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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/184/2023

ATA/583/2023 du 05.06.2023 ( EXPLOI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/184/2023-EXPLOI ATA/583/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 juin 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Gilles ROBERT-NICOUD, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé



EN FAIT

A. a. Par décision du 2 décembre 2022, et après que A______ n’eut pas fait usage du délai pour faire valoir son droit d’être entendu qui lui avait été imparti le 4 octobre 2022 par courrier A+, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a notifié à celui-ci, en sa qualité d’exploitant, une amende de CHF 1'145.- à titre de sanction administrative en raison du caractère excessivement bruyant et non conforme aux autorisations accordées de manifestations musicales organisées les 25 et 27 août 2022 en fin de journée au « B______ », dans le parc C______.

b. Il résulte du suivi des envois de la poste que la décision, notifiée par courrier A+, a été distribuée dans le compartiment annexe/boîte aux lettres du destinataire le samedi 3 décembre 2022 à 09h33.

B. a. Par acte remis à la poste le 19 janvier 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation. La décision entreprise n’avait été reçue que le 8 décembre 2022. Sur le fond, les faits dénoncés n’avaient pas été établis. Quant aux constats du rapport de police municipale, ils n’étaient pas crédibles.

b. Le 2 février 2023, le PCTN a conclu à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté.

c. Le 7 mars 2023, A______ a relevé que la pratique consistant à adresser par courrier A+ un pli le vendredi de manière à créer artificiellement un dies a quo était détestable et nuisait à la confiance placée dans l’administration. Il était inadmissible que l’administration s’en prévale pour conclure à l’irrecevabilité du recours. Lors de sa session de septembre 2022, le Conseil des États avait approuvé une motion du Conseil National demandant qu’un courrier A+ arrivé un samedi soit considéré reçu le lundi suivant, pour mettre fin à des confusions qui pouvaient survenir dans tous les domaines juridiques. Un début de délai un samedi ne s’inscrivait pas dans l’ordre juridique suisse. Le délai avait commencé à courir le lundi 5 décembre 2022.

d. Le 10 mars 2023, les parties ont été informées qua la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             La chambre de céans examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/91/2023 du 31 janvier 2023 consid. 1 ; ATA/139/2021 du 9 février 2021 consid. 2).

1.1 Selon l’art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le délai de recours est de 30 jours s’il s’agit d’une décision finale.

Les délais en jours fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 63 al. 1 let. c LPA).

1.2 Le délai court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 17 al. 1 et art. 62 al. 3 LPA). Par ailleurs, lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA). Les délais sont réputés observés lorsque l’acte de recours est parvenu à l’autorité ou a été remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA).

1.3 Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1 2ème phr. LPA. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible (ATA/974/2019 du 4 juin 2019 consid. 2c ; ATA/727/2018 du 10 juillet 2018 consid. 2c). Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser que le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et par l'intérêt public à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, il n’est en principe pas constitutif de formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_11/2018 du 12 juin 2018 consid. 5.1).

1.4 Le fardeau de la preuve de la notification d’un acte incombe à l’autorité, qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2). La jurisprudence établit la présomption réfragable que les indications figurant sur la liste des notifications de la Poste, telle que notamment la date de la distribution du pli, sont exactes. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : si ce dernier ne parvient pas à établir l’absence de la distribution attestée par le facteur, la remise est censée être intervenue à cette date (ATF 42 IV 201 consid. 2.3 ; ATA/852/2022 du 23 août 2022).

1.5 La notification doit permettre au destinataire de prendre connaissance de la décision et, le cas échéant, de faire usage des voies de droit ouvertes à son encontre. Une décision est notifiée, non pas au moment où l’administré en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée. S’agissant d’un acte soumis à réception et adressé par pli non recommandé, telle une décision ou une communication de procédure, la notification est réputée parfaite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/725/2018 précité consid. 2c et les arrêts cités), à savoir dans sa boîte aux lettres ou sa case postale. Il n’est pas nécessaire que celui-ci en prenne réellement connaissance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1) ; il suffit qu’il puisse en prendre connaissance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_430/2009 du 14 janvier 2010 consid. 2.2).

1.6 En l’espèce, la décision querellée a été déposée dans la boîte aux lettre du recourant le samedi 3 décembre 2022, ce que ce dernier ne conteste pas.

Le délai de recours a ainsi couru depuis le 4 décembre 2022, comme le prévoit le texte clair des art. 17 al. 1 et 62 al. 3 LPA, qui n’appellent pas d’interprétation, contrairement à ce que semble considérer le recourant.

Les éventuelles modifications futures du droit de procédure, souhaitées par l’Assemblée fédérale et invoquées par le recourant, sont sans effet sur le sort du litige, qui doit être réglé selon le droit cantonal en vigueur.

Compte tenu de la suspension des délais, le délai de recours est échu le 18 janvier 2023. Remis à la poste le lendemain, le recours est tardif et partant irrecevable.

Le recourant reproche à l’intimée d’avoir posté la décision un vendredi de manière à faire partir le délai de recours un dimanche. Il ne rend pas cette allégation vraisemblable. Quoi qu’il en soit, la computation des délais obéit à la loi et celle-ci prévoit que le délai commence à courir le lendemain de sa réception, même si cela tombe un samedi et en cas de dépôt d’un courrier A+ dans la boîte aux lettres comme en l’espèce (arrêt du Tribunal fédéral 8C_198/2015 précité consid. 3).

Le recourant n’invoque pas pour le surplus de cas de force majeure.

Il sera encore observé que, assisté d’un avocat, il lui était aisé de vérifier grâce au numéro d’acheminement et au suivi des envois à quelle date exactement la décision attaquée avait été déposée dans sa sphère de pouvoir.

Formé hors délai, le recours doit être déclaré irrecevable.

2.             Vu l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 300.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 19 janvier 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 2 décembre 2022 ;

met un émolument de CHF 300.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gilles ROBERT-NICOUD, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :