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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/224/2023

ATA/246/2023 du 14.03.2023 ( PROC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/224/2023-PROC ATA/246/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mars 2023

 

dans la cause

 

A______ réclamant
représenté par Me Alexandre Böhler, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OFFICE DE L'URBANISME cité

et

COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE



EN FAIT

A. a. Par arrêt ATA/1254/2022 du 13 décembre 2022, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a admis partiellement, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 22 septembre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 7 septembre 2022, retourné la cause à cette instance pour nouveau jugement au sens des considérants, mis un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ et dit qu'aucune indemnité de procédure n'était allouée.

L'arrêt faisait 12 pages.

b. La chambre administrative a retenu que le recours initial était dirigé contre le courrier du département du territoire (ci-après : département) du 23 août 2022, refusant au recourant l'accès à l'ensemble du dossier relatif au plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) en cours de procédure d'adoption concernant les parcelles dont il était propriétaire. Le recourant avait soulevé devant le TAPI des griefs en lien avec la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35). Il avait toutefois également invoqué l'art. 44 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), disposition qui fonderait, selon lui, son droit d'accès au dossier.

À considérer que le litige doive être tranché sous l'angle de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08), ce que contestait le recourant, cette loi ne contenait pas de disposition prévoyant la compétence du TAPI. C'était en conséquence à bon droit que celui-ci s'était déclaré incompétent pour connaître de la problématique au regard de cette loi et avait transmis la cause à la chambre administrative.

Le TAPI n'avait en revanche nullement traité la question de l'accès au dossier sous l'angle de l'art. 44 LPA ni, en amont, celle de la qualité de partie de A______ dans le cadre du processus d'adoption du PLQ en cause. Dans cette mesure, la cause devait lui être retournée pour statuer sur les griefs du recourant en lien avec l'application de la LPA, afin de garantir le respect du double degré de juridiction.

Le recours du 22 septembre 2022, en tant qu'il était dirigé contre le jugement du TAPI du 7 septembre 2022, était en conséquence partiellement admis.

Le recourant était le destinataire de la lettre de l'intimé du 23 août 2022 précitée et le litige portait sur le principe même de l'accès au dossier, y compris sur des documents voués à être ajoutés au dossier. Partant, la qualité pour recourir et de partie dans la présente procédure administrative devait lui être reconnue.

Le dossier auquel le recourant demandait l'accès contenait des pièces relatives à un projet de PLQ qui n'avait pas encore été adopté par le Conseil d'État et n'avait donc pas encore fait l'objet d'une décision formelle. Le recourant avait toutefois déjà saisi le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : préposé) d'une requête en médiation dans le cadre de la problématique de l'accès au dossier, et demandé la suspension de cette procédure. Or, seule était sujette à recours la décision que le département prendrait à la suite de la recommandation formulée par le préposé en cas d’échec de la médiation. En l'occurrence, la médiation n'avait pas encore abouti et le préposé n'avait formulé aucune recommandation. Le courrier du département du territoire du 23 août 2022 ne constituait pas une telle décision et n'était donc pas sujet à recours. Le recours, en tant qu'il concernait l’application de la LIPAD, était irrecevable.

B. a. Par acte posté le 23 janvier 2023, l’A______ a formé une réclamation contre l’ATA/1254 2022 précité, concluant à l’annulation de l’émolument mis à sa charge et à l’octroi d’une indemnité de procédure, tant pour la phase précédent l'arrêt du 13 décembre 2022, que pour la procédure de réclamation.

Dans son recours du 5 septembre 2022 adressé au TAPI, il avait conclu à ce qu’il soit autorisé à consulter le dossier du département conformément à l’art. 44 LPA. Le TAPI avait transmis ce recours à la chambre administrative au terme d’un jugement du 7 septembre 2022, au motif que la problématique relevait de l’application de la LIPAD. Dans son deuxième recours, du 22 septembre 2022, contre ledit jugement, il avait conclu au renvoi de la cause au TAPI pour instruction, dans la mesure où la LIPAD n’était pas applicable à sa demande de consultation formulée en application de l’art. 44 LPA.

Dans l’arrêt du 13 décembre 2022, la chambre administrative avait retourné la cause au TAPI afin de statuer sur ses griefs en lien avec l’application de la LPA. Elle avait reconnu sa qualité de partie à la procédure.

Il n’avait formé aucun recours en invoquant l’application de la LIPAD et n’avait pris aucune conclusion relative à cette loi, l’application de la seule LPA étant invoquée. En renvoyant au TAPI la cause pour qu’il tranche la demande d’accès au dossier conformément à la LPA, la chambre administrative lui avait donné gain de cause pour ce qui concernait son deuxième recours. Il n’avait donc pas succombé dans une « large mesure », pour reprendre les termes du considérant de l’arrêt de la chambre administrative, sauf à prendre en compte la prétendue application de la LIPAD, ce qui était manifestement inexact.

Aucun émolument ne devait donc être mis à sa charge et une indemnité de procédure devait lui être allouée, conformément à sa conclusion, en particulier dans son deuxième recours. Ces mêmes prétentions dans le cadre de la première procédure de recours ressortaient de la compétence du TAPI.

b. Le département a conclu au rejet de la réclamation.

Il rappelait que A______ avait saisi le préposé d’une requête de médiation en lui demandant de suspendre cette procédure dans l’attente de la détermination du département intervenue le 23 août 2022. Il avait donc entendu se prévaloir également de la LIPAD pour avoir un accès au dossier, contrairement à ce qu’il affirmait. Ses deux recours n’avaient plus d’objet, puisqu’il avait eu accès à l’ensemble du dossier du département, en particulier aux observations demandées. Bien que l’une des causes ait été retournée au TAPI, il lui était toujours loisible de retirer ses recours qui perduraient, prolongeant d’autant une affaire somme toute assez simple mais qu’il avait rendu compliquée. Dans la mesure où l’issue de la procédure, qui aurait pu devenir sans objet, n’était pas évidente, il convenait de mettre l’émolument judiciaire à sa charge. En introduisant la procédure de recours, il avait pris le risque qu’elle devienne sans objet.

À travers sa réclamation, il tentait de remettre en cause indirectement l’arrêt de la chambre administrative, de sorte qu’il devait porter l’affaire au Tribunal fédéral s’il l’estimait nécessaire.

Dans la mesure où la procédure de réclamation était gratuite selon l’art. 87 al. 4 LPA, aucune indemnité de procédure ne devait être allouée en cas d’admission.

c. Dans une brève réplique du 10 février 2023, A______ a relevé que sa requête de médiation auprès du préposé du 18 juillet 2022 avait pour seul but de sauvegarder ses droits pour l’hypothèse où sa demande de consultation en vertu de l’art. 44 LPA était rejetée. Le département n’avait pas été saisi d’une demande d’accès en application de la LIPAD et il avait contesté l’applicabilité de cette loi. S’il avait souhaité un accès au sens de cette loi, il n’aurait pas requis la suspension de la procédure de médiation.

d. Les parties ont été informées, le 13 février 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Formée en temps utile devant la juridiction compétente, la réclamation est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 87 al. 4 LPA.

2. Le réclamant se plaint de la mise à sa charge d’un émolument, même réduit, dans la mesure où il aurait obtenu gain de cause.

2.1    La chambre de céans statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/779/2022 du 9 août 2022 consid. 2a ; ATA/510/2016 du 14 juin 2016 consid. 2).

Selon l’art. 87 al. 1 2ème phrase LPA, en règle générale, l’État, les communes et les institutions de droit public ne peuvent se voir imposer de frais de procédure si leurs décisions font l’objet d’un recours.

2.2    Selon l’art. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les frais de procédure qui peuvent être mis à la charge de la partie comprennent l’émolument d’arrêté au sens de l’art. 2 et les débours au sens de l’art. 3. En règle générale, l’émolument d’arrêté n’excède pas CHF 10'000.- (art. 2 al. 1 RFPA) ; toutefois, dans les contestations de nature pécuniaire, l’émolument peut dépasser cette somme, sans excéder CHF 15'000.- (art. 2 al. 1 RFPA).

2.3    Un principe général de procédure administrative veut que les frais soient supportés par la partie qui succombe et dans la mesure où elle succombe (René RHINOW et al., Öffentliches Prozessrecht, 3ème éd., 2021, n. 971 ; Regina KIENER/Bernhard RÜTSCHE/Mathias KUHN, Öffentliches Prozessrecht, 3ème éd., 2021, n. 1673 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 642).

Il est de jurisprudence constante que la partie qui succombe doit supporter une partie des frais découlant du travail qu’elle a généré par sa saisine (ATA/182/2018 du 27 février 2018 consid. 2). Les frais de justice sont des contributions causales qui trouvent leur fondement dans la sollicitation d'une prestation étatique et, partant, dépendent des coûts occasionnés par le service rendu. Il est cependant notoire que, en matière judiciaire, les émoluments encaissés par les tribunaux n'arrivent pas, et de loin, à couvrir leurs dépenses effectives (ATF 143 I 227 consid. 4.3.1 ; 141 I 105 consid. 3.3.2 ; 133 V 402 consid. 3.1).

2.4    La chambre administrative dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la quotité de l'émolument qu’elle met à charge de la partie qui succombe. Cela résulte notamment de l'art. 2 al. 1 RFPA dès lors que ce dernier se contente de plafonner – en principe – l'émolument d'arrêté à CHF 10'000.- (ATA/230/2022 du 1er mars 2022 consid. 2b ; ATA/1185/2018 du 6 novembre 2018 consid. 2b).

2.5 En l'espèce, quoiqu’en dise le recourant, il n’a pas obtenu pleinement gain de cause au terme de l’arrêt du 13 décembre 2022. Certes, l’un de ses recours a été renvoyé au TAPI pour instruction de la cause sous l’angle de l’art. 44 LPA, dans le respect du double degré de juridiction. Toutefois, son deuxième recours a été déclaré irrecevable, dans la mesure où, en application de la LIPAD, la saisine du préposé en vue d’une médiation nécessitait que son issue soit connue, soit que la médiation ait abouti, soit que l’autorité concernée rende une décision concernant l’accès sollicité aux documents en cause après recommandation du préposé. À cet égard, le recourant sait, depuis le 6 juillet 2022, ce qui ressort de l’arrêt querellé, que le département lui refusait l’accès au dossier complet en se fondant sur la LIPAD. Lui-même a évoqué l’art. 26 LIPAD dans son acte de recours au TAPI du 5 septembre 2022 et cette même loi dans son acte de recours à la chambre de céans du 22 septembre 2022, quand bien même il contestait son applicabilité. Toujours est-il que la question principale et de fond était celle de l’accès sollicité au dossier du département dans le cadre de la procédure d’adoption d’un PLQ et que le recourant n’a pas obtenu gain de cause au terme des deux procédures traitées et jointes par la chambre de céans.

En application du principe jura novit curia, il appartenait à la chambre de céans d’examiner les recours également sous l’angle de la LIPAD, quand bien même le recourant contestait cette applicabilité, pour pouvoir trancher sa demande d’accès au dossier en question.

C’est donc à juste titre qu’aux termes de l’arrêt querellé du 13 décembre 2022, la chambre de céans a constaté que le recourant n’obtenait que partiellement gain de cause, de sorte qu’un émolument réduit, de CHF 500.-, devait être mis à sa charge. Ce montant de CHF 500.- sera confirmé.

Ce grief sera rejeté.

3. Le recourant conteste l’absence d’allocation d’une indemnité de procédure.

3.1 La chambre administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA). L'art. 6 RFPA, intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

3.2 La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/1191/2022 du 29 novembre 2022 consid. 2b ; ATA/46/2022 du 18 janvier 2022 consid. 1; ATA/1042/2021 du 5 octobre 2021 ; ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA, dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-.

3.3 Certes et comme déjà relevé, dans l’arrêt litigieux, la chambre de céans ne lui a donné que partiellement gain de cause. Une partie de la procédure a été retournée au TAPI pour examen de sa demande d’accès sur la base de l’article 44 LPA. Le volet concernant la LIPAD a été déclaré irrecevable. Quoi qu’il en soit, et comme déjà relevé, le recourant n’a pas obtenu gain de cause sur sa conclusion principale tendant à l’accès à l’intégralité du dossier du département.

Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de céans a retenu qu’il succombait « dans une large mesure » et a exclu l’octroi d’une indemnité de procédure.

4. Conformément à la pratique courante de la chambre de céans, aucun émolument ne sera prélevé dans le cadre de la présente procédure de réclamation (art. 87 al. 1 LPA). Vu son issue, aucune indemnité de procédure allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation formée le 23 janvier 2023 par A______ contre l'arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 13 décembre 2022 ;

au fond :

la rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure pour la présente réclamation ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexandre Böhler, avocat du réclamant, ainsi qu’au département du territoire.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, M. Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :