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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2275/2022

ATA/505/2023 du 16.05.2023 ( FPUBL ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT ACTUEL;OBJET DU LITIGE;PRATIQUE JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIVE;CHANGEMENT DE PRATIQUE;INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL);MAXIME INQUISITOIRE;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);INCAPACITÉ DE TRAVAIL;INTÉRÊT MORATOIRE
Normes : LPA.60.al1; LPA.65; LPA.69; Cst.5.al1; Cst.8; Cst.9; LPA.19; SPVG.57; SPVG.42; REGAP.76; RASIS.20; RIN.1; RIN.3; RIN.4; RIN.7.al3
Résumé : Refus de verser à la recourante la prime de sapeuse-pompière pendant son incapacité de travail partielle pour maladie non professionnelle de février à décembre 2021. Le changement de pratique ne rétablissant pas une situation conforme au droit, ne pouvait être opéré sans passer par une révision de la réglementation applicable et est partant contraire au droit. Recours admis dans la mesure de sa recevabilité et autorité condamnée à payer la prime professionnelle pour février à décembre 2021 avec intérêts moratoires à 5 % l'an à compter du premier jour de chaque mois suivant le mois pour laquelle la prime professionnelle est due.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2275/2022-FPUBL ATA/505/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 mai 2023

 

dans la cause

 

Madame A______

représentée par CAP Protection juridique SA, soit pour elle Madame Lucienne de Preux, mandataire

contre

VILLE DE GENÈVE


EN FAIT

1) a. Madame A______ a été engagée par la Ville de Genève (ci-après : la ville) dès le 1er avril 2004 en qualité de sapeuse-opératrice au service d'incendie et secours (ci-après : SIS) en classe 7-9 de l'échelle des traitements alors en vigueur. Après plusieurs promotions avant et après sa nomination, prononcée le 1er avril 2007, elle a été promue sergente-opératrice dès le 1er janvier 2018, en catégorie I de l'échelle des traitements de 2017.

b. Du 21 février 2020 au 17 janvier 2021, Mme A______ a été en incapacité totale de travailler pour cause de maladie. Son incapacité de travail a diminué à 70 % du 18 janvier au 14 février 2021, à 60 % du 15 février au 7 mars 2021, à 50 % du 8 mars au 4 avril 2021, à 40 % du 5 avril au 9 mai 2021, à 30 % du 10 mai au 18 juillet 2021, à 20 % du 19 juillet au 14 novembre 2021 et à 10 % du 15 novembre 2021 au 27 février 2022. Elle a ensuite retrouvé une pleine capacité de travail.

c. À compter du mois de février 2021 et pendant toute la suite de sa période d'incapacité de travail partielle, Mme A______ n'a plus perçu la prime professionnelle de sapeuse-pompière, qu'elle avait encore perçue en janvier 2021, pour un montant de CHF 919.20.

d. Dès le mois de janvier 2022, le Groupement intercommunal de défense incendie (ci-après : groupement SIS) a repris l'ensemble du personnel du SIS de la ville, hormis le personnel de l'unité de protection civile, devenant l'employeur de Mme A______.

2) En novembre 2019, la Cour des comptes a finalisé un audit de légalité et de gestion des indemnités horaires de la ville.

L'absence d'une définition claire des nuisances sous-jacentes à la prime professionnelle des sapeurs-pompiers et l'impossibilité de déterminer les montants indemnisés par type de nuisance engendrait le risque de verser des indemnités pour des nuisances qui n'étaient pas réellement subies et d'indemniser une même nuisance de manière différente à l'échelle de la ville (constat no 4). La ville avait choisi de soumettre les indemnités forfaitaires aux bases de cotisation du deuxième pilier alors que cela n'était pas le cas pour les autres indemnités horaires, ce qui conduisait à indemniser une même nuisance de manière différente en fonction des services et engendrait un risque de non-conformité au règlement de la CAP Fondation de prévoyance intercommunale de droit public de la ville, des Services industriels de Genève et des communes genevoises affiliées, ainsi que d'autres employeurs affiliés conventionnellement (ci-après : CAP). Il n'était pas clair si les indemnités horaires forfaitaires constituaient ou non des compléments fixes non soumis à variation ou répondaient davantage à une facilité opérationnelle de gestion des indemnités variables. Le cas du SIS était réservé, dès lors que les nuisances
sous-jacentes à ces indemnités n'étaient pas clairement définies (constat no 5).

3) Le 27 mai 2020, le conseil administratif de la ville (ci-après : CA) a décidé de valider la composition de la prime professionnelle des sapeurs-pompiers de CHF 919.20 (état en 2020), soit CHF 297.90 pour le risque accru d'accident et de maladie professionnelle, CHF 58.90 pour les travaux pénibles ou salissants, CHF 443.20 pour les horaires irréguliers et CHF 119.20 pour les ambiances particulières. Il a chargé le SIS d'intégrer la composition de la prime dans une nouvelle version de la réglementation d'application relative au personnel en uniforme d'ici fin 2020.

Le CA a pris cette décision après avoir eu connaissance d'une note du 19 mai 2020 du conseiller administratif en charge de l'environnement urbain et de la sécurité, devenu par la suite le département de la sécurité et des sports (ci-après : DSS), exposant l'historique de la prime professionnelle et rappelant qu'elle faisait partie intégrante du salaire assuré auprès de la CAP.

4) a. Le 9 septembre 2020, le CA a décidé que le versement d'indemnités forfaitaires ou mensualisées cessait dès le 31ème jour consécutif d'absence, avec renaissance du droit le premier jour du mois suivant la reprise d'activité. Cette décision était applicable à compter du 1er octobre 2020.

b. Le 28 octobre 2020, le CA a décidé de revenir sur sa décision du 9 septembre 2020 en limitant la perte du droit à l'indemnité de nuisance aux absences pour cause de maladie ou d'accident non professionnels et a reporté l'entrée en vigueur de sa décision au 1er janvier 2021.

c. Le 26 novembre 2020, le secrétaire général de la ville a informé l'ensemble des membres du personnel de la ville des décisions des 9 septembre et 28 octobre 2020.

5) a. Le 8 mars 2021, la commission du personnel du SIS (ci-après : CPSIS), représentée par son président, a demandé à la conseillère administrative en charge du DSS que le personnel en uniforme du SIS fasse l'objet d'une dérogation, avec effet rétroactif au 1er janvier 2021, à la suspension du droit aux indemnités de nuisance en cas d'absence pour cause de maladie ou accident non professionnel. Cette demande a été réitérée le 23 mars 2021.

b. Le 30 mars 2021, la conseillère administrative en charge du DSS a confirmé que la décision du CA était applicable aux membres du personnel du SIS.

c. Le 2 juin 2021, le CA a décidé de ne pas entrer en matière sur la demande de la CPSIS.

6) a. Le 17 juin 2021, la CPSIS a sollicité auprès de la conseillère administrative en charge du DSS que la prime professionnelle du SIS ne fasse plus l'objet d'une dérogation, mais qu'elle soit reconnue comme prime professionnelle rattachée à la réglementation d'application relative au personnel en uniforme du SIS, non soumise à la réglementation concernant l'indemnisation des nuisances, avec effet rétroactif au 1er janvier 2021. Sa demande reposait sur l'avis de droit de Me B______ du 2 juin 2021 annexé.

b. Le 19 juillet 2021, la conseillère administrative en charge du DSS a informé la CPSIS que le CA avait décidé de ne pas entrer en matière sur sa demande.

Le recours interjeté contre ce courrier notamment par Mme A______ a été déclaré irrecevable par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 8 février 2022 (ATA/132/2022), les recourants devant solliciter auprès de la ville des décisions individuelles concernant leurs prétentions pécuniaires.

7) Le 18 mai 2022, Mme A______ a mis en demeure la ville de lui verser d'ici au 7 juin suivant un montant de CHF 11'958.60 correspondant à sa prime professionnelle pour les mois de février 2021 à février 2022.

8) Par décision du 1er juin 2022, notifiée le 7 juin 2022, la ville a refusé de donner suite à sa demande.

Il n'existait pas de dérogation pour le personnel en uniforme du SIS en matière d'indemnisation des nuisances, ce dernier étant soumis aux normes usuelles en la matière, soit la réglementation sur les nuisances. Cette dernière prévoyait la perte du droit à l'indemnité de nuisance en cas d'absence pour cause de maladie ou accident non professionnel. Le CA avait décidé, le 28 octobre 2020, conformément à cette réglementation, de limiter la perte du droit à l'indemnité de nuisance aux absences pour cause de maladie ou accident non professionnel, puis avait décidé, le 2 juin 2021, de ne pas entrer en matière sur la demande de la CPSIS. Le fait que la cause de l'incapacité de travail de Mme A______ était antérieure au 28 octobre 2020 ne pouvait fonder un droit acquis au versement de la prime professionnelle. Son versement était lié à l'effectivité de la nuisance subie. S'agissant de la période de janvier et février 2022, le CA n'était pas compétent pour y répondre, le SIS ayant quitté l'administration municipale le 1er janvier 2022.

9) Par acte du 7 juillet 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant principalement son annulation et à la condamnation de la ville au paiement de CHF 919.20 par mois de février à décembre 2021, de CHF 923.70 en janvier et février 2022 et de CHF 89.40 pour mars 2022, avec intérêts moratoires à compter de chaque dernier jour de mois pour chacun de ces montants, avec suite de dépens. Subsidiairement, elle demandait le paiement de CHF 8'945.25, correspondant à l'indemnité au pro rata de son taux d'activité, avec intérêts moratoires dès l'exigibilité.

La réglementation d'application relative au personnel en uniforme du SIS n'opérait pas de renvoi général à la réglementation sur l'indemnisation des nuisances, mais s'y référait uniquement pour les modalités de calcul de la prime professionnelle. Le renvoi ne couvrait pas l'éventualité de la suspension du droit. Aucune disposition de la réglementation sur l'indemnisation des nuisances ne traitait de la prime professionnelle, et notamment pas la disposition sur les cas particuliers d'indemnités forfaitaires. Il s'agissait d'une prestation de nature salariale soumise à cotisations sociales au sens de la législation sur l'assurance-vieillesse et survivants. Elle était due même en cas de maladie ou d'accident non professionnel. La différence terminologique entre prime professionnelle et indemnité de nuisance suggérait une volonté historique de ne pas assimiler les deux indemnités, volonté consacrée dans l'avant-projet de nouveau règlement, excluant le SIS de son champ d'application. Le changement de pratique administrative au vue de se conformer au texte de la réglementation sur l'indemnisation des nuisances, jusqu'alors vraisemblablement non appliqué en pratique, aurait dû nécessiter une modification de la réglementation d'application relative au personnel en uniforme, en suivant la procédure applicable. La décision d'appliquer aux membres du SIS les décisions prises les 9 et 20 octobre 2020 dérogeait sans fondement au droit supérieur et violait la hiérarchie des normes et le parallélisme des formes.

Son incapacité de travail avait débuté avant le changement de pratique du CA. Les décisions du CA des 9 septembre et 20 octobre 2020 ne prévoyaient pas de rétroactivité et il n'y avait pas d'intérêt public prépondérant à une telle rétroactivité, d'autant moins qu'elle avait repris progressivement son activité quatorze jours avant de voir sa prime suspendue.

Les nuisances subies à temps partiel devaient être indemnisées. La suppression de la prime était contraire au droit au traitement.

10) Par réponse du 1er septembre 2022, la ville a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Compte tenu de son caractère évident d'indemnisation des nuisances, la réglementation concernant l'indemnisation des nuisances demeurait applicable à la prime professionnelle. Le renvoi figurant dans la réglementation d'application relative au personnel en uniforme du SIS le confirmait. La liste des autres cas d'indemnités forfaitaires n'était pas exhaustive. Les indemnités de nuisances octroyées au personnel de la division de la voirie n'y figuraient pas non plus. La prime professionnelle du SIS était expressément indexée au coût de la vie, comme les autres indemnités de nuisances prévues par la réglementation concernant l'indemnisation des nuisances. Il s'agissait historiquement d'une indemnisation des nuisances. Elle était soumise à suspension, laquelle était conforme au principe de la légalité.

La Cour des comptes avait expressément relevé le risque de non-conformité à la réglementation de la CAP du fait que certaines indemnités étaient à tort soumises aux charges sociales, en particulier celles versées au personnel du SIS. Ce constat était justifié par le fait que la prime professionnelle n'était pas une part du salaire, mais une indemnisation de nuisances non soumises aux charges sociales. Le seul prélèvement des charges sociales ne suffisait pas à la qualification de salaire. Le droit à une indemnisation du salaire en cas d'absence justifiée n'avait aucun effet sur les indemnités de nuisances.

L'exclusion de la prime professionnelle du SIS du projet de règlement sur les indemnités horaires résultait uniquement du fait que le personnel du SIS devait être repris par le groupement SIS.

Les décisions des 9 septembre et 28 octobre 2020 n'avaient pas pour objet de modifier la réglementation d'application relative au personnel en uniforme du SIS, mais de préciser les contours d'une de ses dispositions. Il n'était pas requis d'ouvrir des négociations avec les organisations représentatives du personnel et les commissions du personnel concernées, de sorte qu'une simple information du personnel suffisait, ce qui avait été fait.

La décision de suspendre la prime professionnelle de Mme A______ avait été prise postérieurement aux décisions du CA ainsi qu'après leur entrée en vigueur et l'information donnée par le secrétariat général à l'ensemble du personnel. Il n'y avait pas de violation du principe de non rétroactivité des lois.

11) a. Par réplique du 3 octobre 2022, Mme A______ a persisté dans son recours.

En janvier 2021 et en mars et avril 2022, la prime professionnelle demeurait soumise aux cotisations sociales. La ville n'avait pas répondu à la question de savoir pourquoi une employée ayant repris son activité à temps partiel dès le 18 janvier 2021 avait vu sa prime professionnelle intégralement suspendue jusqu'au 27 février 2022.

b. Elle a notamment produit à l'appui de sa réplique la liste des codes à barres pour lettres avec suivi électronique des envois concernant l'envoi de son recours, tamponné le 7 juillet 2021, ainsi que la confirmation de La Poste concernant l'envoi recommandé du bordereau de pièces produit à l'appui de son recours le 7 juillet 2022.

12) Le 21 décembre 2022, la chambre administrative a invité la ville à se déterminer sur la notion de traitement au sens de la disposition statutaire sur le droit au traitement en cas d'incapacité de travail pour cause de maladie ou d'accident non professionnel et à se prononcer sur l'argumentation subsidiaire de Mme A______ relative à la perception de la prime professionnelle au pro rata de son taux d'activité durant sa période d'incapacité de travail partielle. Il revenait à la ville d'exposer, pièces à l'appui (anciens textes légaux ou réglementaires applicables au personnel de la ville et au personnel en uniforme du SIS, mémorial du conseil municipal, décisions du CA et toute autre pièce utile) l'historique légal et factuel de l'inclusion, ou non, des indemnités dans le traitement versé pour les périodes de maladie non professionnelle pour l'ensemble du personnel de la ville, ceci jusqu'en décembre 2021, avec, le cas échéant, les particularités relatives au personnel en uniforme du SIS.

13) a. Le 15 février 2023, la ville a répondu à la demande d'informations de la chambre administrative et maintenu sa position.

Sous l'ancien statut du personnel de la ville, le CA avait déjà pour pratique de ne pas intégrer les indemnités fixes ou variables au traitement auquel le fonctionnaire avait droit en cas d'absence pour cause d'accident ou de maladie professionnel ou non professionnel. La question n'avait pas été abordée lors des débats pour l'adoption du nouveau statut. Le CA avait, en 2011, décidé que les indemnités ne devaient pas être intégrées à l'indemnité pour absence pour cause de maladie ou accident non professionnel versée au-delà de la fin des rapports de service. En 2020, il avait décidé d'étendre cette interprétation à compter du 31ème jour civil d'absence consécutif, en cas d'absence pour cause de maladie ou d'accident non professionnel. Les indemnités accordées à certains membres du personnel n'étaient pas intégrées dans le traitement servant de fondement à l'indemnité due en cas d'incapacité de travail pour cause de maladie ou d'accident non professionnel. Cette pratique était désormais expressément prévue en matière de contraintes horaires dans la nouvelle réglementation adoptée le 7 décembre 2022. Le protocole d'accord signé par le groupement SIS et la commission du personnel le 30 janvier 2023 revenait sur la décision de suspension de la prime professionnelle en cas d'absence pour maladie ou accident non professionnel mais concernait la situation postérieure du SIS et ne liait pas la ville.

En cas d'incapacité partielle, la direction des ressources humaines (ci-après : DRH) avait expressément indiqué que l'indemnité de nuisance ne serait rétablie que le premier jour du mois suivant la reprise à 100 % et que pendant la période de reprise à taux partiel, les services seraient chargés de saisir manuellement les « indemnités réellement subies » sur la base des heures effectuées, dès le premier jour du mois suivant le retour à taux partiel. Mme A______ n'avait subi aucune nuisance durant sa reprise à taux partiel.

b. La ville a notamment produit deux extraits certifiés conformes, le premier de la séance du CA du 3 mars 2004, prévoyant qu'en cas d'absence pour cause d'accident ou de maladie, professionnel ou non professionnel, aucune indemnité fixe ou variable ne pourrait être versée et le second de la séance du CA du 2 novembre 2011, décidant que le montant de l'indemnité de travail en cas d'absence pour cause de maladie non professionnelle, versée après la fin des rapports de travail et pendant la durée du droit à l'indemnité, correspondait au dernier traitement de base versé avant la survenance de l'incapacité, soit sans supplément, ni indemnités, ni allocation de vie chère, ni treizième salaire.

14) a. Le 24 avril 2023, Mme A______ a persisté dans son recours.

Il ressortait des travaux préparatoires du nouveau statut du personnel de la ville que, contrairement à ce qui était prévu pour les autres collaborateurs de la ville, le traitement de base du SIS incluait les indemnités, y compris la prime professionnelle.

Il n'était pas démontré que le courriel de la DRH avait été adressé au SIS. Elle avait subi exactement les mêmes nuisances lors de sa reprise partielle que lorsqu'elle travaillait à 100 %, mais à concurrence de son taux de reprise. Son médecin avait simplement requis lors de sa reprise une pause entre 13h et 19h, puis entre 15h et 19h et pas d'horaires de nuit, ce qui ne signifiait pas qu'elle n'avait subi aucune nuisance. Les décisions du CA n'exigeaient pas une reprise à 100 %, mais prévoyaient la renaissance du droit à l'indemnité le premier jour du mois suivant la reprise d'activité.

b. Elle a versé à la procédure son décompte de salaire de janvier 2023 comprenant le versement de deux mois de prime professionnelle complète pour janvier et février 2022.

15) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir. La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/599/2021 du 8 juin 2021 consid. 8a).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation ou la modification de la décision attaquée (ATF 145 I 227 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_865/2019 du 14 avril 2020 consid. 3.2). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 145 I 227 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_9/2014 du 9 janvier 2014 consid. 4) ; si l’intérêt s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; ATA/610/2021 du 8 juin 2021) ou déclaré irrecevable si l’intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/791/2021 du 28 juillet 2021).

b. L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). L'acte de recours contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 1ère phr. LPA). La juridiction administrative applique le droit d'office et ne peut aller au-delà des conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/499/2021 précité consid. 2a).

c. En l'espèce, dans son recours, la recourante formule des conclusions relatives au paiement de la prime professionnelle pour le mois de mars 2022.

Or, par la décision litigieuse, l'autorité intimée a refusé le paiement de CHF 11'958.60 à la recourante à titre de paiement de sa prime professionnelle de février 2021 à février 2022.

La décision ne concerne par conséquent pas le paiement de la prime professionnelle pour le mois de mars 2022. La conclusion de la recourante relative à celle-ci, qui n'a jamais été soumise à l'autorité intimée, excède dès lors l'objet du litige et sera déclarée irrecevable.

Par ailleurs, la recourante a obtenu auprès du groupement SIS le paiement de sa prime professionnelle complète pour janvier et février 2022. L'intérêt actuel fait ainsi défaut quant à ses conclusions en condamnation de la ville en paiement de la prime pour ces deux mois, ces conclusions étant donc devenues sans objet.

Au vu de ce qui précède, le recours porte en définitive uniquement sur la conformité au droit du refus de versement de la prime professionnelle pour les mois de février à décembre 2021.

3) La recourante affirme que l'autorité intimée ne pouvait pas suspendre le versement de sa prime professionnelle pendant son incapacité de travail pour cause de maladie non professionnelle.

a. À teneur de l’art. 5 al. 1 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit est la base et la limite de l’activité de l’État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l’exigence de la base légale. Le premier signifie que l’autorité doit respecter l’ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l’autorité ne peut agir que si la loi le lui permet, son action devant avoir un fondement dans une loi (ATA/43/2022 du 18 janvier 2022 consid. 5).

Le principe de la légalité exige donc que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Il implique qu’un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l’organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1).

b. La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l'application d'une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d'interpréter la loi ou de faire usage d'une liberté d'appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d'opportunité ou d'efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l'égalité de traitement (ATA/557/2022 du 24 mai 2022 consid. 11a ; ATA/304/2021 du 9 mars 2021 consid. 6a).

Pour être compatible avec les art. 8 et 9 Cst., un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, c'est-à-dire rétablir une pratique conforme au droit, mieux tenir compte des divers intérêts en présence ou d'une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, d'un changement de circonstances extérieures, de l'évolution des conceptions juridiques ou des mœurs. Les motifs doivent être d'autant plus sérieux que la pratique suivie jusqu'ici est ancienne. À défaut, elle doit être maintenue (ATF 142 V 112 consid. 4.4 ; 135 I 79 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_44/2021 du 8 août 2021 consid. 6.1).

c. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 ; 135 II 416 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 135 II 243 consid. 4.1 ; 133 III 175 consid. 3.3.1).

d. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n’est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui‑ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; ATA/880/2021 du 31 août 2021 consid. 3a et les références citées).

4) a. Jusqu'au 31 décembre 2021, le personnel du SIS faisait partie du personnel de la ville et était à ce titre soumis à son statut du personnel du 29 juin 2010 (ci‑après : le statut - LC 21 151 ; art. 1 à 3 statut ; art. 42 al. 3 let. a de la loi sur la prévention des sinistres, l’organisation et l’intervention des sapeurs-pompiers du 30 octobre 2020 - LPSSP - F 4 05 ; https://www.sisge.ch/fr/institution/groupement-sis, consulté le 8 mai 2023).

b. En cas d'incapacité de travail pour cause de maladie ou d'accident non professionnel attestée par un certificat médical, l'employé ou l'employée reçoit, pendant 24 mois dans une période de 900 jours consécutifs, une indemnité égale à son dernier traitement avant la survenance de l'incapacité (art. 57 al. 1 et 2 du statut).

L'art. 59 al. 1 de l'ancien statut du personnel de l'administration municipale du 3 juin 1986 (ci-après : a-statut) avait la même substance.

c. Les membres du personnel ont droit à un traitement versé en principe chaque mois avec remise d'un décompte (art. 42 al. 1 1ère phr. statut). Ce traitement comprend un traitement de base auquel s'ajoutent, le cas échéant les suppléments, indemnités et allocations prévus par le statut (art. 42 al. 2 statut). Le CA règle les conditions d'octroi et le montant des indemnités à verser aux membres du personnel pour des prestations particulières notamment en cas de travail particulièrement pénible ou dangereux, ainsi que de travail de nuit, le samedi, le dimanche et les jours fériés (art. 52 al. 1 statut). Cette clause de délégation, tout comme l'art. 42 statut, se trouve dans la section 1 relative au traitement du chapitre 5 sur les droits du personnel. Le CA arrête la liste des fonctions particulièrement pénibles ou dangereuses pour la santé et pour lesquelles des compensations sont prévues par règlement (art. 81 du statut).

Le CA fixe dans un règlement distinct les principes applicables aux indemnités et remboursement de frais pour des prestations particulières. Il fixe notamment les montants et les compensations pour les heures de travail pour travaux spéciaux particulièrement fatigants ou dangereux et les services de nuit, du samedi, du dimanche et des jours fériés accomplis dans le cadre de l'horaire du service, les services spéciaux et la compensation pour les fonctions pénibles (art. 76 al. 1 1ère et 2ème phr. du règlement d’application du statut du 14 octobre 2009 - REGAP - LC 21 152.0). Il arrête la liste des fonctions particulièrement pénibles ou dangereuses pour la santé et pour lesquelles des compensations sont prévues par règlement (art. 76 al. 2 REGAP).

Dans l'a-statut, il était prévu que le traitement des fonctionnaires qui était versé chaque mois avec la remise d'un décompte comprenait le traitement de base (let. a) et les allocations complémentaires au traitement de base, votées par le Conseil municipal (ci-après : CM ; let. b ; art. 41 a-statut). Cet article figurait dans le section 1 relative au traitement du chapitre V concernant les droits des fonctionnaires. La section 2 du même chapitre traitait ensuite des indemnités, primes et gratifications, parmi lesquelles les indemnités diverses prévues à l'art. 54 a-statut, dont l'al. 1 avait la même substance que l'art. 52 al. 1 statut, prévoyant que le CA déterminait par des règlements les circonstances dans lesquelles était versée une indemnité et qu'il en fixait notamment le montant notamment pour les heures de travail pour travaux spéciaux particulièrement fatigants ou dangereux (ch. 1), les services de nuit ou du dimanche accomplis dans le cadre de l'horaire réglementaire (ch. 2) et les services spéciaux (ch. 3 ; art. 54 al. 1 a-statut).

d. Les travaux préparatoires du statut précisent, s'agissant de l'art. 52 statut, que la délégation conférée au CA se justifie par la nature évolutive des indemnités et remboursements en cause, ainsi que par la diversité des situations à prendre en considération. Elle facilite en outre la négociation avec le personnel sur ces questions (PR-749, proposition du CA du 14 octobre 2009 en vue de la modification du statut du personnel de la ville, p. 24).

Les travaux préparatoires ne contiennent par contre aucune précision sur l'art. 57 statut en tant que tel. Il en ressort néanmoins que sous l'a-statut, les indemnités n'étaient pas comprises dans le traitement, à l'exception notamment de l'indemnité de nuisances du personnel du SIS, soumis avant le statut à son propre ancien statut du personnel distinct et non à l'a-statut. La prime professionnelle de ce dernier était incluse dans le salaire et faisait l'objet du prélèvement des cotisations sociales. Dans ce contexte, la question de l'intégration des indemnités, en particulier celles inhérentes à l'exercice de la fonction, dans le salaire a été abordée durant la préparation du statut mais, jugée complexe par le CA, a été laissée de côté pour faire l'objet de négociations à part ultérieurement (Mémorial des séances du CM, 7ème séance, mardi 29 juin 2010 à 17h, p. 502 ss, 509, 514 ss, 518 s,, 523 s., 530, 543 s., 547 ss, 552, 557 s., 649 s., 652, 654 s., 657 s., 661 ; Mémorial des séances du CM, 8ème séance, mardi 29 juin 2010 à 20h45, p. 669, 676 s., 679, 683). L'adoption du statut paraît ainsi avoir laissé subsister le statu quo en matière d'indemnités jusqu'à une révision ultérieure de la réglementation. Il n'était pas question d'enlever au SIS ce qu'il avait acquis mais d'étendre ce qu'il possédait au personnel de la ville (Mémorial des séances du CM, 7ème séance, mardi 29 juin 2010 à 17h, p. 524).

Le fait que le personnel du SIS était, avant l'entrée en vigueur du statut, soumis à son propre statut du personnel et non à l'a-statut ressort non seulement des travaux préparatoires du statut (Mémorial des séances du CM, 7ème séance, mardi 29 juin 2010 à 17h, p. 500), mais également du champ d'application de ce dernier, lequel prévoyait que demeurait réservé, en ce qui concernait le personnel du SIS, le statut spécial applicable aux fonctionnaires de ce service, et du préambule de l'ancien règlement d'application relatif au personnel en uniforme du SIS du 14 octobre 2009 (ci-après : aRASIS), qui mentionnait la modification du statut du personnel du SIS.

5) a. Le personnel reçoit pour les inconvénients que comporte sa fonction une indemnité forfaitaire, appelée prime professionnelle, dont le montant est calculé conformément au règlement concernant l’indemnisation des nuisances du 23 novembre 1971 (LC 21 152.17 ; ci-après : RIN ; art. 20 al. 1 du règlement d'application relatif au personnel en uniforme du SIS du 27 février 2019 - RASIS - LC 21 152.30). Cette prime professionnelle est adaptée, chaque année, à l’évolution de l’indice genevois des prix à la consommation arrêté au 31 décembre de l'année précédente. La base de l'indice est celle retenue par la CAP (art. 20 al. 2 RASIS).

b. Cette disposition a la même teneur que l'art. 21 al. 1 et 2 de l'aRASIS. Le règlement antérieur, soit le règlement interne du SIS du 11 septembre 1991 (ci‑après : aRISIS), contenait uniquement une disposition sur les indemnités pour les activités exercées en dehors des heures de service (art. 23).

6) a. Selon le RIN, on appelle « nuisance » toute circonstance ou condition qui, de façon notoire, pour une fonction déterminée rend l’exécution de tout ou partie de ces tâches plus pénible, impose des horaires de travail irréguliers, constitue une cause de maladies professionnelles spécifiques, présente des risques accrus d’accidents, lui enlève son caractère attractif (art. 1 RIN). Les nuisances spécifiques, étroitement dépendantes du milieu ambiant dans lequel s’exerce l’activité, sont généralement permanentes (art. 3 al. 1 RIN). Parmi les nuisances spécifiques, on distingue les conditions d’ambiance (ch. 1), les risques de maladies professionnelles (ch. 2), les risques accrus d’accidents (ch. 3), le caractère inattractif (ch. 4 ; art. 3 al. 2 RIN). Les nuisances particulières, liées à certaines tâches de la fonction avec lesquelles elles s’identifient parfois, sont généralement occasionnelles et répétitives (art. 4 al. 1 RIN). Parmi celles-ci, on distingue : les travaux spéciaux, soit les travaux salissants (let. a), les travaux pénibles (let. b) et les travaux rebutants (let. c ; ch. 1) ainsi que les horaires de travail irréguliers (ch. 2 ; art. 4 al. 2 RIN).

L’indemnité est attachée à la fonction et non au titulaire de celle-ci (art. 7 al. 1 RIN). En conséquence, toute modification de la fonction entraîne une modification corrélative de l’indemnité qui s’y rattache (let. a) et tout transfert d’un titulaire fait perdre à celui-ci le droit à l’indemnité de nuisance (let. b ; art. 7 al. 2 RIN).

b. En cas d’absence pour cause de maladie ou d’accident non professionnels, le titulaire perd son droit à l’indemnité de nuisance (art. 7 al. 3 RIN).

c. L'art. 12 RIN prévoit des cas particuliers d'indemnité forfaitaire, soit un forfait mensuel de CHF 260.- pour la permanence des pompes funèbres, un forfait mensuel pendant la période de chauffage de CHF 270.- pour inconvénient de service pour chauffeurs d’immeubles et de CHF 90.- pour aides-chauffeurs, un forfait annuel de CHF 2'200.-, CHF 2'500.- et CHF 3'200.- pour inconvénient de service pour le personnel de scène du Grand-Théâtre, et un forfait annuel de CHF 2'800.- pour inconvénient de service, pour le concierge du Victoria-Hall.

d. L'art. 7 du règlement du personnel technique du Grand Théâtre de Genève du 1er juillet 1977 (LC 21 152.4) prévoit l'allocation d'une indemnité annuelle au personnel de scène pour les inconvénients que comporte la fonction. L'art. 5 du règlement sur les indemnités et les congés spéciaux du personnel de la division de la voirie du 3 août 1977 (ci-après : RICSPDV ; LC 21 152.18), prévoit une liste d'indemnités de nuisances spécifiques allouées aux employés occupant certaines fonctions conformément aux principes figurant dans le RIN.

7) a. En l'espèce, la décision litigieuse repose sur les décisions du CA des 9 septembre et 28 octobre 2020, qui ont marqué la fin de la perception de la prime professionnelle par le personnel en uniforme du SIS pendant les périodes d'incapacité de travail pour cause de maladie non professionnelle, consacrant ce faisant un changement de pratique.

Selon l'autorité intimée, ce changement de pratique visait l'application de l'art. 7 al. 3 RIN, dont il constituait des décisions d'interprétation, et avait donc pour but le rétablissement d'une situation conforme au droit. La recourante conteste cependant l'applicabilité de cet article à la prime professionnelle du personnel en uniforme du SIS.

b. Il convient donc d'examiner si cette disposition est applicable au personnel en uniforme du SIS.

L'art. 20 RASIS est la seule disposition traitant expressément de la prime professionnelle du personnel en uniforme du SIS. Il définit la prime professionnelle comme une indemnité forfaitaire pour les inconvénients que comporte la fonction. Il s'agit par conséquent d'une indemnité qui a pour but l'indemnisation des nuisances liées à la fonction telles que définies par le RIN, ce que confirme d'ailleurs la décision du CA du 27 mai 2020. En effet, cette dernière valide la composition de la prime professionnelle comme une indemnité couvrant le risque accru d'accident et de maladie professionnelle, les travaux pénibles ou salissants, les horaires irréguliers et l'ambiance particulière. Ces éléments correspondent aux nuisances spécifiques prévues respectivement à l'art. 3 al. 2 ch. 3 (risque accru d'accident), ch. 4 (risque accru de maladie professionnelle) et ch. 1 (ambiance) RIN ainsi qu'aux nuisances particulières de l'art. 4 al. 2 ch. 1 let. b (travaux pénibles) et let. a (travaux salissants) ainsi que ch. 2 (horaires irréguliers) RIN.

Les interprétations littérale et téléologique tendent ainsi à indiquer l'applicabilité du RIN à la prime professionnelle du personnel en uniforme du SIS et donc de son art. 7 al. 3.

En outre, si, comme le souligne la recourante, l'art. 20 RASIS renvoie uniquement au RIN pour le calcul de la prime professionnelle, ce dernier est un règlement d'application du statut, auquel était soumis le personnel en uniforme du SIS jusqu'à fin 2021. Le champ d'application du RIN, en tant que règlement d'application du statut, comprenait dès lors a priori également le personnel en uniforme du SIS.

Le fait que la prime professionnelle ne figure pas à l'art. 12 RIN, comme le met en évidence la recourante, n'implique pas que le RIN ne lui serait pas applicable. En effet, ainsi que l'a à juste titre souligné l'autorité intimée, il existe d'autres indemnités forfaitaires qui ne figurent pas à l'art. 12 RIN et qui restent pourtant des indemnités pour les nuisances soumises au RIN. Tel est notamment le cas des indemnités prévues à l'art. 5 RICSPDV, dont le texte lui-même se réfère au RIN.

L'interprétation littérale, combinée avec les interprétations téléologique et systématique, tend par conséquent à conclure à l'applicabilité de l'art. 7 al. 3 RIN à la prime professionnelle du personnel en uniforme du SIS.

L'interprétation historique conduit cependant à mettre en doute cette conclusion.

En effet, la décision du CA du 27 mai 2020 validant la composition de la prime professionnelle, postérieure à l'entrée vigueur du RASIS le 1er février 2020, repose sur une note du conseiller administratif en charge du DSS du 19 mai 2020, à teneur de laquelle la composition actuelle de la prime remonte à 2002, ce qui est confirmé par le mémorial des séances du CM de la ville relatif à la séance du 15 décembre 2001. Lors de celle-ci, le CM a notamment invité le CA à revaloriser les indemnités des sapeurs‑pompiers dès le 1er janvier 2002 et a adopté un amendement demandant une augmentation de CHF 1'733'870.- pour la revalorisation de l'indemnité appelée prime professionnelle des sapeurs‑pompiers (mémorial des séances du conseil municipal de la ville, 35ème séance, 15 décembre 2001 à 20h30, p. 3919). Ainsi, la prime professionnelle, remontant initialement à 1972, est, dans sa composition actuelle, antérieure au RASIS et à son art. 20, ainsi qu'à son prédécesseur, l'aRASIS, et son art. 21, et remonte à l'ère de l'aRISIS, lequel ne contenait aucune disposition sur ladite prime. Or, à cette époque, le RIN constituait un règlement d'application de l'a-statut, lequel n'était pas applicable au personnel du SIS. Ce dernier était soumis à son propre statut et n'était par conséquent pas non plus soumis aux règlements d'application de l'a‑statut, dont le RIN, ceci pendant toute la période où l'a-statut était en vigueur.

L'interprétation historique tend dès lors à infirmer l'applicabilité du RIN à la prime professionnelle du SIS, sous réserve des dispositions sur le calcul de l'indemnité auxquelles l'art. 20 RASIS renvoie expressément.

c. Ce qui précède amène la question de savoir si, à supposer qu'il soit applicable à la prime professionnelle du personnel en uniforme du SIS, l'art. 7 al. 3 RIN est une base légale valable permettant au CA de prévoir l'absence d'octroi de la prime professionnelle du personnel en uniforme du SIS pendant les périodes d'absence pour cause de maladie non professionnelle.

Cela revient à se demander si l'art. 7 al. 3 RIN est conforme au statut et en particulier à l'art. 57 al. 1 et 2 statut.

L'art. 57 al. 1 statut fixe l'indemnité en cas d'absence pour cause de maladie non professionnelle au dernier « traitement » avant la survenance de l'incapacité, sans plus de précision. L'interprétation littérale, si elle donne à penser que l'indemnité en cas d'absence pour cause de maladie non professionnelle correspond à l'ensemble du traitement, ne permet néanmoins pas de déterminer avec certitude si cela comprend la prime professionnelle réclamée par la recourante. 

L'art. 42 al. 1 et 2 statut distingue néanmoins le « traitement » et le « traitement de base », auquel s'ajoutent le cas échéant, les suppléments, indemnités et allocations prévues par le statut. Par ailleurs, la clause de délégation pour la fixation des indemnités de nuisance, soit l'art. 52 al. 1 statut, se trouve dans la section dénommée « traitement » du chapitre sur les droits du personnel. L'interprétation systématique tend ainsi à indiquer que le « traitement » figurant aux art. 42 al. 1 et 57 al. 1 statut, par opposition au « traitement de base » de l'art. 42 al. 2 statut, comprend les indemnités, mais uniquement « le cas échéant ».

Sous l'angle téléologique, l'art. 57 statut prévoit une prestation sociale qui a pour but de permettre à l'employé de continuer à percevoir son traitement pendant son incapacité de travail. Quant à l'indemnité pour nuisances, elle a pour but de compenser ou dédommager les nuisances subies dans le cadre de l'exercice de l'activité professionnelle. Cela n'a donc a priori de sens que si les nuisances sont effectivement subies, ce qui n'est pas le cas en cas d'incapacité totale de travailler. L'interprétation téléologique ne permet ainsi pas d'aboutir à une réponse claire, le but de la prestation sociale se heurtant au but de l'indemnité.

Toutefois, les travaux préparatoires du statut permettent d'établir clairement la volonté du législateur municipal : la question de l'inclusion des indemnités dans le salaire a été laissée de côté, laissant perdurer la situation antérieure en la matière, jusqu'à ce que des discussions avec les partenaires sociaux soient spécifiquement menées à ce sujet, de telles négociations ne pouvant pas être menées dans le cadre de l'adoption du statut, vu la complexité du sujet, sous peine de la retarder.

Or, s'agissant de la situation antérieure, contrairement à l'actuel statut, il ressortait clairement de l'a-statut que les indemnités n'étaient pas comprises dans le traitement. L'art. 41 a-statut sur le traitement n'en faisait en effet aucune mention et les indemnités faisaient l'objet d'une section distincte (section 2) de celle du traitement (section 1) du chapitre sur les droits des fonctionnaires. Le CA a d'ailleurs confirmé cela par décision du 3 mars 2004. Les travaux préparatoires du statut le confirment également.

Toutefois, avant l'entrée en vigueur du statut, le personnel du SIS n'était pas soumis à l'a-statut, mais à son propre statut du personnel. Cet ancien statut propre au SIS ne figure cependant pas au dossier en main de la chambre administrative, l'autorité intimée ne l'ayant pas produit en dépit de la demande d'informations claire du 21 décembre 2022 et ayant ce faisant violé son devoir de collaboration. La chambre administrative n'a dès lors d'autre choix que de se contenter des travaux préparatoires du statut, qui indiquent que sous cet ancien statut du SIS, la prime professionnelle du SIS était comprise dans le traitement des membres du personnel en uniforme du SIS, ce qui ressort d'ailleurs également de la note du conseiller administratif en charge du DSS du 19 mai 2020.

Or, selon les travaux préparatoires du statut, la question des indemnités, qui nécessitait des négociations avec les partenaires sociaux, a été mise de côté, laissant perdurer le statu quo, et donc une situation différenciée selon le personnel et les indemnités, dans l'attente de négociations ultérieures avec les partenaires sociaux. Cela explique, aux yeux de la chambre administrative, l'emploi de l'expression « le cas échéant » à l'art. 42 al. 2 statut, laquelle permet un traitement différencié d'une partie du personnel, tel le personnel en uniforme du SIS.

La volonté que la question soit tranchée ultérieurement et de permettre un traitement différencié du personnel dans la rédaction de l'art. 42 al. 2 statut indique dès lors que l'art. 7 al. 3 RIN demeurait inapplicable au personnel du SIS, comme cela prévalait sous l'a-statut, et qu'une telle modification ne pouvait être opérée par le biais d'un simple changement de pratique mais supposait au contraire la révision de la réglementation en matière d'indemnité et donc la consultation des organisations représentatives du personnel et des commissions du personnel (art. 18 al. 4 let. d statut). L'autorité intimée a d'ailleurs elle-même indiqué dans ses écritures que la refonte globale du système des indemnités était en cours et avait déjà abouti à l'adoption d'un premier règlement, le 7 décembre 2022.

Au vu de ce qui précède, le changement de pratique consistant à refuser, à compter du 1er janvier 2021, de verser la prime professionnelle au personnel en uniforme du SIS à compter du 31ème jour d'absence, opéré en amont de la refonte du système des indemnités, ne rétablit pas une pratique conforme au droit, un tel changement ne pouvant être opéré sans passer par une révision de la réglementation applicable. Ledit changement est partant contraire au droit, tout comme la décision litigieuse, en tant qu'elle refuse le versement de la prime professionnelle de la recourante de février à décembre 2021.

8) La recourante conclut encore au paiement d'intérêts moratoires à compter de chaque dernier jour de mois pour lequel l'indemnité due n'avait pas été versée.

a. Selon la jurisprudence, l'État et les administrés sont tenus de payer des intérêts moratoires de 5 % lorsqu'ils sont en demeure d'exécuter une obligation pécuniaire de droit public. En effet, l'obligation du débiteur en demeure de verser des intérêts sur les dettes d'argent n'est pas seulement une règle de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220 ; art. 104 al. 1 CO) mais un principe général du droit, non écrit, auquel la loi peut certes déroger, mais qui prévaut lorsque celle-ci ne prévoit rien, comme c'est le cas en l'espèce (ATF 101 Ib 252 consid. 4b ; 1C_524/2014 du 24 février 2016 consid. 10.1 ; 2C_546/2008 du 29 janvier 2009 consid. 3.2).

b. Le traitement est en principe versé chaque mois (art. 42 al. 1 statut). Si des délais plus courts ou d’autres termes de paiement ne sont pas prévus par accord ou ne sont pas usuels et sauf clause contraire d’un contrat-type de travail ou d’une convention collective, le salaire est payé au travailleur à la fin de chaque mois (art. 323 al. 1 CO et 3 al. 2 statut).

c. En l'espèce, la prime professionnelle était due à la fin de chaque mois, ce qui signifie que l'autorité intimée, qui ne l’avait pas versée à cette échéance, se trouvait au début du mois suivant en demeure du paiement de la prime professionnelle du mois précédent, sans qu'il n'y ait besoin d'une interpellation, la situation étant à cet égard analogue à celle découlant de l'art. 102 al. 2 CO.

Par conséquent, le paiement de la prime professionnelle de la recourante portera intérêts moratoires à 5 % l'an à compter à compter du premier jour de chaque mois suivant les mois pour laquelle elle était due.

Dans ces circonstances, le recours sera admis dans la mesure de sa recevabilité, la décision litigieuse sera annulée en tant qu'elle refuse le paiement de la prime professionnelle de la recourante pour les mois de février à décembre 2021 et l'autorité intimée sera condamnée à verser à la recourante la prime professionnelle pour les mois de février à décembre 2021, avec intérêts moratoires à 5 % l'an à compter du premier jour de chaque mois suivant le mois pour lequel la prime professionnelle est due.

9) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera accordée à la recourante, à la charge de la ville (art. 87 al. 2 LPA).

10) Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est proche de CHF 15'000.- et il sera renoncé à la trancher.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 7 juillet 2022 par Madame  A______ contre la décision de la Ville de Genève du 1er juin 2022 ;

annule la décision de la Ville de Genève du 1er juin 2022 en tant qu'elle refuse le versement à Madame A______ de la prime professionnelle de sapeuse-pompière pour les mois de février à décembre 2021 ;

condamne la Ville de Genève à verser à Madame A______ la prime professionnelle de sapeuse-pompière pour les mois de février à décembre 2021, avec intérêts moratoires à 5 % l'an à compter du premier jour de chaque mois suivant celui pour lequel la prime professionnelle est due ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de CHF 2'000.-, à la charge de la Ville de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à CAP Protection juridique SA, soit pour elle Madame Lucienne de Preux, mandataire de la recourante, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber,
M. Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :