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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2940/2022

ATA/444/2023 du 26.04.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2940/2022-EXPLOI ATA/444/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 avril 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Sabrina CELLIER, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

A.           a. Mme A______ a été l’exploitante du salon « B______ » (ci-après : le salon) du 15 octobre 2014 au 30 septembre 2016.

b. Le 1er octobre 2016, sa fille, Mme C______, s’est enregistrée en tant que nouvelle responsable du salon.

Le département de la sécurité et de l'économie, devenu depuis lors le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : le département) a accepté que Mme C______ reprenne seule la responsabilité du salon, à condition que Mme A______ et son mari, M. D______, ne soient pas associés à la gestion de l’établissement.

c. Le 11 octobre 2016, après s'être vu reprocher de servir de prête-nom à son mari dans l'exploitation du salon, Mme A______ s’est vu notifier une décision d’interdiction d’exploitation de salon de massages pour une durée de dix ans à l’encontre de laquelle elle a interjeté recours, enregistré sous le numéro de cause A/3863/2016.

Le 28 septembre 2018, en cours d’instruction du recours, le département a annulé sa première décision et, statuant à nouveau, lui a interdit d’exploiter tout salon de massages pour une durée de trois mois.

Celle-ci a accepté la nouvelle décision prise par le département et la cause A/3863/2016 est ainsi devenue sans objet.

d. Dans le courant de l’année 2018, sa fille, alors enceinte, a obtenu de la Brigade de lutte contre la traite d'êtres humains et la prostitution illicite (ci-après: BTPI) de la police genevoise une autorisation permettant à Mme A______ de l’aider ponctuellement dans le cadre de la gestion du salon.

e. À une date demeurant indéterminée mais à tout le moins depuis le mois d’octobre 2020, Mme A______ a travaillé en tant que vendeuse chez E______ à un taux de 60 %, puis de 50 % dès le 1er juillet 2021.

B. a. Par décision du 15 octobre 2020, le service du médecin cantonal (SMC) a ordonné la fermeture immédiate du salon, à la suite d'un contrôle effectué le 12 octobre 2020 par la BTPI, qui a constaté que les mesures sanitaires en vigueur n'étaient pas respectées. Il a également reproché à Mme C______ l'absence d'un plan de protection entourant l'activité de prostitution, lequel était exigé à ce moment-là pour lutter contre la propagation du virus COVID-19.

Le salon a été rouvert par la suite, un plan de protection ayant été mis en place.

b. Le 16 octobre 2020, après que l'association Aspasie eut pris contact avec la BTPI en raison de la volonté de quatre travailleuses du salon de déposer plainte pour des motifs liés à leurs conditions de travail, la BTPI a rendu un rapport de renseignements concernant le salon.

Le 10 octobre 2020, les inspecteurs avaient procédé à un contrôle du salon et avaient été reçus par Mme A______, occupée à la réception, sa fille étant absente.

Les inspecteurs de la BTPI avaient découvert un parachute de cocaïne caché dans le coffre-fort du salon, lequel était destiné à contenir en particulier le livre de police du salon et dont Mme A______ et sa fille notamment possédaient le code d'accès ainsi qu'une lettre indiquant qu'une prestation sexuelle à risque avait été effectuée au sein de l'établissement.

Les prestations sexuelles à risque effectuées dans le salon étaient connues des gérants et pouvaient donner lieu à un prix majoré que les travailleuses percevaient directement.

Certaines travailleuses auditionnées ce jour-là avaient indiqué que Mme A______, qui gérait leur « salaire » et M. D______ étaient en réalité les « patrons » du salon et que Mme C______ n'y était présente que quelques fois par semaine.

Selon ces travailleuses, Mme C______ leur remettait de la cocaïne quand elles le lui demandaient, pour en consommer avec les clients. Les filles arrivant d'F______ ne respectaient pas la quarantaine et les travailleuses devaient notamment effectuer des tâches ménagères, prestations pour lesquelles elles payaient pourtant un montant de CHF 30.- par jour, pour pouvoir sortir une heure et demi pendant la journée, à défaut de quoi interdiction leur était faite de recevoir des clients pendant quelques heures. Enfin, des caméras de surveillance étaient installées dans le salon, ce qui permettait notamment à M. D______ de surveiller les travailleuses, lesquelles devaient l'avertir lorsqu'elles quittaient le salon.

Lors de son audition, le 11 octobre 2020, Mme C______ avait confirmé que le salon était continuellement filmé et que les travailleuses n'avaient pas le droit de le quitter avant d'avoir effectué le ménage. Elle autorisait les filles en provenance d'F______ à exercer leur activité sans effectuer de quarantaine. Ses parents s'occupaient eux-mêmes de la publication des annonces érotiques et son père en particulier donnait des consignes la nuit, via le groupe WhatsApp dont toute la famille faisait partie et qui était destiné à la gestion du salon (ci-après : le groupe WhatsApp), s'agissant des activités ménagères, de l'arrivée de clients et des sorties visant la rencontre de clients.

Elle avait nié remettre de la drogue aux travailleuses du sexe, tout en reconnaissant que certaines d'entre elles en possédaient et en remettaient aux clients.

Lors de son audition, le 11 octobre 2020, Mme A______ avait expliqué qu'elle répondait parfois aux appels le samedi ainsi que le dimanche et le lundi de 01h00 à 21h00 ; elle gérait la trésorerie et remettait de l'argent et des quittances – signées au préalable par sa fille – aux travailleuses. Elle aidait cette dernière, qui n'était présente au salon que l'après-midi, à établir les comptes. Les travailleuses n'étaient autorisées à sortir qu'après avoir effectué des tâches ménagères.

c. Les faits ayant fait l'objet du rapport du 16 octobre 2020 ont donné lieu à l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre de Mme A______ notamment (P/1______/2020).

d. Le 12 novembre 2021, la BTPI a été établi un second rapport de renseignements.

Plusieurs échanges de messages relatifs à la mise à disposition de drogue au sein du salon avaient été trouvés dans le téléphone portable de Mme C______.

Mme G______, réceptionniste au salon jusqu'en septembre 2020, avait affirmé, lors de son audition le 8 octobre 2021, que c'était bien M. D______ qui dirigeait le salon, notamment par le biais du groupe WhatsApp. À la demande de Mme C______, elle avait vendu des boulettes de cocaïne à des clients pour le compte de la direction. Les travailleuses n'avaient pas le droit de sortir si elles ne prévenaient pas à l'avance la direction et avaient au maximum deux à trois heures de temps libre par jour. L'intérieur du salon, à l'exception des chambres, était filmé.

M. H______, auditionné le 5 novembre 2021, avait indiqué que Mme C______ l'avait contacté afin d'obtenir de la cocaïne pour un client lorsqu'il œuvrait comme chauffeur pour le compte du salon.

e. Le 28 janvier 2022, le Ministère public a informé le département que l'état de la procédure pénale ne s'opposait plus au traitement administratif de l'affaire.

f. Le 3 mars 2022, Mme A______ a été auditionnée par le Ministère public.

Elle a expliqué avoir aidé sa fille lorsque celle-ci était enceinte, notamment en se rendant au salon les samedis et dimanche soirs et en répondant au téléphone. Elle avait réactualisé les annonces des travailleuses du sexe, dont la publication était assurée par sa fille et, occasionnellement, son mari.

g. Le 3 mars 2022, Mme C______ a également été interrogée par le Ministère public.

Elle a expliqué qu'un inspecteur de la BPTI avait accepté que sa mère se rendît sur place les week-ends pour payer les travailleuses et éventuellement répondre au téléphone, en raison de sa grossesse. Elle avait continué de « tout » gérer depuis chez elle, y compris la comptabilité, pendant son congé-maternité.

Elle a également indiqué que le salon était continuellement filmé, pour des raisons de sécurité ; elle et sa mère avaient accès au système de surveillance mis en place mais ne regardaient jamais les caméras, sauf en cas de problème. Elle avait écrit à M.H______, à la demande d'une travailleuse, pour obtenir de la drogue.

h. Par courrier du 17 mars 2022, le département, donnant notamment suite au rapport du 12 novembre 2021, a reproché à Mme A______ divers manquements ainsi que d’être exploitante de fait du salon, respectivement co-exploitante avec son mari, sa fille lui servant de prête-nom.

De la drogue avait été mise à disposition des prostituées et des clients, et les mesures visant à lutter contre la propagation du COVID-19 n’avaient pas été respectées au sein de l’établissement.

Les travailleuses du sexe étaient incitées à effectuer des prestations sexuelles à risque, qui leur permettaient de toucher une rémunération supplémentaire, et n’avaient le droit de sortir qu’une heure et demi par jour.

Le département a fait part à Mme A______ de son intention de prononcer la fermeture définitive du salon ainsi qu’une interdiction d’exploiter tout autre salon de massages pendant dix ans.

i. Mme A______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés, se réservant le droit de compléter ses déterminations avant qu’une décision ne soit rendue et demandé la suspension de la procédure administrative jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale.

j. Par décision du 7 juillet 2022 prononcée à l’encontre de Mme C______, le département a ordonné la fermeture définitive et immédiate du salon et lui a interdit d'exploiter tout autre salon de massages ou agences d'escorte pour une durée de dix ans, ces deux mesures étaient déclarées exécutoires nonobstant recours.

Cette décision a fait l’objet d’un recours devant la chambre administrative, lequel a été enregistré sous le numéro de procédure A/2603/2022, étant précisé que le salon a été fermé à la suite de la décision du 7 juillet 2022.

C. a. Par décision du 28 juillet 2022 déclarée exécutoire nonobstant recours et notifiée le lendemain, le département a infligé à Mme A______ un avertissement ainsi qu’une amende de CHF 2'000.- et l'a condamnée à un émolument de CHF 100.- pour les mêmes motifs que ceux évoqués dans son courrier du 17 mars 2022.

Le département a également refusé de suspendre la procédure dans la mesure où les manquements constatés sous l’angle administratif étaient suffisamment établis et indépendants de toute condamnation pénale

b. Par acte remis à la poste le 14 septembre 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à titre provisionnel à la restitution de l’effet suspensif au recours, préalablement à la suspension de la procédure, à l’ouverture d’enquêtes ainsi qu’à l’audition personnelle des parties et, principalement, à l’annulation de ladite décision.

Celle-ci ne faisait référence ni à l’existence de témoignages à décharge, ni aux témoignages écrits de certaines travailleuses qui avaient indiqué avoir toujours été bien traitées au salon et n'avoir jamais été forcées d'accomplir un acte contre leur volonté.

Son droit d’être entendue avait été violé à plusieurs égards.

En premier lieu, le département avait rendu sa décision sans l’informer que la suspension était refusée et sans lui accorder un bref délai pour compléter ses déterminations du 31 mars 2022.

En deuxième lieu, le département avait refusé à tort de suspendre la procédure. En effet, les faits sur lesquels reposaient la décision querellée n’étaient pas suffisamment établis. Dès lors, un risque réel que des décisions incompatibles fussent rendues par les autorités administratives, d’une part, et pénales, d’autre part, existait. Aucun impératif de célérité susceptible de contrebalancer le risque de décisions contradictoires ne s’imposait. Elle avait été privée de la possibilité de répondre aux accusations des travailleuses, auxquelles elle n’avait pas encore été confrontée.

En dernier lieu, la décision n’était pas suffisamment motivée. Elle ne précisait pas lesquels de ses agissements contrevenaient à la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49) et lui imputait des actes reprochés tant à sa fille qu’à son conjoint.

Les constatations rapportées dans les rapports de police n’avaient pas pleine valeur probante et il convenait de s’en écarter. En effet, ces derniers reposaient uniquement sur l’appréciation à charge des inspecteurs sur des témoignages qui se contredisaient. La procédure avait été initiée par la dénonciation de quatre travailleuses mues par un esprit de vengeance dont les témoignages avaient été contredits par de nombreux autres témoignages et par les premières mesures d’instruction. Des témoins, notamment des travailleuses du sexe, avaient confirmé que la responsable du salon était sa fille ; elle-même ne s'y rendait qu’environ une fois par semaine, de sorte que le département ne pouvait lui reprocher d’y être présente quasi-quotidiennement, ce d’autant plus qu’elle avait travaillé comme vendeuse cinq jours par semaine.

Les faits avaient été constatés de façon inexacte et incomplète. Elle n’était pas exploitante de fait du salon. Il n’était pas établi qu’elle avait assuré la surveillance de l’activité du salon, ni sa gestion. Ces tâches avaient été assurées par sa fille. Les caméras de surveillance étaient installées à l’entrée du salon et au-dessus du coffre, comme cela se faisait dans tous les salons dont les responsables étaient soucieux de la sécurité des travailleuses du sexe.

c. Le département a conclu, sur effet suspensif, à la restitution de celui-ci, les sanctions ayant été déclarées exécutoires nonobstant recours à la suite d’une erreur de plume.

d. Par décision du 22 septembre 2022 (ATA/956/2022), la chambre administrative a restitué l’effet suspensif au recours.

e. Le département a conclu, au fond, au rejet du recours.

Les faits reprochés avaient été corroborés par de nombreuses travailleuses et non uniquement celles avec lesquelles Mme A______ se disait être en conflit.

Les prostituées étaient épiées par des caméras dont le visionnage était effectué, même à distance, par M. D______.

L'ensemble des personnes auditionnées admettait unanimement que Mme A______ s'occupait de la gestion financière de l'établissement et que son mari dirigeait le salon à distance, par le biais des caméras et du groupe « WhatsApp ». Leur fille ne s'occupait que de quelques tâches et n'y était présente que par moments.

f. Dans sa réplique, Mme A______ a relevé que la décision entreprise ne démontrait pas à quel titre elle répondrait des conditions d'exploitation du salon après 2016.

Aucun élément ne permettait de démontrer qu'elle avait participé à un trafic de drogue.

La partialité de la BTPI et du département était flagrante, alors même que les témoignages démontraient que les conditions au salon étaient meilleures que dans de nombreux autres salons de massages.

Elle s'était limitée à aider sa fille pour des tâches déterminées et passait au salon pour son compte quand celle-ci en était empêchée.

g. Sur ce, les parties ont été informées le 25 janvier 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) À titre préalable, la recourante sollicite l’ouverture d’enquêtes et la comparution personnelle des parties.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1 ; 1C_638/2020 du 17 juin 2021 consid. 2.1 et les références citées).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1 ; ATA/965/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a et les références citées).

Le droit d'être entendu n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_83/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.2 ; 2C_236/2019 du 4 juillet 2019 consid. 5.2 ; ATA/484/2020 du 19 mai 2020 et les arrêts cités).

2.2 En l'occurrence, la recourante n'indique pas éléments pertinents qui n’auraient pu être produits par écrit son audition permettrait d’apporter à la solution du litige. Elle n'explique pas par ailleurs sur quoi devraient porter les enquêtes qu'elle a demandées.

La chambre de céans dispose en tout état de cause d'un dossier complet, lequel comprend notamment les écritures des parties, ainsi que les pièces produites à leur appui, en particulier divers procès-verbaux de témoignages de travailleuses du sexe et d'interrogatoires de la recourante, étant rappelé que la procédure administrative est en principe écrite (art. 18 LPA).

Si la recourante n’a a priori pas été confrontée aux témoins entendus par la police, elle a pu prendre connaissance du contenu de leurs auditions et se prononcer à ce sujet à plusieurs reprises par écrit. Elle a également pu s'exprimer oralement – lors de son audition devant la BTPI le 11 octobre 2020 et devant le Ministère public le 3 mars 2022 – sur les faits qui lui sont reprochés, étant précisé que les procès-verbaux y relatif ont été transmis à la chambre de céans.

Le dossier apparaît ainsi en état d’être jugé.

Il ne sera dès lors pas donné suite aux mesures d'instruction sollicitées par la recourante.

3) La recourante requiert à nouveau la suspension de la présente procédure jusqu'à droit connu dans la procédure pénale ouverte à son encontre.

3.1 Selon l’art. 14 al. 1 LPA lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions. Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/405/2022 du 12 avril 2022 consid. 3a et les références citées).

3.2 En l'espèce, contrairement à ce que prétend la recourante, de nombreux manquements constatés au sein de l'établissement sont établis. À titre exemplatif, il n'est pas contesté que les mesures visant à lutter contre la pandémie de COVID-19 ont été violées au sein du salon, que plusieurs travailleuses proposaient et effectuaient des prestations sexuelles à risque contre majoration, que de la cocaïne a été retrouvée dans le salon et que les travailleuses y étaient continuellement filmées. Ces faits ressortent des interrogatoires de la recourante ainsi que des rapports de police.

En ce qui concerne l'éventuelle implication de la recourante dans la gestion du salon, question centrale en l'occurrence, la chambre de Céans considère que les éléments en sa possession sont également suffisamment établis.

Le dossier peut donc être traité sous l'angle du droit administratif, sans qu'il soit nécessaire d'attendre l'issue de la procédure pénale.

La demande de suspension de la procédure sera dès lors rejetée.

4) Dans un grief d'ordre formel, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue. D'une part, elle n'aurait pas eu la possibilité de se déterminer pleinement avant le prononcé de la décision entreprise et, d'autre part, celle-ci ne serait pas suffisamment motivée.

4.1 Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2020 du 5 février 2021 consid. 2.1 ; ATA/549/2021 du 25 mai 2021 consid. 2a et les références citées ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 696 n. 1982). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_740/2017 du 25 juin 2018 consid. 3.2). Sa portée est déterminée d'abord par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 126 I 15 consid. 2 ; 125 I 257 consid. 3a et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_11/2009 du 31 mars 2009 consid. 2.1). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, pp. 518-519 n. 1526). Quant à l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et les références citées).

Tel qu’il est garanti par cette dernière disposition, le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 146 IV 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_27/2021 du 3 août 2021 consid. 6.2.1 et les références citées ; ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5a et les références citées).

4.2 Le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATF 141 V 557 consid 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.1 ; 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1 et les références citées). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATF 141 V 557 consid 3.2.1 ; 138 IV 81 consid. 2.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; ATA/876/2021 du 31 août 2021 consid. 6b ; Pierre TSCHANNEN/Ulrich ZIMMERLI, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4ème éd., 2014, p. 271 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 348 ss, n. 2.2.8.3).

4.3 En l'espèce, l'autorité intimée a informé la recourante, le 17 mars 2022, de son intention de lui infliger une mesure ainsi qu'une amende administrative, sur la base de faits et reproches qu'elle a détaillés dans son courrier.

Elle lui a imparti un délai pour se prononcer. La recourante s'est toutefois limitée à contester les faits et à requérir la suspension de la procédure. Représentée par un avocat, elle ne pouvait cependant pas ignorer qu'une telle suspension, non systématique, pouvait lui être refusée. Il lui incombait alors d'exposer pleinement son point de vue et d'offrir, le cas échéant, l'administration des preuves qu'elle jugeait pertinentes, ce qu'elle a donc eu l'occasion de faire.

L'autorité intimée l'ayant informée qu'une décision serait prise à son encontre et lui ayant donné la possibilité de s'exprimer, rien ne l'obligeait, avant de prendre sa décision, à lui accorder un délai supplémentaire, même bref, pour qu'elle complète ses écritures. Aucune violation du droit d'être entendu n'a ainsi été commise à ce titre.

En ce qui concerne la motivation de la décision, celle-ci contient un rappel des faits qui ont déclenché l'ouverture de la présente procédure. Elle énonce également les bases légales que la recourante a, selon l'autorité intimée, violées, et expose de façon claire, quoi qu'en elle en dise, les faits qui lui sont reprochés, ce d'autant plus qu'elle les a contestés.

Elle a ainsi pu se rendre compte de la portée de la décision et a recouru contre en toute connaissance de cause. En contestant sa responsabilité et le fait que les agissements de sa fille, respectivement ceux de son mari, lui soient imputables, elle apporte en réalité une approche juridique différente de celle de l'autorité intimée, de sorte que l'on ne saurait retenir que la décision entreprise serait insuffisamment motivée.

Dans ces circonstances, le droit d'être entendue de la recourante n'a pas été violé.

Mal fondé, ce grief sera rejeté.

5) La recourante se plaint de la constatation manifestement inexacte et incomplète des faits pertinents et estime que les constations figurant dans les rapports de police n'auraient pas pleine valeur probante.

5.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

5.2 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/1100/2020 du 3 novembre 2020 consid. 3a et les arrêts cités).

La constatation des faits, en procédure administrative, est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves, qui signifie que le juge forme librement sa conviction, en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n'est déterminant, mais uniquement leur force de persuasion (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/769/2015 du 28 juillet 2015 consid. 6b).

De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/1373/2017 du 10 octobre 2017 consid. 5c et les arrêts cités).

5.3. En l'espèce, la recourante soutient dans un premier temps que la procédure aurait été menée à charge et qu'elle aurait été victime d'un acharnement. Les rapports de police reposeraient uniquement sur l’appréciation à charge des inspecteurs sur des témoignages qui se contrediraient.

Celle-ci se méprend toutefois. En effet, alors que de nombreux témoignages plaident en sa défaveur, certains de ceux qu'elle a elle-même cités comme étant à sa décharge contiennent également des éléments matériellement à charge. Par exemple, si ont certes affirmé que sa fille était l'exploitante et la patronne du salon, elles ont aussi indiqué, lors de leur audition le 10 octobre 2020, que la recourante aidait sa fille, en lui donnant notamment un coup de main dans la « gestion de l'établissement » et que celle-ci passait tous les jours au salon mais ne restait pas longtemps (sic).

Vu les témoignages à charge ainsi que l'existence de contradictions dans les témoignages à décharge, on ne saurait retenir que les inspecteurs ont fait preuve d'un acharnement envers la recourante, ce d'autant plus que ces derniers ont rendu leurs rapports notamment après s'être rendus au salon et après y avoir constaté de nombreux manquements, dont un certain nombre à tout le moins demeurent établis. Ces rapports, dont rien ne permet de s'écarter, doivent ainsi se voir accorder une pleine valeur probante.

Dans un second temps, la recourante conteste avoir été l'exploitante de fait du salon.

Bien que la recourante se plaigne d'une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, son grief n'a en réalité pas trait à cette dernière mais relève plutôt de l'appréciation juridique de l'autorité intimée à propos de la nature et de l'intensité et de son activité au sein du salon, laquelle relève du fond du litige et sera examinée ci-dessous.

Le grief sera dès lors rejeté.

6) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'autorité intimée du 28 juillet 2022 par laquelle celle-ci a infligé à la recourante un avertissement, une amende administrative de CHF 2'000.-.

6.1. Il convient au préalable de déterminer si les reproches adressés par l'autorité intimée tant à la recourante qu'à sa fille, sur la base de l'art. 12 let. c et d LProst, sont fondés.

6.2 La LProst a notamment pour objectif de garantir, dans le milieu de la prostitution, – à savoir l'activité d'une personne qui se livre à des actes sexuels ou d'ordre sexuel, avec un nombre déterminé ou indéterminé de clients, moyennant rémunération (art. 2 al. 1 LProst) –, que les conditions d'exercice de cette activité sont conformes à la législation, soit notamment qu'il n'est pas porté atteinte à la liberté d'action des personnes qui se prostituent, que celles-ci ne sont pas victimes de la traite d'êtres humains, de menaces, de violences, de pressions ou d'usure ou que l'on ne profite pas de leur détresse ou de leur dépendance pour les déterminer à se livrer à un acte sexuel ou d'ordre sexuel (art. 1 let. a LProst). Elle a également pour but d'assurer la mise en œuvre des mesures de prévention et promotion de la santé et de favoriser la réorientation professionnelle des personnes qui se prostituent, désireuses de changer d'activité (art. 1 let. b LProst).

Selon la jurisprudence, le but poursuivi par la LProst ne se confine pas à la prévention d'infractions pénales. Elle tend aussi à favoriser l'exercice conforme au droit de l'activité de prostitution dans son ensemble, ainsi qu'une gestion correcte et transparente des établissements publics actifs dans ce domaine à risque. Elle vise également le but d’intérêt public légitime de protection des personnes exerçant la prostitution contre l’exploitation et l’usure (ATA/1373/2017 du 10 octobre 2017 et les arrêts cités).

6.3 Selon l'art. 12 LProst, la personne responsable d'un salon a notamment pour obligations d'y empêcher toute atteinte à l'ordre public, notamment à la tranquillité, à la santé, à la salubrité et à la sécurité publiques (let. c) ; de contrôler que les conditions d'exercice de la prostitution y sont conformes à la législation, en particulier qu'il n'est pas porté atteinte à la liberté d'action des personnes qui se prostituent, que celles-ci ne sont pas victimes de la traite d'êtres humains, de menaces, de violences, de pressions ou d'usure, ou que l'on ne profite pas de leur détresse ou de leur dépendance pour les déterminer à se livrer à un acte sexuel ou d'ordre sexuel (let. d).

6.3.1 L'utilisation de systèmes de surveillance (caméra, etc.) est assujettie à la loi fédérale sur la protection des données (LPD - RS 235.1).). Cette loi vise ainsi à protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes qui font l'objet d'un traitement de données (art. 1 LPD ; ACJC/1154/2018 du 28 août 2018 consid. 3.2.2).

Selon son art. 2, la LPD régit le traitement de données concernant des personnes physiques et morales effectué par des personnes privées (al. 1 let. a). Les données visées par la LPD sont les données personnelles, soit toutes les informations qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiable (art. 3 let. a LPD ; ATF 136 II 508 consid. 3.2). Le traitement consiste en toute opération relative à de telles données - quels que soient les moyens et procédés utilisés - notamment la collecte, la conservation, l'exploitation, la modification, la communication, l'archivage ou la destruction de données (art. 3 let. e LPD).

La prise de vue permettant d'identifier des personnes constitue une collecte et un traitement de données personnelles tombant sous le coup de la LPD (ACJC/1154/2018 précité consid. 3.2.2 ; Vanessa LÉVY, Le droit à l'image, Définition, Protection, Exploitation, Lausanne 2002, p. 202)

Bien que les images captées ne soient pas destinées à être publiées, ni même conservées au-delà d'un certain délai, elles sont susceptibles de porter atteinte à la personnalité. À ce titre, la vidéosurveillance doit répondre à une absolue nécessité et être réglementée de manière précise (finalité, utilisation des données recueillies, durée de conservation, information des personnes concernées) afin de préserver la vie privée des personnes concernées par ces mesures (ACJC/1154/2018 précité consid. 3.2.2 ; Vanessa LÉVY, op. cit., p. 202-203).

Selon l'art. 4 LPD, tout traitement de données doit être licite (al. 1). Leur traitement doit être effectué conformément aux principes de la bonne foi et de la proportionnalité (al. 2). Les données personnelles ne doivent être traitées que dans le but qui est indiqué lors de leur collecte, qui est prévu par une loi ou qui ressort des circonstances (al. 3).

Une atteinte à la personnalité est illicite à moins d’être justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public ou par la loi (art. 13 al. 1 LPD).

6.4 En l’espèce, l'autorité intimée a constaté divers manquements dans la gestion du salon.

6.4.1 Elle reproche d'abord à la recourante et à sa fille la violation de l'obligation d'empêcher toute atteinte à l'ordre public au sens de l'art. 12 let. c LProst.

En premier lieu, un parachute de cocaïne a été découvert dans le salon et plusieurs échanges de messages relatifs à la mise à disposition de drogue ont été trouvés dans le téléphone portable de la fille de la recourante. Si cette dernière nie en avoir remis aux travailleuses et prétend ne jamais en avoir vendu à des clients, ce qui est d'ailleurs contredit par le témoignage des travailleuses et celui de M. H______, elle admet en revanche en avoir demandé à ce dernier et que certaines des travailleuses en possédaient et en remettaient aux clients dans le salon. Ainsi, quoi qu'elle en dise, de la drogue circulait à tout le moins au sein de l'établissement, ce dont elle s'est accommodée, alors même qu'elle et la recourante ne pouvaient ignorer que cela constituait une atteinte à l'ordre public, la consommation de drogue pouvant causer des ravages au sein de la population (ATA/315/2017 du 21 mars 2017 consid. 3b).

En deuxième lieu, il est établi que des prestations sexuelles à risque étaient effectuées au sein du salon ; ces prestations pouvaient donner lieu à une majoration financière que les travailleuses perçoivent directement. Si la recourante affirme que de telles prestations étaient interdites, elle ne conteste pas en avoir eu connaissance, déclarant que « les travailleuses demeuraient libres du choix de leurs prestations ». Sa fille, à tout le moins, a ainsi envisagé et accepté que de telles prestations soient effectuées, sans prendre de quelconques mesures pour les empêcher, en toute connaissance de cause, avec les conséquences notoires que cela peut entraîner sur la santé publique et qu'elle ne pouvait ignorer, vu sa position de responsable annoncée.

Enfin, le salon a dû être temporairement fermé car les mesures sanitaires en vigueur en période de pandémie de COVID-19 n'étaient été respectées, mais également en raison de l'absence d'un plan de protection entourant l'activité de prostitution. La fille de la recourante a également autorisé à plusieurs reprises, ce qu'elle a admis, les travailleuses venant d'F______ à exercer leur activité en violation des exigences relatives à la quarantaine. Ce faisant, elle a manifesté un mépris de la réglementation en vigueur au moment de la pandémie de COVID-19, dans un contexte de crise sanitaire sans précédent.

Pour ces raisons, l'autorité intimée était fondée à retenir une violation de l'art. 12 let. c LProst.

6.4.2 L'autorité intimée reproche ensuite à la recourante et à sa fille d'avoir violé l'obligation de contrôler que les conditions d'exercice de la prostitution au sein du salon étaient conformes à la législation, au sens de l'art. 12 let. d LProst.

Il ressort des déclarations de la recourante, de sa fille et de certaines travailleuses auditionnées que les travailleuses n'avaient pas le droit de quitter le salon avant d'avoir effectué le ménage, alors même qu'elles payaient un montant de CHF 30.- par jour pour ces prestations. Une telle obligation portait une atteinte non justifiée à leur liberté de mouvement et allait à l'encontre de l'obligation d'un responsable de salon de protéger leur personnalité. De plus, elles disposaient d'un temps libre d'une heure et demie à trois heures par jour, ce qui est insuffisant, en particulier dans le contexte précaire de la prostitution de salon.

Il n’est pas non plus contesté que les travailleuses étaient continuellement surveillées, ou à tout le moins susceptibles de l'être, par des caméras de vidéo-surveillance. Si la fille de la recourante prétend que leur utilisation justifiée par des raisons de sécurité, il ne ressort pas du dossier que les caméras auraient fait l'objet d'une règlementation précise s'agissant du traitement des images. Tant la recourante que sa fille et son mari avaient accès en tout temps aux images via une application et étaient libres de les consulter. De plus, il ressort des divers témoignages recueillis que les caméras permettaient à M. D______ d'exercer son contrôle sur les activités des travailleuses.

Dans ces circonstances, l'utilisation des caméras de vidéo-surveillance faite dans le salon n'était pas proportionnée et portait, au vu de la jurisprudence précitée, une atteinte injustifiée à la personnalité des travailleuses.

Pour ces motifs, l'autorité intimée était fondée à retenir une violation de l'art. 12 let. d LProst.

Contrairement à ce que prétend la recourante, la grande majorité des faits qui lui sont reprochés tant à elle qu'à sa fille et qui ont été développés ci-avant ressortent tous du dossier, en particulier des rapports de la BTPI et de leurs propres déclarations, notamment lors de leurs auditions les 11 octobre 2020 et 3 mars 2022. Si elle conteste la plupart des faits et prétend que les accusations portées par certaines travailleuses du sexe ne résulteraient que d'une volonté de vengeance et seraient mensongères, elle ne donne cependant aucune explication concrète qui viendrait contredire efficacement ces accusations, ce qu'elle aurait pourtant eu l'occasion de faire dans ses diverses écritures.

Les témoignages écrits qu'elle a produits, qui se révèlent succincts, ne sont pas non plus de nature à remettre en cause les faits constatés. En effet, aucune des travailleuses n'y a indiqué que les reproches formulés par l'autorité intimée n'étaient pas fondés. Le fait que ces dernières aient déclaré que le traitement reçu au salon avait toujours été très correct, sans toutefois donner plus de détails, et que jamais elles n'avaient été forcées d'accomplir un acte contre leur volonté ne change rien au fait que la LProst a été enfreinte à plusieurs égards.

Au vu de tout ce qui précède, l'autorité intimée a retenu à juste titre une violation de l'art. 12 let. c et d LProst.

7) Dans la mesure où la recourante n'est pas la personne responsable du salon annoncée auprès des autorités cantonales, il convient de déterminer si, sur le principe, un exploitant de fait peut se voir reprocher la violation des obligations découlant de la LProst et encourt, le cas échéant, les mesures et sanctions administratives en découlant.

7.1 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 ; ATF 135 II 416 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 135 II 243 consid. 4.1 ; ATF 133 III 175 consid. 3.3.1). L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune authentique (ou proprement dite) suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point alors qu'il aurait dû le faire et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les silences qualifiés et les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant de la norme ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution (ATF 139 I 57 consid. 5.2 ; 138 II 1 consid. 4.2).

7.2 Toute personne physique qui, en tant que locataire, sous-locataire, usufruitière, propriétaire ou copropriétaire, exploite un salon et met à disposition de tiers des locaux affectés à l'exercice de la prostitution doit s'annoncer, préalablement et par écrit, aux autorités compétentes en indiquant le nombre et l'identité des personnes qui y exercent la prostitution (art. 9 al. 1 LProst). La personne qui effectue l'annonce est considérée comme personne responsable au sens de la LProst (art. 9 al. 4 LProst).

7.3 Selon l'art. 12 LProst, la personne responsable d'un salon a notamment pour obligations d'exploiter de manière personnelle et effective son salon, de désigner en cas d'absence un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs dont elle répond, et d'être facilement atteignable par les autorités compétentes ; le prête-nom est strictement interdit (let. g).

La loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) donne une définition du prête-nom que l'on peut transposer au domaine de la prostitution de salon. Selon l'art. 3 let. s LRDBHD, le prête-nom vise un comportement, prohibé par la loi, d'une personne physique titulaire du diplôme prévu par la loi, qui est autorisée formellement en tant qu'exploitant d'une entreprise, mais qui n'exerce pas effectivement et à titre personnel les tâches essentielles liées à la bonne marche de l'entreprise, qui sont de fait assurées par un tiers.

Selon les travaux préparatoires relatifs à l'art. 12 let. g LProst (PL 12'031), dans sa teneur depuis le 29 juillet 2017, la modification apportée à la let. g vise à renforcer l'obligation, pour la personne responsable d'un salon, d'exploiter l'établissement de façon personnelle et effective. Il est rajouté à cette disposition l'obligation pour la personne responsable de désigner, en cas d'absence, un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs dont elle répond, tout en ajoutant que le prête-nom est strictement interdit. Cette modification résulte indirectement et notamment de la recommandation 4 (constats 8 et 10) de la Cour des comptes, qui demande à la police de lutter contre les prête-noms sans proposer des modifications légales et/ou réglementaires.

Selon la jurisprudence de la chambre de Céans, l'interdiction de servir de prête-nom vise à prévenir l’exploitation d’établissements par des personnes qui ne répondraient pas à des conditions de capacité et d’honorabilité bien déterminées, avec tout ce que cela comporte comme risque pour le public (ATA/685/2014 du 26 août 2014 consid. 4d).

 

7.4 L'art. 14 LProst a trait aux mesures et sanctions administratives dont peut faire l'objet la personne responsable d'un salon (al. 1) qui n'a pas rempli son obligation d'annonce en vertu de l'art. 9 LProst (let. a), ne remplit pas ou plus les conditions personnelles de l'art. 10 LProst (let. b), n'a pas procédé aux communications qui lui incombent en vertu de l'art. 11 LProst (let. c) ou n'a pas respecté les obligations que lui impose l'art. 12 LProst (let. d).

Selon l'art. 14 al. 2 LProst, l'autorité compétente prononce, selon la gravité ou la réitération de l'infraction l'avertissement (let. a), la fermeture temporaire du salon, pour une durée de un à six mois et l'interdiction d'exploiter tout autre salon, pour une durée analogue (let. b) ou la fermeture définitive du salon et l'interdiction d'exploiter tout autre salon pour une durée de dix ans (let. c).

7.5 Indépendamment du prononcé des mesures et sanctions administratives, l'autorité compétente peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la loi ou ses dispositions d'exécution (art. 25 al. 1 LProst).

Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale. Leur quotité doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 6a ; ATA/810/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4a et la référence citée). En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. L'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/991/2016 précité consid. 6a).

7.6 La lecture des arts. 9 al. 4, 12 et 14 al. 1 LProst suggère que seule la personne qui effectue l'annonce pourrait faire l'objet de mesures et sanctions administratives pour violation des obligations découlant de l'art. 12 LProst.

La justiciabilité s’étend en réalité également à la personne exploitant de fait l’établissement.

Il ressort en effet des travaux préparatoires que la législation sur la prostitution a pour objectif premier de permettre aux personnes qui se prostituent d'exercer leur activité dans des conditions aussi dignes que possibles. Elle a également comme but de permettre aux personnes issues de ce milieu de bénéficier des mesures de prévention sanitaire et sociale et même de conseils en matière de réinsertion professionnelle (MGC 2008-2009/VII A 8661). La loi met également l'accent sur la prévention, qui est une partie essentielle de la protection des travailleuses et des travailleurs du sexe. Il est important de sensibiliser tous les acteurs et toutes les actrices de la prostitution afin de limiter au maximum les débordements de la clientèle, l'exploitation de l'activité sexuelle et la précarisation des personnes qui se prostituent (MGC 2008-2009/VII A 8662).

Toujours selon les travaux préparatoires, les obligations énumérées par l'art. 12 LProst restreignent au maximum les abus qui peuvent résulter de l'exploitation d'un salon et favorisent l'exercice de la prostitution dans les meilleures conditions possibles (MGC 2008-2009/VII A 8668).

Les travaux préparatoires insistent ainsi sur la protection des personnes qui se prostituent. Eu égard à cet objectif, toute personne qui exploite dans les faits un salon, qu'elle soit considérée comme la personne annoncée et responsable au sens de la LProst ou non, et qui accepte ainsi de répondre de son bon fonctionnement se doit de respecter les obligations prévues par la législation, À défaut, il suffirait à quiconque de recourir au prête-nom, ce qui est prohibé, pour éluder ces obligations, commettre des abus au détriment des travailleuses du sexe pour servir ses propres intérêts, notamment financiers, tout en échappant à une éventuelle sanction, avec un risque que les travailleuses du sexe ne bénéficie plus de la protection que la loi vise à leur offrir.

Par conséquent, un exploitant de fait, soit la personne qui gère le salon, notamment assume dans ce cadre des activités de gestion, doit se voir reprocher, le cas échéant, conjointement avec le responsable annoncé, la violation des obligations découlant de la LProst. Cette solution rejoint par ailleurs celle proposée par l'art. 25 al. 1 LProst, qui prévoit expressément que « toute personne », et non uniquement le responsable annoncé, ayant enfreint les prescriptions légales peut se voir infliger une amende administrative.

8) Reste à déterminer si, en l'espèce, l'autorité intimée pouvait considérer que la recourante était une exploitante de fait du salon et ainsi lui imputer les manquements qui y ont été constatés, ce que cette dernière conteste.

8.1 La recourante a obtenu de la BTPI l'autorisation d'aider sa fille dans la gestion du salon, la demande en ce sens ayant été faite par cette dernière en raison de sa grossesse. Selon les déclarations de Mme C______ lors de son audition le 3 mars 2022, celle-ci s'est mise d'accord avec la BPTI pour que la recourante se rende au salon les week-ends afin de payer les travailleuses, l'aide de celle-ci devant être limitée à cette activité.

Cela étant, les éléments du dossier démontrent que l'aide effectivement fournie par la recourante s'est étendue au-delà de ce qui avait été convenu avec la BTPI, quand bien même elle a travaillé comme vendeuse à un taux de 60 %, ce taux lui laissant en tout état suffisamment le temps d'effectuer des tâches pour le salon.

En effet, selon les déclarations de la recourante et de sa fille lors de leur audition le 11 octobre 2020, la première se trouvait au salon le samedi ainsi que le dimanche et le lundi et répondait aux appels. En plus de gérer la trésorerie, elle aidait sa fille à établir les comptes et s'occupait de la publication des annonces érotiques.

Le fait qu'elle connaisse le code d'accès au coffre-fort du salon, ait accès au système de vidéo-surveillance et fasse partie du groupe WhatsApp dédié à la gestion du salon, quand bien même elle n'en serait qu'un membre passif, sont par ailleurs autant d'éléments de nature à démontrer qu'elle était impliquée dans l'exploitation du salon.

Elle assumait donc des tâches essentielles liées au fonctionnement du salon, en particulier en ce qui concernait la comptabilité.

L'autorité a donc considéré à juste titre d'elle était exploitante de fait, ou à tout le moins co-exploitante, du salon.

En acceptant de gérer une partie à tout le moins de l'activité du salon, et non simplement de « dépanner » sa fille, elle a également accepté de répondre de son bon fonctionnement et de remplir les obligations incombant au responsable du salon, qu'elle ne pouvait ignorer, ayant été elle-même la responsable annoncée du salon par le passé. Par conséquent, au même titre que sa fille, elle devait prendre les mesures organisationnelles de nature à empêcher toute atteinte à l'ordre public, notamment empêcher que de la drogue circule dans l'établissement et que des prestations sexuelles à risque ne soient effectuées ainsi que de contrôler que les conditions d'exercice de la prostitution étaient conformes à la législation, ce qu'elle n'a pas fait, à l'instar de sa fille.

Dans ces circonstances, l'autorité intimée pouvait la tenir co-responsable des violations de la LProst constatées au sein du salon, en particulier du fait de ses omissions.

L'avertissement ainsi que l'amende de CHF 2'000.- qui lui ont été infligées sont donc justifiés. Sous l’angle de la proportionnalité, ces sanctions sont adéquates au regard de la gravité des violations constatées.

La sanction prononcée sera ainsi confirmée.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2022 par Mme A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 28 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Mme A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi

communique le présent arrêt à Me Sabrina Cellier, avocate de la recourante, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :