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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4027/2013

ATA/820/2014 du 28.10.2014 ( PROF ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT ; DILIGENCE ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; MESURE DISCIPLINAIRE ; AVERTISSEMENT(SANCTION)
Normes : LLCA.12.leta; LaLCP.18
Résumé : Rejet du recours d'une avocate contre un avertissement prononcé par la commission du barreau à son encontre. En se faisant représenter lors d'une audience d'instruction pénale par deux personnes non admises à intervenir en justice, elle a enfreint les règles professionnelles et violé son devoir d'exercer son activité avec soin et diligence. La sanction infligée étant la plus clémente, elle respecte le principe de la proportionnalité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4027/2013-PROF ATA/820/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 octobre 2014

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

COMMISSION DU BARREAU

 



EN FAIT

1) Madame A______ exerce la profession d’avocate et est inscrite au registre cantonal des avocats du canton de Genève.

2) Le 31 août 2012, Monsieur B______, président de l'autorité de surveillance des avocats du canton de Neuchâtel, a adressé aux autorités de surveillance de Suisse romande un courrier concernant Mme A______ et Monsieur C______, avocats à Genève.

Le Tribunal fédéral avait confirmé le 28 février 2012 une sanction disciplinaire prise dans le canton de Neuchâtel à l'encontre de M. C______, à teneur de laquelle l'autorisation de plaider lui était retirée pour une durée de six mois à compter du 8 mars 2012.

En dépit de cette décision, il s'avérait que M. C______ avait continué à procéder devant certaines juridictions romandes. Il semblait s'être associé à Mme A______, en faveur de laquelle les clients du précité avaient signé une procuration. M. C______ avait ainsi signé des actes de procédure avec la mention « p.o. Me A______, avocate » ou « exct. Me A______, avocate ». Or, ces actes n'étaient pas valables lorsqu'ils étaient produits dans des procédures soumises au monopole des avocats inscrits au barreau. Dès lors que Mme A______ était formellement responsable de la défense convenable des clients lui ayant signé une procuration, l'autorité de surveillance neuchâteloise avait ouvert contre elle une procédure disciplinaire, estimant qu'elle leur faisait courir le risque de voir leurs écritures écartées.

Les autorités de surveillance des avocats de Suisse romande étaient dès lors invitées à procéder à des investigations auprès des autorités judiciaires de leurs cantons respectifs, afin de vérifier si les intéressés y avaient adopté le même comportement.

3) Le 5 septembre 2012, Monsieur D______, président de la commission du barreau de Genève (ci-après : la commission), a répondu à son homologue neuchâtelois. Il allait inviter Mme A______ à se déterminer sur les faits signalés, cas échéant se renseigner auprès des autorités judiciaires genevoises. Cela étant, M. C______ avait déposé le jour même une demande d'inscription au registre cantonal genevois, laquelle révélait sans ambiguïté l'existence de la suspension de six mois, soit du 8 mars au 8 septembre 2012.

4) Le 11 septembre 2012, la commission a invité Mme A______ à lui faire part de sa détermination s'agissant de la question de savoir si, durant la période de sa suspension, M. C______ l'avait remplacée ou excusée dans le cadre d'activités monopolistiques déployées à Genève.

5) Le 18 septembre 2012, Mme A______ a indiqué à la commission qu'à sa connaissance, M. C______ ne l'avait ni remplacée ni excusée dans le cadre d'une procédure menée durant sa période de suspension. Seule Madame E______, avocate-stagiaire de son étude était autorisée à le faire.

À ce courrier, était jointe la copie d'un courrier adressé à l'autorité de surveillance neuchâteloise le 10 septembre 2012, à teneur duquel M. C______, dans le cadre des procédures dans lesquelles elle était intervenue à sa place, ne s'était présenté à aucune audience devant les instances judiciaires civiles. Il avait assisté à deux audiences d'instruction pénale, l'une à Morges et l'autre à Genève, après avoir dûment informé les procureurs concernés de sa qualité de titulaire du brevet d'avocat. C'était l'avocate-stagiaire de l'étude de Mme A______, qui l'avait alors excusée et avait assuré la défense des intérêts des mandants. Les actes signés par M. C______ « pour ordre » de Mme A______ avaient été dûment rectifiés et signés par cette dernière. L'autorité de surveillance lui prêtait des intentions qu'elle n'avait jamais eues, dès lors que le seul objectif de son intervention en lieu et place de M. C______ avait été de ne pas faire subir aux mandants les conséquences et désagréments résultant de la suspension. Elle était prête à communiquer à celui-ci tous renseignements ou documents utiles dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à son égard.

6) Le 25 septembre 2012, la commission, relevant que M. C______ avait assisté à une audience d'instruction pénale par-devant le Ministère public genevois en qualité de titulaire du brevet d'avocat, a demandé à Mme A______ de préciser si elle-même était constituée pour la défense des personnes concernées.

Par ailleurs, Mme E______ n'était toujours pas inscrite au registre cantonal des avocats-stagiaires et ne pouvait ainsi pas intervenir en justice. En qualité de maître de stage, Mme A______ était invitée à agir auprès de sa stagiaire afin que les démarches nécessaires soient accomplies.

L'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre et à l’encontre de Mme E______ était réservée.

7) Le 16 octobre 2012, Mme A______ a confirmé à la commission que M. C______ avait assisté à une audience d'instruction pénale le 26 juillet 2012 en qualité de titulaire du brevet d'avocat. Elle était elle-même constituée pour la défense des intérêts de la personne faisant l'objet de ladite instruction, cette dernière ayant signé une procuration en sa faveur. Elle n'avait pas pu se rendre en personne à l'audience pour des motifs indépendants de sa volonté, de sorte que sa stagiaire l'y avait remplacée.

Mme E______ n'était intervenue qu'à l'occasion de cette audience. Elle avait été engagée à l'étude au mois d'avril 2012, à temps partiel et avait suivi les cours de l'école d'avocature depuis février 2012. Elle avait prêté serment le 24 juillet 2012, mais avait attendu de recevoir son attestation de prestation de serment pour s'inscrire au registre cantonal des avocats-stagiaires. Dans le cadre de la préparation de ses examens, elle avait été absente de l'étude tout le mois d'août 2012, ainsi que jusqu'à la fin de la session de septembre 2012. La commission l'avait invitée en août 2012 à s'inscrire au registre cantonal des avocats-stagiaires et avait accepté qu'elle le fasse aussitôt ses examens terminés. Ayant toutefois échoué aux examens, Mme E______ n'avait plus qualité d'avocate-stagiaire de l'étude.

8) Le 16 novembre 2012, la commission a informé Mme A______ de sa décision d'ouvrir à son encontre une procédure disciplinaire pour violation éventuelle des règles professionnelles, pour avoir délégué à une audience d'instruction pénale des personnes non habilitées à intervenir en justice. Elle était invitée à faire part de ses observations.

9) À la même date, la commission a transmis copie du courrier précité à M. B______, l'informant de l'ouverture d'une procédure disciplinaire. Celui-ci était invité à faire savoir à la commission s'il avait connaissance de l'existence de procédures disciplinaires dirigées contre l'intéressée pour des faits similaires dans d'autres cantons, ainsi qu'à transmettre la position de l'autorité de surveillance neuchâteloise s'agissant de la compétence territoriale pour poursuivre M. C______.

10) Le 26 novembre 2012, Mme A______ a confirmé n'avoir pas délégué M. C______ à l'audience d'instruction pénale en cause, dès lors que ce dernier faisait l'objet d'une suspension de son autorisation de plaider. Pour ce même motif, elle ne lui avait pas demandé, ni ne lui avait donné l'autorisation de la remplacer ou de la représenter. Elle pratiquait le barreau depuis 1981 dans le plus strict respect des règles professionnelles et le cas de M. C______ ne justifiait pas de dérogation.

11) Le 23 janvier 2013, donnant suite à la requête de la commission, Mme A______ lui a adressé une copie caviardée du procès-verbal de l'audience du 26 juillet 2012 au Ministère public. Selon M. C______, la procureure en charge du dossier était prête à apporter toutes précisions nécessaires s'agissant du déroulement de cette audience. Mme E______, M. C______ et elle-même se tenaient également à disposition de la commission pour être auditionnés.

12) Le 27 février 2013, la commission a réitéré sa demande auprès de l'autorité de surveillance neuchâteloise s'agissant de l'état de la procédure contre Mme A______ dans ce canton, de l'existence de procédures dans d'autres cantons, ainsi que de la compétence territoriale pour le cas de M. C______.

13) Le 12 mars 2013, Mme A______ a insisté sur le fait qu'elle n'avait jamais demandé à M. C______ d'assister l'un de ses mandants à une audience d'instruction pénale à Genève, Mme E______ ayant été chargée de le faire, ce dont il convenait de tenir compte dans le cadre de la procédure disciplinaire.

14) Le 8 avril 2013, M. B______ a répondu à M. D______ que, sur le plan disciplinaire, M. C______ ne pouvait faire l'objet d'une procédure, dès lors que la surveillance ne concernait que les avocats inscrits aux registres cantonaux.

Mme A______ était en revanche inscrite au barreau de Genève et le fait qu'elle eût prêté son concours aux activités de M. C______, lui permettant ainsi de contourner une sanction disciplinaire et mettant en péril les intérêts de leurs clients communs, semblait constituer une violation des règles professionnelles. M. C______ était apparemment intervenu sous le couvert du nom de Mme A______ dans le cadre de deux procédures dans le canton de Neuchâtel et d'une dans le canton de Vaud. Dans l'hypothèse où une jonction des procédures s'avérait possible, étant précisé que, faute de disposition légale à ce sujet, cette question devait encore être tranchée, la compétence des autorités genevoises était préférable.

15) Par décision du 11 novembre 2013, la commission a prononcé un avertissement à l'encontre de Mme A______, avec un délai de radiation de la sanction de cinq ans.

Bien qu'elle fût constituée pour une personne entendue à titre de renseignement lors de l'audience d'instruction pénale du 26 juillet 2012, il ressortait du procès-verbal de ladite audience que cette personne était assistée de M. C______, ce dernier étant accompagné de sa stagiaire, Mme E______. Or, ni l'un ni l'autre n'avaient qualité pour agir devant les autorités pénales, dès lors que le premier était sous le coup d'une interdiction temporaire de pratiquer et que la seconde n'était pas inscrite au registre cantonal des avocats-stagiaires. Même à considérer que, selon les explications de Mme A______, elle n'avait pas délégué à l'audience M. C______ mais sa stagiaire, elle s'était fait représenter par une personne n'étant pas habilitée à intervenir en justice lors d'une audience d'instruction pénale. Elle avait ainsi enfreint les règles professionnelles en vigueur, en particulier son devoir d'exercer sa profession avec soin et diligence.

Le comportement reproché à Mme A______ n'était pas anodin, car il avait permis à M. C______ d'assister à une audience d'instruction pénale et ainsi de contourner la sanction disciplinaire dont il faisait l'objet. Toutefois, il convenait de retenir que Mme A______ n'ayant pas l'intention d'enfreindre les règles professionnelles, avait pensé, à tort, pouvoir se faire représenter par sa stagiaire et n'avait jamais fait l'objet de sanction disciplinaire, raison pour laquelle la sanction la plus clémente était prononcée.

16) Le 13 décembre 2013, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant principalement à son annulation. Subsidiairement, elle demandait la réformation de ladite décision et le prononcé d'un simple rappel à l'ordre, sans inscription de la sanction au registre.

La décision attaquée était fondée sur une constatation inexacte ou incomplète des faits par la commission, avait été prise en violation des dispositions légales applicables en matière de profession d'avocat et était, sinon injustifiée, totalement arbitraire et disproportionnée.

Mme A______ avait été totalement étrangère à la procédure initiée par M. B______ à l'encontre de M. C______ ayant conduit à la suspension de ce dernier dès le 8 mars 2012 pour une durée de six mois. Dans l'impossibilité d'assurer la défense des intérêts de ses mandants, M. C______ avait transféré à des confrères, dont Mme A______, certains de ses mandats ; il en avait perdu d'autres. C'était à tort qu'il avait cru bien faire en signant des actes de procédure avec la mention « p.o. Me A______, avocate » ou « exct. Me A______, avocate » ; ces erreurs avaient été rectifiées aussitôt.

Elle avait affirmé à plusieurs reprises au cours de la procédure disciplinaire que seule Mme E______ avait été autorisée à la remplacer et l'excuser, car cette dernière, qui avait affirmé avoir entrepris toutes les démarches utiles en vue de son inscription au registre cantonal des avocats-stagiaires, avait prêté serment le 24 juillet 2012. La recourante avait appris avec stupeur, par la commission le 25 septembre 2012, que Mme E______ n'était pas inscrite au registre cantonal des avocats-stagiaires. Elle l'avait d'ailleurs déploré lors d'un entretien téléphonique du 20 novembre 2012 avec le greffe de la commission.

M. C______ avait assisté à l'audience d'instruction pénale du 26 juillet 2012 de sa propre initiative et non à la demande de la recourante. La page de garde du procès-verbal de cette audience était erronée, dans la mesure où elle indiquait que la personne appelée à donner des renseignements était assistée de M. C______, accompagné de sa stagiaire Mme E______. Constatant cette erreur, Mme A______ en avait immédiatement fait part à M. C______ et l'avait invité à faire le nécessaire pour que la page de garde soit rectifiée. Celui-ci avait adressé un courrier le 8 janvier 2013 à la procureure en charge du dossier pénal, dont copie était jointe au recours, à teneur duquel il n'était intervenu lors de l'audience du 26 juillet 2012 qu'en qualité de titulaire du brevet d'avocat, ce qu'il avait indiqué à la greffière avant l'audience. Mme E______, stagiaire de Mme A______, excusait cette dernière. Il sollicitait ainsi une notice rectificative du procès-verbal.

La commission reprochait à tort à Mme A______ d'avoir permis à un confrère de contourner la sanction disciplinaire dont il faisait l'objet. En effet, si aucune infraction de M. C______ n'avait pu être constatée par les différentes autorités de surveillance cantonales, malgré des recherches fouillées, ce grief ne pouvait être retenu à son encontre, ce dont n'avait pas tenu compte la commission en prononçant l'avertissement. Alors qu'elle pratiquait depuis plus de trente ans sans faute de parcours, elle n'aurait pas engagé avec légèreté sa responsabilité et sa réputation pour aider un confrère qu'elle connaissait depuis peu à contourner une sanction.

Dès lors que la commission avait retenu que Mme A______ n'avait pas eu l'intention d'enfreindre les règles professionnelles et avait pensé, à tort, pouvoir se faire représenter par sa stagiaire, sa décision était entachée d'arbitraire. Par ailleurs, le prononcé d'un avertissement violait le principe de la proportionnalité et était sans commune mesure avec les cas de jurisprudence dans lesquels une telle sanction se justifiait, cas dans lesquels les auteurs d'infractions avaient agi sciemment, contrairement à elle.

Compte tenu des circonstances, la commission avait la possibilité d'admonester la recourante ou de la rappeler à l'ordre de manière informelle, sans que cette réprimande soit communiquée à des tiers et fasse l'objet d'une inscription, ce d'autant que l'autorité de surveillance aurait dû signaler immédiatement le défaut d'inscription au registre de sa stagiaire afin qu'il soit remédié à cette irrégularité.

17) Le 16 janvier 2014, la commission s'est référée aux termes de sa décision du 11 novembre 2013. Mme A______, lorsqu'elle s'était constituée en lieu et place de M. C______, était consciente que ce dernier faisait l'objet d'une interdiction temporaire de pratiquer. Par ailleurs, il appartenait au maître de stage et non à la commission de s'assurer qu'un stagiaire était inscrit au registre et ainsi habilité à intervenir en justice.

18) Le 14 février 2014, la chambre de céans a invité Mme A______ à transmettre une éventuelle réplique. Elle n'y a pas donné suite.

19) Le 5 juin 2014, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 applicable par renvoi de l’art. 49 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10).

2) Se fondant sur la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61), la commission reproche à la recourante, avocate, d'avoir manqué à ses devoirs professionnels en s'étant fait représenter, lors d'une audience d'instruction pénale, par deux personnes non habilitées à intervenir en justice, soit un confrère faisant l'objet d'une interdiction temporaire de pratiquer, ainsi qu'une avocate-stagiaire non inscrite au registre cantonal.

3) a. L’avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées à l’art. 12 LLCA. Ce dernier définit exhaustivement les règles professionnelles applicables aux avocats (ATF 136 III 296 consid. 2.1 ; ATF 131 I 223 consid. 3.4 ; ATF 130 II 270 consid. 3.1 ; ATA/132/2014 du 4 mars 2014). Il n’y a plus de place pour une règlementation cantonale divergente (ATF 130 II 270 consid. 3.1). Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l’intérêt public, la profession d’avocat, afin d’assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à l’égard des avocats (ATF 135 III 145 consid. 6.1).

b. Selon l’art. 14 LPAv, à Genève, la commission exerce les compétences dévolues à l’autorité de surveillance des avocats par la LLCA, ainsi que celles qui lui sont attribuées par le droit cantonal. Elle statue sur tout manquement aux devoirs professionnels et peut, si un tel manquement est constaté et suivant la gravité du cas, prononcer les sanctions énoncées à l’art. 17 LLCA (art. 43 al. 1 LPAv).

4) a. Selon l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence.

b. Cette disposition constitue une clause générale, visant le soin et la diligence de l’avocat dans l’exercice de son activité professionnelle. Ceci l’astreint à se comporter de façon correcte vis-à-vis de ses clients, mais aussi envers les autorités judiciaires ou administratives, ses confrères et le public (ATF 130 II 270, consid. 3.2 ; Michel VALTICOS, in Michel VALTICOS/ Christian REISER/Benoît CHAPPUIS [éd.], Commentaire romand - Loi sur les avocats, 2010, n. 6 ad art. 12 LLCA). Le fait de devoir observer certaines règles non seulement dans les rapports avec les clients, mais aussi à l’égard des autorités, des confrères et du public est en effet nécessaire à une bonne administration de la justice et présente un intérêt public (arrêt du Tribunal fédéral 2A.191/2003 du 22 janvier 2004 consid. 5 ; Isaak MEIER, Bundesanwaltsgesetz : Probleme in der Praxis, Plädoyer 5/2000 p. 33).

c. L'obligation de diligence imposée à l'art. 12 let. a LLCA est directement déduite de l'art. 398 al. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) ; elle interdit à l'avocat d'entreprendre des actes qui pourraient nuire aux intérêts de son client. Pour qu'un comportement tombe sous le coup de cette disposition légale, il suppose toutefois l'existence d'un manquement significatif aux devoirs de la profession (arrêts du Tribunal fédéral 2C_878/2011 du 28 février 2012 consid. 5.1 et 2C_452/2011 du 25 août 2011 consid. 5.1).

d. La chambre administrative examine librement si le comportement incriminé contrevient à l’art. 12 let. a LLCA (art. 67 LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.318/2006 du 27 juillet 2007 consid. 12.1 ; ATA/569/2014 du 29 juillet 2014 ; ATA/288/2014 du 29 avril 2014).

5) a. Aux termes de l'art. 18 de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP – E 4 10), l’assistance de la partie plaignante et des autres participants à la procédure est réservée aux avocats qui, en vertu de la LLCA, sont habilités à représenter les parties devant les tribunaux (art. 127 al. 4 2ème phr. du code de procédure pénale du 5 octobre 2007 - CPP – RS 312.0).

b. Selon l'art. 2 LPAv, sous réserve des exceptions prévues par la loi, l’avocat peut seul recevoir mandat d’assister les parties, de procéder et de plaider pour elles devant les juridictions civiles et pénales.

c. À teneur des art. 32 et 33 LPAv, l'avocat-stagiaire, pour autant qu'il soit inscrit au registre, peut faire des actes de procédure et d’instruction, se présenter ou plaider au civil, au pénal et en matière administrative au nom et sous la responsabilité de l’avocat chez lequel il accomplit son stage.

d. Dans une affaire présentant des similitudes avec la présente cause, (ATA/459/2010 du 29 juin 2010), la chambre de céans a considéré qu'une personne ayant mandaté un avocat devait pouvoir s'attendre à ce que ce dernier assiste personnellement aux audiences (François BOHNET/ Vincent MARTENET, Droit de la profession d'avocat, Berne 2009, ad n. 2664), cas échéant qu’il y délègue un confrère ou un avocat-stagiaire. Le fait de confier cette tâche à un tiers constituait une violation du devoir de diligence, dès lors qu'il était inadmissible qu'un avocat ait confié une telle tâche à une personne qui n'était pas assermentée.

6) En l'espèce, il n'est pas contesté que, lors de l'audience d'instruction pénale du 26 juillet 2012 par-devant le Ministère public, la recourante était constituée pour la défense des intérêts d'une personne appelée à donner des renseignements. Or, à teneur du procès-verbal de ladite audience, produit par la recourante elle-même, cette personne était assistée de M. C______ « accompagné de sa stagiaire », soit Mme E______. Il ressort par ailleurs de ce procès-verbal que M. C______ est intervenu à plusieurs reprises au cours de l'audience, se comportant comme s'il était autorisé à défendre les intérêts du mandant de la recourante. Toutefois, à la date de l'audience, M. C______ faisait l'objet d'une interdiction temporaire de pratiquer et Mme E______ n'était pas inscrite au registre des avocats-stagiaires. Aucun des deux n'était donc autorisé à intervenir en justice dans le cadre d'une procédure pénale.

Le fait que la recourante soutienne avoir délégué à l'audience non pas M. C______, mais Mme E______ n'a pas d'incidence, dans la mesure où cette dernière, non inscrite au registre des avocats-stagiaires, n'était pas plus autorisée à intervenir en justice qu'un avocat temporairement suspendu.

Enfin, le courrier produit par la recourante, adressé par M. C______ le 8 janvier 2013 à la procureure en charge du dossier pénal, soulevant l'erreur s'agissant de son statut et de celui de Mme E______ tels que figurant sur le procès-verbal de l'audience du 26 juillet 2012 et sollicitant la rectification de celui-ci, ne permet pas de démontrer que la recourante aurait veillé à se faire représenter valablement pour assister son client. De plus, il convient de relever que ce courrier est intervenu près de six mois après l'audience, une fois que la recourante avait déjà connaissance des irrégularités constatées par la commission.

Par conséquent, la chambre de céans retiendra que la recourante n'a pas été suffisamment vigilante pour empêcher qu'elle ne se fasse représenter par des personnes non autorisées à intervenir à une audience d'instruction pénale et a, ainsi, enfreint les règles professionnelles en violant son devoir d'exercer son activité avec soin et diligence, conformément à l'art. 12 let a LLCA, non seulement vis-à-vis de son client, mais également à l'égard de l'autorité pénale.

7) La recourante estime que l'avertissement prononcé à son encontre par la commission constitue une sanction disproportionnée.

8) a. En vertu de l'art. 17 LLCA, en cas de violation de cette loi, l'autorité de surveillance peut prononcer les mesures disciplinaires suivantes : a. l'avertissement ; b. le blâme ; c. une amende de CHF 20'000.- au plus ; d. l'interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ; e. l'interdiction définitive de pratiquer (al. 1) ; l'amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer (al. 2) ; si nécessaire, l'autorité de surveillance peut retirer provisoirement l'autorisation de pratiquer (al. 3).

b. L'avertissement, le blâme et l'amende sont radiés du registre cinq ans après leur prononcé (art. 20 al. 1 LLCA).

c. L’avertissement est la sanction prévue la moins grave et est réservée aux cas bénins. Le blâme est destiné à sanctionner des manquements professionnels plus graves et doit apparaître comme suffisante pour ramener l’avocat à ses devoirs et l’inciter à se comporter de manière irréprochable, conformément aux exigences de la profession (Alain BAUER/Philippe BAUER, in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS [éd.], Commentaire romand - Loi sur les avocats, 2010, n. 58 à 62 ad art. 17 LLCA).

d. Des sanctions disciplinaires contre un avocat présupposent, du point de vue subjectif, une faute, dont le fardeau de la preuve incombe à l'autorité disciplinaire. La faute peut consister en une simple négligence ; peut être sanctionné un mandataire qui a manqué du soin habituel qu'en toute bonne foi on peut et doit exiger de chaque avocat (ATF 110 Ia 95 = JdT 1986 I 142 ; Alain BAUER/Philippe BAUER, in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS [éd.], op.cit., 2010, n. 11 ad art. 17 LLCA).

e. Pour déterminer la sanction, l’autorité doit, en application du principe de la proportionnalité, tenir compte tant des éléments objectifs, telle l’atteinte objectivement portée à l’intérêt public, que de facteurs subjectifs (ATA/174/2013 du 19 mars 2013 consid. 7 ; ATA/127/2011 du 1er mars 2011 consid. 9c). Elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre administrative ne censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/174/2013 précité consid. 7 ; ATA/127/2011 précité consid. 9d ; ATA/6/2009 du 13 janvier 2009 consid. 8d ; ATA/570/2003 du 23 juillet 2003 consid. 10a).

9) Dans le cas d'espèce, il est établi que la recourante a violé l'art. 12 let. a LLCA en ne faisant pas preuve de la diligence suffisante, ce qui a conduit d'une part à permettre à un confrère suspendu de contourner sa sanction et, d'autre part, à ce qu'elle délègue à une audience d'instruction pénale deux personnes qui n'étaient pas habilitées à intervenir en justice. Bien que la faute commise par la recourante résulte de sa négligence, force est de constater que celle-ci a manqué au soin habituel pouvant être exigé en toute bonne foi de chaque avocat dans l'exercice de ses fonctions. À sa décharge, la recourante ne semblait pas avoir l'intention de contrevenir sciemment aux règles professionnelles. Par ailleurs, elle n’avait, à teneur du dossier, pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire par le passé.

Ainsi, la commission n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en infligeant à la recourante un avertissement, soit la sanction la plus clémente. Dans cette mesure, le principe de proportionnalité n'a pas été violé. Par ailleurs, la durée du délai de radiation est conforme à l’art. 20 LLCA.

Au surplus, la chambre de céans relèvera que le « rappel à l’ordre », de même que « l’admonestation » évoqués par la recourante ne constituent pas des sanctions disciplinaires au sens de la LLCA, de sorte qu’ils ne peuvent être prononcés en lieu et place d’un avertissement.

10) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 décembre 2013 par Madame A______ contre la décision de la commission du barreau du 11 novembre 2013 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :