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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/614/2021

ATA/331/2021 du 17.03.2021 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/614/2021-EXPLOI ATA/331/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 17 mars 2021

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Patrick Couasnon, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL



Vu, en fait, la décision, déclarée exécutoire nonobstant recours, du service de l’inspection du travail de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail
(ci-après : OCIRT) du 18 janvier 2021 constatant que l’A______ (ci-après : A______) ne relevait pas du secteur économique visé à l’art. 39 al. 2 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) et que les usages primeurs en gros (ci-après : UPEG) s’appliquaient à elle ;

que cette décision retenait que l’A______ avait pour but statutaire de défendre et de promouvoir les intérêts économiques de ses membres, en prenant toutes les dispositions utiles pour privilégier l’écoulement et la vente de leurs produits, en développant une stratégie commerciale et une publicité destinées à soutenir financièrement ces mesures, en revendiquant le cas échéant une marque d’origine, en exerçant une activité commerciale destinée à sauvegarder et améliorer les parts de marché de ses membres, en assurant un service d’information sur ses activités, en soutenant l’association des maraîchers du genevois (AMDG) à laquelle chaque membre actif du genevois et de la zone franche est obligatoirement affilié et en effectuant toutes opérations en rapport avec le but social ; que l’A______ ne se livrait pas elle-même à l’exploitation de champs et de prés, ni à l’arboriculture fruitière, ni à la viticulture, ni à la culture maraîchère, ni même à la culture de baies, qu’elle n’exploitait pas elle-même le sol, qu’elle ne produisait pas, ni n’élevait, ni ne cultivait des produits primaires comme des plantes, des animaux ou des produits issus de la production primaire d’origine végétale ou animale destinés à la consommation humaine ou animale ; que l’A______ ne se livrait ainsi en rien à la production primaire ; que rien ne permettait de la qualifier d’exploitation agricole ;

attendu que par acte remis à la poste le 18 février 2021, l’A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation, et à ce qu’il soit dit qu’elle relevait du secteur économique visé à l’art. 39K al. 2 LIRT ; préalablement, l’effet suspensif devait être restitué sur mesures préprovisionnelles et sur mesures provisoires ; la décision violait le droit ; elle rassemblait une trentaine d’exploitants agricoles cultivant plus de 80 % des surfaces maraîchères du canton ; la mutualisation des activités maraîchères avait pour objectif de rationaliser et d’optimiser certains aspects de l’activité comme le stockage, le nettoyage et le conditionnement de la production en vue de sa distribution ; elle projetait la construction d’une halle maraîchère destinée à ces activités, sur une parcelle dont l’acquisition exigeait la reconnaissance de la qualité d’exploitant agricole, qui lui avait été reconnu le 21 septembre 2010 par la commission foncière agricole ; elle avait obtenu deux crédits d’investissement en juin 2018, pour l’octroi desquels la qualité de producteur était requise ; elle avait respecté durant de nombreuses années les UPEG pour accéder aux marchés publics ; elle n’était pas et n’avait jamais été un primeur en gros, mais il lui importait peu d’avoir été classée dans cette catégorie, jusqu’à l’acceptation, le
27 septembre 2020, de l’initiative populaire « 23 frs, c’est un minimum » portant sur le salaire horaire minimal ; l’OCIRT se fondait à tort sur l’ordonnance fédérale sur la production primaire du 23 novembre 2005 (OPPR - RS 916.020), avec l’effet de détacher la transformation et la distribution de la cultivation de la terre ; or elle remplissait les critères de l’art. 5 de l’ordonnance relative à la loi sur le travail du 10 mai 2000 (OLT 1 - RS 822.111) ; l’OCIRT devait s’inspirer du statut octroyé à l’A______ par la commission foncière agricole ; sa décision violait les principe de la bonne foi, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire ;

que la requête de restitution de l’effet suspensif sur mesures préprovisionnelles a été rejetée le 25 février 2021 par la chambre administrative, le péril en la demeure n’étant ni établi ni invoqué, et ne paraissant pas réalisé ;

que l’OCIRT a conclu le 1er mars 2021 au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif, relevant que l’A______ s’était engagée à respecter les UPEG le 11 juin 2009, et avait également signé le 3 juin 2016 un engagement à respecter les usages commerce de détail ; qu’elle avait fait l’objet de trois contrôles, en 2010, 2013 et 2017, ayant révélé que les salaires n’étaient pas toujours conformes au minima des UPEG ; qu’elle n’avait jamais dénoncé les UPEG ni réclamé sa soumission au contrat type de travail de l’agriculture ; qu’elle avait indiqué au répertoire des entreprises du canton de Genève que son secteur d’activité était le « commerce de gros de fruits et légumes », soit le « traitement, le stockage et le conditionnement des produits » ; qu’elle cherchait en réalité à se soustraire au salaire minimum genevois entré en vigueur le 1er novembre 2020 et à pouvoir appliquer les salaires de l’agriculture, sensiblement inférieurs, par dérogation, aux minima découlant de l’initiative populaire et prévus par les UPEG ; or le salaire minimum imposé par l’initiative répondait à un intérêt public majeur visant à combattre la pauvreté et assurer la dignité des travailleurs ;

que l’A______ a répliqué le 15 mars 2021, exposant qu’elle était en droit de bénéficier du maintien de son régime juridique actuel d’entreprise agricole jusqu’à droit connu ; aucun péril en la demeure n’était invoqué, qui commandait l’exécution immédiate de la décision ;

considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge ;

qu’aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que, par ailleurs, l'art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2) ; qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, spéc. 265) ;

que, par ailleurs, l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018) ;

que la restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018) ;

que la chambre de céans dispose dans l’octroi de mesures provisionnelles d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 précité consid. 5.5.1 ; ATA/941/2018 précité) ;

qu’en l’espèce, la décision querellée est de nature constatatoire et retient que le statut de l’A______ n’a pas changé et que les UPEG continuent à lui être applicable ;

que la recourante souhaite au contraire se voir reconnaître désormais le statut d’entreprise agricole, et la reconnaissance que le contrat-type de travail de l’agriculture lui est applicable, avec pour effet l’application de salaires inférieurs au minimum prévu par l’initiative populaire et les UPEG ;

qu’elle conclut ainsi sur le fond à la reconnaissance d’un nouveau statut ;

que la demande de restitution de l’effet suspensif aboutirait de la sorte à l’octroi par anticipation de la décision sollicitée par la recourante ;

que la recourante n’établit par ailleurs pas que le refus de restituer l’effet suspensif lui causerait un dommage difficile à réparer, étant observé que le salaire minimum est la règle ;

que l’intimé met en avant un intérêt public prépondérant à la continuation de l’application de minima salariaux, relevés par l’effet d’une initiative populaire, et ayant pour objet la lutte contre la pauvreté ;

qu’au vu de ces éléments, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt sur le fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Patrick Couasnon, avocat de la recourante ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

 

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen Ruffinen

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :