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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3082/2021

ATA/222/2022 du 01.03.2022 ( AIDSO ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.04.2022, rendu le 01.06.2022, IRRECEVABLE, 8C_237/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3082/2021-AIDSO ATA/222/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er mars 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1978, a bénéficié de prestations de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 1er mai 2016 au 31 octobre 2021 pour un montant total de CHF 143’011.45.

2) Elle a signé les 27 avril 2016, 27 février 2019, 16 mars 2020 et 29 avril 2021, le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » par lequel elle a pris acte du caractère subsidiaire de l'aide sociale et s'est engagée, notamment, à donner immédiatement et spontanément à celui-ci toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune, d’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière, se soumettre en tout temps et sur simple demande de l’hospice à une enquête du service des enquêtes de celui-ci sur sa situation personnelle et économique et avoir été informée qu’en cas de violation de la loi et de ses engagements, l’hospice se réservait le droit de réduire ou supprimer les prestations accordées.

3) Mme A______ a fait l’objet d’une enquête complète de l’hospice à compter du 23 mai 2019.

Selon le rapport établi le 7 octobre 2019, elle avait refusé de répondre à l’enquêtrice lors de son audition, que son domicile fasse l’objet d’une visite et de fournir les passeports du groupe familial. Environ CHF 20'000.- de revenus entre janvier 2016 et décembre 2017 n’avaient pas été annoncés à l’hospice. CHF 11'665.- provenaient d’indemnités chômage. Un compte bancaire n’avait pas été déclaré (UBS n° 1______).

4) Le 10 février 2021, l’hospice a prononcé un avertissement à l’encontre de Mme A______. Elle n’avait pas fourni toutes les informations demandées : elle avait refusé de fournir des relevés bancaires/postaux détaillés de l’année écoulée et s’était limitée à produire des photos de captures d’écran avec les crédits et les soldes. Elle faisait preuve de « formulations écrites inadéquates ». Elle s’était adressée au personnel de l’hospice en utilisant un mode impératif, ce qui était inadapté dans le cas d’une collaboration avec ce dernier et n’avait pas changé d’attitude alors que, depuis le 27 février 2019, elle était informée de cette problématique. Par ailleurs, elle adressait de nombreux courriels « visant à nous faire accéder à vos demandes. Constatant le nombre élevé de décisions et de demandes que vous n’acceptez pas, dorénavant nous vous ferons parvenir une décision écrite avec voie de recours pour chacune de vos requêtes. » Un délai au 28 février 2021 lui était imparti pour se mettre en conformité avec ce qui précédait.

5) Le 3 mai 2021, l’hospice a adressé un nouvel avertissement à Mme A______. Elle n’avait pas fourni toutes les pièces demandées. Elle alléguait que ces documents n’étaient pas nécessaires à l’évaluation de son droit et que la demande était intrusive. Un délai au 24 mai 2021 lui était imparti pour remettre « les documents bancaires/postaux/cartes de crédit détaillés mentionnant tous les débits et crédits ainsi que le solde de tout le groupe familial ». À défaut, ses prestations d’aide financière seraient réduites ou supprimées.

Mme A______ a fait opposition à cet avertissement.

6) Un « ultime avertissement » a été adressé à Mme A______ le 2 juin 2021. Elle n’avait remis que la liste des mouvements non détaillés du 1er au 30 avril 2021, un récépissé du 5 mai 2021 comportant le solde pour le compte UBS
2______, la copie écran comportant les crédits et débits sans indication de leur motif du 6 au 30 avril 2021 et un récépissé du 5 mai 2021 indiquant le solde du compte Postfinance 3______.

Un ultime délai au 11 juin 2021 lui était imparti pour remettre les extraits complets pour le mois d’avril 2021 de tous ses comptes, soit : UBS
n° 4______ à son nom ; UBS n° 5______ au nom de sa fille ; compte courant Postfinance n° 6______ à son nom ; compte épargne Postfinance n° 7______ à son nom ; UBS épargne n° 1______ à son nom et compte courant Postfinance 3______ à son nom. Si l’un de ces comptes devait avoir été clôturé, elle devait fournir le document l’attestant. Si elle détenait un autre compte que les précités, elle était priée d’en transmettre les décomptes. Faute de respecter l’avertissement, l’hospice mettrait fin avec effet immédiat à son droit à des prestations d’aide financière.

7) Par décision du 21 juin 2021, l’hospice a mis un terme aux prestations d’aide financière. Mme A______ n’avait pas fourni dans le délai imparti tous les documents demandés, malgré les avertissements des 10 février, 3 mai et 2 juin 2021. Elle avait argumenté dans un premier temps qu’il s’agissait d’une intrusion dans sa vie privée, puis dans un second temps, que ces comptes ne la concernaient pas. Elle avait été informée des conséquences auxquelles elle s’exposait si elle ne respectait pas ses devoirs.

8) Le 23 juin 2021, le conseiller d’État en charge du département de la cohésion sociale (ci-après : DCS) a fait suite à un courrier de l’intéressée reçu le 31 mai 2021. Il ressortait des informations en sa possession que, depuis le début de son suivi par l’hospice en 2016, Mme A______ s’était montrée réticente à fournir les documents demandés. Si l’insistance de l’assistant social en charge de son dossier et les avertissements qui lui avaient été adressés lui semblaient exagérés, ils se justifiaient aussi par le fait qu’une enquête menée en 2019 avait révélé qu’elle détenait un compte bancaire présentant des rentrées d’argent non déclarées. Bien qu’il comprenne la difficulté de sa situation, il ne pouvait que l’inviter à collaborer avec l’hospice afin que son droit aux prestations d’aide financière soit établi en toute transparence.

9) Le 8 juillet 2021, Mme A______ a fait opposition à la décision du 29 (sic) juin 2021.

La décision était abusive et illégale. L’hospice adoptait une stratégie perverse exercée par des personnes perverses dans le seul but de nuire aux utilisateurs. Ses relevés bancaires justifiaient sa situation, ce que l’hospice ne pouvait pas ignorer. Il agissait de façon malveillante et lui avait causé de nombreux torts à elle-même et à son enfant.

10) Le 15 juillet 2021, le directeur général de l’hospice (ci-après : le directeur) a rejeté l’opposition de Mme A______ contre l’avertissement du 3 mai 2021.

11) Par décision du 25 août 2021, le directeur a rejeté l’opposition de Mme A______ contre la décision du 21 juin 2021. L’intéressée alléguait que certains comptes étaient clos. Elle n’avait toutefois pas prouvé ses dires. Elle parvenait par ailleurs à financer des dépenses non prises en charge par l’aide sociale telles que la location d’une place de parking de CHF 220.- par mois ou des mensualités de CHF 343.70 pour le leasing de son véhicule, des frais d’essence, d’entretien et d’assurance d’une _______. Elle avait par ailleurs déclaré, le 29 novembre 2019, avoir clôturé tous ses comptes alors qu’elle avait conservé, pour le moins, le compte Postfinance 7_______ jusqu’en mars 2020 en tout cas puisqu’elle avait continué à toucher ses prestations financières sur ce compte. Elle avait gravement violé son devoir de collaboration, empêchant l’hospice de déterminer si elle avait droit à des prestations d’aide financière et, le cas échéant, à hauteur de quel montant. La décision respectait le principe de la proportionnalité, les collaborateurs de l’hospice ayant réitéré oralement et par écrit, à de très nombreuses reprises, les explications relatives aux documents exigés et l’ayant clairement prévenue des conséquences auxquelles elle s’exposait en cas de refus d’obtempérer.

Enfin, elle pouvait en tout temps, si elle était prête à collaborer et qu’elle ne disposait pas de conditions d’existence conformes à la dignité humaine, déposer une nouvelle demande d’aide financière, qui ferait l’objet d’une nouvelle évaluation puis décision susceptible d’opposition.

12) Le 16 août 2021, le conseiller d’État en charge du DCS a fait suite à des courriers de l’intéressée des 7 et 27 juillet 2021. La question de la subsidiarité de l’aide sociale était fondamentale. Afin de permettre à l’hospice d’évaluer son droit aux prestations sociales, il confirmait la teneur de son courrier du 23 juin 2021, à savoir la nécessité de produire les pièces justificatives demandées, de sorte à garantir que l’aide financière qui lui serait versée, cas échéant, était effectivement subsidiaire à toute autre source de revenus.

13) Le 10 septembre 2021, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision d’arrêt des prestations d’aide complémentaire financière du 26 (sic) juillet 2021.

Il n’y avait aucun motif juridiquement valable pour cesser le versement de l’aide financière. Son revenu n’ayant pas changé, son droit ne pouvait pas être stoppé. La décision d’arrêt de l’aide financière depuis fin avril 2021 lui avait causé de nombreux dommages financiers, « existentiels, de la dégradation de ma santé, du stress, de retard de paiement de factures, des frais de rappel, entre autres ». Cette décision risquait d’entraîner la résiliation de son bail à loyer. Il s’agissait d’un logement familial, stable, où elle vivait avec son enfant et qu’elle avait attendu pendant plus de cinq ans.

Un défenseur d’office devait lui être nommé. La décision attaquée devait être annulée, des mesures d’urgence pour la sauvegarde de son logement devaient être prises, l’ordre devait être donné à l’hospice de verser le montant du loyer depuis le 1er mai 2021. Ses frais médicaux et autres factures en sa possession devaient être acquittés par l’hospice. Un délai supplémentaire devait lui être accordé pour compléter son recours. Elle joignait la copie d’un certificat médical attestant d’une incapacité totale de travail du 28 juin au 18 août 2021.

14) Par courrier du même jour, la juge déléguée a sollicité de la recourante une copie de la décision litigieuse, celle-ci n’ayant pas été jointe à son envoi.

15) À réception du recours, l’hospice a précisé qu’aucune décision n’avait été prononcée à l’encontre de l’intéressée le 26 juillet 2021. Il sollicitait une copie de la décision querellée afin de pouvoir se déterminer.

16) Le 29 septembre 2021, une copie du recours a été transmise au service de l’assistance juridique par la juge déléguée.

17) Le 6 octobre 2021, un délai, au 20 octobre 2021, a été imparti à la recourante pour transmettre une copie de la décision litigieuse. À défaut, son recours pourrait être déclaré irrecevable.

18) Le 12 octobre 2021, Mme A______ a transmis une écriture de vingt-huit pages. Son recours était dirigé contre la décision du 23 juillet 2021 (sic). Il n’y avait que commérages et rumeurs, diffamation et méchanceté à son encontre de la part de l’hospice. Elle avait toujours tout déclaré à l’hospice.

19) Dans une écriture extrêmement fouillée, l’hospice a conclu au rejet du recours, détaillant l’historique du dossier.

20) Le 23 décembre 2021, la recourante a sollicité la prolongation du délai pour répliquer, lequel lui a été accordé.

21) Le 12 janvier 2022, elle a sollicité des mesures provisionnelles urgentes. L’hospice ne payait plus ses factures depuis avril 2021. Elle risquait d’être évacuée de son logement. Il était nécessaire que la chambre de céans ordonne à l’hospice, notamment, de payer les loyers. L’autorité intimée prétendait qu’elle avait pris en charge les loyers du 1er mai au 31 octobre 2021, ce qui était erroné. Elle n’avait d’ailleurs pas produit de preuves de ses dires.

22) Le 24 janvier 2022, l’hospice a conclu au rejet de la requête en mesures provisionnelles en tant qu’elle était recevable.

Depuis la décision du 21 juin 2021, plusieurs démarches avaient été tentées auprès de la recourante pour lui faire comprendre la nécessité de produire l’ensemble des documents demandés afin de pouvoir, à nouveau, intervenir financièrement en sa faveur. Elle avait été reçue en entretien les 26 juillet et 17 septembre 2021 par l’Espace Conciliation de l’hospice. Comme elle indiquait ne pas pouvoir donner suite aux demandes de documents faute de moyens financiers suffisants, l’Espace Conciliation lui avait proposé d’imprimer les pièces idoines dans ses locaux. Lors de la rencontre du 17 septembre 2021, plusieurs documents avaient ainsi été transmis au centre d’action sociale (ci-après : CAS).

Le contrat de bail ayant été résilié, l’hospice, afin d’essayer d’éviter l’évacuation, avait, à bien plaire, versé au bailleur la part des loyers qui lui aurait été accordée si l’intéressée avait rempli les conditions de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) du 1er mai au 31 octobre 2021. Une confirmation du paiement avait été adressée le 30 septembre 2021 à Mme A______. Par ailleurs, l’hospice avait pris en charge, pour la même période, le subside de comblement LAMal, soit la part des cotisations d’assurance-maladie dépassant le subside partiel maximum.

À la demande d’un avocat, mandaté par l’intéressée dans le cadre de la procédure l’opposant à son bailleur, celui-là avait demandé à l’hospice de poursuivre le paiement du loyer, lequel présentait un arriéré de CHF 5'482.90 au 17 décembre 2021. L’hospice avait considéré qu’une nouvelle intervention financière ne pouvait pas être décidée sans une réévaluation de la situation. L’intéressé avait toutefois indiqué qu’elle n’entendait pas déposer une nouvelle demande dès lors qu’elle avait rempli et signé un formulaire en avril 2021. « C’est selon ce document valable que l’Hospice général doit respecter les lois et me verser toute mon aide financière rétroactivement et à présent ».

L’urgence n’était pas établie au vu de certaines dépenses effectuées, tels que des frais vétérinaires, et en l’absence de la totalité des extraits de ses comptes bancaires. Il était notamment observé qu’entre le 1er septembre et le 30 novembre 2021, elle avait été en mesure de retirer CHF 7'754.96 de l’un de ses comptes auprès de l’UBS.

23) La recourante n’ayant pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti au 31 janvier 2022, les parties ont été informées le 8 février 2022 que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles et au fond.

24) Par pli reçu le 21 février 2022, la recourante a transmis un courrier manuscrit de deux pages demandant à ce que sa réplique, enfin terminée, soit considérée comme recevable. Elle vivait une période dramatique et compliquée.

Était jointe une réplique de trente-trois pages datée du 31 janvier 2022 et quatorze pièces.

25) Le contenu des écritures et des pièces sera repris dans la mesure utile dans la partie en droit du présent arrêt.

Le dossier est constitué de nombreuses pièces financières, échange de courriels ou de correspondances entre les parties.

Il comprend de nombreux post-it avec des commentaires de Mme A______, apposés sur les pièces produites par l’hospice, étant précisé que l’intéressée a consulté le dossier auprès de la chambre de céans le 20 décembre 2021.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 52 LIASI ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante a sollicité préalablement la nomination d’un avocat d’office.

La nomination d'un avocat d'office n'est pas de la compétence de la chambre administrative. Pour le surplus aucune disposition légale n'impose la nomination d'office d'un avocat dans le cadre de la contestation d'une décision de l’hospice. Enfin, une copie du recours a été transmises au service de l’assistance juridique.

3) Est litigieux le bienfondé de la décision mettant fin à l'aide financière accordée à la recourante. En l’absence de détermination claire de cette dernière, l’on comprend qu’elle conteste la décision du 25 août 2021, ce qu’a dûment relevé l’hospice et qu’elle n’a pas contesté.

a. Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

b. En droit genevois, la LIASI et le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent
l’art. 12 Cst. (
ATA/357/2017 et ATA/878/2016 précités), tout en allant plus loin que ce dernier (ATA/387/2017 du 4 avril 2017).

c. En droit genevois, la LIASI et le RIASI mettent en oeuvre ce principe constitutionnel.

À teneur de son art. 1 al. 1, la LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel. Conformément à l'art. 9 al. 1 in initio LIASI, les prestations d'aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu.

d. À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

e. La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/768/2015 du 28 juillet 2015 consid. 7a ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 consid. 4 ; ATA/864/2014 du 4 novembre 2014 consid. 4).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » concrétise notamment l'obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il mette tout en oeuvre pour améliorer sa situation sociale et financière. Ces obligations sont par ailleurs décrites aux art. 32 et 33 LIASI.

f. L'art. 35 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la LIASI (art. 35 al. 1 let. a LIASI), lorsqu'il ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI (art. 35 al. 1 let. c LIASI) ou lorsqu'il refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. d LIASI).

g. La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit au surplus être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 ; ATA/1271/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6c ; ATA/357/2017 du 23 mars 2017 consid. 7c).

 

h. En l’espèce, la recourante a signé à plusieurs reprises le document « Mon engagement » et s’est ainsi engagée à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, de signaler spontanément tout fait nouveau de nature à modifier le montant des prestations d’aide financière et de se soumettre en tout temps à une enquête du service des enquêtes de l’hospice, notamment en autorisant en tout temps un contrôle à son domicile, avec ou sans préavis.

Outre que sa collaboration à l’enquête n’a pas été bonne, les éléments qui précèdent lui ont régulièrement été rappelés, notamment dans les décisions valant avertissement des 10 février, 3 mai et 2 juin 2021. Elle ne peut donc pas se prévaloir du fait qu’elle ignorait ses obligations et les conséquences de leur violation, ce qu’elle ne prétend d’ailleurs pas. Son attention a alors dûment été attirée sur le fait que, si elle continuait à ne pas se conformer à son obligation de collaborer, ses prestations d’aide financière pourraient être supprimées.

Il ressort du dossier que l’hospice a fait expliquer, à de nombreuses reprises et de façon détaillée, la situation à l’intéressée. Celle-ci, qui se prévaut de plusieurs titres universitaires, y compris d’une formation en droits de l’homme, droit européen et droit international, est apte à comprendre les enjeux que l’autorité intimée lui a plusieurs fois exposés.

La recourante a fait l’objet de trois avertissements successifs, principalement en raison de l’absence de plusieurs documents bancaires, dûment listés par l’autorité intimée. Malgré ces avertissements, la recourante n’a pas fourni les informations et les pièces demandées. Elle allègue que certains de ces comptes auraient été clôturés. À juste titre, l’autorité intimée réclame à la recourante un document prouvant les allégations, injonction à laquelle la recourante refuse de donner suite.

La recourante allègue que l’hospice n’a pas besoin de connaître ses crédits et leur provenance, à l’exception de ses ressources régulières telles que pension alimentaire, allocations familiales, allocations de logement, remboursement d’assurance. Selon elle, les débits de son compte ne concernent pas l’hospice et relèvent de sa sphère privée.

Il est toutefois de jurisprudence constante qu’il n’appartient pas au bénéficiaire d’établir, au regard de ses propres critères, la pertinence ou non d’informations qu’il s’est engagé à fournir à l’autorité (ATA/66/2019 du 22 janvier 2019 consid. 3).

La transmission de tous les documents afférents aux comptes bancaires/postaux et cartes de crédit à son nom ou à celui des membres de son groupe familial est nécessaire à l’hospice afin qu’il puisse déterminer le droit éventuel de la recourante à des prestations d’aide financière.

Ceci s’avère d’autant plus important dans le présent dossier que plusieurs comptes bancaires et postaux sont mentionnés dans le dossier et que tous n’ont pas été spontanément annoncés par la recourante à l’hospice, contrairement à son obligation, et dont le financement doit être éclairci, à l’instar du paiement d’une place de parking de CHF 220.- par mois, de CHF 343.70 mensuels pour le leasing de véhicules, de frais d’essence, d’entretien et d’assurance d’une ______ et ce quand bien même la recourante allègue que le véhicule ne vaut que CHF 5'000.-.

Les éventuels griefs de la recourante quant à l’attitude des personnes en charge de son dossier ne font pas l’objet du présent litige.

Il est pour le surplus relevé que l’hospice semble avoir fait preuve de patience, notamment par l’envoi de trois lettres d’avertissement, et a plusieurs fois proposé des solutions à la recourante afin d’examiner si elle répondait aux conditions de la LIASI et pouvait ainsi bénéficier à nouveau des prestations. L’Espace Conciliation a reçu l’intéressée à deux reprises et lui a offert d’imprimer les documents demandés dans ses locaux. La possibilité de déposer une nouvelle demande d’aide financière lui a été rappelée oralement et par écrit plusieurs fois.

En refusant de fournir les pièces réclamées par l’hospice, notamment les documents attestant de la clôture des comptes listés par l’autorité intimée, la recourante a gravement manqué à ses engagements, en particulier à son devoir d’information et de collaboration, malgré les mises en garde de l’intimé, sans qu’il ne soit nécessaire d’approfondir en détail ses manquements.

Dans ces conditions, l’hospice était fondé à mettre un terme à l’aide sociale qu’il versait à la recourante.

Entièrement mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

Le présent arrêt rend sans objet la demande de mesures provisionnelles.

4) En matière d'assistance sociale, la procédure est gratuite (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 septembre 2021 par Madame A______ contre la décision de l’Hospice général du 25 août 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :