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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2603/2022

ATA/443/2023 du 26.04.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2603/2022-EXPLOI ATA/443/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 avril 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Oana STEHLE HALAUCESCU, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

A.           a. Mme A______ est la responsable annoncée, depuis le 1er octobre 2016, du salon de massage « B______ » (ci-après : le salon), situé au ______, chemin C______, à D______.

b. Avant cette date, le salon était exploité par sa mère, Mme E______.

Celle-ci servait de prête-nom à M. F______, père de Mme A______, raison pour laquelle elle s'est vu retirer son autorisation d'exploiter pour une durée de trois mois.

Le département de la sécurité et de l'économie, devenu depuis lors le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : le département) a accepté que Mme A______ reprenne seule la responsabilité du salon, à condition que ses parents ne soient plus associés à la gestion de l'établissement.

Mme A______ a indiqué au département avoir écarté son père de toute activité en lien avec le salon.

c. Dans le courant de l'année 2018, Mme A______, alors enceinte, a obtenu de la Brigade de lutte contre la traite d'êtres humains et la prostitution illicite (ci-après: BTPI) de la police genevoise une autorisation permettant à sa mère de l'aider ponctuellement dans le cadre de la gestion du salon.

B.            a. Par décision du 15 octobre 2020, le service du médecin cantonal (SMC) a ordonné la fermeture immédiate du salon, à la suite d'un contrôle effectué le 12 octobre 2020 par la BTPI, qui a constaté que les mesures sanitaires en vigueur n'étaient pas respectées. Il a également reproché à Mme A______ l'absence d'un plan de protection entourant l'activité de prostitution, lequel était exigé à ce moment-là pour lutter contre la propagation du virus COVID-19.

Le salon a été rouvert par la suite, un plan de protection ayant été mis en place.

b. Le 16 octobre 2020, après que l'association Aspasie eut pris contact avec la BTPI en raison de la volonté de quatre travailleuses du salon de déposer plainte pour des motifs liés à leurs conditions de travail, la BTPI a rendu un rapport de renseignements concernant le salon.

Le 10 octobre 2020, les inspecteurs avaient procédé à un contrôle du salon et avaient été reçus par Mme E______, occupée à la réception, sa fille étant absente.

Ils avaient découvert un parachute de cocaïne caché dans le coffre-fort du salon, lequel était destiné à contenir en particulier le livre du salon, et dont Mme A______ et sa mère notamment connaissaient le code d'accès, ainsi qu'une lettre indiquant qu'une prestation sexuelle à risque avait été effectuée au sein de l'établissement.

Les prestations sexuelles à risque effectuées dans le salon étaient connues des gérants et pouvaient donner lieu à un prix majoré que les travailleuses percevaient directement.

Certaines travailleuses auditionnées ce jour-là avaient indiqué que Mme E______, qui gérait leurs « salaires » (sic), et M. F______ étaient en réalité les « patrons » (sic) du salon et que Mme A______ n'y était présente que quelques fois par semaine. M. F______ participait activement à la gestion du salon par le biais d'un groupe WhatsApp dédié à celle-ci (ci-après : le groupe WhatsApp).

Selon ces travailleuses, Mme A______ leur remettait de la cocaïne quand elles le lui demandaient, pour en consommer avec les clients. Les filles arrivant d'G______ ne respectaient pas la quarantaine et les travailleuses devaient notamment effectuer des tâches ménagères, prestations pour lesquelles elles payaient pourtant un montant de CHF 30.- par jour, pour avoir le droit de sortir une heure et demie pendant la journée, à défaut de quoi interdiction leur était faite de recevoir des clients pendant quelques heures. Enfin, des caméras de surveillance étaient installées dans le salon, ce qui permettait notamment à M. F______ de surveiller les travailleuses, lesquelles devaient l'avertir lorsqu'elles quittaient le salon.

Lors de son audition, le 11 octobre 2020, Mme A______ avait confirmé que les travailleuses n'avaient pas le droit de quitter le salon avant d'avoir effectué le ménage. Elle autorisait les filles en provenance d'G______ à exercer leur activité sans observer de quarantaine. Ses parents s'occupaient eux-mêmes de la publication des annonces érotiques et son père donnait des consignes la nuit, via le groupe WhatsApp dont toute la famille faisait partie, s'agissant des activités ménagères, de l'arrivée de clients et des sorties visant la rencontre de clients.

Elle avait nié remettre de la drogue aux travailleuses du sexe, tout en reconnaissant que certaines d'entre elles en possédaient et en remettaient aux clients.

Lors de son audition, le 11 octobre 2020, Mme E______ avait expliqué qu'elle répondait parfois aux appels le samedi ainsi que le dimanche et le lundi de 01h00 à 21h00 ; elle gérait la trésorerie et remettait de l'argent et des quittances – signées au préalable par sa fille – aux travailleuses. Elle aidait cette dernière, qui n'était présente au salon que l'après-midi, à établir les comptes. M. F______ prenait contact avec de potentielles travailleuses pour les faire venir au salon. Il possédait une carte lui donnant accès au compte bancaire de la société chargée d'exploiter le salon et l'utilisait fréquemment pour retirer de l'argent. Il souhaitait être informé de tout ce qu'il se passait au sein de l'établissement et avait accès aux images des caméras. Les travailleuses n'étaient autorisées à sortir qu'après avoir effectué des tâches ménagères.

c. Les faits ayant fait l'objet du rapport du 16 octobre 2020 ont donné lieu à l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre de Mme A______ notamment (P/1______/2020).

d. Par courrier du 16 février 2021, le département a informé Mme A______ qu'au vu des divers faits reprochés, il envisageait de prononcer la fermeture définitive du salon, assortie d'une interdiction d'exploiter tout autre salon de massages durant dix ans et d'une amende.

e. Mme A______ a contesté les faits et sollicité la suspension de la procédure administrative jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale.

f. Le 12 novembre 2021, la BTPI a été établi un second rapport de renseignements.

Plusieurs échanges de messages relatifs à la mise à disposition de drogue au sein du salon avaient été trouvés dans le téléphone portable de Mme A______.

Les messages échangés entre elle et son père montraient que ce dernier lui donnait des instructions concernant la gestion du salon.

Mme H______, réceptionniste au salon jusqu'en septembre 2020, avait affirmé, lors de son audition le 8 octobre 2021, que c'était bien M. F______ qui dirigeait le salon, notamment par le biais du groupe WhatsApp. À la demande de Mme A______, elle avait vendu des boulettes de cocaïne à des clients pour le compte de la direction. Les travailleuses n'avaient pas le droit de sortir si elles ne prévenaient pas la direction et avaient au maximum deux à trois heures de temps libre par jour. L'intérieur du salon, à l'exception des chambres, était filmé.

M. I______, auditionné le 5 novembre 2021, avait indiqué que Mme A______ l'avait contacté afin d'obtenir de la cocaïne pour un client lorsqu'il œuvrait comme chauffeur pour le compte du salon.

g. Le 28 janvier 2022, le Ministère public a informé le département que l'état de la procédure pénale ne s'opposait plus au traitement administratif de l'affaire.

h. Le 3 mars 2022, Mme A______ a été interrogée par le Ministère public.

Elle a expliqué qu'un inspecteur de la BPTI avait accepté que sa mère se rendît sur place les week-ends pour payer les travailleuses et éventuellement répondre au téléphone, en raison de sa grossesse. Elle avait continué de « tout » gérer depuis chez elle, y compris la comptabilité, pendant son congé-maternité.

Son père s'occupait de la publicité du salon et publiait des annonces sur Internet le soir et la nuit, tout en s'occupant du recrutement intermédiaire. Le salon était continuellement filmé, pour des raisons de sécurité ; elle et sa mère avaient accès au système de surveillance mis en place mais ne regardaient jamais les images, sauf en cas de problème. Elle avait écrit à M. I______, à la demande d'une travailleuse, pour obtenir de la drogue.

i. Par courrier du 17 mars 2022, le département, donnant notamment suite au rapport du 12 novembre 2021, a reproché à Mme A______ de fournir de la drogue aux travailleuses et à leurs clients, d'avoir omis de mettre en place au sein du salon les mesures visant à lutter contre la propagation du COVID-19, d'inciter les travailleuses à effectuer des prestations sexuelles à risque et de n'autoriser ces dernières à sortir qu'une heure et demie par jour.

Le département lui a également reproché de ne pas exploiter le salon de manière personnelle et effective, mais uniquement pour le compte de ses parents. Le rôle de sa mère avait largement dépassé celui qui était censé être le sien pendant son congé-maternité.

Le département a rappelé à Mme A______ que, pour ces motifs, il envisageait de prononcer la fermeture définitive du salon, assortie d'une interdiction d'exploiter toute autre salon de massages durant dix ans et d'une amende.

j. Mme A______ a, une nouvelle fois, contesté les faits reprochés et demandé la suspension de la procédure administrative jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale.

k. Le département a informé Mme A______ que la procédure administrative ne pouvait être suspendue, dans la mesure où les manquements reprochés sous l'angle administratif étaient suffisamment établis et indépendants de toute condamnation pénale.

l. Mme A______ a persisté à demander la suspension de la procédure.

m. Par décision du 7 juillet 2022 notifiée le lendemain, le département a ordonné la fermeture immédiate et définitive du salon et a interdit à Mme A______ d'exploiter tout autre salon de massages ou d'agence d'escorte pour une durée de dix ans, ces deux mesures étant déclarées exécutoires nonobstant recours, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans son courrier du 17 mars 2022. Il lui a également infligé une amende administrative de CHF 5'000.- et l'a condamnée à un émolument de CHF 100.-.

n. Le salon a été fermé à la suite de la décision du 7 juillet 2022.

C.           a. Par acte déposé au guichet du greffe le 18 août 2022, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) contre la décision du 7 juillet 2022, concluant à titre provisionnel à la restitution de l'effet suspensif au recours, préalablement à la suspension de la procédure, à l'ouverture d'enquêtes ainsi qu'à l'audition personnelle des parties et, principalement, à l'annulation de ladite décision.

Les faits qui lui étaient reprochés n'étaient pas établis et devaient faire l'objet d'investigations complémentaires. Les accusations portées à son encontre par certaines travailleuses du sexe ne résultaient que d'une volonté de vengeance et étaient mensongères.

Dans le chargé de pièces y relatif se trouvaient divers témoignages écrits de travailleuses du sexe. En substance, toutes y déclaraient que le traitement qu'elles avaient reçu au salon avait toujours été très correct et que jamais elles n'avaient été forcées à accomplir un acte contre leur volonté.

b. Le département a conclu au rejet de la requête en restitution de l'effet suspensif.

c. Mme A______ a déposé un mémoire complémentaire.

Elle était la seule gérante du salon et son père ne jouait aucun rôle dans sa gestion effective. Sa mère était sa remplaçante officielle annoncée depuis que la BTPI avait donné son autorisation et elle était présente au salon généralement les week-ends.

Les conditions de travail, qui convenaient parfaitement aux travailleuses, ne pouvaient être considérées comme inappropriées. Les règles instaurées n'avaient pour but que d'assurer la propreté du salon et les horaires étaient connus des travailleuses qui restaient libres de les respecter ou non.

Elle était étrangère à tout trafic de stupéfiants, dont la consommation était interdite au sein du salon. Le seul élément concret relatif à de la drogue était le parachute de cocaïne trouvé dans le coffre. Or, cette découverte faisait suite à des accusations portées par des travailleuses qui avaient été invitées à quitter le salon en raison notamment de leur consommation de drogue et d'alcool, ce qui demeurait « troublant ».

Les prestations sexuelles à risque étaient interdites au sein du salon. Les travailleuses demeuraient néanmoins libres du choix de leurs prestations.

Les sanctions et mesures prononcées à son encontre étaient disproportionnées, ce d'autant plus que, depuis qu'elle avait repris l'exploitation du salon en octobre 2016, elle n'avait fait l'objet d'aucune sanction ni mesure.

d. Par décision du 16 septembre 2022 (ATA/927/2022), la chambre administrative a rejeté les requêtes de restitution de l'effet suspensif et de suspension de la procédure.

e. Le département a conclu au rejet du recours.

f. Dans sa réplique, Mme A______ a sollicité à nouveau la suspension de la procédure.

g. Sur ce, les parties ont été informées le 16 janvier 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) À titre préalable, la recourante sollicite l’ouverture d’enquêtes et la comparution personnelle des parties.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1 ; 1C_638/2020 du 17 juin 2021 consid. 2.1 et les références citées).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1 ; ATA/965/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a et les références citées).

Le droit d'être entendu n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_83/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.2 ; 2C_236/2019 du 4 juillet 2019 consid. 5.2 ; ATA/484/2020 du 19 mai 2020 et les arrêts cités).

2.2 En l'occurrence, la recourante n'indique pas éléments pertinents qui n’auraient pu être produits par écrit son audition permettrait d’apporter à la solution du litige. Elle n'explique pas par ailleurs sur quoi devraient porter les enquêtes qu'elle a demandées.

La chambre de céans dispose en tout état de cause d'un dossier complet, lequel comprend notamment les écritures des parties, ainsi que les pièces produites à leur appui, en particulier divers procès-verbaux de témoignages de travailleuses du sexe et d'interrogatoires de la recourante, étant rappelé que la procédure administrative est en principe écrite (art. 18 LPA).

Si la recourante n’a, a priori, pas été confrontée aux témoins entendus par la police, elle a pu prendre connaissance du contenu de leurs auditions et se prononcer à ce sujet à plusieurs reprises par écrit. Elle a également pu s'exprimer oralement – lors de son audition devant la BTPI le 11 octobre 2020 et devant le Ministère public le 3 mars 2022 – sur les faits qui lui sont reprochés, étant précisé que les procès-verbaux y relatif ont été transmis à la chambre de céans.

Le dossier apparaît ainsi en état d’être jugé.

Il ne sera dès lors pas donné suite aux mesures d'instruction sollicitées par la recourante.

3) La recourante requiert à nouveau la suspension de la présente procédure jusqu'à droit connu dans la procédure pénale ouverte à son encontre.

3.1 Selon l’art. 14 al. 1 LPA lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions. Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/405/2022 du 12 avril 2022 consid. 3a et les références citées).

3.2 En l'espèce, contrairement à ce que prétend la recourante, de nombreux faits qui lui sont reprochés peuvent être tenus pour établis. À titre exemplatif, il n'est pas contesté que les mesures visant à lutter contre la pandémie de COVID-19 ont été violées au sein du salon, que plusieurs travailleuses proposaient et effectuaient des prestations sexuelles à risque contre majoration, que de la cocaïne a été retrouvée dans le salon et que les travailleuses y étaient continuellement filmées. Ces faits ressortent des interrogatoires de la recourante ainsi que des rapports de police.

Si la recourante prétend que des actes d'instruction doivent encore être menés devant le Ministère public, celle-ci ne précise pas suffisamment lesquels et échoue à démontrer en quoi ils seraient déterminants pour l'issue du litige.

Le procès-verbal d'audition le plus récent qu'elle a produit date de mars 2022 et l'on ignore à ce stade, soit plus d'une année après, l'état d'avancement de la procédure pénale. La recourante ne donne pas d'information à ce sujet mais ne prétend pas non plus que les actes d'instruction évoqués n'auraient pas encore eu lieu ou que la procédure aurait été retardée.

Dans la mesure où tant l'autorité intimée que la chambre de céans (ATA/927/2022 précité) ont déjà refusé de suspendre la procédure, il incombait à la recourante de fournir des éléments concrets de nature à justifier une éventuelle suspension, ce qu'elle n'a pas fait. Dès lors, conformément à la jurisprudence constante en la matière, elle doit supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATA/747/2021 consid. 5d et les arrêts cités).

Par surabondance, le Ministère public a confirmé que l'état de la procédure pénale en cours ne s'opposait pas au traitement administratif du dossier.

Le dossier peut donc être traité sous l'angle du droit administratif sans qu'il soit nécessaire d'attendre l'issue de la procédure pénale.

La demande de suspension de la procédure sera dès lors rejetée.

4) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'autorité intimée du 7 juillet 2022, par laquelle celle-ci a ordonné, au motif de la violation de l'art. 12 let. c, d et g de la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49), la fermeture immédiate et définitive du salon, a interdit à la recourante d'exploiter tout autre salon de massages ou d'agence d'escorte pour une durée de dix ans et lui a infligé une amende administrative de CHF 5'000.-.

4.1 La recourante conteste, implicitement à tout le moins, le bien-fondé des mesures et sanctions prononcées à son égard, se prévalant principalement du fait que les reproches qui lui sont adressés ne seraient pas établis.

4.2 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

4.3 La LProst a notamment pour objectif de garantir, dans le milieu de la prostitution, – à savoir l'activité d'une personne qui se livre à des actes sexuels ou d'ordre sexuel, avec un nombre déterminé ou indéterminé de clients, moyennant rémunération (art. 2 al. 1 LProst) –, que les conditions d'exercice de cette activité sont conformes à la législation, soit notamment qu'il n'est pas porté atteinte à la liberté d'action des personnes qui se prostituent, que celles-ci ne sont pas victimes de la traite d'êtres humains, de menaces, de violences, de pressions ou d'usure ou que l'on ne profite pas de leur détresse ou de leur dépendance pour les déterminer à se livrer à un acte sexuel ou d'ordre sexuel (art. 1 let. a LProst). Elle a également pour but d'assurer la mise en œuvre des mesures de prévention et promotion de la santé et de favoriser la réorientation professionnelle des personnes qui se prostituent, désireuses de changer d'activité (art. 1 let. b LProst).

Selon la jurisprudence, le but poursuivi par la LProst ne se confine pas à la prévention d'infractions pénales. Elle tend aussi à favoriser l'exercice conforme au droit de l'activité de prostitution dans son ensemble, ainsi qu'une gestion correcte et transparente des établissements publics actifs dans ce domaine à risque. Elle vise également le but d’intérêt public légitime de protection des personnes exerçant la prostitution contre l’exploitation et l’usure (ATA/1373/2017 du 10 octobre 2017 et les arrêts cités).

4.4 Selon l'art. 12 LProst, la personne responsable d'un salon a notamment pour obligations d'y empêcher toute atteinte à l'ordre public, notamment à la tranquillité, à la santé, à la salubrité et à la sécurité publiques (let. c) ; de contrôler que les conditions d'exercice de la prostitution y sont conformes à la législation, en particulier qu'il n'est pas porté atteinte à la liberté d'action des personnes qui se prostituent, que celles-ci ne sont pas victimes de la traite d'êtres humains, de menaces, de violences, de pressions ou d'usure, ou que l'on ne profite pas de leur détresse ou de leur dépendance pour les déterminer à se livrer à un acte sexuel ou d'ordre sexuel (let. d) ; d'exploiter de manière personnelle et effective son salon, de désigner en cas d'absence un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs dont elle répond, et d'être facilement atteignable par les autorités compétentes ; le prête-nom est strictement interdit (let. g).

4.4.1 Selon les travaux préparatoires relatifs à l'art. 12 let. g LProst (PL 12'031), dans sa teneur depuis le 29 juillet 2017, la modification apportée à la let. g vise à renforcer l'obligation, pour la personne responsable d'un salon, d'exploiter l'établissement de façon personnelle et effective. Il est rajouté à cette disposition l'obligation pour la personne responsable de désigner, en cas d'absence, un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs dont elle répond, tout en ajoutant que le prête-nom est strictement interdit. Cette modification résulte indirectement et notamment de la recommandation 4 (constats 8 et 10) de la Cour des comptes, qui demande à la police de lutter contre les prête-noms sans proposer des modifications légales et/ou réglementaires.

La loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) donne une définition du prête-nom que l'on peut transposer au domaine de la prostitution de salon. Selon l'art. 3 let. s LRDBHD, le prête-nom vise un comportement, prohibé par la loi, d'une personne physique titulaire du diplôme prévu par la loi, qui est autorisée formellement en tant qu'exploitant d'une entreprise, mais qui n'exerce pas effectivement et à titre personnel les tâches essentielles liées à la bonne marche de l'entreprise, qui sont de fait assurées par un tiers.

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, l'interdiction de servir de prête-nom vise à prévenir l’exploitation d’établissements par des personnes qui ne répondraient pas à des conditions de capacité et d’honorabilité bien déterminées, avec tout ce que cela comporte comme risque pour le public (ATA/685/2014 du 26 août 2014 consid. 4d).

4.4.2 L'utilisation de systèmes de surveillance (caméras, etc.) est assujettie à la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD - RS 235.1). Cette loi vise ainsi à protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes qui font l'objet d'un traitement de données (art. 1 LPD ; ACJC/1154/2018 du 28 août 2018 consid. 3.2.2).

Selon son art. 2, la LPD régit le traitement de données concernant des personnes physiques et morales effectué par des personnes privées (al. 1 let. a). Les données visées par la LPD sont les données personnelles, soit toutes les informations qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiable (art. 3 let. a LPD ; ATF 136 II 508 consid. 3.2). Le traitement consiste en toute opération relative à de telles données - quels que soient les moyens et procédés utilisés - notamment la collecte, la conservation, l'exploitation, la modification, la communication, l'archivage ou la destruction de données (art. 3 let. e LPD).

La prise de vue permettant d'identifier des personnes constitue une collecte et un traitement de données personnelles tombant sous le coup de la LPD (ACJC/1154/2018 précité consid. 3.2.2 ; Vanessa LÉVY, Le droit à l'image, Définition, Protection, Exploitation, Lausanne 2002, p. 202)

Bien que les images captées ne soient pas destinées à être publiées, ni même conservées au-delà d'un certain délai, elles sont susceptibles de porter atteinte à la personnalité. À ce titre, la vidéosurveillance doit répondre à une absolue nécessité et être réglementée de manière précise (finalité, utilisation des données recueillies, durée de conservation, information des personnes concernées) afin de préserver la vie privée des personnes concernées par ces mesures (ACJC/1154/2018 précité consid. 3.2.2 ; Vanessa Lévy, op. cit., pp. 202-203).

Selon l'art. 4 LPD, tout traitement de données doit être licite (al. 1). Leur traitement doit être effectué conformément aux principes de la bonne foi et de la proportionnalité (al. 2). Les données personnelles ne doivent être traitées que dans le but qui est indiqué lors de leur collecte, qui est prévu par une loi ou qui ressort des circonstances (al. 3).

Une atteinte à la personnalité est illicite à moins d’être justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi (art. 13 al. 1 LPD).

4.5 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/1100/2020 du 3 novembre 2020 consid. 3a et les arrêts cités).

La constatation des faits, en procédure administrative, est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves, qui signifie que le juge forme librement sa conviction, en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n'est déterminant, mais uniquement leur force de persuasion (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/769/2015 du 28 juillet 2015 consid. 6b).

De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/1373/2017 du 10 octobre 2017 consid. 5c et les arrêts cités).

4.6 En l’espèce, l'autorité intimée a constaté divers manquements de la part de la recourante dans la gestion du salon.

4.6.1 Elle lui reproche d'abord d'avoir violé son obligation d'empêcher toute atteinte à l'ordre public au sens de l'art. 12 let. c LProst.

En premier lieu, un parachute de cocaïne a été découvert dans le salon, et plusieurs échanges de messages relatifs à la mise à disposition de drogue ont été trouvés dans le téléphone portable de la recourante. Si cette dernière nie en avoir remis aux travailleuses et prétend ne jamais en avoir vendu à des clients, ce qui est d'ailleurs contredit par le témoignage de certaines travailleuses et celui de M. I______, elle admet en revanche en avoir demandé à ce dernier et reconnait que les travailleuses en possédaient et en remettaient aux clients dans le salon. Ainsi, quoi qu'elle en dise, le parachute de cocaïne retrouvé dans le coffre n'est pas le seul élément concret relatif à la présence de stupéfiants et il est établi que de la drogue circulait à tout le moins au sein de l'établissement, ce dont elle s'est accommodée, alors même qu'elle ne pouvait ignorer que cela constituait une atteinte à l'ordre public, la consommation de drogue pouvant causer des ravages au sein de la population (ATA/315/2017 du 21 mars 2017 consid. 3b).

En deuxième lieu, des prestations sexuelles à risque étaient effectuées au sein du salon ; ces prestations pouvaient donner lieu à une majoration financière que les travailleuses percevaient directement. Si la recourante affirme que de telles prestations étaient interdites, elle ne conteste pas en avoir eu connaissance, déclarant que « les travailleuses demeuraient libres du choix de leurs prestations ». Elle a ainsi à tout le moins envisagé et accepté que de telles prestations soient effectuées, sans prendre de quelconques mesures pour les empêcher, en toute connaissance de cause, avec les conséquences notoires que cela peut entraîner sur la santé publique et qu'elle ne saurait ignorer, vu sa position de responsable annoncée.

Enfin, le salon a dû être temporairement fermé car les mesures sanitaires en vigueur en période de pandémie de COVID-19 n'étaient pas respectées, mais également en raison de l'absence d'un plan de protection entourant l'activité de prostitution. La recourante a également autorisé à plusieurs reprises, ce qu'elle a admis, les travailleuses venant d'G______ à exercer leur activité en violation des exigences relatives à la quarantaine. Ce faisant, elle a manifesté un mépris de la réglementation en vigueur au moment de la pandémie de COVID-19, dans un contexte de crise sanitaire sans précédent.

Pour ces raisons, l'autorité intimée était fondée à retenir une violation de l'art. 12 let. c LProst.

4.6.2 L'autorité intimée reproche ensuite à la recourante d'avoir violé son obligation de contrôler que les conditions d'exercice de la prostitution au sein du salon étaient conformes à la législation, au sens de l'art. 12 let. d LProst.

Il ressort des déclarations de la recourante, de sa mère et de travailleuses auditionnées que ces dernières n'avaient pas le droit de quitter le salon avant d'avoir effectué le ménage, alors même qu'elles payaient un montant de CHF 30.- par jour pour ces prestations. Une telle obligation portait une atteinte non justifiée à leur liberté de mouvement et allait à l'encontre de l'obligation d'un responsable de salon de protéger la personnalité des travailleuses. De plus, ces dernières disposaient d'un temps libre d'une heure et demie à trois heures par jour, ce qui est insuffisant, en particulier dans le contexte précaire de la prostitution de salon.

Il n’est pas contesté que les travailleuses étaient continuellement surveillées, ou à tout le moins susceptibles de l'être, par des caméras de vidéo-surveillance. Si la recourante prétend que leur utilisation était justifiée par des raisons de sécurité, il ne ressort pas du dossier que les caméras auraient fait l'objet d'une règlementation précise s'agissant du traitement des images. Tant la recourante que ses parents avaient accès en tout temps aux images via une application et étaient libres de les consulter. De plus, il ressort des divers témoignages recueillis que les caméras permettaient à M. F______ d'exercer son contrôle sur les activités des travailleuses.

Dans ces circonstances, l'utilisation des caméras de vidéo-surveillance faite dans le salon n'était pas proportionnée et portait, au vu de la jurisprudence précitée, une atteinte injustifiée à la personnalité des travailleuses.

La recourante a ainsi méconnu son devoir de contrôler que les conditions d'exercice de la prostitution dans le salon étaient conformes à la législation.

Pour ces motifs, l'autorité intimée était fondée à retenir une violation de l'art. 12 let. d LProst.

4.6.3 Enfin, l'autorité intimée reproche à la recourante de ne pas exploiter de manière personnelle et effective son salon et de servir de prête-nom à ses parents, en violation de l'art. 12 let. g LProst. Elle fonde son reproche sur le fait que ces derniers auraient joué un rôle prépondérant dans la gestion du salon.

Il n’est pas contesté que M. F______ possédait une carte lui donnant accès au compte bancaire de la société chargée d’exploiter le salon et l'utilisait fréquemment pour retirer de l'argent. D'après Mme E______, il était chargé de prendre contact avec de potentielles travailleuses pour les faire venir au salon, souhaitait être informé de tout ce qu’il s'y passait et s'occupait, avec le concours de cette dernière, des annonces érotiques. La recourante a également admis, lors de son audition devant le Ministère public le 3 mars 2022, qu’il publiait des annonces sur Internet le soir et la nuit, qu’il s’occupait de la publicité et qu'il faisait partie des membres du groupe WhatsApp. Des travailleuses et Mme H______ ont confirmé qu'il participait activement à la gestion du salon par le biais dudit groupe.

Les messages échangés entre lui et la recourante, trouvés dans le téléphone portable de celle-ci, montrent également qu’il donnait des instructions concernant la gestion de l'établissement. En particulier, la recourante a admis, lors de son audition le 11 octobre 2020, qu'il donnait des consignes la nuit, via le groupe WhatsApp, s'agissant des activités ménagères, de l'arrivée de clients et des sorties visant la rencontre de clients.

Au vu de ces éléments, il est établi que M. F______ effectuait de nombreuses activités en rapport avec le salon et qu'il jouait ainsi un rôle prépondérant dans sa gestion.

Quant à Mme E______, sa situation est sensiblement différente de celle de son mari, dans la mesure où la BTPI lui a donné l'autorisation d'aider ponctuellement sa fille dans la gestion du salon, la demande en ce sens ayant été faite par cette dernière en raison de sa grossesse. Selon les déclarations de la recourante lors de son audition le 3 mars 2022, celle-ci s'était mise d'accord avec la BPTI pour que sa mère se rende au salon les week-ends afin de payer les travailleuses, l'aide de celle-ci devant se limiter à cette activité.

Il convient ainsi de déterminer si l'aide effectivement fournie par Mme E______ s'est étendue au-delà de ce qui a été convenu avec la BTPI.

Il ressort du dossier, en particulier des déclarations de la recourante et de Mme E______ le 11 octobre 2020, que celle-ci se trouvait au salon le samedi, le dimanche et le lundi et qu'elle répondait aux appels. En plus de gérer la trésorerie, elle aidait sa fille à établir les comptes et s'occupait de la publication des annonces érotiques.

Ces éléments sont suffisants pour retenir que l'aide effectivement fournie par Mme E______ s'est étendue au-delà de ce qui avait été convenu avec la BTPI et qu'elle était notamment en charge de la comptabilité du salon, soit une tâche importante dans le cadre de la gestion de celui-ci.

Par ailleurs, le fait qu'elle connaisse le code d'accès au coffre-fort du salon, ait accès au système de vidéo-surveillance et fasse partie du groupe WhatsApp dédié à la gestion du salon sont autant d'éléments de nature à démontrer son implication dans la gestion de l'établissement.

Dès lors, Mme E______ jouait également un rôle prépondérant au sein du salon.

Au vu de ce qui précède, l'implication établie des parents de la recourante dans la gestion du salon amène à constater que celle-ci, à laquelle des activités telles que la comptabilité ainsi que l'élaboration et la publication des annonces échappaient, n'exploitait pas le salon de façon personnelle et effective, comme l'a retenu à juste titre l'autorité intimée.

Fort de ce constat, celle-ci a également considéré à raison que la recourante servait de prête-nom à ses parents.

La faute commise par la recourante est d'autant plus importante que l'autorité intimée avait accepté qu'elle reprenne seule la responsabilité du salon à condition que son père notamment ne soit plus associé à la gestion de l'établissement, ce dont elle a manifestement fait fi, en dépit de son engagement.

Contrairement à ce qu'elle prétend, la grande majorité des faits qui lui sont reprochés et qui ont été développés ci-avant ressortent tous du dossier, en particulier des rapports de la BTPI et de ses propres déclarations, notamment lors de ses auditions les 11 octobre 2020 et 3 mars 2022. Si elle conteste la plupart des faits et prétend que les accusations portées par certaines travailleuses du sexe ne résulteraient que d'une volonté de vengeance et seraient mensongères, elle ne donne cependant aucune explication concrète qui viendrait contredire efficacement ces accusations, ce qu'elle aurait pourtant eu l'occasion de faire dans ses divers mémoires. De la sorte, se limiter à contester certains faits ne suffit pas à la disculper, ce d'autant plus qu'elle a elle-même admis de nombreux reproches.

Les témoignages écrits qu'elle a produits, qui se révèlent succincts, ne sont pas non plus de nature à la décharger. En effet, aucune des travailleuses n'y a indiqué que les reproches spécifiques adressés par l'autorité intimée n'étaient pas fondés. Le fait que ces dernières aient déclaré que le traitement reçu au salon avait toujours été très correct, sans toutefois donner plus de détails, et que jamais elles n'avaient été forcées à accomplir un acte contre leur volonté ne change rien au fait que la recourante a violé à plusieurs égards la LProst.

Au vu de tout ce qui précède, l'autorité intimée a considéré à raison que la recourante a violé l'art. 12 let. c, d et g LProst.

5) Reste encore à examiner si les mesures et sanctions infligées à la recourante pour ce motif respectent le principe de la proportionnalité.

5.1 L'art. 14 LProst a trait aux mesures et sanctions administratives dont peut faire l'objet la personne responsable d'un salon (al. 1) qui n'a pas rempli son obligation d'annonce en vertu de l'art. 9 LProst (let. a), ne remplit pas ou plus les conditions personnelles de l'art. 10 LProst (let. b), n'a pas procédé aux communications qui lui incombent en vertu de l'art. 11 LProst (let. c) ou n'a pas respecté les obligations que lui impose l'art. 12 LProst (let. d).

Selon l'art. 14 al. 2 LProst, l'autorité compétente prononce, selon la gravité ou la réitération de l'infraction l'avertissement (let. a), la fermeture temporaire du salon, pour une durée de un à six mois et l'interdiction d'exploiter tout autre salon, pour une durée analogue (let. b) ou la fermeture définitive du salon et l'interdiction d'exploiter tout autre salon pour une durée de dix ans (let. c).

La fermeture, temporaire ou définitive, est conçue davantage comme une mesure administrative, destinée à protéger l'ordre public et la liberté d'action des personnes qui se prostituent, que comme une sanction. Pour être efficace, une telle mesure doit être accompagnée d'une véritable sanction administrative consistant en une interdiction d'exploiter tout autre salon afin d'empêcher la personne concernée de poursuivre, ou reprendre, l'exploitation d'un autre établissement quelques rues plus loin (ATA/477/2022 du 4 mai 2022 consid. 5a et la référence citée).

5.2 Indépendamment du prononcé des mesures et sanctions administratives, l'autorité compétente peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la loi ou ses dispositions d'exécution (art. 25 al. 1 LProst).

Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale. Leur quotité doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 6a ; ATA/810/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4a et la référence citée). En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. L'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/991/2016 précité consid. 6a).

5.3 Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/114/2015 du 27 janvier 2015 consid. 5c).

5.3.1 Exprimé à l'art. 5 al. 2 Cst., le principe de la proportionnalité commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et raisonnablement exigible de la part de la personne concernée. Il se compose des règles d'aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, celui portant l'atteinte la moins grave aux intérêts privés soit privilégié, et de la proportionnalité au sens étroit, selon lequel les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public soient mis en balance (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2).

5.3.2 Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de se pencher sur la question de savoir si la fermeture de salons de massages respectait le principe de la proportionnalité. Toutes les affaires dans lesquelles il a jugé que la fermeture temporaire du salon était conforme au principe de la proportionnalité concernaient des cas dans lesquels des prostituées ressortissantes d'États tiers exerçaient leur activité dans un salon de massages sans autorisation de séjour et de travail en Suisse. Dans ces cas, de graves troubles à l'ordre public avaient également été constatés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2014 consid. 4.3 et les arrêts cités).

5.4 En l'espèce, les fautes commises par la recourante doivent être qualifiées de graves.

Celle-ci a intentionnellement contrevenu aux obligations relatives à la lutte contre la pandémie de COVID-19 et a, à tout le moins, toléré que de la drogue circule dans l'établissement. De par sa position d'exploitante annoncée, elle avait un devoir particulier d'empêcher ces dysfonctionnements mais s'est de façon manifeste déchargée de cette obligation.

En servant de prête-nom à ses parents, elle a contrevenu à son obligation légale de gérer personnellement et effectivement le salon mais aussi à son propre engagement d'écarter son père de toute activité en lien avec l'établissement. Elle a pris et accepté le risque que le salon soit en réalité géré par des personnes dont les antécédents, qu'elle connaissait, ne permettaient objectivement pas de garantir le respect des obligations permettant d'assurer des conditions d'exercice de la prostitution conformes à la loi, M. F______ s'étant déjà servi, par le passé, de Mme E______ comme prête-nom, ce qui a été sanctionné.

La fermeture définitive du salon ainsi que l'interdiction d'exploiter tout autre salon pour une durée de dix ans est nécessaire pour atteindre les intérêts poursuivis, notamment celui d’éviter d’exposer les prostituées, précarisées, à des atteintes à leur personnalité ainsi que favoriser l'exercice conforme au droit de l'activité de prostitution dans son ensemble (art. 1 let. a LProst).

Au vu des graves manquements reprochés, une mesure moins incisive, soit un avertissement (art. 14 al. 2 let. a LProst) ou la fermeture temporaire du salon, pour une durée d'un à six mois, assortie d'une interdiction d'exploiter tout autre salon pour une durée analogue (art. 14 al. 2 let. b LProst), paraît insuffisante pour atteindre les buts visés par la LProst. Le fait que la recourante n'ait fait l'objet d'aucune sanction depuis 2016 n'y change rien. En effet, la procédure menée à son encontre a été entreprise en 2018 déjà et le prononcé de la décision querellée a été retardé uniquement en raison des nouveaux faits constatés au fur et à mesure de l'enquête.

Par ailleurs, dans la mesure où le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser à plusieurs reprises que la fermeture temporaire d'un salon était conforme au principe de la proportionnalité dans les cas où des prostituées ressortissantes d'États tiers exerçaient leur activité dans un salon de massages sans autorisation de séjour et de travail en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2014 consid. 4.3 et les arrêts cités), une fermeture définitive se justifie a fortiori lorsque, comme en l'espèce, les manquements reprochés sont plus nombreux et plus importants.

L'ordre de fermeture ne prive en tout état pas la recourante de l'exercice de toute activité économique, mais uniquement dans le domaine de la prostitution. Son comportement permet de douter de ses capacités et de sa réelle volonté à assumer la responsabilité d'un salon conformément aux exigences légales, ce d'autant plus que ses antécédents familiaux ne plaident pas en sa faveur.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l'intérêt de la recourante à pouvoir gérer un salon de prostitution doit céder le pas à l'intérêt public au respect des conditions gouvernant l'exploitation de tels établissements.

Enfin, la recourante ne conteste pas la quotité de l’amende qui lui a été infligée. Compte tenu de la gravité des infractions à la LProst, le montant de CHF 5'000.-, qui se situe encore au bas de la « fourchette » prévue par l’art. 25 al. 1 LProst, n'est pas critiquable.

Les mesures et sanctions infligées à la recourante respectent donc le principe de la proportionnalité, de sorte que l'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

 

6) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 août 2022 par Mme A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 7 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Mme A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi

communique le présent arrêt à Me Oana Stehle Halaucescu, avocate de la recourante, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :