Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3364/2022

ATA/313/2023 du 28.03.2023 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;ÉTABLISSEMENT DE DROIT PUBLIC;LIBÉRATION DE L'OBLIGATION DE TRAVAILLER;MAINTIEN DU PAIEMENT DU SALAIRE;DÉCISION INCIDENTE;SANTÉ;RÉPUTATION;DOMMAGE IRRÉPARABLE
Normes : LPA.65; LPA.57.letc; LHG.2; LHG.23; LPAC.28
Résumé : Recours contre une décision de suspension des fonctions du recourant à titre provisionnel, sans incidence sur son traitement. Il s'agit d'une décision incidente. Le recourant n'a pas démontré l'existence d'un préjudice irréparable et l'admission du recours ne serait pas susceptible de mettre fin à la procédure ouverte compte tenu de la décision d'ordonner une enquête administrative à son encontre. Recours irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3364/2022-FPUBL ATA/313/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mars 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1973, a été engagé par l'Hospice général (ci-après : l'hospice) avec effet au 1er janvier 2016, en tant B______ rattaché à C______, ceci sous le statut d'auxiliaire et à un taux de 100 %. Il a été nommé fonctionnaire avec effet au 1er janvier 2018.

D'abord rattaché au centre d'hébergement collectif (ci-après : CHC) de D______, puis celui de E______, il exerce depuis le 1er octobre 2021 au CHC F______ à G______.

Ses évaluations après trois mois et un an sont globalement bonnes, tout comme ses certificats de travail intermédiaires établis par l'hospice les 6 février 2020 et 30 septembre 2021.

2) Le 22 septembre 2022, des agents de sécurité H______ ont constaté qu'un détecteur incendie était obstrué par deux gants en latex dans un local au 1er sous-sol du CHC F______. Ils ont également constaté une forte odeur de tabac.

Un rapport a été établi relatant cette constatation. Y était jointe une photographie du détecteur incendie obstrué.

3) Le 23 septembre 2022, en début d'après-midi, le responsable de la sécurité humaine et incendie de l'hospice et un de ses collaborateurs se sont rendus sur place.

Ils ont constaté que le local – situé au-dessous du bureau des intendants sociaux – était aménagé d'un canapé d'angle et de plusieurs appareils électroniques (micro-onde, bouilloire, plaque de cuisson, four/grill, réfrigérateur), lesquels étaient branchés sur deux multiprises. Un cendrier contenant deux mégots de cigarette avait été posé sur le haut d'une armoire.

Des photographies de ces constats ont été prises.

4) Durant cette visite, M. A______ et le responsable de la sécurité humaine et incendie de l'hospice se sont entretenus.

À la suite de cette rencontre, M. A______, se plaignant de s'être « fai[t] agresser verbalement », a indiqué à son supérieur hiérarchique qu'il préférait rentrer et prendre « des heures de récupération ».

5) Par courriel du même jour, le chef d'unité H______ a précisé au responsable de la sécurité humaine et incendie de l'hospice que ce n'était pas la première fois que ses agents constataient l'obstruction du détecteur incendie par des gants mais que des rapports n'avaient pas été établis précédemment.

6) Le 27 septembre 2022, l'hospice a convoqué M. A______ à un entretien de service fixé le 6 octobre 2022 pour l'entendre au sujet de l'obstruction d'un détecteur de fumée, à deux reprises, dans un local de stockage utilisé pour fumer.

Au vu de la gravité des faits reprochés, mettant en danger la vie d'autrui, l'entretien a été avancé au 3 octobre 2022.

7) Le 28 septembre 2022, M. A______ et un collègue également convoqué à un entretien de service pour les mêmes faits ont adressé un courrier aux ressources humaines de l'hospice.

Le local de stockage dont il était question était un local polyvalent dédié au personnel pour se reposer et prendre des repas. Aucun matériel dangereux, tel que des produits inflammables, n'était entreposé.

Le rapport des agents de sécurité H______ ne faisait pas état des deux mégots de cigarette retrouvés dans un cendrier. N'importe qui aurait pu fumer et poser le cendrier là où le responsable de la sécurité humaine et incendie de l'hospice l'avait trouvé.

Le 21 septembre 2021 (recte : 2022) à midi, M. A______ et son collègue avaient cuisiné des merguez et des côtes d'agneau sur les plaques de cuisson. Au vu de la fumée causée par la cuisson, ils avaient obstrué l'un des détecteurs de fumée avec des gants en caoutchouc. Ils avaient ensuite oublié de les enlever.

Ils ne contestaient pas ces éléments de fait, mais bien l'interprétation qu'en faisait le responsable de la sécurité humaine et incendie de l'hospice, lequel semblait vouloir affirmer que l'obstruction avait été faite pour fumer des cigarettes. M. A______ se plaignait également de la façon dont ledit responsable s'était adressé à lui lors de sa visite le 23 septembre 2022.

Ils présentaient leurs excuses. Ils ne recommenceraient plus.

8) Le 3 octobre 2022, l'entretien de service s'est tenu en présence de M. A______ accompagné d'un membre de la commission du personnel, de la responsable des ressources humaines et du chef de service gérance de l'hospice.

Selon le compte rendu, la « récupération » n'avait pas été enregistrée, aucune demande de congé n'avait été soumise à la hiérarchie alors que l'intéressé avait quitté son poste le 23 septembre 2022, ce qui n'était pas acceptable. Il avait un devoir de diligence et devait se soumettre à une gestion rigoureuse de son temps de travail. Ce manquement représentait une faute.

M. A______ reprenait ses explications formulées dans son courrier du 28 septembre 2022 à propos de l'obstruction du détecteur de fumée. Il n'avait jamais reçu de contre-indication relative à l'usage du local en question. La cuisine du 1er étage était très petite, raison pour laquelle la salle polyvalente était régulièrement utilisée pour les repas et les pauses.

Il regrettait son comportement.

Il lui était arrivé de fumer une cigarette après le repas dans le local mais en aucun cas il s'agissait d'un local « pour fumer ». Habituellement, il fumait à l'extérieur des bâtiments. Le local en cause était utilisé par trois intendants sociaux, dont l'un était en arrêt de travail pour cause de maladie.

M. A______ est également revenu sur l'échange qu'il avait eu le 23 septembre 2022 avec le responsable de la sécurité humaine et incendie de l'hospice et a mis en avant des problèmes d'organisation et de collaboration entre les différents corps de métier. Cela n'excusait pas son comportement, mais la pression et le flou quotidien dans l'accomplissement de ses tâches pouvaient engendrer des décisions ou des actes « idiots ».

9) Le même jour, M. A______ a annoncé son absence du 23 septembre 2022 sur l'application informatique du contrôle horaire.

10) Le 4 octobre 2022, la responsable des ressources humaines de l'hospice a apporté un correctif au compte rendu de l'entretien du 3 octobre 2022 portant sur le nombre de rapports établis par les agents de sécurité H______.

11) Par décision du 7 octobre 2022 déclarée exécutoire nonobstant recours, la présidente du conseil d'administration (ci-après : CA) de l'hospice a suspendu immédiatement M. A______ à titre provisoire, avec maintien de son traitement. La gravité de la faute reprochée était de nature à compromettre la confiance qu'impliquait la fonction B______.

Outre les agissements de M. A______ dans le local, son attitude désinvolte adoptée lors d'un colloque, qui s'était tenu le 4 octobre 2022, laissait craindre qu'il n'ait pas pris conscience de la gravité de ses actes.

12) Le jour même, M. A______ a contesté cette décision auprès de la présidente du CA de l'hospice, courrier qui a été transmis à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) comme potentiel recours.

13) Par décision du 14 octobre 2022, la présidente du CA de l'hospice a décidé l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de M. A______, l'a confiée à Me Sandro VECCHIO et a confirmé la décision de suspension provisoire de l'intéressé jusqu'à la décision du CA suite audit rapport, avec maintien du salaire.

14) Le 17 octobre 2022, le juge délégué a imparti à M. A______ un délai au 24 octobre 2022 pour régulariser son recours, lequel ne comportait ni signature manuscrite, ni conclusions ni motivation.

15) Le même jour, M. A______ a posté un acte de recours à l'intention de la chambre administrative par l'intermédiaire d'un conseil, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation de la décision du 7 octobre 2022 et à l'octroi d'une indemnité de procédure. Une audience de comparution personnelle des parties répondant aux réquisits de l'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) devait être ordonnée.

La décision querellée lui causait un préjudice irréparable en raison de l'impact sur sa santé et sa réputation. En effet, il ne dormait plus et devrait recourir à un soutien médical. Son recours était donc recevable.

La décision violait son droit d'être entendu sur plusieurs points, puisqu'elle ne contenait aucune motivation et avait été prononcée alors même que le délai pour faire valoir des observations n'était pas encore échu. Les reproches avaient en outre été modifiés à la suite de l'entretien de service par le correctif du 4 octobre 2022. La décision contestée faisait référence à des propos « rapportés » qui n'étaient pas documentés. Les reproches avaient évolué au gré des diverses étapes de la procédure. Le dossier de l'intéressé après le prononcé de la décision comportait des éléments sur lesquels il n'avait jamais pu se prononcer et des courriels incomplets.

La suspension provisoire était manifestement disproportionnée et les conditions posées par la jurisprudence n'étaient pas remplies. Une seule fois il avait mis des gants sur le détecteur de fumée afin d'éviter le déclenchement accidentel de celui-ci pendant qu'il cuisinait. Par mégarde, son collègue et lui-même avaient oublié de les enlever après rangement et l'aération de la salle. Cette inadvertance unique ne pouvait pas être considérée comme étant de « nature à justifier une cessation immédiate de l'exercice de sa fonction ». En outre, la présence de personnes fumant dans les locaux était connue de l'hospice de longue date, sans que rien n'ait été entrepris, ce qui atténuait sa « faute » et la prétendue urgence de la mesure.

S'il reconnaissait sa mégarde à une unique occasion, les reproches d'avoir procédé de la sorte deux fois, d'avoir fumé dans les locaux, d'avoir abandonné son poste ou encore d'avoir adopté une « attitude désinvolte lors du colloque du 4 octobre 2022 » étaient contestés et nullement établis. La condition de prévention de faute du recourant n'était donc pas réalisée. Enfin, la suspension était disproportionnée au regard de ses prestations irréprochables au cours des sept dernières années.

La décision prononcée violait le principe de l'égalité de traitement. Le 2 septembre 2022, à la suite d'une fête de foyer, une bouteille de gaz avait été entreposée dans le local peinture. En arrêt maladie du 17 juillet au 12 septembre 2022, il n'avait reçu aucune information à ce sujet. Lorsque l'avis avait été donné à l'équipe sociale d'évacuer au plus vite la bouteille pour des raisons de sécurité, un intendant du CHC F______, qui entretenait d'excellents rapports avec le responsable de la sécurité humaine et incendie de l'hospice, s'en était chargé. Or, aucune suite n'avait été donnée à cet incident et les intéressés n'avaient été ni entendus à ce sujet ni suspendus.

16) Le 27 octobre 2022, le juge délégué a informé le conseil du recourant que l'acte de recours du 17 octobre 2022 constituait une régularisation ou complèment du recours initial. De plus, un numéro de procédure avait été attribué au recours.

17) Le 7 novembre 2022, l'hospice a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

18) Le 24 novembre 2022, l'hospice a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le recourant ne subissait aucun préjudice irréparable. En outre, l'admission de son recours ne serait pas susceptible de mettre fin à la procédure administrative dans la mesure où une enquête administrative avait été ouverte et était en cours.

Comme cela avait été précisé lors de l'entretien de service, la présente procédure n'avait aucun lien avec les évaluations passées de l'intéressé. De plus, aucun « abandon de poste » ne lui était reproché. Le fait qu'il n'avait pas « renseigné » l'outil informatique lors de son départ de son poste de travail le 23 septembre 2022 serait analysé par l'hospice – à l'instar d'autres éventuelles violations de devoirs de service comme celle de fumer dans un bâtiment non-fumeur – dans la suite de la procédure. Ce reproche n'avait toutefois pas été pris en compte par le CA dans sa décision de le suspendre de sa fonction.

Le motif à l'origine de l'obstruction du détecteur de fumée importait peu. Il s'agissait d'une grave violation des règles de sécurité, faute que M. A______ avait admise. L'utilisation de multiprises, sur lesquelles avaient été branchés plusieurs appareils électroniques – ce qui constituait un risque incendie –, avait été retenue comme facteur additionnel. La suspension ne reposait pas sur son comportement adopté lors du colloque du 4 octobre 2022. Cette attitude désinvolte laissait toutefois craindre qu'il n'avait pas pris conscience de la gravité de ses actes.

L'intéressé avait adopté un comportement contraire à son cahier des charges, aux règles rappelées dans le document intitulé « Intervenants Incendie et Évacuation » rédigé pour le CHC F______ en septembre 2021, aux normes de protection incendie de l'Association des établissements cantonaux d'assurance incendie (AEAI - édition 2015), ainsi qu'à ses devoirs de service prévus par le règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

Les actes reprochés étaient de nature à rompre le lien de confiance avec l'hospice.

M. A______ avait été entendu dans le cadre de l'entretien de service du 3 octobre 2022 avant la prise de décision. Il avait en outre fait valoir son point de vue dans son courrier du 28 septembre 2022. Trois observations avaient été formulées à la suite de la communication du compte rendu, lesquelles ne remettaient pas en cause ses déclarations sur la pose de gants sur un détecteur de fumée, élément principal ayant fondé sa suspension. L'hospice avait produit, avec son écriture du 7 novembre 2022, les pièces utiles pour le litige.

La mesure prise à l'encontre de M. A______, laquelle visait un intérêt public prépondérant manifeste, était proportionnée.

Le cas évoqué par l'intéressé concernant un collègue était sans relation avec la présente affaire et il ne pouvait en tirer un quelconque avantage.

Pour le surplus, l'enquête administrative ouverte par le CA déterminerait si d'autres éventuelles violations des devoirs de service étaient à imputer à M. A______.

19) Le 29 novembre 2022, le juge délégué a imparti aux parties un délai au 13 janvier 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

20) Par décision du 20 décembre 2022 (ATA/1273/222), la présidence de la chambre de céans a refusé de restituer l'effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

21) Le 11 janvier 2023, l'hospice a informé la chambre administrative qu'il n'avait pas d'observation complémentaire à formuler. M. A______ ne s'est pas manifesté.

EN DROIT

1) La décision du 7 octobre 2022 prononçant la suspension du recourant avec maintien du traitement constitue une décision incidente susceptible de recours devant la chambre administrative dans les dix jours suivant sa notification (art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; ATA/1840/2019 du 20 décembre 2019 consid. 1 ; ATA/1362/2019 du 10 septembre 2019 consid. 1).

En l’espèce, le recours contre la décision a été interjeté en temps utile (art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) devant la juridiction compétente. L'acte de recours a de plus été régularisé pendant le délai de recours (art. 65 al. 1 et 2 LPA).

2) a. Les décisions incidentes ne sont susceptibles de recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

b. L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1).

c. La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/ Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

d. Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/219/2022 du 1er mars 2022 consid. 4a).

e. Le fait que le membre du personnel conserve son traitement pendant sa libération de l’obligation de travailler, ce qui est le cas du recourant, exclut une quelconque atteinte à ses intérêts économiques (ATA/184/2020 du 18 février 2020 consid. 4 ; ATA/231/2017 du 22 février 2017 consid. 4).

S’agissant de l’atteinte à la réputation et à l’avenir professionnel, une décision de libération de l’obligation de travailler n'est en soi pas susceptible de causer un préjudice irréparable puisqu’une décision finale entièrement favorable au recourant permettrait de la réparer (ATA/184/2020 précité consid. 4 ; ATA/1020/2018 du 2 octobre 2018 consid. 4b ; ATA/231/2017 précité consid. 5).

f. La seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA suppose cumulativement que l’instance saisie puisse mettre fin une fois pour toutes à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente et que la décision finale immédiate qui pourrait ainsi être rendue permette d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_413/2018 du 26 septembre 2018 consid. 3).

3) Selon l'art. 2 de la loi sur l'hospice du 17 mars 2006 (LHG - J 4 07), l'hospice est un établissement de droit public doté de la personnalité juridique (al. 1), avec siège à Genève (al. 2).

Les relations entre l'hospice et son personnel sont régies, selon l’art. 23 LHG, par la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

4) a. Aux termes de l’art. 28 LPAC, dans l'attente du résultat d'une enquête administrative ou d'une information pénale, le CA peut, de son propre chef ou à la demande de l'intéressé, suspendre provisoirement un membre du personnel auquel il est reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l'autorité qu'implique l'exercice de sa fonction. Au sein de l'établissement, le président du CA peut procéder, à titre provisionnel et sans délai, à la suspension de l'intéressé (al. 1). Cette décision est notifiée par lettre motivée (al. 2). La suspension provisoire peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l’État ou de l’établissement (al. 3). À l’issue de l’enquête administrative, il est veillé à ce que l’intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale. Une décision de révocation avec effet immédiat peut cependant agir rétroactivement au jour de l'ouverture de l'enquête administrative (al. 4).

b. Selon la jurisprudence, une suspension provisoire d'un fonctionnaire peut être justifiée soit par les besoins de l'enquête administrative, soit en tant qu'exécution anticipée, à titre provisionnel, de la fin des rapports de service en raison d'une faute alléguée de nature à rompre la confiance qu'implique l'exercice de la fonction de l'intéressé (ATA/219/2022 du 1er mars 2022 consid. 6b et les arrêts cités). Dans ce dernier cas, la mesure n'est justifiée que si trois conditions sont remplies : 1) la faute reprochée à l'intéressé doit être de nature, a priori, à justifier une cessation immédiate de l'exercice de sa fonction ; 2) la prévention de faute à l'encontre de l'intéressé doit être suffisante, même si, s'agissant d'une mesure provisionnelle prise précisément pendant la durée d'une enquête administrative ou pénale, une preuve absolue ne peut évidemment pas être exigée ; 3) la suspension devra apparaître comme globalement proportionnée, compte tenu de la situation de l'intéressé et des conséquences de sa suspension, de la gravité de la faute qui lui est reprochée, de la plus ou moins grande certitude quant à sa culpabilité, ainsi que de l'intérêt de l'État à faire cesser immédiatement tant les rapports de service que, s'il y a lieu, ses propres prestations (ATA/510/2017 du 9 mai 2017 consid. 6).

5) a. En l’espèce, le recourant, qui continue à percevoir son traitement pendant sa suspension de ses fonctions, n'invoque à juste titre pas d'atteinte à ses intérêts économiques, mais fait valoir les répercussions sur son état de santé causées par sa mise à l'écart subite et injustifiée. Sa réputation serait par ailleurs ternie, dans la mesure où la décision donne à penser qu'il serait sans conteste coupable d'agissements particulièrement graves.

Or, outre le fait que le recourant n'a donné aucune précision à propos de son état de santé, ni fourni le moindre certificat médical, la jurisprudence de la chambre administrative a, de façon constante, considéré qu'un dommage psychologique résultant du fait de la libération de travailler, de la suspension provisoire ou de la résiliation des rapports de service ne saurait à lui seul justifier la réintégration à titre provisoire (ATA/1020/2018 du 2 octobre 2018 consid. 4b ; ATA/663/2018 du 26 juin 2018 consid. 4b et les références citées). Dans ces conditions, l’existence d’un dommage irréparable n’est pas établie sous cet angle.

En second lieu, l'atteinte à sa réputation ne peut constituer un préjudice irréparable au sens de l'art. 57 let. c LPA, conformément à la jurisprudence précitée et constante de la chambre de céans, puisqu'une décision finale entièrement favorable permettrait de la réparer.

Au vu de ce qui précède, le recourant développe dans son acte de recours principalement une argumentation au fond, sans démontrer l'existence d'un préjudice irréparable, de sorte que la première hypothèse de l'art. 57 let. c LPA n'est pas réalisée.

b. La seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA ne l'est pas davantage, ce que le recourant ne prétend d'ailleurs pas. L'admission du recours ne serait en effet pas susceptible de mettre fin à la procédurpe administrative en cours ouverte à son encontre, étant rappelé que, par décision du 14 octobre 2022, l'hospice a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative à l'encontre du recourant.

En conséquence, les conditions de recevabilité d'un recours contre une décision incidente au sens de l'art. 57 let. c LPA ne sont pas remplies. Il n’y a dès lors pas lieu de donner suite aux mesures d’instruction sollicitées, ni d’examiner les griefs de fond soulevés par le recourant.

6) Compte tenu de l’issue du litige et la décision sur effet suspensif, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

Le recourant n’a pas pris de conclusions pécuniaires. Les conséquences de la suspension ne comportent, selon la volonté de l’intimé, pas d’effets financiers. La valeur litigieuse est ainsi difficile à estimer (art. 51 al. 1 let. c de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 7 octobre 2021 (recte : 2022), complété le 17 suivant, par Monsieur A______ contre la décision du conseil d'administration de l'Hospice général du 7 octobre 2022 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :