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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3668/2022

ATA/1246/2022 du 12.12.2022 ( PROF ) , REFUSE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3668/2022-PROF ATA/1246/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 12 décembre 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

COMMISSION DU BARREAU



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______1962, est titulaire du brevet d’avocat.

2) Par décision du 27 octobre 2022, dans les causes CB/1______/2022, CB/2______/2022 et CB/3______/2022, le bureau de la Commission du barreau (ci-après : CBA) a notamment interdit temporairement à Mme A______ de pratiquer la profession d’avocate, à compter du jour-même, décision déclarée exécutoire nonobstant recours.

Ses comportements et propos en audience, tels que rapportés par plusieurs magistrats, paraissaient prima facie établis, avec un degré de vraisemblance suffisant, nonobstant ses dénégations. Les comportements dénoncés étaient d’une grande gravité, à l’égard des autorités, de l’administration de la justice, mais aussi des clients faisant l’objet de procédures pénales et donc particulièrement dépendants de leur conseil pour faire valoir leurs moyens de défense. Ces violations étaient d’autant plus graves qu’elles n’étaient pas limitées à une audience isolée, mais s’étaient répétées dans plusieurs procédures distinctes. Au vu temps écoulé entre chacune des audiences en cause, il y avait tout lieu de redouter que ces manquements et dérives puissent se reproduire dans d’autres procédures pendantes ou à venir.

La CBA avait pu constater par elle-même, tant lors des audiences de comparution personnelle que dans les déterminations écrites de Mme A______, que celle-ci ne cessait de mélanger l’objet des trois procédures pendantes devant la CBA avec sa problématique d’alias et son litige avec sa belle-sœur. Cette confusion des sujets était d’autant plus dangereuse et inacceptable lorsqu’elle se produisait en audience, dans des procédures judiciaires, au préjudice des intérêts de justiciables dont l’avocate était censée assurer la défense. Il était manifeste qu’elle n’avait en l’état ni la distance ni la sérénité nécessaires pour lui permettre d’assurer sa mission et ses devoirs d’avocate.

Un suppléant lui serait nommé par décision séparée. Il en serait de même s’agissant d’ordonner une expertise psychiatrique, ce après qu’elle se serait prononcée sur le projet de mission et le choix de l’expert.

3) Mme A______ a, par l’intermédiaire de son conseil, formé recours contre cette décision par acte expédié le 7 novembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant préalablement à la restitution d’effet suspensif et au fond à l’annulation de ladite décision.

Les faits relatés dans cette décision étaient en partie inexacts et lacunaires. Elle avait exposé dans son écriture du 12 août 2022 à la CBA, accompagnée d’un bordereau de 17 pièces, les raisons pour lesquelles aucune violation des règles professionnelles ne pouvait lui être reprochée. Elle y critiquait aussi le fait que la CBA avait décidé d’instruire l’affaire en deux dossiers séparés. Elle avait accepté la recommandation de son conseil de ne plus évoquer à l’avenir son affaire personnelle dans les procédures où elle assistait et représentait des tiers. La CBA avait par deux fois violé son droit d’être entendue, sous prétexte d’une prétendue urgence. Elle avait ainsi été entendue sans avocat le 19 juillet 2022 et son conseil n’avait pas été invité à se déterminer après réception du courrier du Ministère public du 19 octobre 2022 faisant état de nouveaux griefs à son encontre.

Une interdiction professionnelle dictée par des raisons de santé était de la compétence exclusive de l’autorité de protection de l’adulte. Ainsi la CBA n’était pas compétente pour décréter une interdiction temporaire fondée sur la mauvaise santé psychique uniquement. Une telle interdiction, qui n’intervenait que pour des manquements particulièrement graves, impliquait que l’avocat n’ait « momentanément plus les dispositions psychologiques nécessaires pour gérer une étude d’avocat indépendant ». Or, elle contestait catégoriquement avoir manqué au soin et à la diligence lui incombant dans les cas évoqués par la CBA. Il n’y avait pas eu l’ombre d’une mise en danger de ses clients et elle était resté courtoise dans ses échanges avec les magistrats.

Il était admis qu’elle connaissait une situation de stress à la suite d’un drame familial et de procédures judiciaires consécutives. D’aucune manière une incapacité de travail n’était établie pour des raisons de santé.

Il n’y avait aucune urgence à lui interdire de travailler comme avocate. Elle avait d’elle-même réduit son activité. Aucune mise en danger des intérêts de ses clients ne pouvait être concrètement invoquée. À l’inverse, une interdiction de pratiquer mettait en jeu tout son avenir professionnel. Il existait donc un préjudice grave et irrémédiable, au plan personnel comme économique, en cas de maintien de la décision de la CBA.

4) La CBA a informé la chambre administrative, le 16 novembre 2022, qu’elle avait, à sa séance plénière du 14 novembre 2022, décidé de ne pas rapporter l’interdiction temporaire d’exercer prononcée par son bureau. Les motifs invoqués à l’appui de sa décision étaient toujours valables, notamment au vu des dernières déterminations de Mme A______ à la CBA du 7 novembre 2022, transmises en annexe.

Pour ces mêmes motifs, la CBA s’opposait à la restitution de l’effet suspensif.

5) Le 21 novembre 2022, la chambre administrative a renvoyé au conseil de Mme A______ une carte de compliment et des pièces que cette dernière avait déposées au guichet le 17 novembre 2022, dans la mesure où elles semblaient n’avoir aucun lien avec la procédure en cours.

6) Le conseil de Mme A______ a informé la chambre administrative, le 1er décembre 2022, qu’il cessait d’occuper.

7) Mme A______ a adressé un courrier à la chambre de céans dans le délai imparti au 2 décembre 2022 pour éventuellement répliquer sur sa demande de restitution de l’effet suspensif.

Elle y listait le contenu des pièces déposées le 17 novembre 2022, de même que le 12 juillet 2022 en annexe à un courriel adressé à la CBA pour conclure que « Les documents que j’ai déposés à votre attention établissent tous que les pouvoir exécutif et judiciaire usurpent les données d’état civil au sens de l’art. 39 al. 1 CC (registre informatisé) et cela ressort des deux rapports de police annexés, le rapport du 20 août 2021 faisant usage des données de mon passeport biométrique [ ] ». Les explications données par la chambre administrative pour lui retourner sa carte de compliment et les documents déposés le 17 novembre 2022 n’étaient pas du tout convaincantes, puisque lesdits documents avaient un lien avec la procédure P/4______ qui avait, entre-temps, fait l’objet de quatre recours pendants devant le Tribunal fédéral. Elle poursuivait longuement sur la problématique d’usurpation d’identité. Les trois affaires devant la CBA concernaient des « manœuvres » en lien avec cette procédure.

La chambre administrative devait statuer d’office sur la question de sa compétence, raison pour laquelle elle avait arbitrairement renvoyé à son conseil les documents déposés le 17 novembre 2022. L’avance de frais devait lui être restituée car il n’avait pas été répondu à sa demande de délai pour s’en acquitter. Dans le cas contraire, elle concluait à l’incompétence de la chambre administrative qui devait rendre une décision motivée sur ce point avec voie et délai de recours.

Les constatations de fait qui figuraient dans toutes les décisions de la CBA confondaient les bases légales (art. 8 et 12 LLCA), tout comme le procureur confondait les parties plaignantes avec la prévenue. « Les faits et les conclusions arbitraires (art. 5 al. 1 Cst et art. 9 cum art 190 Cst) ».

La chambre administrative devait informer le président de la CBA qu’il ne lui avait toujours pas notifié une décision dûment motivée en lien avec ses courriers des 25 octobre et 7 novembre 2022. Faute de réception d’un tel courrier en lien avec chacune de ses conclusions, « avant toute décision de la Chambre administrative, faute de quoi j’exercerai un recours immédiat au tribunal fédéral. Il s’agit en effet d’exigence de droit constitutionnel fédéral ».

8) Les parties ont été informées, le 8 décembre 2022, que la cause était gardée à juger sur la demande de restitution de l’effet suspensif.

9) La teneur des pièces produites par les parties sera pour le surplus reprise ci-dessous dans la stricte mesure nécessaire.

EN DROIT

1) Le recours paraît à première vue recevable.

Pour le surplus, la question de la recevabilité du recours sous l’angle du préjudice irréparable est réservée.

2) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

3) a. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

b. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

c. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

d. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

4) a. La procédure devant la CBA est régie par la LPA par renvoi de l'art. 49 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10).

La CBA exerce une fonction d'autorité de surveillance des avocats par la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61), ainsi que les compétences attribuées par la LPAv. En matière disciplinaire, c'est l'art. 43 LPAv qui stipule que la CBA statue sur tout manquement aux devoirs professionnels et prononce selon la gravité du cas des sanctions énoncées à l'art. 17 LLCA. La CBA peut également prononcer des injonctions propres à imposer à l'avocat le respect des règles professionnelles.

b. En cas de violation de la LLCA, l’autorité de surveillance peut notamment prononcer l’interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans (art. 17 al. 1 let. d LLCA).

c. Selon l’art. 43 al. 3 LPAV, en cas d'urgence, le bureau de la CBA est compétent pour prononcer des mesures provisionnelles ; l'avocat faisant l'objet d'une injonction prononcée par le bureau peut demander que la mesure soit soumise à la commission plénière. Dans ce dernier cas, les membres du bureau participent également à la délibération.

Lorsqu’il y a urgence, le bureau de la commission peut sur-le-champ interdire temporairement à un avocat ou un avocat stagiaire de pratiquer (art. 44 al. 1 LPAV). En pareil cas, la CBA est informée de la mesure prise et convoquée à bref délai. Après avoir donné à l’intéressé l’occasion d’être entendu, elle peut, le cas échéant, rapporter l’interdiction (al. 2)

5) a. L'avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées à l'art. 12 LLCA. Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l'intérêt public, la profession d'avocat, afin d'assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à l'égard des avocats (ATF 135 III 145 consid. 6.1).

Aux termes de l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence. Cette disposition constitue une clause générale, visant le soin et la diligence de l’avocat dans l’exercice de son activité professionnelle. L'obligation de diligence imposée à l'art. 12 let. a LLCA est directement déduite de l'art. 398 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220 ; elle interdit à l'avocat d'entreprendre des actes qui pourraient nuire aux intérêts de son client (Walter FELLMANN, Kommentar zum Anwaltsgesetz, 2011, n. 25 ad art. 12 LLCA) et lui impose un devoir de fidélité et de loyauté (ATF 135 II 145 consid. 9.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_358/2014 du 12 décembre 2014 consid. 3.1 et les références citées).

Toute violation du devoir de diligence contractuel n’implique pas l’existence d’un manquement de nature disciplinaire au sens de l’art. 12 let. a LLCA. Cette disposition suppose l'existence d'un manquement significatif aux devoirs de la profession (ATF 144 II 473 consid. 4). L’avocat ne risque une sanction disciplinaire que lorsqu’il viole de manière intentionnelle ou gravement négligente son devoir de diligence. Un mauvais conseil ou une erreur de procédure, s’ils peuvent entraîner une responsabilité contractuelle de l’avocat, n’ont pas de conséquences disciplinaires.

b. La formulation très large de l’art. 12 let. a LLCA constitue également une clause générale qui demande à être interprétée et qui permet de la sorte aux tribunaux de dessiner les devoirs professionnels de l’avocat d’une façon assez libre et étendue, l’énumération exhaustive des devoirs professionnels dans la loi étant impossible. De fait, la jurisprudence donne à cette clause générale un sens qui va bien au-delà de la lettre du texte légal. En effet, le soin et la diligence visés par l’art. 12 let. a LLCA constituent des devoirs qui n’ont pas les clients pour seuls bénéficiaires. Ces devoirs s’étendent à tous les actes professionnels de l’avocat qui, en tant qu’auxiliaire de la justice, doit assurer la dignité de la profession, qui est une condition nécessaire au bon fonctionnement de la justice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_167/2020 du 13 mai 2020 consid. 3.4 et les références citées ; Benoît CHAPPUIS, op. cit., Tome I, pp. 50-51).

Ainsi, en exigeant de l’avocat qu’il se comporte correctement dans l’exercice de sa profession, l'art. 12 let. a LLCA ne se limite pas aux rapports entre le client et l’avocat, mais vise également le comportement de ce dernier face aux autorités en général, y compris les autorités judiciaires (ATF 130 I 270 consid. 3.2 p. 276 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_150/2008 du 10 juillet 2008 consid. 7.1 ; 2A.545/2003 du 4 mai 2004 consid. 3 ; Message concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 28 avril 1999, FF 1999 5331, p. 5368) dans le but d’assurer le respect de celles-ci, ainsi que la confiance placée dans l’avocat (arrêt du Tribunal fédéral 4P.36/2004 du 7 mai 2004 consid. 5). L'avocat assume une tâche essentielle à l'administration de la justice en garantissant le respect des droits des justiciables et joue ainsi un rôle important dans le bon fonctionnement des institutions judiciaires au sens large. Dans ce cadre, il doit se montrer digne de confiance dans les relations avec les autorités judiciaires ou administratives et s'abstenir de tout acte susceptible de remettre en question cette confiance (ATF 144 II 473 consid. 4.3 et les références citées).

c. La LLCA définit de manière exhaustive les règles professionnelles auxquelles les avocats sont soumis. Les règles déontologiques conservent toutefois une portée juridique en permettant de préciser ou d'interpréter les règles professionnelles, dans la mesure où elles expriment une opinion largement répandue au plan national (ATF 136 III 296 consid. 2.1 ; 131 I 223 consid. 3.4). Dans le but d'unifier les règles déontologiques sur tout le territoire de la Confédération, la Fédération Suisse des Avocats (ci-après : FSA) a précisément édicté le Code suisse de déontologie (ci-après : le CSD) ; consultable sur http://www.sav-fsa.ch, entré en vigueur le 1er juillet 2005 et modifié le 22 juin 2012.

d. À teneur de l'art. 1 CSD, l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence et dans le respect de l'ordre juridique. Il s'abstient de toute activité susceptible de mettre en cause la confiance mise en lui.

e. L'autorité de surveillance doit faire preuve d'une certaine réserve dans son appréciation du comportement de l'avocat (arrêt du Tribunal fédéral 2C_103/2016 du 30 août 2016 consid. 3.2.3). L'art. 12 let. a LLCA est une disposition subsidiaire. Pour que le comportement d'un avocat justifie une sanction au sens de cette disposition, la violation du devoir de prudence doit atteindre une certaine gravité qui, au-delà des sanctions relevant du droit des mandats, nécessite, dans l'intérêt public, l'intervention proportionnée de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 2C_933/2018 du 25 mars 2019 consid. 5.1). Le comportement sanctionné par l'art. 12 let. a LLCA suppose partant un manquement significatif aux devoirs de la profession.

f. La chambre administrative examine librement si le comportement incriminé contrevient à l'art. 12 let. a et i LLCA (art. 67 LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.318/2006 du 27 juillet 2007 consid. 12.1 ; ATA/258/2021 du 2 mars 2021 consid. 7 ; ATA/1014/2020 du 13 octobre 2020 ; ATA/1405/2017 du 17 octobre 2017 ; ATA/820/2014 du 28 octobre 2014).

6) a. La requérante soutient que son droit d’être entendue aurait été violé dans la mesure où elle avait été auditionnée sans son conseil par la CBA le 19 juillet 2022 et où ce dernier n’avait pas été invité à se déterminer après réception du courrier du Ministère public du 19 octobre 2022 faisant été de nouveaux griefs à son encontre.

Il sera toutefois relevé que le bureau de la CBA a statué sur mesures provisionnelles le 27 octobre 2022 et que l’instruction de la cause se poursuit, de sorte que la recourante aura encore l’occasion d’exposer son point-de-vue devant cette autorité de surveillance. Elle a au demeurant d’ores-et-déjà pu le faire valoir tant devant la CBA – par ses auditions des 19 juillet 2022, puis 20 septembre 2022 en présence de son conseil dans la cause CB/2______/2022, par les écrits de son conseil et sa lettre du 7 novembre 2022 – que devant la chambre de céans.

b. La recourante conteste le bien-fondé et le caractère d’urgence de l’interdiction temporaire de pratiquer prononcée à son encontre par le bureau de la CBA le 27 octobre 2022 et confirmée en séance plénière le 14 novembre 2022.

Elle ne saurait être suivie sur ce point. Au moment de statuer sur mesures provisionnelles, la CBA était en effet en possession de trois dénonciations de présidentes du Tribunal pénal et de deux dénonciations émanant de procureurs. Il en ressort en substance que selon ces magistrats, la recourante n’aurait pas défendu avec soin et diligence les intérêts de ses clients en audience, respectivement aurait adopté des attitudes et propos inconvenants, voire incohérents, mélangeant de surcroît la défense dans ses mandats avec ses propres soucis en lien avec une usurpation d’identité dont elle s’est plainte auprès de diverses autorités.

Ainsi, sur la base de ces dénonciations, mais également des explications données oralement par la recourante devant la CBA le 19 juillet 2022, avant donc le prononcé de la décision litigieuse, il apparait prima facie que c’est à raison que cette autorité de surveillance a retenu qu’il existait une urgence à prononcer une interdiction temporaire de pratiquer à l’encontre de la recourante, qui reconnaît par ailleurs se trouver dans un état de « stress ».

S’ajoute, postérieurement à cette audition, le contenu de ses écrits, en particulier des 7 novembre 2022 précité et 2 décembre 2022 destiné à la chambre administrative, qu’elle semble davantage faire le grief à diverses autorités de ne pas avoir traité comme elle l’estime légitime cette problématique d’usurpation d’identité qu’elle dit avoir portée au Tribunal fédéral par quatre recours. Ses derniers écrits s’avèrent confus et ne semblent prima facie pas compatibles avec une défense soigneuse et diligente telle que requise de la part d’un avocat plaidant devant les tribunaux, ce qui, outre la représentation et l’assistance du client en audience, requiert la capacité de l’avocat à produire des écritures compréhensibles et à l’argumentaire cohérent.

Aussi, sur la base des éléments en sa possession, à savoir les dénonciations de trois présidentes du Tribunal pénal et de deux procureurs, mais également de la position adoptée par la recourante devant la CBA, il apparaît que cette autorité n’a a priori pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant qu’une interdiction de pratiquer temporaire se justifiait le temps que soit instruit le fond du dossier et devait être imposée nonobstant recours.

Certes l’intérêt privé de la recourante à pouvoir exercer sa profession et toucher ses honoraires en découlant est manifeste et important. Il doit toutefois a priori céder le pas à l’intérêt public d’une défense avec soin et diligence de ses clients, de même que d’un bon fonctionnement de la justice. Il apparaît ainsi que les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise s’avèrent plus importantes que celles justifiant le report de son exécution.

À cela s’ajoute, sans préjudice de l’examen au fond, que les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif.

La restitution de l'effet suspensif au recours sera dès lors refusée.

Les autres griefs formulés par la recourante dans son écriture du 2 décembre 2022 sont exorbitants à l’objet de la présente décision sur mesures provisionnelles.

7) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de restitution de l’effet suspensif

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

 

communique la présente décision à Madame A______ ainsi qu'à la commission du barreau.

 

 

le vice-président :

 

 

 

C. Mascotto

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :