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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4117/2022

ATA/1241/2022 du 09.12.2022 ( PROC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4117/2022-PROC ATA/1241/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 décembre 2022

4ème section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Fouad Sayegh et Me Yacine Rezki, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________



EN FAIT

1) Par arrêt du 26 juillet 2022, la chambre administrative de la Cour de justice a rejeté le recours formé par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 25 mars 2022.

La société, active dans le recouvrement de créances, avait pour administratrice avec signature individuelle Madame B______ et Monsieur B______, économiste, en était le directeur financier. Le litige concernait des rappels d’impôts et amendes relatifs aux années fiscales 2006 à 2015.

L’arrêt retient, en particulier, que le courrier du 16 novembre 2017 signé par M. B______ ne se référait pas à un accord qui aurait été trouvé avec Monsieur C______, enquêteur auprès de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), et que ledit courrier n’avait pas fondé l’existence d’une soustraction ou tentative de soustraction d’impôts, ni été à l’origine de l’ouverture de la procédure qui avait conduit à la reprise des dépenses en faveur de D______, E______ et M. F______. L’investigation fiscale avait commencé en décembre 2016, soit avant le courrier précité. La chronologie des échanges épistolaires entre le représentant de A______, Monsieur G______, et M. C______ était ensuite reprise en détail. Aucun arrangement ou accord quant à la reprise envisagée ou l’amende à prononcer n’en ressortait. Au contraire, si un tel arrangement avait été trouvé en novembre 2017, M. G______ n’aurait pas manqué de s’étonner des demandes complémentaires d’explications et de pièces de l’AFC-GE, formulées en décembre 2017. Il n’avait cependant manifesté aucune réaction autre que de fournir des explications et demander un délai pour produire les pièces demandées.

L’arrêt expose également les motifs pour lesquels les notes internes de l’AFC-GE n’étaient pas consultables ainsi que les raisons ayant conduit au refus de l’audition de MM. G______ et C______.

2) A______ a recouru contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral, reprenant pour l’essentiel les arguments soulevés devant les juridictions cantonales. L’échange d’écritures s’est terminé le 2 décembre 2022 (cause 2C_733/2020). A______ a conclu à la restitution de l’effet suspensif, puis à la suspension de la procédure jusqu’au dépôt de sa part d’une demande en révision devant la chambre administrative, subsidiairement jusqu’au 30 novembre 2022.

3) Par acte expédié le 2 décembre 2022 à la chambre administrative, A______ a formé une demande en révision. Elle a conclu, préalablement à la suspension de la cause jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale « ou à tout le moins jusqu’à l’administration des preuves principales en relation avec cette plainte » et, principalement, à l’annulation de l’arrêt précité, subsidiairement à son annulation et à sa réforme « en tenant compte des faits nouveaux ressortant de la plainte pénale ».

Elle a soutenu qu’au terme de négociations ayant duré plusieurs mois, un accord avait été trouvé, selon lequel la procédure de contrôle prendrait fin et l’amende fiscale serait réduite à un montant entre 50 % et 60 % des reprises d’impôt si A______ collaborait, en particulier par la remise d’une lettre d’aveux et d’excuses des époux B______. M. C______ n’avait pas respecté cet accord.

S’estimant lésée, A______ avait déposé plainte pénale le 7 septembre 2022 à l’encontre de M. C______ pour abus d’autorité, « notamment afin de démontrer que la lettre d’aveux et d’excuses a[vait] été remise à M. C______ dans le cadre d’un accord, et non de manière spontanée ».

L’avocat constitué dans ce cadre avait informé A______ le 30 novembre 2022 de ce que le procureur en charge du dossier avait refusé l’accès à celui-ci. Selon l’avocat, il s’agissait d’un « élément fort » laissant à penser que l’administration des preuves était en cours. Le procureur n’avait pas encore répondu à sa demande de savoir quels actes d’enquêtes étaient en cours. Si le Tribunal fédéral confirmait l’arrêt cantonal, la créance fiscale de la société entraînerait sa faillite.

Elle formait sa demande en révision 68 jours après avoir appris, le 26 septembre 2022, que le dossier n’était pas consultable et que cela signifiait que l’administration des preuves était en cours. La plainte pénale était de nature à « faire ressortir des éléments nouveaux susceptibles de modifier » les constatations faites concernant l’absence d’assurances données par M. C______ relatives à la fin du contrôle fiscal et à la quotité de l’amende moyennant une lettre d’aveux des époux B______. Le procureur, qui jouissait de larges pouvoirs d’instruction, pouvait ordonner l’audition de M. C______ ainsi que la transmission de notes internes, soit des actes ayant été refusés par la chambre administrative. Si la procédure aboutissait à la condamnation de M. C______, sa partialité serait établie, ce qui aurait un impact sur les décisions de taxations querellées. Celles-ci seraient nulles, voire annulables.

A______ demandait la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale.

4) Aucun échange d’écritures n’a été ordonné.

 

EN DROIT

1) La chambre administrative est compétente pour se prononcer sur la révision de l’un de ses arrêts (art. 81 al. 1 in fine de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcé jusqu'à droit connu sur ces questions.

La demanderesse a requis la suspension de la procédure dans l'attente de l’issue de la procédure pénale ou « à tout le moins jusqu’à l’administration des preuves principales en relation avec cette plainte ». Toutefois, le sort de cette procédure n'a pas d'influence sur l’issue de la demande en révision, comme cela ressort de ce qui suit. La demande de suspension est donc rejetée.

3) Selon l’art. 80 LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît : qu’un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision (let. a) ; que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b), les autres hypothèses n’étant in casu pas concernées.

a. En vertu de l’art. 81 LPA, la demande en révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (al. 1) et au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision. Le cas de révision de l’art. 80 let. a LPA est réservé. Dans ce cas, la révision peut avoir lieu d’office, notamment sur communication du Ministère public (al. 2). Les art. 64 et 65 LPA sont applicables par analogie. La demande doit, en particulier, indiquer le motif de révision et contenir les conclusions du requérant pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (al. 3).

b. Selon l’art. 82 LPA, dès le dépôt de la demande de révision, la juridiction saisie peut suspendre l’exécution de la décision attaquée et ordonner d’autres mesures provisionnelles, en exigeant au besoin des sûretés.

c. L'art. 80 let. b LPA vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n'avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/627/2020 du 30 juin 2020 consid. 1b et 1c ; ATA/362/2018 du 17 avril 2018 consid. 1c ; ATA/294/2015 du 24 mars 2015 consid. 3c). Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c'est-à-dire de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5).

d. Les preuves doivent servir à prouver soit des faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu'il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu'il faut admettre qu'elle aurait conduit l'autorité administrative ou judiciaire à statuer autrement, si elle en avait eu connaissance, dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c'est que le moyen de preuve ne serve pas à l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers (ATF 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c ; ATA/821/2015 du 11 août 2015 consid. 5 et les références citées).

e. La révision ne permet pas de supprimer une erreur de droit, de bénéficier d'une nouvelle interprétation, d'une nouvelle pratique, d'obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors de la décision dont la révision est demandée ou de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATA/478/2021 du 4 mai 2021 consid. 2b ; ATA/362/2018 précité consid. 1d et les références citées).

f. Lorsqu'aucune condition de l'art. 80 LPA n'est remplie, la demande est déclarée irrecevable (ATA/232/2022 du 1er mars 2022 ; ATA/1748/2019 du 3 décembre 2019 ; ATA/1149/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2).

g. En l’espèce, la demande en révision ne peut pas être fondée sur l’art. 80 let. a LPA, dès lors que la procédure pénale n’en est qu’à son début et qu’ainsi, l’existence d’un crime ou d’un délit n’a pas été établie. La demanderesse n’allègue en outre aucun élément nouveau au sens de l’art. 80 let. b LPA. En effet, ses allégations relatives à un accord qui aurait été trouvé avec le taxateur ont été examinées de manière détaillée dans l’arrêt dont la révision est demandée. Le seul élément nouveau est celui du dépôt d’une plainte pénale. Or, la demanderesse n’expose pas pour quel motif elle aurait été empêchée de déposer plainte pénale avant le 7 septembre 2022.

Elle ne tire d’ailleurs pas argument du dépôt de la plainte pénale, mais du fait qu’elle n’avait pas eu accès au dossier pénal. Cet élément n’est cependant pas en tant que tel de nature à admettre l’existence d’un cas de révision. Il ne permet, en effet, pas d’en déduire un quelconque indice en faveur de la commission de l’infraction qu’elle dénonce. Si l’hypothèse de la demanderesse devait être fondée selon laquelle le refus d’accès au dossier serait un élément permettant de considérer que le procureur a ordonné des actes d’enquêtes, cela ne conduirait pas non plus au constat de l’existence d’une infraction.

À bien comprendre les explications de la demanderesse, la plainte pénale était pour elle le seul moyen de ne pas avoir à s’acquitter de ses dettes fiscales, dont le paiement entraînerait sa faillite. Ce faisant, la contribuable cherche à remettre en cause l’arrêt rendu le 26 juillet 2022, tentant d’obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors du prononcé de cet arrêt. Il ne s’agit toutefois pas d’un cas de révision.

Au vu de ce qui précède, les conditions d'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA ne sont manifestement pas réalisées. La demande de révision est en conséquence manifestement irrecevable, ce que la chambre de céans peut constater sans échange d’écritures (art. 72 LPA).

4) Compte tenu de l'issue de la procédure, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la demanderesse (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable la demande en révision formée le 2 décembre 2022 par A______ contre l’arrêt ATA/761/2022 de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 juillet 2022 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, s’il est formé avant le 1er janvier 2023 au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, s’il est formé après le 1er janvier 2023 au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Fouad Sayegh et Yacine Rezki, avocats de la demanderesse, à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au Tribunal fédéral pour information.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. Deschamps

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :