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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/721/2023

ATA/626/2023 du 13.06.2023 sur JTAPI/295/2023 ( PE ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;DROIT DES ÉTRANGERS;RESSORTISSANT ÉTRANGER;AUTORISATION DE SÉJOUR;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTENTION DE SE MARIER;FIANÇAILLES
Normes : LPA.60.al1.leta; LPAS.60.al1.letb; CEDH.8
Résumé : Recours contre le jugement d'irrecevabilité du TAPI. Un fiancé recourt, sans le concours de sa fiancée, contre la décision de l'OCPM de refus d'autorisation de séjour la concernant. Cette dernière ne signe pas le recours, nonobstant la sommation du TAPI de le faire. Les deux ensembles recourent à la chambre contre ledit jugement. Faute d'avoir recouru devant le TAPI, la recourante ne bénéficie pas de la qualité pour recourir, l'art. 60 al. 1 let. a LPA étant un préalable et non une alternative à l'art. 60 al. 1 let. b LPA. Faute d'apporter la preuve d'une relation effective, durable et intense, la qualité pour recourir « par ricochet » ne peut être admise pour le recourant, il en va de même sous l'angle de l'art. 8 CEDH. Recours irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/721/2023-PE ATA/626/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juin 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 mars 2023 (JTAPI/295/2023)


EN FAIT

A. Par décision du 31 janvier 2023, notifiée à A______, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) lui a refusé l'octroi d'une autorisation de séjour de courte durée en vue de mariage avec B______, au motif que ce dernier était titulaire d'une carte de légitimation de type F (admission provisoire), ne permettant pas à A______ d'acquérir un droit de séjour du fait du mariage ni de recevoir une carte de légitimation. Son renvoi a également été prononcé.

B. a. Par acte du 2 février 2023, B______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision.

b. Par lettre recommandée du 2 mars 2023, reçue le 4 mars 2023, le TAPI a imparti un délai à A______, sous peine d'irrecevabilité, au 7 mars 2023 pour signer l'acte de recours, au motif que c'était elle qui avait la qualité pour recourir et non son fiancé, B______. Elle devait aussi s'acquitter de l'avance de frais au 3 avril 2023.

c. L'avance de frais a été versée le 6 mars 2023.

d. Le 15 mars 2023, le TAPI a déclaré irrecevable le recours déposé par B______.

Ce dernier n’était pas le destinataire de la décision de l'OCPM, qui concernait uniquement A______, et n'avait qu'un intérêt indirect à sa modification ou son annulation, lequel ne suffisait pas à lui reconnaître la qualité pour recourir.

C. a. A______ et B______ ont formé recours contre ce jugement par acte expédié le 14 avril 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Ils ont conclu à l'annulation de la décision de l’OCPM du 31 janvier 2023 et du jugement du 15 mars 2023 et, cela fait, à ce qu’il soit ordonné à l'OCPM de préaviser favorablement la demande d'autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage.

Ils ont exposé s’être rencontrés dans le courant de l'année 2017. Le 8 octobre 2019, ils avaient fait une demande d'ouverture d'un dossier de mariage auprès de l'état civil de la commune de C______, puis une demande d'autorisation de séjour pour regroupement auprès de l'OCPM le 5 décembre 2019.

Les recourants ont développé les éléments fondant selon eux un cas de rigueur au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Le recours formé devant le TAPI avait malencontreusement été signé par B______ à la place de sa compagne, A______, alors qu'il ne « possédait pas la qualité de recourant ».

b. L’OCPM a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.

c. Dans leur réplique du 24 mai 2022, A______ et B______ ont à nouveau exposé des arguments au fond.

d. Les parties ont été informées, le 26 mai 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             La chambre de céans examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/91/2023 du 31 janvier 2023 consid. 1 ; ATA/139/2021 du 9 février 2021 consid. 2).

1.1 En vertu de l'art. 60 al. 1 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir. Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/276/2023 du 21 mars 2023 consid. 2a ; ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a et l'arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698).

1.2 Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés et l'intérêt invoqué, qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_837/2013 du 11 avril 2014 consid. 1.1). Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l'admission du recours, c'est-à-dire que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 30 consid. 2 ; 137 II 40 consid. 2.6.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; ATA/425/2017 précité consid. 4b ; ATA/767/2016 du 13 septembre 2016 consid. 2b). Un intérêt seulement indirect à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée n'est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1). D'une manière générale, la jurisprudence et la doctrine n'admettent que de manière relativement stricte la présence d'un intérêt propre et direct lorsqu'un tiers désire recourir contre une décision dont il n'est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3). Les tiers ne sont en effet pas touchés par une décision de la même manière que son destinataire formel et matériel, dans la mesure où elle ne leur octroie pas directement des droits ni leur impose des obligations (François BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative, in : Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, Les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 43 ss).

1.3 La qualité pour recourir a été reconnue pour des tiers non destinataires de la décision de refus d'autorisation de séjour en raison de la relation effective, des liens de filiation et/ou des liens du mariage les unissant au destinataire de la décision et aux conséquences que la décision entreprise pourrait avoir pour l'ensemble de la famille (ATA/391/2018 du 24 avril 2018 consid. 2 ; ATA/1490/2019 du 8 octobre 2019 consid. 2 ; ATA/1481/2019 du 8 octobre 2019 consid. 2).

1.4 Les fiancés ou les concubins ne sont, sous réserve de circonstances particulières, pas habilités à invoquer l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Ainsi, l'étranger fiancé à une personne ayant le droit de s'établir en Suisse ne peut, en principe, pas prétendre à une autorisation de séjour, à moins que le couple n'entretienne depuis longtemps des relations étroites et effectivement vécues et qu'il n'existe des indices concrets d'un mariage sérieusement voulu et imminent, comme par exemple la publication des bans du mariage (ATF 137 I 351 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1035/2012 du 21 décembre 2012 consid. 5.1 ; 2C_207/2012 du 31 mai 2012 consid. 3.3 ; 2C_206/2010 du 23 août 2010 consid. 2.1 et 2.3 et les références citées). Les signes indicateurs d'une relation étroite et effective sont en particulier le fait d'habiter sous le même toit, la dépendance financière, des liens familiaux particulièrement proches, des contacts réguliers (ATF 135 I 143 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_435/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1). La durée de la vie commune joue un rôle déterminant pour décider si des concubins peuvent se prévaloir de l'art. 8 CEDH. Il s'agit en effet d'une donnée objective qui permet d'attester que la relation jouit d'une intensité et d'une stabilité suffisante pour pouvoir être assimilée à une vie familiale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1035/2012 du 21 décembre 2012 consid. 5.1).

2.             2.1 En l'espèce, la recourante n'a pas participé à la procédure de première instance, faute d'avoir recouru contre la décision de l'OCPM querellée, quand bien même le TAPI l’a invitée, sous peine d’irrecevabilité, à signer le recours formé par le recourant seul (ATA/501/2017 du 2 mai 2017). Elle ne prétend à juste titre pas ne pas avoir reçu ce courrier de mise en demeure du 2 mars 2023.

La qualité de partie au sens de l'art. 60 al. 1 let. a LPA constitue un préalable et non une alternative à l'art. 60 al. 1 let. b LPA (ATA/1311/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). Il en découle que dans la mesure où la recourante n’a pas eu cette qualité devant le TAPI, elle ne peut être partie à la procédure devant la chambre de céans, conclusion qui s'impose sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les conditions de l'art. 60 al. 1 let. b LPA sont remplies.

Son recours est donc irrecevable.

2.2 Concernant la qualité pour recourir du recourant, celui-ci était le destinataire du jugement du TAPI déclarant son recours irrecevable. Il a donc la qualité de partie au stade du recours en application de l’art. 60 al. 1 let. a LPA. Reste à déterminer s’il peut se prévaloir d’un intérêt propre et direct à ce que la décision concernant sa compagne soit annulée ou modifiée. (art. 60 al. 1 let. b LPA).

Dans les trois arrêts précités, la chambre de céans a reconnu la qualité pour recourir à des tiers non destinataires de la décision de refus d'autorisation de séjour en raison des liens de filiation et/ou des liens du mariage les unissant au destinataire de la décision et aux conséquences que la décision entreprise pourrait avoir pour l'ensemble de la famille. En l’espèce, si les recourants font valoir une relation entre eux, sa durée, son effectivité et son intensité ne sont pas démontrées, au-delà de leur intention de se marier. Ils ne sont pas liés par un quelconque des liens précités, de sorte, que la qualité pour recourir, « par ricochet », ne saurait être admise pour le recourant.

La solution est identique sous l’angle de l’art. 8 CEDH, faute de démonstration in casu d’une vie commune et étroite s’inscrivant dans une longue durée, une telle durée étant déterminante selon la jurisprudence du Tribunal fédéral dans le cas de concubins.

Le recourant n’a donc pas davantage la qualité pour recourir.

Le recours est partant irrecevable.

3.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée vu ladite issue (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 14 avril 2023 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 mars 2023 ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Claudio MASCOTTO, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.