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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1950/2021

ATA/893/2021 du 31.08.2021 ( TAXE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1950/2021-TAXE ATA/893/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 août 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

SERVICE DE LA TAXE D'EXEMPTION DE L'OBLIGATION DE SERVIR

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 



EN FAIT

1) Par décision du 23 octobre 2020, l’administration fiscale cantonale, service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : STEO), a imposé à Monsieur A______ une taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : TEO) de CHF 3'234.- pour l’année 2018. La décision précisait qu’une réclamation contre le principe même de l’assujettissement à la taxe pouvait être formée dans le délai, non prolongeable, de 30 jours. Une facture provisoire de taxe pour l’année 2019 était également jointe.

2) M. A______ a, par courrier du 14 décembre 2020, requis l’exemption de la TEO. Il était en train d’entreprendre les démarches auprès des autorités militaires françaises pour disposer de l’attestation idoine permettant d’obtenir la libération de ses obligations militaires suisses.

3) Le 19 janvier 2021, les autorités militaires suisses ont exempté M. A______ de son obligation de servir, en raison de sa double nationalité franco-suisse et de la Convention entre le Conseil fédéral et le Gouvernement de la République française relative au service militaire des double-nationaux du 16 novembre 1995 (RS 0.141.134.92) et de l’art. 5 de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l’armée et l’administration militaire (Loi sur l’armée - LAAM ; RS  510.10).

4) Par décision du 25 mars 2021, le STEO a rejeté la demande d’exonération pour l’année 2018, pour cause de tardiveté.

5) Par décision séparée du même jour, la demande d’exonération pour l’année 2019 a été admise et la facture provisoire annulée. L’exonération prononcée en janvier 2021 s’appliquait aux décisions de taxation non encore entrées en force.

6) Par décision du 20 mai 2021, le STEO a déclaré irrecevable la réclamation formée contre la décision d’exonération concernant l’année 2018. Celle-ci avait été formée tardivement.

7) Par acte expédié le 7 juin 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a contesté cette décision.

Il a exposé qu’il avait reçu en octobre 2020 une décision de taxation pour l’assujettissement 2018 et une facture provisoire pour celui de 2019. La différence entre les deux courriers prêtait à confusion pour « toute personne non initiée ». En outre, il travaillait alors « en première ligne » pour la gestion de la crise sanitaire aux Hôpitaux Universitaires de Genève. Lors du contact téléphonique avec un employé du STEO, il lui avait été indiqué que moyennant l’obtention du document « certificat de situation modèle C » et un recours au STEO, sa taxation 2019 serait annulée et celle de 2018 pourrait l’être. Il avait reçu le 19 janvier 2021 le certificat précité, demandé le 15 décembre 2020. Le 25 mars 2021, il avait reçu la décision rejetant sa réclamation concernant la taxe 2018. L’employé du STEO qu’il avait alors appelé lui avait expliqué que sa réclamation avait été formée tardivement et qu’il pourrait peut-être la contester en expliquant sa situation professionnelle. Le 20 mai 2021, il avait reçu la décision susmentionnée. Le supérieur de l’employé du STEO lui avait ensuite expliqué au téléphone qu’il comprenait ses arguments, mais ne pouvait y donner suite.

Il demandait l’annulation de la décision de taxation 2018.

8) Le STEO a conclu au rejet du recours.

Le recourant n’avait pas été empêché sans sa faute de former réclamation dans le délai légal. Même si celle-ci devait être considérée comme une demande en révision, elle serait irrecevable, dès lors que le recourant aurait pu faire valoir ses arguments dans le cadre de la procédure ordinaire.

9) L’administration fiscale fédérale (ci-après : AFC-CH) a également conclu au rejet du recours.

Le recourant reconnaissait qu’il avait agi tardivement. Sa réclamation formée en décembre 2020 était donc tardive. Par ailleurs, il ne pouvait se prévaloir de circonstances l’ayant empêché d’agir dans le délai. En outre, l’art. 33 al. 1 de l’ordonnance sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 30 août 1995 (OTEO - RS 661.1) ne permettait la révision que de décisions qui n’étaient pas encore passées en force, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

10) Dans sa réplique, le recourant a relevé le « ton » « diamétralement opposé » adopté par le STEO au téléphone et dans la présente procédure. Il aurait préféré qu'il lui soit expliqué d’emblée qu’il ne remplissait pas les conditions pour une restitution de délai.

11) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 31 al. 1 de la loi fédérale sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir du 12 juin 1959 - LTEO - RS 661 ; art. 34 al. 1 et 37 al. 1 de l'ordonnance sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir du 30 août 1995 - OTEO - RS 661.1 ; art. 2 de la loi d'application des dispositions fédérales sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir du 14 janvier 1961 - LaTE - G 1 05).

2) Le litige porte sur le rejet de la réclamation contre le refus de la demande d'exonération de la TEO 2018.

a. La taxe est perçue par les cantons (art. 22 al. 1 LTEO). Elle est fixée chaque année pour les assujettis domiciliés en Suisse, l'année de taxation étant en règle générale, l'année civile qui suit l'année d'assujettissement (art. 25. al. 1 let. a et al. 2 LTEO). La décision de taxation est notifiée par écrit à l'assujetti et doit indiquer la cause de l'assujettissement, les bases de calcul, le montant de la taxe, le terme de paiement et les voies de droit (art. 28. al. 1 LTEO).

Les décisions de taxation ainsi que les décisions sur l'exonération ou la réduction de la taxe peuvent, dans les trente jours suivant leur notification, faire l'objet d'une réclamation écrite à l'autorité de taxation (art. 30 al. 1 LTEO). La réclamation doit contenir des conclusions précises et indiquer les faits servant à la motiver (art. 30 al. 2 LTEO).

b. L'assujetti peut en tout temps demander que sa prétention à l'exonération soit soumise à un examen dont les conclusions avaient des effets sur les taxations non encore passées en force (art. 33 al. 1 OTEO), cette dernière notion renvoyant aux normes procédurales fiscales applicables aussi bien dans la LTEO et l'OTEO que dans la législation cantonale (ATA/741/2016 du 30 août 2016).

d. De jurisprudence constante, si une autorité envoie une décision soumise à recours par pli simple, c’est à elle de supporter le risque de l’absence de preuve de la date de notification (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; 124 V 400 consid. 2a ; 122 I 97 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_227/2011 du 22 mars 2012 consid. 4.2). Si la notification même d’un acte envoyé sous pli simple ou sa date sont contestées et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de la communication (arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.4.1, non reproduit in ATF 134 II 186 ; ATF 124 V 400 consid. 2a).

c. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/436/2016 du 24 mai 2016 consid. 4 ; ATA/751/2013 précité consid. 5 ; ATA/805/2012 du 27 novembre 2012 consid. 1d). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_138/2015 du 25 mars 2015 consid. 3).

d. Les cas de force majeure restent réservés (art. 16 al. 1 2ème phr. LPA). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible (ATA/73/2016 du 26 janvier 2016 consid. 6c ; ATA/642/2015 du 16 juin 2015 consid. 4).

Selon l’art. 26 OTEO, la restitution pour inobservation d’un délai peut être accordée si l’assujetti a, sans qu’il y ait faute de sa part, été empêché d’agir dans le délai fixé. La demande motivée de restitution indiquant l’empêchement doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l’empêchement a cessé; le requérant doit accomplir dans le même délai l’acte omis.

e. En l’espèce, le recourant a demandé au plus tôt le 14 décembre 2020 que sa prétention à l’exonération de la TEO soit examinée, examen dont les conclusions, conformément à l'art. 33 al. 1 OTEO, ne pouvaient déployer d'effet que sur les taxations non encore passées en force. Reste donc à déterminer si c'est à raison que la demande d’exonération, traitée comme une réclamation, a été considérée comme tardive par l'administration intimée.

Le STEO a envoyé la taxation 2018 par pli simple le 23 octobre 2020 à l'adresse du recourant. Celui-ci a indiqué dans son recours à la chambre de céans qu’il avait reçu ce pli en octobre 2020. Ainsi, bien que la date de la réception de ce courrier ne puisse pas être établie avec certitude, il y a lieu de retenir qu’il est parvenu au recourant au plus tard le 31 octobre 2020. Le délai de réclamation de 30 jours est donc arrivé à échéance au plus tard le 30 novembre 2020. Le recourant a d’ailleurs précisé que lors de l’entretien téléphonique qu’il avait eu début décembre 2020 avec un employé du STEO, le délai pour contester la taxe 2018 était déjà échu.

Ainsi, la demande d'exonération présentée le 14 décembre 2020 ne pouvait valoir que pour les années 2019 et suivantes.

En outre, le recourant ne peut se prévaloir d’aucun cas de force majeure, ni d'empêchement au sens de l'art. 26 OTEO, lequel prévoit que la restitution pour inobservation d'un délai peut être accordée si l'assujetti a, sans qu'il y ait faute de sa part, été empêché d'agir dans le délai fixé. La surcharge de travail alléguée ne peut être considérée comme un empêchement de procéder dans le délai. Celle-ci n’était pas de nature à rendre impossible le fait de respecter le délai légal. Dans sa réclamation, le recourant a, au demeurant, évoqué un oubli de sa part d’agir dans le délai de 30 jours et non une impossibilité.

C'est également à juste titre que le STEO a retenu que, même à considérer le courrier du recourant du 14 décembre 2020 comme une demande de révision, celle-ci eût été irrecevable. En effet, dans un cas en tous points similaire, le Tribunal fédéral a jugé, en se fondant sur l'art. 40 al. 2 OTEO, qu'une révision était exclue, dans la mesure où le recourant aurait pu faire valoir ses motifs au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence pouvant raisonnablement être exigée de lui (arrêt du Tribunal fédéral 2A.197/2006 du 1er  septembre 2006 consid. 4.3).

Enfin, les prétendues indications données par l’employé du STEO au recourant ne constituent pas des assurances dont ce dernier pourrait se prévaloir. En effet, il n’est pas allégué que ledit employé aurait assuré au recourant qu’il obtiendrait gain de cause dans sa réclamation, puis son recours. Selon le recourant lui-même, l’employé avait utilisé le conditionnel s’agissant de la modification de la taxation 2018. Le recourant ne peut ainsi déduire un quelconque droit de ces déclarations.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2021 par Monsieur A______ contre la décision du service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 20 mai 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 200.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, au service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir ainsi qu’à l’administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory et Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :