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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2654/2021

ATA/907/2021 du 06.09.2021 ( EXPLOI ) , REFUSE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2654/2021-EXPLOI ATA/907/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 6 septembre 2021

sur mesures provisionnelles

dans la cause

 

A______
représentée par Me Patrick Ocak, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Selon décision du 15 mai 2017 du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN), Madame B______ est autorisée à exploiter un établissement de catégorie café-restaurant à l'enseigne « C______ », propriété de la société anonyme A______ (ci-après : la société), route D______ à E______.

2) Par décision du 14 juillet 2021 déclarée exécutoire nonobstant recours, le PCTN a ordonné la fermeture immédiate de cet établissement pour une durée complémentaire de cent quinze jours, soit du 14 juillet au 6 novembre 2021, en application de l'art. 62 al. 2 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22), après une fermeture avec apposition de scellés ordonnée par le commissaire de police le 1er juillet 2021 pour cinq jours, en application de l'art. 62 al. 1 LRDBHD.

À la suite d'un contrôle de police sur place le 1er juillet 2021, un rapport d'arrestation avait été dressé le 2 juillet 2021 par la brigade de lutte contre la traite des êtres humains et la prostitution illicite dont un exemplaire avait immédiatement été remis au PCTN. Il en ressortait que le remplaçant de l'exploitante, Monsieur F______, était prévenu de la commission de dix crimes et/ou délits en lien avec l'exploitation de l'établissement « C______ ». Des employés avaient déclaré que certains d'entre eux avaient selon toute vraisemblance été recrutés à des fins d'exploitation de leur travail, un crime visé par l'art. 182 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Rien ne permettait de remettre en cause les faits ressortant de « ces rapports », lesquels étaient constitutifs de graves troubles à l'ordre public.

M. F______ était prévenu d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; art. 116, 117 et 118), à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10 ; art. 87), à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20 ; art. 112), à la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40 ; art. 76) et à la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11 ; art. 187).

3) Par acte expédié le 13 août 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), la société a formé recours contre cette décision, concluant principalement à ce qu'il lui soit donné acte qu'elle s'en rapportait à justice quant à une fermeture administrative avec apposition de scellés jusqu'au 31 août 2021 au plus tard, et à ce que sa réouverture soit ordonnée dès le 1er septembre 2021. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au PCTN pour nouvelle décision.

M. F______, l'animateur du café restaurant, était un ressortissant suisse. Entre 2020 et 2021, à l'instar de la plupart des établissements de restauration, la société avait traversé d'importantes difficultés financières en raison des diverses fermetures liées à la crise sanitaire du Covid-19.

Selon la compréhension de la société, le rapport d'arrestation du 2 juillet 2021 était le seul élément que le PCTN utilisait pour fonder la décision entreprise. Il en ressortait pour l'essentiel et en substance qu'il avait été constaté lors de la perquisition de la veille que le restaurant avait engagé un total de six employés « au noir », soit sans statut légal en Suisse. Trois d'entre eux étaient logés, pour un loyer de CHF 300.- par mois chacun, soit « à prix coûtant », dans un appartement de 3.5 pièces au G______ dont le bail était de facto détenu par la société qui versait un loyer mensuel de CHF 910.- au bailleur principal. Il ressortait d'une simple synthèse des déclarations des employés que ceux-ci avaient postulé librement, comme pour n'importe quel emploi, auprès d'« C______ » pour y travailler. L'enquête de police ne comportait aucun élément suggérant, de près ou de loin, qu'il ait existé un quelconque élément constitutif de l'infraction de traite d'êtres humains. La société l'avait fait remarquer au PCTN dans ses déterminations du 12 juillet 2021 dont ce dernier n'avait tenu aucun compte avant de rendre la décision entreprise. Le PCTN avait violé son droit d'être entendu sous l'angle d'un défaut de motivation de sa décision.

Si l'autorité pouvait prendre en compte des faits constatés dans un rapport de police, elle devait néanmoins en faire une appréciation juridique. Or, en l'espèce, le PCTN n'avait non seulement pas tenu compte des faits découlant du rapport de police, mais avait de plus fondé l'intégralité de son raisonnement sur le fait qu'il se justifierait de les qualifier de traite d'êtres humains au sens de l'art. 182 CP. Cette manière de procéder était totalement insoutenable et violait les principes élémentaires, tels que celui de l'interdiction de l'arbitraire et de la présomption d'innocence. Autrement dit, le PCTN ne pouvait pas tenir pour acquises de simples qualifications pénales provisoires qui ne reposaient sur aucun fait concret et tangible même à la lecture du rapport de police. Il aurait plutôt dû s'en tenir aux faits constatés et appréciés, sous l'angle du droit administratif uniquement, en vue d'une éventuelle application de l'art. 62 LRDBHD, pour déterminer si une mesure de fermeture administrative se justifiait et, le cas échéant, dans quelle quotité. Or, le rapport d'arrestation du 2 juillet 2021 mettait certes en évidence que la société n'avait pas immédiatement honoré les charges sociales pour les exercices 2019 et 2020 et que six personnes avaient déclaré être employées « au noir », mais aucun élément laissant supposer une prétendue traite d'êtres humains.

Si la société reconnaissait avoir engagé six personnes sans statut légal, ce qui pouvait potentiellement impliquer une mesure administrative de fermeture de l'établissement, principe qui n'était pas forcément contesté, la durée maximale légale de fermeture de cent vingt jours, appliquée en l'espèce, violait le principe de proportionnalité et consacrait un abus du pouvoir d'appréciation, dans la mesure où il ne tenait pas compte de toutes les circonstances du cas, puisqu'au contraire le PCTN avait à tort retenu une prétendue traite d'êtres humains, voire une infraction d'usure au sens de l'art. 157 CP, alors même qu'une lecture attentive du rapport d'arrestation ne permettait pas de les retenir, la compétence pour le déterminer revenant de surcroît aux autorités pénales compétentes.

Les intérêts d'une société de restauration qui ne pouvait plus exercer aucune activité commerciale étaient gravement menacés en tant que sa liberté économique était lourdement atteinte. Ceci était d'autant plus vrai dans le contexte socio-économique et sanitaire actuel. Le maintien en inactivité de la société jusqu'à droit connu sur le présent recours la conduirait, selon toute vraisemblance, à une faillite certaine. Il y avait donc péril en la demeure et le refus d'octroyer l'effet suspensif au recours aurait de facto pour conséquence de la mettre en état de surendettement.

Sous l'angle de l'intérêt public, elle n'avait « (évidemment) » nullement l'intention d'engager des personnes sans statut légal en Suisse, ce qui serait même totalement irrationnel compte tenu des circonstances. Ainsi, l'intérêt public serait préservé. La pesée des intérêts en présence justifiait à son sens de restituer l'effet suspensif au recours. Une fermeture au-delà du 1er septembre 2021 serait disproportionnée. Si par impossible la chambre administrative devait arriver à la conclusion qu'une fermeture de l'établissement de cent vingt jours se justifiait, il serait alors toujours temps d'exécuter le solde de la mesure.

4) Le PCTN a conclu, le 26 août 2021, au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

Il ressortait du rapport d'arrestation que M. F______ avait notamment reconnu avoir facilité le séjour des étrangers et employé des étrangers sans autorisation, ainsi que l'infraction d'usure. Il agissait en tant qu'exploitant de fait de l'établissement car Mme B______, exploitante autorisée, lui servait manifestement de prête-nom. Au moins trois des employés étaient arrivés en Europe au moyen d'un réseau de passeurs. Au moins quatre employés étaient occupés sous une fausse identité. Les dispositions protectrices en matière de droit du travail avaient systématiquement été violées au détriment de la plupart des employés.

La décision de fermeture faisait suite à une perturbation flagrante de l'ordre public, soit l'intérêt public fondamental à protéger les travailleurs et lutter contre le travail au noir. Au surplus, un examen prima facie du recours devait conduire à la conclusion que la décision querellée était fondée et devait être confirmée. La restitution de l'effet suspensif au recours amoindrirait fortement la portée de la décision querellée, dès lors qu'un établissement qui érigeait des pratiques contraires au droit en modèle d'affaires pourrait impunément recruter des employés issus de réseaux de passeurs et poursuivre son activité avant qu'une sanction ne soit prononcée par l'autorité.

Il était à noter que l'exploitant de fait avait été arrêté par la police et mis en détention pour ces agissements qui devaient ainsi être qualifiés de particulièrement graves. L'exploitante titulaire de l'autorisation n'exerçait aucun contrôle sur la marche de l'établissement, comme elle l’avait reconnu par courrier adressé par son avocat le 12 juillet 2021. Il était partant évident qu'en cas de restitution de l'effet suspensif au recours, une poursuite de l'exploitation ne remplissant aucun des critères les plus élémentaires quant à l'octroi d'une autorisation pourrait avoir lieu.

La société n'avait fait valoir aucun allégué ou argument permettant de remettre en question le bien-fondé d'une mesure de fermeture administrative. Bien au contraire, dans ses observations du 12 juillet 2021, elle avait accepté implicitement que la fermeture soit ordonnée jusqu'au 31 juillet 2021, soit selon ses propres dires « le temps nécessaire à permettre à M. F______ d'obtenir la levée de sa mise en détention provisoire ». Le PCTN avait apprécié les faits relatés dans le rapport d'arrestation du point de vue de l'ordre public, au stade de mesures provisionnelles, en retenant notamment que les éléments constitutifs d'une infraction à l'art. 182 CP paraissaient à ce stade être réalisés. Enfin, la durée maximale de fermeture de quatre mois prévue par la loi était tout à fait proportionnée dans le cas d'espèce du point de vue de l'ordre public qui serait sérieusement menacé de graves troubles par une reprise de l'activité pendant la procédure de recours.

5) A______ a brièvement répliqué le 2 septembre 2021.

Il apparaissait manifestement que l'autorité intimée, dans un souci plus tactique que juridique, lui avait notifié son intention de retirer l'autorisation d'exploiter en application de l'art. 64 LRDBHD en réaction à l'acte de recours dont elle venait d'être informée, précisément pour pouvoir s'en prévaloir dans la présente cause pour soutenir que la proportionnalité de la mesure querellée deviendrait en définitive sans objet puisque le restaurant se verrait de toute façon retirer son autorisation d'exploiter. Le procédé n'était pas soutenable en tant que le PCTN perdait de vue que la licéité et la proportionnalité une fermeture administrative prise en vertu de l'art. 62 de cette même loi, qui avait principalement la nature d'une sanction, devait s'apprécier indépendamment d'un hypothétique retrait de l'autorisation d'exploiter.

Si l'on s'en tenait aux faits concrets, étant relevé que le PCTN reconnaissait dans ses déterminations qu'il ne découlait manifestement pas du rapport de police que l'animateur de la société aurait commis un des actes relevant d'une prétendue traite d'êtres humains, la fermeture de l'établissement, datant désormais de deux mois, pourrait se justifier dans la mesure où des employés avaient certes été engagés alors qu'ils n'avaient pas de statut légal en Suisse. En revanche, une fermeture pour la période maximale légale de quatre mois violerait le principe de proportionnalité et constituerait un abus du pouvoir d'appréciation.

6) Les parties ont été informées, le 2 septembre 2021, que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles.

EN DROIT

1) Les mesures provisionnelles, y compris celles sur effet suspensif, sont prises par le président de la juridiction (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Selon l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge.

2) Aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1). Toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

3) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2) ; qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, spéc. 265.

L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018).

La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018).

La chambre de céans dispose dans l'octroi de mesures provisionnelles d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 précité consid. 5.5.1 ; ATA/941/2018 précité).

4) a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d’être entendu n'implique pas l'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.).

b. Selon l'art. 62 al. 1 LRDBHD, si les circonstances le justifient, un commissaire de police procède à la fermeture immédiate, avec apposition de scellés, pour une durée maximale de dix jours, de toute entreprise dans laquelle survient une perturbation grave et flagrante de l'ordre public, notamment en matière de tranquillité, santé, sécurité et moralité publiques. La police fait rapport sans délai au département ainsi qu'à l'autorité compétente, si l'un des domaines visés à l'art. 1 al. 4 LRDBHD est concerné. Le département examine s'il y a lieu de prolonger la mesure, en application de l'al. 2.

Aux termes de l'art. 62 al. 2 LRDBHD, le département peut procéder à la fermeture, avec apposition de scellés, pour une durée maximale de quatre mois, de toute entreprise dont l'exploitation perturbe ou menace gravement l'ordre public, notamment en matière de tranquillité, santé, sécurité et moralité publiques.

c. Il ressort des travaux préparatoires, en lien avec l'adoption de l'art. 62 al. 1 LRDBHD, que le pouvoir de fermeture du commissaire de police devrait être exercé avec la plus grande prudence, étant entendu que la notion de perturbation grave et flagrante de l'ordre public devrait être interprétée de manière restrictive, et ne couvrir que les cas où l'intervention immédiate de la police était justifiée du fait de la gravité constatée, et qu'elle était la seule envisageable pour mettre fin aux troubles en question. Au vu des cas visés, la situation était suffisamment claire et grave pour que la décision de fermeture soit prise sans délai. Il s'agissait d'une exception au principe général du droit d'être entendu, conformément à l'art. 43 let. d LPA.

L'al. 2 de l'art 62 LRDBHD permettrait au département de prolonger la fermeture de l'entreprise, afin d'assurer le retour à une situation conforme à l'ordre public. Il pourrait également décider de la fermeture de sa propre initiative, sans fermeture préalable de la police. Au vu de l'intérêt public poursuivi, le délai octroyé à l'entreprise (son exploitant / son propriétaire exploitant) pour faire valoir son droit d'être entendu serait nécessairement bref (PL 11282 75/84).

d. Comme déjà tranché par la chambre de céans dans un arrêt ATA/154/2021 du 9 février 2021, à rigueur de texte, l'art. 62 al. 1 LRDBHD permet au commissaire de police, en cas de perturbation grave et flagrante de l'ordre public, notamment en matière de santé, d'ordonner la fermeture immédiate pour une durée maximale de dix jours d'un établissement, fermeture que le PCTN peut prolonger si les conditions sont réunies. Ce mécanisme aménage la possibilité d'une mesure immédiate lorsque la perturbation de l'ordre public grave et flagrante le justifie, mesure dont le maintien n'est ordonné que dans un second temps, ce qui permet à l'intéressé de s'exprimer.

Tel a été le cas en l'espèce, ce que la recourante ne remet pas en cause, si ce n'est qu'elle considère que l'autorité intimée n'aurait pas pris en compte ses déterminations du 12 juillet 2021 avant de rendre la décision querellée. Sous l'angle de la motivation de ladite décision, laquelle contient tous les éléments permettant d'en apprécier la portée et le fondement, le grief de violation du droit d'être entendu soulevé par le recourant paraît prima facie infondé.

5) La recourante conteste le bien fondé et la proportionnalité de la décision de fermeture.

a. La LRDBHD a pour but de régler les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l'hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 LRDBHD).

b. L'art. 8 LRDBHD soumet l'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration et au débit de boissons à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter (al. 1), qui doit être requise lors de chaque changement d'exploitant ou de propriétaire de l'entreprise ou de modification des conditions de l'autorisation antérieure (al. 2 ; art. 18 al. 1 let. a du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01).

c. Selon l'art. 9 LRDBHD, l'autorisation d'exploiter une entreprise est délivrée à condition que l'exploitant : a) soit une personne physique de nationalité suisse, ressortissante d’un Etat avec lequel la Confédération a conclu un accord sur la libre circulation des personnes, ou considérée comme travailleur en Suisse au sens de la loi fédérale sur les étrangers, du 16 décembre 2005; b) ait l’exercice des droits civils ; c) soit titulaire, sous réserve des articles 16, alinéa 2, et 17, du diplôme attestant de son aptitude à exploiter et gérer une entreprise soumise à la présente loi ; d) offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l’entreprise est exploitée conformément aux dispositions de la présente loi et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail, ainsi qu'aux dispositions pénales prohibant les crimes ou délits dans la faillite et la poursuite pour dettes et, s’il a la qualité d’employeur, qu'il démontre au moyen d’une attestation officielle ne pas avoir de retard dans le paiement des cotisations sociales. Lorsque le département est en possession d'indices factuels permettant de présumer le non-respect des conditions de travail en usage, le département demande à l’employeur de signer auprès de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) l’engagement de respecter les conditions de travail en usage à Genève et fait dépendre sa décision de la signature dudit engagement ; e) offre toute garantie d’une exploitation personnelle et effective de l’entreprise, compte tenu notamment de son lieu de domicile ou de résidence et de sa disponibilité, ou encore du respect de l'interdiction de recourir à un prête-nom ou de servir comme tel durant les trente-six mois qui précèdent le dépôt de la requête en autorisation.

d. L'art. 10 LRDBHD qui traite des conditions relatives au propriétaire prévoit que l'autorisation d'exploiter l’entreprise est délivrée à condition que son propriétaire offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l’entreprise est exploitée conformément aux dispositions de la présente loi et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail, ainsi qu'aux dispositions pénales prohibant les crimes ou délits dans la faillite et la poursuite pour dettes. S’il est l’employeur des personnes qui travaillent au sein de l’entreprise, le propriétaire doit en outre démontrer au moyen d’une attestation officielle ne pas avoir de retard dans le paiement des cotisations sociales. Lorsque le département est en possession d'indices factuels permettant de présumer le non-respect des conditions de travail en usage, le département demande au propriétaire employeur de signer auprès de l’office l’engagement de respecter les conditions de travail en usage à Genève et fait dépendre sa décision de la signature dudit engagement.

6) De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/67/2021 du 19 janvier 2021 consid. 2b ; ATA/502/2018 du 22 mai 2018 et les références citées).

7) Il ressort en l'espèce du rapport d'arrestation du 2 juillet 2021 que M. F______ s'est annoncé à la police comme administrateur président de la société. La police est intervenue sur place suite à une dénonciation de l'OCIRT du 30 juin 2021, lequel avait été consulté par quatre employés ayant appris leur licenciement. Les éléments principaux évoqués auprès de l'OCIRT par ces employés étaient l'absence de déclaration de leur employeur à l'AVS depuis 2018, alors que les cotisations étaient prélevées sur leur fiche de salaire, l'existence de poursuites avec saisies sur salaire car l'employeur n'avait pas payé l'impôt à la source, la présence de victimes de traite d'êtres humains parmi les employés chinois et leur logement dans des conditions indécentes.

Lors de la perquisition, la police s'est trouvée confrontée à six hommes démunis de documents d'identité, lesquels ont fait des déclarations dont il n'y a pas lieu de reprendre le détail, le seul résumé de l'audition de M. F______, tel que repris dans le rapport d'arrestation, étant suffisamment probant : « En substance, je reconnais l'usure. Je reconnais les infractions aux charges sociales. Je ne reconnais pas les infractions aux impôts à la source car j'attendais une attestation de mon fiduciaire. Je reconnais l'emploi d'étrangers sans autorisation, la facilitation du séjour d'un étranger. Concernant les cartes AVS, je ne reconnais pas le comportement frauduleux à l'égard des autorités. Je leur avais juste dit de présenter cette carte pour indiquer qu'ils cotisaient. Ce sont eux qui ne veulent pas me fournir leur véritable identité. Je reconnais le prête-nom du restaurant ». Ces éléments suffisent à retenir prima facie l'existence d'un grave trouble à l'ordre public s'agissant en particulier et à tout le moins de violations de la législation sur les étrangers et sur les assurances sociales. S'y ajoute que, que M. F______ soit l'exploitant remplaçant et/ou administrateur directeur de la société propriétaire du café-restaurant en cause, les conditions d'exploitation de cet établissement n'étaient pas réalisées au moment de l'intervention de la police, puis du PCTN, au début du mois de juillet 2021, à s'en tenir à la décision querellée selon laquelle le PCTN envisageait le retrait de l'autorisation d'exploiter.

Quand bien même la fermeture dudit établissement est susceptible de causer un dommage économique à la société, l'intérêt public, à savoir l'ordre public, prévaut en l'état sur la réouverture de cet établissement, étant relevé que la recourante n'indique nullement ni a fortiori n'étaye quelles dispositions elle aurait concrètement prises pour employer des personnes ayant un statut légal en Suisse, dûment annoncées aux autorités fiscales et en matière d'assurances sociales. On ignore même si M. F______ se trouverait encore en détention provisoire.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant les chances de succès de recours.

Au vu qu'au vu de ce qui précède, la requête en restitution de l'effet suspensif sera rejetée.

8) Le sort des frais de la procédure sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Patrick Ocak, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

 

 

Le vice-président :

 

C. Mascotto

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :