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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/419/2023

ATA/529/2023 du 23.05.2023 sur DITAI/128/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.06.2023, rendu le 20.07.2023, ADMIS, 2C_359/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/419/2023-PE ATA/529/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 mai 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______, B______et C______, enfants mineurs, agissant par leurs parents, D______ et E______

et

D______ et E______ recourants
représentés par Me Zoubair TOUMIA, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2023 (DITAI/128/2023)


EN FAIT

A. a. D______, ressortissante marocaine née le ______ 1986, est arrivée en Suisse au bénéfice d'une autorisation de travail de courte durée valable du 31 août au 30 septembre 2009, pour une activité de danseuse de cabaret.

b. D______ a trois enfants, soit :

- A______, de nationalité française, née le ______ 2015, de son union avec F______, titulaire d’un permis C, qui a reconnu sa fille le 31 mars 2016 ;

- B______, né le ______ 2018, de nationalité égyptienne, de sa relation avec E______, né le ______ 1976, de nationalité égyptienne ;

- C______, née le ______ 2018, de nationalité égyptienne, de sa relation avec E______.

c. Après que son renvoi a été prononcé, par décision du 6 octobre 2011, elle a sollicité, 29 novembre 2011, un permis de séjour pour cas de rigueur puis le 28 mars 2017 une autorisation de séjour, pour elle-même et A_____, en application de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

Ces demandes ont été refusées par décision du 15 avril 2019 de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), compte tenu de la situation financière instable de l’intéressée, de ses dettes et de l’absence de cas d’extrême gravité, et son renvoi a été prononcé.

Par arrêt du 4 mai 2021, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a admis partiellement le recours interjeté par D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance
(ci-après : TAPI) du 28 avril 2020 et renvoyé la cause à l’OCPM pour nouvelle instruction au sens des considérants, la situation financière de l’intéressée ayant entre-temps évolué et l’OCPM n’ayant pas fait d’examen approfondi quant à l’exigibilité de son renvoi et de celui de ses enfants, notamment au vu de son statut de femme seule, ancienne prostituée, avec trois enfants de deux pères différents et n’étant pas mariée.

d. D______ entretient une relation avec E______ depuis 2011 et fait ménage commun avec lui depuis 2012.

E______ a bénéficié de permis de courte durée, notamment pour études, du 1er mars 2002 au 15 octobre 2008. Il a obtenu une autorisation de séjour pour regroupement familial à la suite de son mariage, le 10 novembre 2009, avec une ressortissante suisse. Le couple s’est séparé le 16 juin 2010 et a divorcé le 9 juillet 2013.

Sa demande de renouvellement de permis de séjour a été refusée par l’OCPM le 7 juillet 2014. À l’issue d’une procédure judiciaire, le rejet de son recours a été confirmé par le Tribunal fédéral par arrêt du 13 septembre 2016.

Le 16 mars 2017, E______ a déposé une « requête et demande d’autorisation de séjour ». À l’issue de la procédure judiciaire, traitant dite demande comme une reconsidération de la décision du 7 juillet 2014, son recours a été rejeté par le Tribunal fédéral le 29 octobre 2018.

Le 19 septembre 2019, l’intéressé a déposé une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative. Elle a été refusée par l’office cantonal de l’inspection et des relations de travail (ci-après : OCIRT) le 2 mars 2020.

E______ a été condamné par le Tribunal de police pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous mains de justice, infraction à la loi fédérale sur l’AVS, séjour illégal pour la période du 20 janvier 2020 au 10 mai 2021, exercice d’une activité lucrative sans autorisation pour la période du 2 mars 2020 au 4 septembre 2020, emploi d’étrangers sans autorisation et trouble de la tranquillité publique, à une peine pécuniaire de 180 jours amende à CHF 30.-, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 600.-.

Selon l’extrait de son casier judiciaire du 12 décembre 2022, E______ fait l’objet, depuis le 7 juin 2022, d’une enquête pénale pour emploi d’étrangers sans autorisation.

e. D______ a bénéficié de l’aide de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 1er juillet 2015 au 31 octobre 2016.

Le 23 juin 2022, elle faisait l’objet de poursuites pour un montant total supérieur à CHF 120'000.- et de 82 actes de défaut de biens pour un montant de
CHF 117’548.-.

B. a. Par décision du 3 janvier 2023, l’OCPM a refusé de délivrer un titre de séjour à D______, E______ ainsi qu’à A______, B______ et C______.

Le couple vivant maritalement depuis plusieurs années à la même adresse, ayant deux enfants communs, et sollicitant que la demande soit traitée sous l’angle d’une unité familiale, une seule décision pouvait être rendue.

D______ n’avait pas démontré remplir les conditions afférentes à la jurisprudence ZHU CHEN et l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). Ses revenus s’élevaient à CHF 4'343.40, allocations familiales comprises, provenant de prestations de l’assurance chômage suite à la faillite de la société G______dont elle était gérante avec E______. Ses charges incompressibles s’élevaient à CHF 5'379.- par mois. Elle présentait un budget déficitaire CHF 2'035.60 mensuels. Sa dette auprès de l’office des poursuites s’était péjorée de plus de CHF 7'000.- en sept mois.

E______ faisait l’objet d’une décision de renvoi définitive et exécutoire. Sa demande devait être traitée sous l’angle de la reconsidération. Il aurait pu évoquer sa relation avec D______ depuis 2011. Il ne s’agissait dès lors pas d’un fait nouveau. Il ne pouvait pas se prévaloir de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), D______ n’ayant pas de droit de séjour en Suisse. Les enfants ne pouvaient invoquer ni un cas de rigueur, ni, pour A______, l’ALCP. Vu leur âge, respectivement 6, 4 et 2 ans, leur intégration en Suisse n’était pas encore déterminante.

b. D______, E______ ainsi que les enfants A______, B______ et C______ ont interjeté recours contre cette décision auprès du TAPI. Ils ont conclu à son annulation, à l’octroi d’une autorisation de séjour en leur faveur et en faveur de leurs enfants, à l’octroi de l’effet suspensif au recours et à la suspension de l’exécution du renvoi de E______.

c. L’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif et à l’octroi de mesures provisionnelles en faveur de E______.

d. Après une réplique sur effet suspensif, par décision du 22 mars 2023, le TAPI a rejeté la demande de mesures provisionnelles formé par le couple et les enfants en ce qu’elle concernait le renvoi de Suisse du précité. Il n’était pas contesté que le recours avait effet suspensif ex lege à l’égard de D______ et de ses trois enfants, de sorte que ceux-ci pouvaient demeurer en Suisse le temps de la procédure. S’agissant de E______, seul entrait en considération le prononcé de mesures provisionnelles. Les lui accorder aboutirait à anticiper le jugement définitif, à compromettre la sécurité du droit et à consacrer la politique du fait accompli. L’intérêt public à ne pas encourager un tel comportement devait primer les intérêts privés de l’intéressé. Pour le surplus, il était loisible à D______ de suivre son compagnon à l’étranger avec leurs enfants pour y vivre leur vie familiale dans l’attente de l’issue de la procédure, étant rappelé que les deux enfants du couple n’étaient pas encore scolarisés.

C. a. Par acte du 4 avril 2023, D______ et E______ ont recouru, pour eux-mêmes et les trois enfants, auprès de la chambre administrative contre la décision du TAPI. Ils ont conclu à l’annulation de la décision attaquée et à la suspension de l’exécution du renvoi du recourant pendant la procédure de recours jusqu’à droit jugé au fond.

La chambre administrative, sur mesures provisionnelles, devait suspendre le renvoi du précité.

À juste titre, le TAPI avait retenu que le recours avait effet suspensif ex lege à l’égard de la recourante et des trois enfants. Seul restait litigieux l’octroi de « l’effet suspensif par mesures provisionnelles » en faveur du recourant.

En raison de la longue durée de leur séjour en Suisse et du fait qu’ils formaient une famille depuis plus de cinq ans, les recourants pouvaient se prévaloir de
l’art. 8 CEDH. Cela n’était contesté ni par l’OCPM ni par le TAPI. En application de la jurisprudence ZHU CHEN en lien avec l’art. 6 ALCP et 24 annexe I de l’ALCP, la recourante et sa fille A______ jouissaient d’un droit de séjour assuré en Suisse. Les liens du recourant avec A______ constituaient une relation analogue à celle de parenté et devaient par conséquent bénéficier de la garantie de l’art. 8 CEDH. Le renvoi de l’intéressé violait le principe de la proportionnalité.

Des mesures provisionnelles devaient être octroyées. Il y avait urgence à éviter la survenance d’un dommage difficile à réparer soit la séparation du recourant de sa famille et la rupture de ses liens avec la Suisse avant qu’une décision au fond ne soit rendue. Ni l’OCPM ni le TAPI ne contestaient l’existence de faits nouveaux et, par conséquent, que les conditions d’une reconsidération étaient remplies. Le fait que la décision du Tribunal fédéral du 13 septembre 2016 soit entrée en force ne pouvait pas rendre l’intérêt public au renvoi du recourant plus important que son intérêt privé au respect de sa vie privée et familiale.

Le recourant avait une obligation d’entretien envers ses descendants et entretenait une relation forte avec les trois enfants. Il avait toujours travaillé et assuré, avec la recourante, l’indépendance financière des siens. Le TAPI avait retenu qu’il faisait l’objet d’une interdiction formelle de travail en Suisse à la suite de la décision de l’OCIRT, de sorte qu’il n’était légalement pas en mesure de contribuer à l’entretien de sa famille. En conséquence, l’OCPM, en ayant refusé toute autorisation de travail et l’effet suspensif au recourant, tendait à réduire les chances de succès de son recours du 6 février 2023 avant même d’examiner la question de l’unité familiale et la capacité du couple d’assurer conjointement leur indépendance financière.

Si la recourante quittait la Suisse, elle ne remplirait plus les conditions de la jurisprudence ZHU CHEN. Le TAPI se trompait lorsqu’il soutenait qu’il lui était loisible de suivre son compagnon à l’étranger avec leurs enfants pour y vivre leur vie familiale dans l’attente de l’issue de la procédure. Il était d’ailleurs disproportionné de demander le déplacement du centre de vie de quatre personnes au lieu de tolérer la présence du recourant en Suisse pendant la durée de la procédure. L’intérêt des enfants du couple à pouvoir grandir en jouissant d’un contact étroit avec leurs deux parents, au sens de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le
24 février 1997 (CDE - RS 0.107) l’emportait sur l’intérêt public au renvoi du recourant.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés étant en substance semblables à ceux présentés devant le TAPI.

c. Dans sa réplique, E______ a persisté dans ses conclusions. Il convenait de tenir compte des capacités financières des membres de la famille sur le long terme. Il produisait deux promesses de travail, l’une du 24 avril 2023 pour une occupation de serveur, à 100%, dans le département night-club de l’entreprise H______, l’autre auprès de I______, en qualité de serveur, pour une occupation à 100% dans le dancing J______.

Les deux attestations ont la même présentation, les mêmes termes et la même police de traitement de texte.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Par écritures spontanées du 12 mai 2023, les recourants ont transmis notamment une attestation du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des Hôpitaux universitaires de Genève du 12 mai 2023, indiquant qu’B______ était suivi à la guidance infantile depuis le 6 mars 2023 ainsi qu’une attestation de la psychiatre de la recourante évoquant son réel investissement dans son traitement, malgré les difficultés.

f. Le contenu des pièces sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Les décisions du TAPI peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative (art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). La décision refusant l’effet suspensif ou de mesures provisionnelles étant une décision incidente, le délai de recours est de dix jours (art. 62 al. 1 let. b et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), délai qui a été observé en l’occurrence.

Selon l'art. 57 LPA, le recours contre une décision incidente est recevable si un dommage irréparable peut être causé. Tel est le cas en l'espèce, le renvoi du recourant à l'étranger pouvant causer un tel dommage (ATA/191/2023 du 28 février 2023 consid. 2 ; ATA/1332/2020 du 22 décembre 2020 consid. 1b).

Le recours est ainsi recevable.

2.             Il convient d’examiner si le refus de restituer l’effet suspensif et d’accorder des mesures provisionnelles au recourant était fondé, l’effet suspensif au recours formé par la recourante et les trois enfants découlant de la loi (art. 66 al. 1 LPA), ce qui n’est pas remis en cause.

2.1 Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA). Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66
al. 3 LPA).

2.2 Les demandes en reconsidération n’entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif (art. 48 al. 2 LPA).

2.3 Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

2.4 L'effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation ou d'une autorisation. La fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344). Dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles est envisageable (ATA/191/2023 précité consid. 4.5 ; ATA/1369/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3a ; ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b).

2.5 En l’espèce, le recourant fait l’objet d’une décision définitive et exécutoire de renvoi. La décision de l’OCPM attaquée devant le TAPI constitue un refus d'entrer en matière sur une demande de reconsidération. N’étant plus en possession d'un droit de séjour, la restitution de l'effet suspensif demeurerait sans portée. Le TAPI a donc, à juste titre, traité sa requête comme une requête de mesures provisionnelles.

3.             L'autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

3.1 Selon la jurisprudence, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1369/2018 précité consid. 3b ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4).

3.2 L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3). Elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (ibidem). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

3.3 Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

3.4 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

3.5 En l’espèce, octroyer au recourant, sous la forme de mesures provisionnelles, le droit de rester en Suisse durant la procédure par-devant le TAPI irait au-delà de ce que la juridiction pourrait ordonner en cas d’admission du recours, qui se limiterait à ordonner à l’autorité d’entrer en matière. Pour ce premier motif déjà, il ne peut être fait droit à la requête de mesures provisionnelles.

Le recourant critique la pesée des intérêts effectué par le TAPI. Le juge de première instance a retenu l’intérêt public à la sécurité du droit, au vu des décisions définitives et exécutoires dirigées contre le recourant, l’intérêt public à ne pas encourager la politique du fait accompli, ainsi que celui au respect de l’égalité de traitement entre les justiciables soumis à la LEI. Il a considéré que l’intérêt privé à rester en Suisse du recourant devait être relativisé, celui-ci sachant, lorsqu’il avait fondé une famille, qu’il n’était pas autorisé à séjourner en Suisse, qu’il n’avait pas expliqué quels problèmes entraîneraient pour la famille son départ, étant rappelé que seule la recourante avait un emploi aux fins de subvenir financièrement aux besoins de la famille.

Ce faisant, le TAPI a retenu des intérêts pertinents et les a pesés sans abuser de son pouvoir d’appréciation.

Certes, le TAPI n’a pas évoqué l’intérêt des enfants à pouvoir rester auprès du recourant. Cet intérêt doit être relativisé par le fait que les enfants sont nés après l’entrée en force de la décision de renvoi de celui-ci et qu’ils ne bénéficient d’aucune autorisation de séjourner en Suisse. Même le certificat médical versé à la procédure en mai 2023 n’impose pas la présence du père, s’agissant uniquement d’un suivi par la guidance infantile, l’attestation ne comportant pour le surplus aucune précision supplémentaire.

L’argument selon lequel l’intéressé est empêché de travailler alors qu’il pourrait contribuer à améliorer la situation financière de la famille doit être écarté, celui-ci n’ayant pas de droit de séjour en Suisse ni l’autorisation d’y travailler.

Un éventuel droit découlant de l’art. 8 CEDH n’est pas établi, est contesté par l’autorité intimée et fait l’objet du présent recours, à l’instar de la perte dudit droit en cas de réunion de la famille à l’étranger. Il sera analysé au fond. En l’état, le recourant fait l’objet d’une décision définitive et exécutoire de renvoi depuis de nombreuses années, et, conformément à l'adage nemo auditur suam (propriam) turpitudinem allegans (nul ne peut se prévaloir de sa propre faute), qui concrétise le principe constitutionnel de la bonne foi et vaut également en matière de droit public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_17/2008 du 16 mai 2008 consid. 6.2 ; ATA/26/2012 du 17 janvier 2012 consid. 10), ne peut se prévaloir du fait accompli.

L'intérêt public au respect des décisions entrées en force est prépondérant face à l'intérêt privé du recourant, et de ses proches, de demeurer en Suisse pendant la procédure.

Ainsi, au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, le TAPI n’a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant les mesures sollicitées.

Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision querellée confirmée.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87
al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 février 2023 par D______ et E______, pour eux-mêmes et leurs enfants A______, B______ et C______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de D______ et E______, pris solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Zoubair TOUMIA, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.