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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2873/2020

ATA/370/2021 du 30.03.2021 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2873/2020-PRISON ATA/370/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 mars 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été détenu à la prison de
Champ-Dollon (ci-après : la prison) du ______ 2018 au ______ 2019, date à laquelle il a été transféré à la prison de La Brenaz.

2) Par jugement du 24 mai 2019 du Tribunal correctionnel, M. A______ a été condamné à une peine privative de liberté de quatre ans et six mois sous déduction de trois cent cinquante-neuf jours de détention avant jugement.

3) Par courrier du 17 juin 2019, adressé au Tribunal pénal, M. A______ s'est plaint de ses conditions de détention pendant son incarcération à la prison.

4) Le 21 juin 2019, le Tribunal d'application des peines et des mesures
(ci-après : TAPEM) a répondu et interpellé l'avocat de M. A______ afin de savoir s'il souhaitait une décision formelle.

5) Par courrier du 3 juillet 2019, M. A______ a renoncé à une décision formelle du TAPEM, mais a indiqué ne pas s'opposer à la transmission de sa requête au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES ou le département).

6) Le 11 juillet 2019, le TAPEM a transmis l'ensemble du dossier au DSES pour raison de compétence.

7) Par courrier du 7 août 2019, la direction générale de l'office cantonal de la détention (ci-après : DG-OCD) a transmis à M. A______ une copie de son parcours cellulaire lequel était le suivant :

 

Période

Cellule

Unité

Type de Cellule

Nombre de codétenus

Surface individuelle

Nombre de jours

1er au 18 juin 2018

______

Sud

C3

5

3.7 m²

15 NC *

4

4.44 m²

3

19 juin au décembre 2018

______

Sud

C1

0

10.18 m2

2

1

5.09 m2

173

11 décembre 2018 au 1er février 2019

______

Sud

C5

4

7.98 m2

2

5

6.65 m2

51

2 février au
26 juin 2019

______

Sud

C1

0

10.18 m2

13

1

5.09 m2

132

*non consécutifs

8) Dans ses observations du 9 septembre 2019, M. A______ a précisé sa plainte, soit principalement : un espace individuel net inférieur à 4 m2 ; des inscriptions en arabe, fascistes, discriminatoires et religieuses dans la cellule ; un manque de chauffage, de lumière et de ventilation ; un manque de chaînes de télévision ; une nourriture de mauvaise qualité et de quantité insuffisante ; un manque d'hygiène ; une non-séparation des détenus malades de ceux en bonne santé ; un manque d'accès à la bibliothèque ; une restriction de visites à l'aumônerie ; un usage de la violence par les agents de détention ; des disparitions d'objets dans la cellule ; une interdiction de communiquer dans sa langue.

9) La DG-OCD s'est déterminée le 18 décembre 2019 et M. A______ le 14 février 2020. Celui-ci persistait dans ses conclusions.

10) Par décision du 29 juillet 2020, le département a rejeté la requête en constatation de l'illicéité des conditions de détention durant la période du 1er juin 2018 au 27 juin 2019 et déclaré irrecevable celle en indemnisation à hauteur de CHF 1'500.- par jour de détention.

Reprenant chacun des griefs, il a détaillé les motifs pour lesquels les conditions de détention avaient été licites.

11) Par acte mis à la poste le 15 septembre 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : chambre administrative) contre la décision du département et a sollicité un délai pour compléter son recours.

12) Par pli du 25 septembre 2020, M. A______ a précisé conclure à l'annulation de la décision, et cela fait, au constat que ses conditions de détention avaient été illicites du 1er juin 2018 au 27 juin 2019, ainsi qu'au versement d'une indemnité de CHF 1'500.- par jour de détention au sein de la prison.

Le département n'expliquait pas en quoi ses doléances portant sur les inscriptions sur les murs de la cellule, l'interdiction de communiquer dans sa langue maternelle et la dénonciation d'usage de la violence par les agents de détention ainsi que la disparition d'effets personnels dans la cellule n'étaient pas recevables. Le département s'était limité à indiquer que ces griefs n'avaient pas trait aux conditions de détention matérielles ou ne relevaient pas de la compétence du département, mais sans faire mention d'une quelconque base légale. L'analyse de l'illicéité de ces conditions de détention devait se faire de manière globale, à la lumière de l'ensemble des éléments ayant participé à sa détention, en application de l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). La température de la cellule n'avait pas été établie à satisfaction de droit. Le département se référait à des rapports portant sur la sécurité de l'installation électrique, de l'aération et de l'éclairage.

Enfin, le département justifiait l'absence de séparation des détenus malades, en se fondant sur la recommandation du comité des ministres aux États membres sur les règles pénitentiaires européennes (RPE 42.2). Cette lecture convenait aux maladies telles que l'hépatite C ou le virus du sida. Elle ne pouvait être appliquée à la tuberculose transmissible dans l'air par la projection de microscopiques gouttelettes de salive. Or, il avait été en contact à tout le moins avec un détenu tuberculeux et avait été contraint d'exposer sa santé en raison de sa détention.

13) Le département a conclu à l'irrecevabilité de la requête en indemnisation et au rejet du recours.

Lors de son séjour à la prison, d'une durée totale de trois cent nonante jours, le recourant avait occupé les cellules de l'unité sud nos 115, 125, 120 et 112, dont la surface individuelle offerte était de plus de 4 m2, à l'exception de quinze jours non consécutifs lors desquels la surface individuelle s'élevait à 3.70 m2. Par ailleurs, il avait bénéficié d'une heure journalière de promenade, d'une heure de sport dans la grande salle de sport ainsi que de la petite salle de sport de l'unité sud à sa demande deux ou trois jours par semaine de manière cyclique dès le 1er juin 2018.

Des tablettes posées devant la baie vitrée permettaient de lire à la lumière naturelle selon un rapport du 18 décembre 2019 de la prison. Chaque cellule disposait de la lumière artificielle nécessaire, d'un apport direct d'air frais et d'une extraction d'air mécanique.

La cellule était chauffée durant la saison d'hiver à 20° environ, les personnes détenues gérant librement l'ouverture et la fermeture de la fenêtre. Des rideaux avaient été posés pour diminuer la température durant l'été et chaque cellule était équipée, depuis le 25 juillet 2014, d'un ventilateur.

L'installation électrique était régulièrement contrôlée par un électricien professionnel selon un rapport du 18 décembre 2019. Aucun défaut n'avait été relevé.

Quatre-vingts chaînes de télévision, radio, interne, DVD et chaînes en doublon étaient à disposition des détenus jusqu'à la fin de l'année 2018. Cent trente-six chaînes l'étaient depuis le début de l'année 2019. Huit chaînes russes avaient été ajoutées le 13 mars 2019.

Les repas étaient servis trois fois par jour, amenés sur des chariots thermoport dans les étages et distribués sur place en présence du bénéficiaire. Les personnes détenues avaient la possibilité d'acheter en sus des aliments à l'épicerie ainsi que de recevoir des colis de nourriture. Des contrôles sanitaires étaient effectués plusieurs fois par année et des portions supplémentaires pouvaient être servies aux personnes détenues s'il restait de la nourriture en fin de service.

La propreté de la cellule revenait aux occupants qui recevaient des produits de nettoyage une fois par semaine, voire deux selon les besoins. Il n'était pas possible en l'état du taux de suroccupation de laisser des cellules vides aux fins de planifier des travaux de peinture.

Une distribution de livres était assurée toutes les trois semaines avec un maximum de cinq livres par personne détenue. Un lecteur assidu pouvait toutefois recevoir jusqu'à dix livres. Les personnes détenues pouvaient également écrire à la bibliothèque pour faire part de besoins particuliers, notamment pour obtenir des ouvrages dans une certaine langue.

L'aumônerie oecuménique, catholique et protestante organisait un culte toutes les semaines. En raison du manque de place, un maximum de cinquante détenus pouvait assister à la célébration. Dans ce contexte, une personne détenue pouvait assister au culte une fois tous les quinze jours. Un aumônier orthodoxe avait commencé son activité le 17 décembre 2014. Un second pope orthodoxe venait sporadiquement à la prison.

L'établissement bénéficiait des prestations du service médical qui n'était pas rattaché hiérarchiquement à la direction de l'établissement. Celui-ci examinait les différentes pathologies de maladies et formulait les préavis à l'attention de la direction de la prison. Les détenus malades n'étaient pas systématiquement séparés de ceux en bonne santé. Il n'y avait pas de risque accru si les personnes détenues adoptaient des comportements de prévention usuelle en vigueur dans la vie en société.

Les conditions matérielles de détention n'atteignaient pas un niveau d'humiliation ou d'avilissement suffisant qui pourrait constituer une violation de l'art. 3 CEDH tant au regard de la surface individuelle offerte que des autres conditions. Les conditions de détention du recourant du 1er juin au 27 juin 2019 au sein de la prison avaient été licites.

14) Le 15 décembre 2020, le recourant a sollicité une prolongation du délai pour répliquer. Il attendait une réponse du service de l'assistance juridique.

15) Par décision du 4 janvier 2021, l'assistance juridique lui a été refusée.

16) Le recourant n'ayant pas souhaité répliquer dans le délai au 21 février 2021 qui lui avait été imparti, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté contre une décision du département déclarant irrecevable, pour raison de compétence, les prétentions en réparations du préjudice en lien avec une détention subie et constatant la licéité de la détention préventive du recourant pour la période du 1er juin 2018 au 27 juin 2019.

2) a. La chambre administrative examine d'office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

b. La chambre administrative est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132
al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières
(art. 132 al. 6 LOJ).

c. L'indemnisation de conditions de détention illicites relève des normes ordinaires en matière de responsabilité de l'État (ATF 141 IV 349 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_703/2016 du 2 juin 2017 consid. 2.1).

La chambre de céans n'est ainsi pas compétente pour connaître des prétentions en réparation du préjudice que le recourant fait valoir, celles-ci relevant de la compétence du Tribunal civil de première instance conformément à l'art. 7 de la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40 ; ATA/800/2018 du 7 août 2018).

Le recours en tant qu'il porte sur cet aspect est donc irrecevable.

3) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 62 al. 1 let. a LPA).

L'autorité intimée a conclu à l'irrecevabilité du recours au motif du non-respect des conditions de l'art. 65 LPA, selon lequel l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. L'acte de recours contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d'irrecevabilité (al. 1 et 2).

Le courrier reçu dans le délai de recours était certes succinct. Il pouvait toutefois en être compris que le recourant contestait la décision rejetant sa requête en constatation de l'illicéité de ses conditions de détention. Le recours a été complété dans le délai imparti par la chambre de céans. Il est en conséquence recevable de ce point de vue aussi.

4) a. L'art. 3 CEDH, qui interdit - à l'instar d'autres dispositions constitutionnelles et conventionnelles - la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, impose notamment des standards minimaux en matière de détention (ATF 124 I 231 consid. 2). Par ailleurs, la Suisse a ratifié la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 27 novembre 1987 (RS 0.106), instituant le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après : CPT), habilité à examiner le traitement des détenus dans les États contractants. Sur le plan constitutionnel, l'art. 7 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) prescrit le respect et la protection de la dignité humaine, tandis que l'art. 10
al. 3 Cst. interdit la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants. La Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) prévoit que la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits (art. 18 al. 2) et que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1).

b. Les standards minimaux en matière de détention sont concrétisés par la recommandation Rec(2006)2 sur les règles pénitentiaires européennes adoptée le 11 janvier 2006 par le comité des ministres du Conseil de l'Europe (ci-après : RPE), destinée aux États, censés édicter des règles internes s'inspirant de la recommandation. Selon la règle 1 RPE, les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l'homme. Les règles 17 à 22 RPE traitent des locaux de détention, de l'hygiène, de la literie et du régime alimentaire. Les locaux de détention doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air, l'éclairage et l'aération (règle 18.1). Les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que les détenus puissent lire et travailler à la lumière naturelle dans des conditions normales et pour permettre l'entrée d'air frais, sauf s'il existe un système de climatisation approprié (règle 18.2 let. a). La lumière artificielle doit être conforme aux normes techniques reconnues en la matière (règle 18.2. let. b). Les locaux d'une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment (règle 19.1). Les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité (règle 19.3). Les installations de bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse les utiliser à une température adaptée au climat (règle 19.4). Chaque détenu doit disposer d'un lit séparé et d'une literie individuelle convenable, entretenue correctement et renouvelée à des intervalles suffisamment rapprochés pour en assurer la propreté (règle 21). La nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques (règle 22.3) et les détenus doivent avoir accès à tout moment à l'eau potable (règle 22.5). Tout détenu doit avoir l'opportunité, si le temps le permet, d'effectuer au moins une heure par jour d'exercice en plein air (règle 27.1).

c. Ces règles ont été encore précisées dans un commentaire établi par le CPT. Le CPT a arrêté quelques standards minimaux : l'espace au sol disponible est estimé à 4 m2 par détenu dans un dortoir et à 6 m2 dans une cellule individuelle, sans qu'il soit précisé si ces standards doivent se comprendre comme une surface brute, comprenant les installations sanitaires et les meubles, ou nette, soit déduction faite de ces installations et meubles (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_404/2013 du 26 février 2014 consid. 2.6.3 ; ATA/67/2016 du 26 janvier 2016). Ces standards doivent cependant être modulés en fonction des résultats d'analyses plus approfondies du système pénitentiaire. Le nombre d'heures passées en dehors de la cellule doit être pris en compte. En tout état, ces chiffres ne doivent pas être considérés comme la norme. À titre d'exemple, le CPT considère comme étant souhaitable pour une cellule individuelle une taille de 9 à 10 m2. La taille devrait être comprise entre 9 et 14,7 m2 pour deux personnes et mesurer environ 23 m2 pour trois personnes (Rod MORGAN/Malcolm EVANS, Prévention de la torture en Europe : Les normes du CPT en matière de détention par la police et de détention préventive, 2002, p. 34).

5) En matière de procédure pénale, l'art. 3 al. 1 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale - CPP - RS 312.0) rappelle le principe du respect de la dignité humaine. Selon l'art. 74 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), le détenu et la personne exécutant une mesure ont droit au respect de leur dignité. L'exercice de leurs droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté et par les exigences de la vie collective dans l'établissement. À teneur de l'art. 75 al. 1 CP, l'exécution de la peine privative de liberté doit améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d'infractions. Elle doit correspondre autant que possible à des conditions de vie ordinaires, assurer au détenu l'assistance nécessaire, combattre les effets nocifs de la privation de liberté et tenir compte de manière adéquate du besoin de protection de la collectivité, du personnel et des codétenus.

6) Dans le canton de Genève, les droits et les obligations des détenus sont définis par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04). Chaque cellule est équipée de manière à permettre une vie décente et conforme aux exigences de la salubrité (art. 15 al. 1). Les détenus peuvent se doucher régulièrement (art. 16). En règle générale, ils bénéficient d'une heure de promenade par jour dans les cours réservées à cet usage et peuvent, dans les limites déterminées, se livrer à des exercices physiques (art. 18). Le service médical de la prison prodigue des soins en permanence (art. 29). Les détenus ont droit à un parloir par semaine, limité à deux visiteurs, en présence d'un fonctionnaire de la prison et pendant une heure au maximum (art. 37). Le RRIP ne contient en revanche aucune disposition plus précise concernant l'aménagement, l'équipement, la dimension des cellules ou la surface dont doit bénéficier chaque détenu à l'intérieur de celles-ci (ATA/1056/2017 du 4 juillet 2017).

7) a. Le Tribunal fédéral a rendu plusieurs arrêts en matière d'examen des conditions de détention, dans le cadre de la détention provisoire.

Il a, à cette occasion, rappelé la jurisprudence fédérale existante
(ATF 140 I 125 consid. 3.3). Selon cette dernière, le but de la détention doit être pris en compte et il y a lieu de distinguer la détention en exécution de jugement de la détention provisoire, laquelle vise à garantir un déroulement correct de l'instruction pénale et est justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (ATF 97 I 839 consid. 5 ; 97 I 45 consid. 4b). Les conditions de détention provisoire peuvent être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive sont plus élevés, ou lorsque l'ordre et la sécurité dans la prison sont particulièrement mis en danger (notamment la sécurité du personnel et des détenus ; ATF 123 I 221 consid. 4c et l'arrêt cité). Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que cela ne valait que tant que la durée de la détention provisoire était courte. En cas de détention provisoire se prolongeant au-delà d'environ trois mois, les conditions de détention doivent satisfaire à des exigences plus élevées (ATF 140 I 125 consid. 3.3).

Il faut par ailleurs procéder à une appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 123 I 221 consid. II/1c/cc). En ce qui concerne la violation de l'art. 3 CEDH, un traitement dénoncé doit atteindre un minimum de gravité, dont l'appréciation dépend de l'ensemble des données de la cause et notamment de la nature et du contexte du traitement ainsi que de sa durée (ATF 139 I 272 consid. 4), la durée étant susceptible de rendre incompatible avec la dignité humaine une situation ne l'étant pas nécessairement sur une courte période (ATF 141 I 141 consid. 6.3.4 ; 140 I 125 consid. 3.3).

b. Le Tribunal fédéral a également examiné la jurisprudence rendue par la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH ; ATF 140 I 125 consid. 3.4 et 3.5), que la Suisse s'est engagée à respecter (art. 46 ch. 1 CEDH et 122 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Les garanties offertes par l'art. 3 CEDH en matière de détention n'étaient pas plus étendues que celles contenues dans la Constitution fédérale (ATF 143 I 241 consid. 3.4 ; 140 I 125 consid. 3.3).

Selon la CourEDH, en cas de surpopulation carcérale, la restriction de l'espace de vie individuel réservé au détenu ne suffit pas pour conclure à une violation de l'art. 3 CEDH, une telle violation n'étant retenue que lorsque les personnes concernées disposent individuellement de moins de 3 m2 (ACEDH Torreggiani et autres c. Italie du 8 janvier 2013, req. 43517/09, 46882/09, 55400/09, 57875/09, 61535/09, 35315/10 et 37818/10, § 68 ; ACEDH Canali c. France du 25 avril 2013, req. 40119/09, § 49 ; ACEDH Sulejmanovic c. Italie du 16 juillet 2009, req. 22635/03, § 43 ; ACEDH Idalov c. Russie du 22 mai 2012, req. 5826/03, § 101). Dans les cas où la surpopulation n'est pas importante au point de soulever à elle seule un problème de violation de la CEDH, les autres aspects des conditions de la détention doivent être pris en compte, comme l'aération disponible, la qualité du chauffage, le respect des règles d'hygiène de base et la possibilité d'utiliser les toilettes de manière privée (ACEDH Canali précité, §§ 52 et 53). Dans des affaires où chaque détenu disposait de 3 à 4 m2, une violation de l'art. 3 CEDH a été retenue parce que le manque d'espace s'accompagnait, par exemple, d'un manque de ventilation et de lumière (ACEDH Babouchkine c. Russie du 18 octobre 2007, req. 67253/01, § 44), d'un accès limité à la promenade en plein air et d'un confinement en cellule (ACEDH Istvan Gabor Kovacs c. Hongrie du 17 janvier 2012, req. 15707/10, § 26) ou d'une absence d'espace pour se mouvoir combinée à une promenade quotidienne d'une heure dans une cour de taille réduite pendant plus de deux ans, à une faible ventilation, à de la lumière réduite dans la cellule et à l'absence d'intimité offerte par les lavabos (ACEDH Makarov c. Russie du 12 mars 2009, req. 15217/07, §§ 94 à 98).

Ainsi, parmi les facteurs supplémentaires pris en compte par la CourEDH -par rapport à l'exiguïté des cellules - figurent notamment l'accès insuffisant à la lumière et à l'air naturels, la chaleur excessive associée à un manque de ventilation, le partage des lits entre prisonniers, les installations sanitaires dans la cellule et visibles de tous et l'absence de traitement adéquat pour les pathologies du détenu ainsi que la durée de la détention (ATF 140 I 125 consid. 3.5).

c. Après examen des jurisprudences fédérale et de la CourEDH, le Tribunal fédéral a retenu, en matière de détention provisoire, qu'en cas de surpopulation carcérale telle que la connaît la prison de Champ-Dollon, l'occupation d'une cellule dite individuelle par trois détenus - chacun disposant d'un espace individuel de 4 m2, restreint du mobilier - était une condition de détention difficile, laquelle n'était cependant pas constitutive d'une violation de
l'art. 3 CEDH et ne représentait pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine des prévenus. En revanche, l'occupation d'une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle de 3,83 ou 3,84 m2 - restreinte encore par le mobilier - pouvait constituer une violation de l'art. 3 CEDH si elle s'étendait sur une longue période et s'accompagnait d'autres mauvaises conditions de détention. Il fallait alors considérer la période pendant laquelle le recourant avait été détenu dans les conditions incriminées. Une durée qui s'approchait de trois mois consécutifs apparaissait comme la limite au-delà de laquelle ces conditions de détention ne pouvaient plus être tolérées. En effet, si les conditions de détention provisoire pouvaient être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive étaient plus élevés, ou lorsque l'ordre et la sécurité dans la prison étaient particulièrement mis en danger, cela ne valait pas lorsque la durée de la détention provisoire était de l'ordre de trois mois. Ce délai ne pouvait cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l'appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_239/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.4).

d. Dans un arrêt de principe, la CourEDH s'est écartée de cet ordre de grandeur de 4 m2, déduit des normes établies par le CPT, pour retenir qu'une surface de 3 m2 au sol par détenu en cellule collective constituait la norme minimale pertinente (ACEDH Mursic c. Croatie [Grande Chambre] du 20 octobre 2016, req. 7334/13, § 110 à 115).

Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a considéré que, pour des durées de détention dans un espace individuel net de 3,39 m2, légèrement inférieures ou supérieures au délai indicatif de trois mois, il y avait lieu de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce pour admettre, respectivement dénier le caractère illicite des conditions de détention (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1244/2016 du 31 octobre 2017 consid. 2.2).

e. Il n'y a pas lieu de scinder l'examen des conditions de détention avant jugement et celles postérieures au jugement, lorsque celles-ci sont identiques. Il convient de procéder à l'appréciation globale de l'ensemble des circonstances pendant la durée complète de détention (arrêts du Tribunal fédéral 6B_169/2020 du 18 mai 2020 consid. 2.3 ; 6B_1205/2018 du 22 février 2019 consid. 3).

8) En l'espèce, le recourant a bénéficié d'une surface individuelle entre 4,44 m2 et 10,18 m2 pendant la quasi-totalité de sa détention. Seuls quinze jours, non consécutifs, ont été passés, entre le 1er et le 18 juin 2018, dans un espace individuel d'une surface de 3,7 m2, soit pendant une période beaucoup plus courte que la limite des trois mois retenue par la jurisprudence. Sous cet angle, les conditions de détention apparaissent dès lors conformes aux exigences légales et jurisprudentielles.

Le recourant ne s'est jamais plaint auprès de l'autorité intimée des autres conditions matérielles de détention, avant le 17 juin 2019, soit une semaine avant de quitter l'établissement, ce qu'il ne conteste pas, à l'exception d'une demande de livres et de chaînes de télévision dans sa langue pour lesquelles il a adressé un courrier à la prison le 13 mars 2019. Celle-ci a répondu le jour même qu'il pouvait « écrire à la bibliothèque pour des livres déterminés » et qu'il y avait « huit chaînes russes pour vous ». Dans ses écritures, la prison a d'ailleurs indiqué que huit chaînes russes avaient été mises à disposition le 13 mars 2019. Il ressort en conséquence du dossier que lorsque l'établissement a eu connaissance des doléances du recourant, elle les a traitées avec célérité.

Un certain nombre de griefs ne sont qu'allégués sans être corroborés par des pièces ou demandes de preuve, à l'instar de l'usage de la violence par les agents de détention, de la disparition d'objets dans la cellule, du risque de contamination par un co-détenu atteint de tuberculose ou de l'interdiction de communiquer dans sa langue.

L'explication de la prison quant aux inscriptions sur les murs et les difficultés à procéder à d'éventuels travaux d'entretien ou de réfection en période de surpopulation sont convaincantes, étant rappelé que la propreté des cellules est du ressort des détenus, lesquels bénéficient de produits de nettoyage.

De surcroît, il ne ressortait pas des recommandations de la commission nationale de prévention de la torture (ci-après : CNPT) émises dans son « Rapport au Conseil d'État du canton de Genève concernant la visite pour la CNPT à la prison de Champ-Dollon les 19, 20 et 21 juin 2012 » de problèmes de manque de chauffage, de lumière et de ventilation dans les cellules de l'aile sud concernées par le présent litige, de nourriture de mauvaise qualité ou de quantité insuffisante ou un manque d'hygiène des cellules.

Pour le surplus, l'autorité intimée a répondu point par point à toutes les critiques émises par le recourant sans que celui-ci ne souhaite répliquer ni ne conteste la teneur de la réponse du département. Celle-ci se fonde sur un rapport de la DG OCD du 19 décembre 2019 détaillant précisément les conditions de détention spécifiques au recourant.

Dans ces conditions, il ne ressort pas d'une appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention du recourant un niveau d'humiliation ou d'avilissement qui pourrait constituer une violation de l'art. 3 CEDH tant au niveau de la surface individuelle offerte que des autres conditions de détention pour la période du 1er juin 2018 au 27 juin 2019.

Le recours sera en conséquence rejeté.

9) Vu la nature et l'issue du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 87
al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

Rejette dans la mesure de sa recevabilité le recours interjeté le 20 septembre 2020 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité et de la santé du 28 juillet 2020 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité ;

dit que conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :