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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1241/2022

ATA/68/2023 du 24.01.2023 sur JTAPI/910/2022 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 27.02.2023, rendu le 03.03.2023, IRRECEVABLE, 2C_135/2023
Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;RESSORTISSANT ÉTRANGER;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;RECONSIDÉRATION;RÉVISION(DÉCISION);MOTIF DE RÉVISION;ÉTAT DE SANTÉ;DÉPENDANCE(MALADIE);ATTEINTE À LA SANTÉ PSYCHIQUE
Normes : LPA.48; LPA.80
Résumé : Rejet du recours d’un couple ayant sollicité la reconsidération de la décision leur refusant une autorisation de séjour et prononçant leur renvoi de Suisse. Cette demande étant intervenue trois jours seulement après le jugement mettant un terme à la procédure initiale, et sans que les recourants ne puissent se prévaloir d’une modification notable des circonstances ou de l’existence d’un cas de révision, l’intimé était fondé à refuser d’entrer en matière.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1241/2022-PE ATA/68/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______ agissant pour eux et leurs enfants mineurs C______ et D______ recourants
représentés par Me Razi Abderrahim, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________

 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 septembre 2022 (JTAPI/910/2022)



EN FAIT

A. a. Monsieur B______, né le ______1981, est ressortissant d'Australie, de même que son épouse, Madame A______, née le ______1977 et leurs deux enfants, C______, né le ______2016 et D______, née le ______2019.

b. Le 14 juin 2021, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de leur délivrer une autorisation de séjour et a prononcé leur renvoi de Suisse.

M. B______ avait déposé une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur le 19 avril 2018, déclarant être arrivé à Genève en janvier de la même année et alléguant avoir subi des persécutions en Australie. Toutefois, ni lui ni sa famille n'avaient déposé de demande d'asile en Suisse. Il était sans activité lucrative et bénéficiait de prestations sociales depuis le 1er juillet 2018. Il faisait l'objet de deux enquêtes pénales et avait été condamné par le Ministère public du canton de Genève en 2019 à une peine pécuniaire de 30 jours-amende.

À teneur d'un certificat médical établi le 25 mars 2021, il souffrait d’un état post-traumatique et d’un épisode dépressif moyen, sans syndrome somatique. Son traitement médical consistait en la prise d'antidépresseurs, d'anxiolytiques et de somnifères, durant un à deux ans. De plus, il devait effectuer un bilan à la consultation de Troubles de l'Humeur des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) afin d'exclure une comorbidité (trouble bipolaire). Enfin, le patient craignait de retourner en Australie où il risquait d'être assassiné. À teneur d'un certificat médical du 22 mars 2021, il souffrait également d'une hernie discale L4 – L5 avec fracture B2 L4 L5, le traitement consistant en la prise d'antalgiques et des contrôles cicatriciel et d’adaptation antalgique.

Il convenait de relativiser la durée du séjour en Suisse de M. B______ et sa famille en lien avec le nombre d'années passées dans son pays d'origine et le fait qu'il était arrivé en Suisse à l'âge de 37 ans. Il ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'il ne pourrait quitter la Suisse sans être confronté à des obstacles insurmontables. Il n'avait pas non plus acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques qu'il ne pourrait plus mettre en pratique en Australie. Ses déclarations relatives à des persécutions de la part de l'extrême droite australienne et à des intimidations d'un groupe islamique radical n'emportaient pas conviction, faute d'être suffisamment étayées.

c. Le recours interjeté par M. B______ et sa famille contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a été déclaré irrecevable par jugement du 5 octobre 2021 pour défaut de paiement de l'avance de frais dans le délai imparti.

B. a. Le 8 octobre 2021, M. B______ et sa famille ont requis auprès de l'OCPM la reconsidération de sa décision du 14 juin 2021.

 

En sus des précédentes explications au sujet des menaces et tentatives d'assassinat dont il avait fait l'objet en Australie, il a relevé que des investigations étaient en cours par l'ambassade de Suisse en Australie lorsque l'OCPM avait rendu sa décision. Celles-ci devaient être menées à terme.

 

À la suite de son arrestation le 18 octobre 2020, il avait déposé plainte pénale contre des policiers pour des violences et des humiliations importantes dont il avait été l’objet. La procédure était toujours en cours et il avait été auditionné par l'inspection générale des services le 16 juin 2021. Le 13 février 2021, alors qu'il souffrait toujours des séquelles de son arrestation, il avait eu un accident de voiture qui avait fortement aggravé son état de santé. Il avait subi une opération chirurgicale ayant entraîné des complications, nécessitant d’autres interventions. Il souffrait d'un trouble dépressif, d'un syndrome de stress post-traumatique et de troubles importants de la mémoire. Un trouble bipolaire ne pouvait être exclu.

 

Depuis la décision du 14 juin 2021, sa situation avait défavorablement évolué, puisqu’il n'était plus en mesure de marcher et se déplaçait toujours en chaise roulante. Il n'était pas en mesure de voyager. Les soins dont il bénéficiait étaient très spécifiques et ne pouvaient être poursuivis dans un autre pays. La présence de son épouse était absolument indispensable, dans la mesure où il avait perdu toute indépendance dans l'exécution de ses tâches quotidiennes. Une demande était en cours auprès de l'assurance-invalidité. L'ensemble de ces éléments devait entraîner l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, à tout le moins, une admission provisoire.

b. Par décision du 25 mars 2022, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur cette demande de reconsidération.

La péjoration de l’état de santé physique et psychique de M. B______ était certes un élément nouveau, mais pas important au point de remettre en question la décision du 14 juin 2021. Le fait qu'une demande de rente d'invalidité soit à l'examen n'était pas non plus un élément nouveau important, étant rappelé qu'une telle rente serait exportable en Australie. Les allégations de persécution en Australie avaient été suffisamment instruites et rien ne démontrait que de telles menaces avaient existé ou qu'elles seraient encore d'actualité. L’instruction de la procédure pénale dont il se prévalait était terminée.

C. a. Le 20 avril 2022, M. B______ et son épouse ont recouru contre cette décision auprès du TAPI et conclu implicitement à son annulation, revenant sur la détérioration de l'état de santé de M. B______ et sur les démarches qu'ils poursuivaient par « les canaux diplomatiques » afin d'ouvrir une enquête internationale au sujet des problèmes rencontrés en Australie.

b. Ils ont complété leur recours le 10 mai 2022 en demandant la restitution de l'effet suspensif. L'état physique de M. B______ s'était considérablement aggravé depuis la décision litigieuse du 25 mars 2022. Un rapatriement, pour autant qu'il soit possible médicalement, ce qui était contesté, lui ferait courir un danger immédiat, comme le confirmait son avocat australien en faisant référence aux menaces qui pesaient sur sa vie.

c. Le 23 mai 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours et s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif au recours. Un délai au 3 juillet 2022 serait néanmoins imparti à la famille pour quitter la Suisse, afin de permettre à l'enfant C______ de terminer l'année scolaire en cours et à M. B______ d'organiser le départ.

d. Par décision du 11 juillet 2022, le TAPI a rejeté la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles. La demande de reconsidération avait été déposée trois jours seulement après le jugement d'irrecevabilité du 5 octobre 2021. Elle semblait ainsi avoir eu pour finalité de poursuivre la procédure judiciaire qui venait de s'achever. Compte tenu du fait que la demande de reconsidération s'appuyait, pour l'essentiel, sur une évolution de la situation préexistante et non sur des éléments entièrement nouveaux, il ne se justifiait pas de déroger à la règle selon laquelle les demandes de reconsidération n'entraînaient pas d'effet suspensif.

e. Mme A______ et M. B______ ont répliqué sur le fond le 2 août 2022.

C'était à tort que l'OCPM, évoquant notamment le standard médical disponible en Australie, considérait que l'évolution défavorable de la santé de M. B______ n'était pas à ce point importante qu'elle justifie une reconsidération de leur cas. Il avait besoin de soins quotidiens et était dépendant d'autrui pour ses besoins essentiels journaliers. Il faisait en outre l'objet de deux procédures pénales, dans lesquelles il sollicitait une expertise médicale pour laquelle sa présence était indispensable. Il en allait de même dans la procédure administrative initiée auprès de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients. Enfin, il n'apparaissait pas que l'exécution de son renvoi et celui de sa famille en Australie soit possible, licite et raisonnablement exigible, étant donné qu'il y était menacé à la suite de son activité d'espionnage pour le gouvernement contre les mouvements islamiques fondamentalistes.

f. Le 8 août 2022, M. B______ a produit un certificat médical attestant qu'il présentait de graves séquelles après une arthrodèse lombo-sacrée. Une enquête était en cours pour déterminer les responsabilités. Sa situation nécessitait une prise en charge à long terme avec de la rééducation complexe.

Pour toutes ces raisons, il était impératif qu'il puisse rester en Suisse où avait eu lieu la chirurgie et où était organisée la suite de la prise en charge.

g. Par jugement du 5 septembre 2022, le TAPI a rejeté le recours du 20 avril 2022.

La demande de reconsidération, formée seulement trois jours après le jugement d'irrecevabilité du 5 octobre 2021, se fondait entièrement sur des éléments que les intéressés auraient déjà pu faire valoir auprès de l'OCPM avant qu'il ne rende sa décision du 14 juin 2021 ou à tout le moins dans le cadre de leur recours contre cette décision. Ce n'était pas en raison de la survenance de faits nouveaux et importants qu'ils avaient formulé leur demande de reconsidération, mais plutôt pour tenter de poursuivre par un biais détourné la procédure précédente, close par un jugement d'irrecevabilité.

Les risques qu'ils alléguaient encourir en cas de retour en Australie avaient déjà été examinés dans la décision du 14 juin 2021. Les problèmes de santé de M. B______ n'étaient pas survenus subitement entre le jugement du 5 octobre 2021 et la demande de reconsidération du 8 octobre 2021, et leur évolution avait déjà été prise en compte au moment où la précédente procédure s'était terminée devant le TAPI. Les procédures pénales auxquelles l’intéressé souhaitait pouvoir participer étaient elles aussi déjà en cours. Les intéressés n'expliquaient pas en quoi le dépôt d'une demande de prestations de l'assurance-invalidité devait être considéré comme un motif d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, de sorte que même s'il fallait considérer cette demande comme un fait nouveau, il ne s'agissait pas d'un élément justifiant une reconsidération. Le refus d'entrer en matière de l'OCPM était ainsi fondé.

D. a. Le 22 août 2022, Mme A______ et M. B______ ont, par une écriture de 59 pages au contenu prolixe et confus, recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 11 juillet 2022, concluant à son annulation et au prononcé de l'effet suspensif.

b. Le 29 août 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours précité.

c. Les 13 et 26 septembre, de même que le 3 octobre 2022, les recourants ont, après avoir consulté le dossier relatif à la présente procédure au greffe de la chambre administrative à deux reprises, relevé que celui-ci était incomplet – notamment que l'OCPM aurait dissimulé des pièces et informations et que des preuves pertinentes dans la procédure pénale manquaient – et demandé la tenue d'une audience afin d'exercer oralement leur droit d'être entendus. Ils avaient sollicité l'assistance juridique.

d. Le 13 octobre 2022, les intéressés ont recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 5 septembre 2022, concluant à son annulation, à l'admission de leur demande de reconsidération du 8 octobre 2021 et à être mis au bénéfice d’une autorisation de séjour provisoire.

Le TAPI avait procédé à une interprétation arbitraire de l'art. 48 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Il avait aussi violé leur droit d'être entendus en n'examinant pas la possibilité d’une mise au bénéfice d'un permis humanitaire, y compris à titre provisoire, pour une courte durée, ni la question de leur renvoi en Australie, lequel n'apparaissait pas, en l'état, possible, licite ou raisonnablement exigible.

L'état de santé physique et psychologique de M. B______ s'était manifestement aggravé. Il souffrait de paraplégie et avait perdu toute indépendance physique. Ils seraient en danger de retour dans leur pays d'origine et le gouvernement australien n'apparaissait pas en mesure de les protéger. Ces éléments étaient attestés par pièces versées à la procédure. Sa présence était nécessaire dans le cadre des procédures administrative et pénales en cours.

Les conditions d'admission de la demande en reconsidération étaient ainsi réalisées.

e. Le 7 novembre 2022, les recourants ont transmis copie d'un rapport d'examen électroneuromyographique effectué le 11 octobre 2022 confirmant que B______ souffrait de troubles de la mobilité au niveau des membres inférieurs, de pseudarthrose chronique aggravée par l'utilisation d'une chaise roulante et d'un déambulateur, entraînant au niveau de ses mains, ses poignets et ses bras des « décharges électriques, des douleurs, étirement avec des lâchages d'objets par les mains ». Cet examen mettait en évidence des signes compatibles avec un syndrome du tunnel carpien bilatéral, un peu plus marqué à droite avec une atteinte essentiellement myélinique. Un avis de chirurgie de la main et une adaptation de moyens auxiliaires à la maison semblaient indiqués.

Selon les recourants, ces éléments constituaient des faits nouveaux ouvrant la voie d'une demande de reconsidération de la décision de l'OCPM du 14 juin 2021.

f. Le 10 novembre 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Les arguments soulevés par les recourants étaient semblables à ceux présentés par-devant le TAPI. Les problèmes de santé de M. B______ évoqués dans le courrier du 7 novembre 2022 et attestés par le certificat médical du 11 octobre 2022 ne constituaient pas une modification notable des circonstances, l'accès aux soins essentiels étant garanti en Australie.

g. M. B______ a été admis au bénéfice de l'assistance juridique le 5 décembre 2022, avec effet au 7 septembre 2022.

h. Le 15 décembre 2022, les recourants ont répliqué, persistant dans leurs conclusions et leur précédente argumentation. L'OCPM errait en affirmant que les éléments exposés dans le cadre de leur recours étaient en substance les mêmes que ceux invoqués devant le TAPI. L'état de santé du recourant s'était considérablement dégradé depuis la décision du 14 juin 2021. Par ailleurs, deux audiences avaient été appointées les 3 et 6 mars 2023 dans le cadre de la procédure pénale concernant sa plainte contre un agent de police.

i. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et b et 63 al. 2 let. b LPA).

2.             Les recourants sollicitent la tenue d'une audience.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, les recourants allèguent, sans toutefois le démontrer, que le dossier de l’OCPM versé à la présente procédure administrative serait incomplet et que celui-ci aurait dissimulé certaines pièces, raison pour laquelle ils souhaitent être entendus oralement. Or, un examen circonstancié du dossier en mains de la chambre de céans permet de constater que celui-ci contient toutes les pièces nécessaires à la résolution du présent litige. Par ailleurs, il sera relevé, d'une part, que les recourants ont eu l'occasion de produire toutes les pièces qu'ils estimaient utiles et, d'autre part, que les pièces concernant les autres procédures pénales ou administrative en cours ne concernent pas la présente procédure.

Il ne sera ainsi pas donné suite à la demande d'audience.

3.             Le présent litige porte exclusivement sur le bien-fondé du refus de l'OCPM d'entrer en matière sur la demande en reconsidération de sa décision du 14 juin 2021.

3.1 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe notamment lorsque des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » ou novæ véritables, c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

3.2 Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417).

3.3 Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a).

3.4 En principe, même si une autorisation de séjour a été refusée ou révoquée, l'octroi d'une nouvelle autorisation peut à tout moment être requis, à condition qu'au moment du prononcé, l'étranger qui en fait la requête remplisse les conditions posées à un tel octroi. Indépendamment du fait que cette demande s'intitule reconsidération ou nouvelle demande, elle ne saurait avoir pour conséquence de remettre continuellement en question des décisions entrées en force (arrêt du Tribunal fédéral 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.3).

L'autorité administrative n'est ainsi tenue d'entrer en matière sur une nouvelle demande que lorsque les circonstances ont subi des modifications notables ou lorsqu'il existe un cas de révision, c'est-à-dire lorsque l'étranger se prévaut de faits importants ou de preuves dont il n'avait pas connaissance dans la procédure précédente, qu'il lui aurait été impossible d'invoquer dans cette procédure pour des motifs juridiques ou pratiques ou encore qu'il n'avait alors pas de raison d'alléguer (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3 et les références citées).

3.5 En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1098/2022 du 1er novembre 2022 consid. 2 ; ATA/1620/2019 précité consid. 3e).

3.6 Selon l’art. 48 al. 2 LPA, les demandes de reconsidération n’entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif.

3.7 Lorsque le litige porte sur le droit de séjourner en Suisse, il appartient à l'autorité judiciaire cantonale de dernière instance d'examiner l'ensemble des faits pertinents, en tenant compte d'éventuels changements des circonstances au moment où elle statue, puis d'y appliquer toutes les dispositions légales topiques pouvant permettre à la personne d'obtenir une autorisation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1046/2020 du 22 mars 2021 consid. 6.3 ; 2C_800/2019 du 7 février 2020 consid. 3.4.2 et 3.4.3).

Au cours de la procédure de recours, il n'est tenu compte des faits nouveaux que si la juridiction y est en général autorisée, si la décision ne sortit ses effets que dès la date de la décision sur recours et si l'économie de procédure l'impose. Le rôle de l'autorité de recours consiste non seulement à contrôler la solution qui a été adoptée, mais aussi à imposer celle qui est propre à mettre fin à la contestation (ATF 98 Ib 178 ; 92 I 327 ; 89 I 337). Or, en faisant abstraction des faits survenus après la décision attaquée, l'autorité de recours ouvrirait la porte à de nouvelles procédures et risquerait donc de laisser subsister le litige, sans contribuer toujours utilement à le trancher (André GRISEL, Traité de droit administratif, vol. II, 1984, p. 932). Statuant sur les recours de droit administratif, le Tribunal fédéral prend en compte les faits nouveaux notamment dans le domaine de la police des étrangers (ATF 105 Ib 165 consid. 6b ; 105 Ib 163).

À plusieurs reprises, la chambre de céans a du reste tenu compte, d'office ou sur requête, de faits qui s'étaient produits après que la décision de première instance a été rendue (ATA/1154/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4b).

3.8 La juridiction saisie d'une demande de réexamen doit procéder à la mise en balance des intérêts en tenant compte des faits nouveaux, et peut à cet égard se limiter à l'examen de l'incidence sur le plan juridique des faits nouveaux survenus depuis la dernière décision entrée en force (arrêt du Tribunal fédéral 2C_203/2020 du 8 mai 2020 consid. 4.5).

4.             En l'espèce, il est constant que les recourants sont arrivés à Genève en janvier 2018 et ont déposé le 19 avril 2018 une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur. L'OCPM s'est prononcé sur cette demande par décision du 14 juin 2021, soit près de trois ans plus tard, refusant d'y donner suite. Le TAPI a, le 5 octobre 2021, déclaré irrecevable leur recours contre la décision précitée, faute de paiement de l'avance de frais dans le délai imparti. Aucun recours n’a été formé contre ce jugement.

Trois jours plus tard, soit le 8 octobre 2021, persistant dans leur argumentation précédente et sans apporter d'éléments dont ils auraient ignoré l'existence auparavant, les recourants ont demandé à l'autorité intimée la reconsidération de sa décision, ce qui dénote, comme l'ont relevé à juste titre tant l'OCPM que le TAPI, leur volonté d'empêcher qu'il soit mis un terme à la procédure liée à leur séjour en Suisse. Dans ces circonstances, il ne peut être reproché à l'intimé d'avoir, le 25 mars 2022, refusé d'entrer en matière sur cette demande, considérant, d'une part, que si l'évolution de l'état de santé du recourant pouvait être un élément nouveau, il n'était pas important au point de remettre en question sa décision du 14 juin 2021 et que, d'autre part, les faits relatifs aux persécutions que les recourants disent avoir subies en Australie, à leur demande de rente d'invalidité et aux procédures judiciaires pendantes n'étaient pas nouveaux. Dès lors que les conditions de l'art. 48 LPA n'étaient pas réalisées, la voie de la reconsidération n'était pas ouverte.

Il ressort du dossier, en particulier des documents médicaux produits, qu’à ce jour l'état de santé du recourant s'est péjoré depuis la décision du 14 juin 2021 et a fortiori depuis le dépôt de la demande d'autorisation de séjour en avril 2018. Toutefois, lorsqu’il a statué sur cette demande au mois de juin 2021, l’intimé a pris en considération les éléments exposés et pièces produites par les recourants, dont un certificat médical daté du 25 mars 2021, à savoir notamment que l’intéressé souffrait d'un état post-traumatique et de symptômes dépressifs nécessitant une prise en charge médicale et médicamenteuse, et que plusieurs événements successifs avaient eu pour conséquence d'aggraver son état.

Le rapport médical daté du 22 octobre 2022, produit dans le cadre de la présente procédure, confirme qu’outre les pathologies précitées, le recourant souffre de troubles de la mobilité au niveau des membres inférieurs, ainsi que de pseudarthrose chronique. Il sied cependant de relever que ces affections préexistaient et que l’examen pratiqué le 22 octobre 2022 a révélé uniquement des signes compatibles avec un syndrome du tunnel carpien bilatéral, un peu plus marqué à droite avec une atteinte essentiellement myélinique et qu’un avis de chirurgie de la main et une adaptation de moyens auxiliaires à la maison semblaient indiqués.

Il découle de ce qui précède que, conformément à la jurisprudence constante en la matière, les recourants ne peuvent pas se prévaloir d’une modification notable des circonstances ou de l’existence d’un cas de révision, dans la mesure où ils n’exposent pas de faits importants ou de preuves dont ils n'avaient pas connaissance dans la procédure précédente, qu'il leur aurait été impossible d'invoquer dans cette procédure pour des motifs juridiques ou pratiques ou encore qu'ils n'avaient alors pas de raison d'alléguer.

En conséquence, l’autorité intimée n’a pas violé le droit en refusant d’entrer en matière sur la demande de reconsidération, pas plus que le TAPI en confirmant cette décision, étant précisé que l’examen au fond des conditions d’admission des recourants, respectivement de l’exigibilité de leur renvoi, est exorbitant à l’objet du présent litige.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

Le présent arrêt rend sans objet le recours du 22 août 2022 visant la restitution de l'effet suspensif au renvoi des recourants, de même que leur demande d’octroi d’effet suspensif.

5.             Nonobstant l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des recourants qui plaident au bénéfice de l’assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 22 août et 13 octobre 2022 par A______ et B______, agissant pour eux et au nom de leurs enfants mineurs C______ et D______, contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 11 juillet 2022, respectivement son jugement du 5 septembre 2022  ;

au fond :

rejette le recours du 13 octobre 2022 ;

dit que le recours du 22 août 2022 est sans objet ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Razi ABDERRAHIM, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.