité, F______ et G______.

5) A______ s'est déterminé par le biais de son syndicat le 5 avril 2022. Le procès-verbal ne reflétait pas ses propos, qui avaient été soit déformés soit « oubliés ».

Il donnait sa version des faits survenus dans la nuit du 4 au 5 février 2022. Il s'était absenté moins d'un quart d'heure pour voir une collègue, en obtenant préalablement la permission pour ce faire. Il avait travaillé jusqu'à 4h00, et s'était assoupi pendant 1h30, ce qui incluait son heure de pause obligatoire de nuit et sa pause de 20 minutes. Il sollicitait diverses mesures d'instruction et demandait que ne soit prise aucune sanction à son encontre.

6) Par décision du 10 mai 2022, les HUG, se référant à un entretien qui se serait tenu le jour même – mais dont aucune trace ne figure au dossier de la procédure –, ont indiqué à A______ que les motifs évoqués lors de l'entretien de service étaient dûment établis et constitutifs d'un motif fondé de résiliation des rapports de travail, et ont ouvert une procédure de reclassement.

Un point de situation sur celle-ci ainsi que sur les recherches d'emploi de A______ serait effectué à la fin du mois de mai 2022.

7) Par acte posté le 20 mai 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation, à ce qu'il soit dit que les faits qui lui étaient reprochés n'étaient pas constitutifs d'un motif fondé de résiliation et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'ouverture d'une procédure de reclassement constituait une décision incidente. Le recours contre une telle décision n'était ouvert qu'à des conditions restrictives, mais tel était le cas selon le Tribunal fédéral lorsqu'une telle décision était prise en se fondant sur un examen a priori de la situation, sans avoir procédé à une instruction complète. Or, la décision litigieuse se fondait sur des faits qu'il n'admettait absolument pas et qui ne ressortaient que du témoignage de l'équipe avec laquelle il était manifestement en conflit, étant précisé que lors des faits, son unité avait été fermée temporairement et ses infirmiers affectés à d'autres unités. Si l'établissement des faits ne pouvait être opéré correctement dans la présente procédure, il s'exposerait à un préjudice difficilement réparable, dès lors que l'ensemble de la procédure suivie différerait considérablement de celle qui serait conduite si sa version des faits était retenue. Il y avait partant lieu d'entrer en matière sur le recours.

Sur le fond, les événements allégués lors de l'entretien de service n'étaient pas démontrés et ne pouvaient fonder une résiliation des rapports de service. Ses offres de preuve légitimes étaient demeurées sans réponse de la part des HUG, qui avaient ainsi violé son droit d'être entendu.

8) Le 1er juillet 2022, les HUG ont conclu, « à la forme » à l'irrecevabilité du recours, « au fond » à son rejet et au constat de l'existence d'un motif fondé, et préalablement au retrait de l'effet suspensif au recours.

Les HUG disposaient d'un intérêt public à poursuivre la procédure de reclassement de l'intéressé. Le lien de confiance avec ses collègues et sa hiérarchie était totalement rompu, de sorte que la poursuite des rapports de travail serait particulièrement difficile, sans compter l'intérêt public fondamental à ce que les services fonctionnent « en toute collégialité », dans le but de servir les intérêts des patients et de garantir des soins de qualité. Le recourant n'avait quant à lui pas d'intérêt prépondérant.

Sur le fond, il ne démontrait pas de quelle manière il subirait un préjudice irréparable de par l'ouverture d'une procédure de reclassement. Avant même les événements de février 2022, le recourant avait émis le souhait d'être affecté à un nouveau service, idéalement au département H______. Depuis l'entretien de service du 15 mars 2022, il recherchait activement, avec l'appui des RH des HUG, un poste vacant répondant à son profil. Un poste à la clinique I______lui avait été proposé, mais il avait rejeté cette proposition.

Cela étant, les manquements pointés lors de l'entretien de service étaient graves et constituaient une faute grave et un motif fondé de reclassement au sens de l'art. 22 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

9) Le 19 avril 2023, le juge délégué a demandé aux parties de bien vouloir indiquer si le recourant travaillait toujours aux HUG et, le cas échéant, dans quelles fonctions et service et à quelles conditions.

10) Le 27 avril 2023, A______ a confirmé travailler toujours aux HUG, au sein du même service. La procédure de reclassement « toujours en cours » n'avait abouti à aucun résultat.

Il avait repris son activité le 1er octobre 2022, mais demeurait en incapacité de travail à hauteur de 40%, incapacité de travail exclusivement due à la procédure de reclassement, qui l'atteignait fortement sur le plan psychologique. Il joignait les derniers certificats médicaux émis par son psychiatre traitant.

La situation lui semblait incompréhensible. Il avait de bons états de service, était apprécié dans son service habituel et ne comprenait pas pourquoi un incident isolé, intervenu dans un service qui n'était pas le sien, au contact d'un groupe soudé qui l'avait manifestement « pris en grippe », devrait entraîner une réaction aussi disproportionnée.

11) Le 28 avril 2023, les HUG ont rappelé qu'ils avaient conclu dans leur réponse au retrait de l'effet suspensif au recours. La chambre administrative ne s'étant pas encore prononcée, ils avaient dû maintenir le recourant en emploi. Celui-ci travaillait donc toujours à 80% au service de chirurgie viscérale, en classe de traitement 15, annuité 18.

Le recourant avait en outre été en incapacité de travail totale ou partielle à plusieurs reprises (soit du 17 mars au 15 mai 2022, à 40% ; du 13 au 17 juillet 2022, à 100% ; du 4 août au 30 septembre 2022, à 100% ; du 1er octobre au 31 décembre 2022, à 50% ; du 1er janvier au 28 février 2023, à 20% ; et dès le 1er mars 2023, à 40%). Les certificats médicaux faisaient mention d'une incapacité au travail en garde de nuit, si bien qu'il n'était « planifié » qu'à son taux de travail résiduel et de jour.

Aucun poste n'avait pu être identifié jusque-là pour reclasser le recourant.

12) Le 26 mai 2023 s'est tenue une audience de comparution personnelle des parties.

Sur la suite de la procédure, le recourant a indiqué qu'il maintenait sa position initiale, à savoir qu'il serait indiqué que la chambre administrative instruise l'affaire sur le fond. Quant aux HUG, ils souhaitaient qu'il soit dans un premier temps statué sur l'effet suspensif.

Le recourant a par ailleurs déclaré qu'il travaillait à 60%, mais que si on le changeait de service, il pouvait reprendre son taux contractuel de 80%. Il enverrait une attestation de son psychiatre afin d'en expliquer les motifs. Les HUG ont répondu qu'ils avaient décidé d'ouvrir une procédure de reclassement dans ce dossier pour faire les choses le mieux possible. Cela étant, si l'intéressé ne se sentait pas bien dans son service et qu'il se sentirait a priori mieux dans un autre service, on peinait à comprendre pourquoi il recourait contre l'ouverture d'une procédure de reclassement.

À l'issue de l'audience, un délai au 9 juin 2023 a été imparti au recourant pour se déterminer sur la demande de retrait de l'effet suspensif.

13) Le 9 juin 2023, le recourant a conclu à son rejet.

Selon la jurisprudence, l'effet suspensif ne devait être retiré que s'il s'agissait d'écarter une mise en danger grave et imminente. Or, la demande de retrait de l'effet suspensif datait de plus de onze mois, et les HUG ne l'avaient jamais libéré de son obligation de travailler, si bien qu'il avait repris son activité le 1er octobre 2022. Rien n'indiquait que la poursuite des rapports de service était compliquée. Il n'y avait aucune urgence, et les HUG n'alléguaient pas le moindre problème en lien avec la qualité des soins ni de collégialité au sein du service où il officiait.

Il bénéficiait d'un intérêt prépondérant au maintien de l'effet suspensif. En effet, le retrait de celui-ci permettrait aux intimés de poursuivre la procédure de reclassement et de rendre une décision de résiliation des rapports de service vidant le recours de son objet. Or, le Tribunal fédéral avait admis un recours immédiat contre une décision d'ouverture de la procédure de reclassement pour que la chambre administrative puisse déterminer si la décision contestée se fondait sur un examen complet de la situation, ce qu'il contestait en l'espèce.

De plus, du fait des accusations portées contre lui, qu'il contestait, il subissait un important « préjudice réputationnel ». Il avait un intérêt évident au maintien de l'effet suspensif afin qu'il soit statué sur les reproches qui lui étaient faits. Si le recours était admis, cela lui permettrait en outre de solliciter son transfert dans un autre service sans être pénalisé par le contenu de l'entretien de service du 15 mars 2022.

Enfin, les intimés ne mettaient pas en cause la qualité de ses prestations au sein de son unité, lui reprochant uniquement un épisode isolé au sein d'une unité qui n'était pas la sienne, et avaient toléré sans jamais s'en plaindre qu'il poursuive son travail au sein de l'unité JUL82 où il officiait depuis cinq ans.

14) Par écriture spontanée du 9 juin 2023, les intimés ont conclu au retrait de l'effet suspensif. Le recourant avait été en incapacité de travail totale ou partielle depuis le 28 février 2022, et n'avait retrouvé sa pleine capacité de travail que juste après l'audience du 26 mai 2023. Lors de celle-ci, il avait mentionné souhaiter changer de service, ce qui était en contradiction avec sa démarche de recourir contre l'ouverture de la procédure de reclassement.

Étaient joints un relevé d'absences ainsi qu'un courriel de C______ adressé à la responsable RH le 2 juin 2023. Elle y indiquait notamment ce qui suit : « Lors des jours de travail il est présent et fait ce qui est à faire. De mon côté je ne lui demande rien d'autre que ce qui est à faire et ne lui ai confié aucun mandat ou responsabilité. [ ] Il se montre en retrait et peu enjoué. Il existe des tensions avec certains collègues de l'unité mais je n'en ai jamais été témoin. Les relations avec moi sont polies mais pas très chaleureuses et détendues. Le lien de confiance réciproque est limité et ne permet pas de s'inscrire dans des relations de travail plus harmonieuses, plus sereines pour l'équipe comme pour lui ».

15) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Le recours a été interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par la présidente, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de ceux-ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 20 juin 2023).

3) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3 ; ATA/997/2015 du 25 septembre 2015 consid. 3).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 
253-420, p. 265).

L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; du 18 septembre 2018).

5) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

6) Selon l’art 21 al. 3 LPAC, applicable aux HUG selon l'art. 1 al. 1 let. e LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; elle motive sa décision ; elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées à l’art. 46A RPAC.

Selon l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

7) a. Les décisions incidentes ne sont susceptibles de recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

b. Dans sa jurisprudence rendue avant 2017, la chambre de céans a en général nié l'existence d'un préjudice irréparable en cas d'ouverture d'une procédure de reclassement, une telle décision étant au contraire destinée, dans l’hypothèse où le reclassement aboutirait, à éviter ou à atténuer les effets de la décision de licencier envisagée (ATA/1149/2015 du 27 octobre 2015 ; ATA/923/2014 du 25 novembre 2014).

c. Le Tribunal fédéral a néanmoins admis l'existence d'un préjudice irréparable dans un cas genevois, dans lequel le recourant n'avait eu d'autre choix que d'accepter une rétrogradation comme alternative à son licenciement, nouvelle affectation qui ne découlait toutefois pas d'un agrément passé entre lui et son employeur, mais des particularités propres à sa situation personnelle qui rendaient en pratique illusoire toute perspective réelle de réinsertion professionnelle en cas de licenciement. L'irrecevabilité prononcée revenait de facto à priver le recourant de la possibilité de contester devant l'autorité de recours les motifs qui avaient conduit à son changement d'affectation (au sens de l'art. 12 al. 3 LPAC). Le recourant ne pouvait en définitive les contester que s'il provoquait la résiliation de ses rapports de service, en s'opposant d'emblée à tout reclassement, ou en cas d'échec d'un reclassement. Or, déjà au moment du prononcé de la décision incidente, il apparaissait évident que le recourant n'avait guère d'autre choix que d'accepter toute mesure qui lui serait proposée comme alternative à son licenciement, en dépit de l'important déclassement professionnel, personnel et salarial que cela impliquerait. Du moment qu'il ne pouvait pas faire contrôler par le juge la réalité d'un motif fondé de résiliation des rapports de service au sens des art. 22 LPAC et 46A du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) sans renoncer du même coup à un reclassement, le recourant subissait un préjudice irréparable, qu'il soit d'ordre juridique ou à tout le moins de fait. L'acceptation de la proposition de reclassement par le recourant n'était finalement pas susceptible de supprimer l'intérêt actuel juridique ou pratique au traitement de son recours, le recourant persistant en effet à contester les motifs de l'ouverture de la procédure de reclassement et à demander sa réintégration dans sa fonction précédente (ATF 143 I 344 consid. 7 et 9).

Quoi qu'il en soit, le recours contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement, préalable au prononcé d'un licenciement administratif, n’est ouvert qu’à des conditions restrictives (ATF 143 I 344 consid. 7.5 et 8.3 ; ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 3). Cela étant, le législateur genevois avait envisagé la possibilité d'un recours au stade déjà de l'ouverture de la procédure de reclassement. En effet, l'autorité compétente ordonnait l'ouverture d'une procédure de reclassement en se fondant sur un examen a priori de la situation conflictuelle, sans avoir à procéder à une instruction complète. Il n'était ainsi pas nécessaire que les faits soient établis avec certitude, la vraisemblance étant suffisante. Il fallait, mais il suffisait au sens de l'art. 46A RPAC, qu'un certain nombre de faits déterminants soient constatés avec un degré de vraisemblance suffisant lors d'entretiens de service pour apparaître plausibles et soient assez sérieux pour justifier l'ouverture de la procédure (« dûment établis »). Un tel examen pouvait dès lors conduire, comme l'avait expressément relevé le Conseil d'État dans les travaux préparatoires, à des situations « à la limite » ; le contrôle juridictionnel étant alors « déterminant » pour éviter de « faire échouer le traitement RH adéquat » (ATF 143 I 344 consid. 7.5 et les références citées).

d. Depuis lors, dans un cas, la chambre de céans a admis la recevabilité d'un recours interjeté contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement (ATA/37/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2b). La décision litigieuse retenait que l’inaptitude totale de travail du recourant justifiait l’ouverture de la procédure de reclassement ; or, si la question du bien-fondé de l’inaptitude retenue, qui n’avait pas été établie dans le respect des règles applicables à une telle situation, ne pouvait pas être examinée à cette occasion, le recourant s’exposerait à un préjudice difficilement réparable, dès lors que l’ensemble de la procédure suivie alors différerait considérablement de celle qui serait conduite si son aptitude, même partielle, était reconnue. Partant, il y avait lieu, dans ces circonstances particulières, d’entrer en matière sur son recours.

Dans d'autres cas, la chambre administrative a déclaré les recours sans objet ou irrecevables parce que la décision au fond avait été rendue dans l'intervalle (ATA/1356/2021 du 14 décembre 2021 consid. 2 et les arrêts cités), ou a laissé la question de la recevabilité ouverte (ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2c).

e. S'agissant de l'effet suspensif, la présidence de la chambre administrative a, en 2022, refusé la restitution de l'effet suspensif à un recours formé contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement, considérant que l’intérêt public à la poursuite de la procédure de reclassement en cours apparaissait d'autant plus important que la libération de l’obligation de travailler de la fonctionnaire concernée durait depuis huit mois. La recourante n’exposait pas quelle urgence imposerait l’adoption de mesures conservatoires, la simple perspective de devoir accepter un poste au terme de la procédure de reclassement ne constituant qu’une hypothèse et ne conférant pas de caractère urgent à la situation. Il n’existait ainsi aucun intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (ATA/807/2022 du 16 août 2022).

8) Les intimés demandent le retrait de l’effet suspensif au recours déposé contre l’ouverture de la procédure de reclassement et plaident la nécessité d'aller de l'avant dans ladite procédure.

En l'espèce, la situation est différente de celle qui prévalait dans l'ATA/807/2022 précité. En effet, les intimés n'ont pas libéré le recourant de son obligation de travailler et, par un concours de circonstances, le recours a déployé effet suspensif jusqu'à aujourd'hui, le recourant travaillant toujours dans son unité, apparemment à la satisfaction globale de sa supérieure, malgré les restrictions mentionnées dans son courriel du 2 juin 2023.

Le recourant ne peut être suivi lorsqu'il entend se prévaloir de l’atteinte à sa réputation que causerait la procédure de reclassement. La chambre de céans a en effet déjà jugé qu'une décision finale favorable au recourant permet de réparer une telle atteinte (ATA/807/2022 du 16 août 2022 ; ATA/1559/2019 du 21 octobre 2019).

S'agissant de la question de la recevabilité du recours, l'on ne se trouve en l'espèce ni dans le cas jugé par le Tribunal fédéral (acceptation d'un poste dans le cadre de la procédure de reclassement), dans lequel un préjudice irréparable est donné, ni dans celui où le licenciement est prononcé, ce qui rendrait le recours sans objet. Il apparaît dès lors indispensable de connaître le résultat de la procédure de reclassement pour savoir si le recours est ou non recevable. Or, ladite procédure ne peut se poursuivre tant que le recours déploie un effet suspensif.

En conséquence, l’intérêt public de pouvoir procéder à la procédure de reclassement apparaît plus important que l’intérêt du recourant au maintien de l'état de fait litigieux.

Au vu de ce qui précède, l’effet suspensif su recours sera retiré.

9) La suite de la procédure sera réglée par courrier séparé, dès lors qu'elle est de la compétence du juge délégué (art. 131 al. 3 LOJ), et le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

retire l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, s’il est formé avant le 1er juillet 2023 au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, s’il est formé dès le 1er juillet 2023 au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Charles PIGUET, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Nathalie SUBILIA, avocate des Hôpitaux universitaires de Genève.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. DIKAMONA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :