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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3674/2019

ATA/30/2021 du 12.01.2021 sur JTAPI/516/2020 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;PERMIS DE CONSTRUIRE;PLACE DE PARC;AMIANTE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION
Normes : LPA.60.al1.letb; OJ.103.leta; LTF.89.al1.letc; LDTR.42.al4; LDTR.43.al1; RPSFP.5; LaLPE.15B.al3.leta
Résumé : Recours d’une médecin-dentiste titulaire d’un bail pour des locaux commerciaux situés en attique dans un immeuble pour lequel une autorisation de surélévation impliquant la suppression de l’attique avait été délivrée. Une procédure étant en cours suite à la résiliation de son bail, sa qualité pour recourir, sous l‘angle de l’intérêt digne de protection, était douteuse. La question pouvait rester indécise le recours devant être rejeté pour d’autres motifs.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3674/2019-LCI ATA/30/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 janvier 2021

3ème section

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Nicolas Rouiller, avocat

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 

et

 

B______

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 juin 2020 (JTAPI/516/2020)


EN FAIT

 

1) B______ (ci-après: la propriétaire) est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______, sise rue D______. Il y est érigé un immeuble de sept niveaux (R+6) surmonté d'un attique en retrait de la façade.

2) Le 29 mars 2019, la propriétaire a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département) une demande d'autorisation de construire quatre nouveaux logements représentant une surface brute de plancher de 463 m2, par le biais d'une surélévation entraînant la suppression de l'attique. De par l'occupation des locaux alors destinés à des activités commerciales, ce projet n'était pas soumis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).

3) Le 4 mars 2019, la société E______ a remis un rapport de diagnostic partiel concernant les polluants présents dans l'immeuble, notamment l'amiante. Elle a fait précéder ce rapport d'un courriel adressé à l'architecte du projet le 25 février 2019, indiquant que le locataire du cabinet médical situé au 7ème étage, soit en attique, s'opposait à tout sondage dans ses locaux et qu'il conviendrait encore de soumettre ces derniers à des tests avant la démolition.

4) Par préavis du 23 mai 2019, l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) a demandé que la propriétaire fournisse un document signé attestant de la mise à disposition de trois places de stationnement pour les nouveaux logements.

Le 2 juillet 2019, la propriétaire a fourni cette attestation, précisant qu'il existait déjà six places auxquelles s'ajouteraient les trois places du locataire du 7ème étage, qui seraient restituées en même temps que son cabinet médical.

5) Par décision du 30 août 2019 publiée le même jour dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève, le département a délivré l'autorisation de construire.

6) Par acte du 30 septembre 2019, Madame A______ a recouru contre cette autorisation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à son annulation.

Elle exploitait le cabinet médical sis au 7ème étage de l'immeuble en cause depuis plus de cinq ans. Elle s'était opposée à une résiliation de son contrat de bail. Le litige était pendant devant la juridiction des baux et loyers.

7) Par jugement JTAPI/516/2020 du 18 juin 2020, reçu le 23 juin suivant par Mme A______, le TAPI a rejeté son recours.

Le TAPI a rejeté l'ensemble des demandes d'actes d'enquête de la recourante. Il a retenu en substance qu'un transport sur place, afin de constater qu'une part importante de l'espace prévu à titre de parking était régulièrement inondé, empêchant la mise à disposition continue et effective du nombre de places de parking prévu par la loi, et afin de constater que l'immeuble en cause se situait dans un quartier de bureaux, manifestement inadapté pour des locaux destinés à l'habitation, ne se justifiait pas. Il s'agissait de questions sans pertinence avec l'objet du litige pour le premier aspect et ne nécessitant aucune constatation particulière à faire sur place pour le second. L'audition des rédacteurs du rapport de diagnostic relatifs aux polluants présents dans les locaux devant faire l'objet des travaux s'avérait inutile, compte tenu des développements à suivre au sujet du risque lié à la présence d'amiante. L'audition d'autres locataires de l'immeuble, qui au demeurant n'avaient pas recouru, était sans lien avec le recours s'agissant de déterminer l'impact des travaux sur leur activité.

La décision litigieuse ne violait pas l'art. 5 al. 1 du règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 16 décembre 2015 (RPSFP - L 5 05.10). En l'occurrence, il n'était pas contesté par les parties intimées que, en application de cette disposition, les 463 m2 de surface brute de plancher créés dans le cadre du projet nécessitaient trois places de stationnement. La question était de savoir si ces places pourraient concrètement ou non être mises à disposition des occupants des futurs logements. Le raisonnement de la recourante à cet égard était assez spécieux, pour ne pas dire téméraire puisque la disponibilité des trois places dont il était question n'avait pas à être vérifiée par rapport à la situation actuelle, mais bien à la situation future, au moment où les 463 m2 de nouveaux logements auraient été créés. Or, à ce moment-là, la recourante aurait libéré les locaux au 7ème étage ainsi que les trois places de stationnement qui lui étaient dévolues. Sous l'angle du respect du RPSFP, le litige de droit privé qui l'opposait à la propriétaire au sujet de la résiliation de son bail n'était d'aucune pertinence. Quant au fait qu'une part importante de l'espace prévu à titre de parking serait régulièrement inondée, la recourante ne prétendait pas qu'il rendrait littéralement impossible l'utilisation des places de stationnement. Des épisodes orageux entraînant des inondations de ces places ne remettaient pas en cause leur existence et la possibilité pour les occupants des immeubles d'en faire une utilisation normale la majeure partie du temps.

Les carottages prévus initialement dans les locaux qu'elle occupait au 7ème étage en vue de compléter le diagnostic amiante n'avaient finalement pas été effectués. Ce grief relevait toutefois de la mauvaise foi et frisait lui aussi la témérité, dès lors que selon les pièces du dossier, notamment le courriel de la société E______ du 25 février 2019, la recourante s'était opposée à tout sondage dans ses locaux. Des sondages seraient au demeurant effectués à son départ.

S'agissant d'une violation de sa liberté économique (art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), dès lors que la décision entreprise la priverait de son cabinet médical et la forcerait à déménager en subissant des pertes financières et économiques, cet intérêt privé s'opposait non seulement à l'intérêt public à la création de nouveaux logements, mais aussi aux intérêts privés de la propriétaire, qui relevaient de la liberté économique et de la garantie de la propriété. Dans la pesée de ces intérêts, nul doute que ceux de la recourante devaient céder le pas.

8) Mme A______ a formé recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par acte expédié le 24 août 2020. Elle a conclu principalement à la réforme du jugement entrepris et à ce que soit constatée la nullité de la décision du département du 30 août 2019, sous suite de frais et dépens.

En lien avec la nécessité d'offrir trois places de parking supplémentaires en relation avec la « rénovation » projetée, dans la mesure où le Tribunal des baux et loyers avait, par jugement du 18 décembre 2019, jugé qu'elle était bénéficiaire d'un bail à durée indéterminée qui avait été reconduit tacitement, il apparaissait vraisemblable qu'elle resterait locataire de ces locaux pour de nombreuses années. Il était constant qu'un éventuel congé serait annulable s'il était donné dans les trois prochaines années puisque le bailleur avait succombé dans une large mesure. Deuxièmement, l'argument de la propriétaire selon lequel trois places pourraient être mises à disposition par le biais d'autres emplacements du même immeuble était sans pertinence puisqu'il viendrait à considérer que les conditions impératives posées par le département ne nécessiteraient qu'une mise à disposition abstraite, future et très hypothétiques de places de stationnement et qui interviendrait au préjudice des nombreux locataires de l'immeuble. Enfin, les trois places occupées par Mme A______, et même l'entier du parking étaient régulièrement inondés, de sorte qu'il était pratiquement impossible de bénéficier des emplacements prévus. Il serait dans ces conditions abusif de prétendre obéir aux obligations légales et administratives en la matière en proposant des places de parking inutilisables, ce qui conduirait fréquemment les usagers à utiliser les stationnements prévus sur le domaine public. Le TAPI, en faisant fi de ces considérations, avait commis un excès de son pouvoir d'appréciation dans l'application des art. 16 al. 1 let. d de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et 5 al. 1 RPSFP.

Contrairement à ce qu'avait soutenu la propriétaire, un diagnostic amiante avait bien été réalisé dans les locaux occupés par Mme A______ le 25 février 2019 à 10h30 comme en témoignaient les carottages effectués, au demeurant en dépit des règles de l'art, sans couche de protection suffisante, et partant en violation du principe de précaution face aux émanations de produits toxiques, dans un lieu fréquenté par des patients et du personnel médical. Elle avait donné son accord pour un diagnostic complémentaire, moyennant cependant quelques garanties liées à l'exercice de son activité sensible, au nombre desquelles une intervention hors des heures de consultation, selon courrier du 30 avril 2019. En tous les cas, la propriétaire avait omis d'annexer à son dossier de demande d'autorisation de construire un diagnostic amiante complet des locaux visés par les travaux. Partant, la décision du département était arbitraire sur ce point et violait les art. 29 Cst. et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et un complément d'instruction devait être ordonné sur ce point.

Dans l'hypothèse où l'ensemble de ces considérations ne suffisait pas à emporter la conviction de la chambre administrative, elle réitérait les mesures d'instruction formulées en première instance dont le rejet était arbitraire.

9) Aux termes de sa réponse du 21 septembre 2020, B______ s'en est rapportée à justice s'agissant de la qualité pour recourir de Mme A______, simple locataire de l'immeuble concerné par la surélévation projetée. Elle a conclu au rejet des actes d'instruction requis, se référant à cet égard aux développements du TAPI, ainsi que du recours.

Mme A______ se méprenait sur la nature de la procédure en cause, ce qui valait pour l'intégralité des points qu'elle soulevait. Le litige qui l'opposait à sa bailleresse, de nature civile, et faisant l'objet d'une procédure devant la chambre d'appel des baux et loyers de la Cour de justice (ci-après : la chambre d'appel) était un élément exorbitant à la présente procédure. Quand bien même Mme A______ pourrait être amenée à occuper les locaux pendant une certaine durée encore, l'autorisation de construire pourrait cas échéant être prolongée pour ce juste motif. De plus, le critère des trois places de parking devait s'apprécier non pas par rapport à la situation actuelle, mais à celle prévalant au moment où les 463 m2 de nouveaux logements auraient été réalisés. Or, les travaux ne pourraient commencer qu'au départ de Mme A______, qui coïnciderait avec la libération des places de stationnement. C'était ainsi à juste titre que l'OCT avait préavisé favorablement le projet de construction en tenant compte de son engagement de mettre à disposition ces trois places de stationnement. Ceci était d'autant plus vrai que lesdites places étaient vacantes depuis le 1er février 2020. En tout état, la propriétaire serait à même de garantir la mise à disposition de trois autres places sur sa parcelle si cela devait s'avérer nécessaire, preuve en effet l'offre faite à Mme A______ le 30 janvier 2020 de lui attribuer deux places vacantes, à bien plaire, et sans reconnaissance d'un quelconque défaut. Seules deux des places préalablement louées à Mme A______ avaient souffert de petits épisodes d'infiltrations d'eau (flaques au sol), en dernier lieu en novembre 2019 ce qui, comme retenu à juste titre par le TAPI, n'empêchait pas une utilisation normale la majeure partie du temps.

Mme A______ s'était opposée par divers moyens à une véritable intervention comprenant des prélèvement supplémentaires précis, par rapport au relevé d'échantillons du 25 février 2019. Elle avait notamment repoussé à plusieurs reprises les rendez-vous fixés avec l'entreprise, en refusant de la laisser procéder aux sondages dans ses locaux ou en les subordonnant à des conditions inadmissibles et usuraires, référence étant faite notamment à son courrier du 16 mai 2019. La propriétaire n'avait en définitive eu d'autre choix que de déposer une demande d'autorisation de construire sans résultats complets pour les locaux du 7ème étage. Un complément diagnostic amiante complémentaire interviendrait au départ de Mme A______. En tout état, le ch. 7 de l'autorisation prévoyait expressément le protocole en matière d'évacuation des substances dangereuses telle l'amiante. Partant, l'autorisation de construire avait été rendue en toute connaissance de cause et ne souffrait d'aucune lacune sur ce point.

10) Le département a, par observations du 28 septembre 2020, conclu au rejet du recours.

La position du TAPI s'agissant de la disponibilité des trois places de stationnement pour le projet de surélévation ne prêtait pas le flanc à la critique. Elle était conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle le projet devait disposer de l'équipement routier requis au plus tard au moment de sa réalisation et non pas de l'autorisation. Rien ne s'opposait à ce que cette jurisprudence soit appliquée par analogie aux places de stationnement. Ce n'était que lorsque les logements projetés seraient achevés qu'il appartiendrait au département de vérifier si les places de stationnement seraient disponibles. Les inondations alléguées n'étaient ni documentées et étaient surtout des évènements par nature ponctuels et ne suffisant de toute manière pas à remettre en cause la conformité du projet aux prescriptions du RPSFP.

L'analyse des premiers juges selon laquelle les compléments d'analyse amiante intervenant au départ de la recourante, l'audition des rédacteurs du rapport de diagnostic des polluants n'était pas nécessaire, ne pouvait que convaincre. Il ressortait dudit rapport expressément qu'il était partiel et que l'ensemble des matériaux présents dans les locaux qui n'avaient pas pu être visités étaient susceptibles de contenir de l'amiante. On ne discernait partant pas pour quelle raison le diagnostic fourni ne répondrait pas aux exigences légales et réglementaires prévalant en la matière. La jurisprudence cantonale avait déjà eu l'occasion de retenir que la présence non diagnostiquée d'amiante ne suffisait pas à remettre en cause la délivrance d'une autorisation de construire. A fortiori, tel ne pouvait être le cas dans le cas d'un rapport partiel présupposant la présence d'amiante dans les parties non visitées.

Ainsi, les mesures d'instruction requises étaient sans pertinence pour trancher le litige en lien avec des griefs sujets à caution puisque l'on peinait à identifier l'avantage pratique que leur admission procurerait à la recourante.

11) Mme A______ a répliqué le 16 octobre 2020. Sa location des locaux du 7ème étage pour une durée indéterminée rendait l'autorisation querellée, déposée hardiment, abstraite et dénuée de pertinence. La mise à disposition de trois places de parking, toujours en ses mains puisque liées à ses locaux professionnels, l'occupation de deux autres places n'étant en effet que temporaire, devait être examinée sous l'angle d'une réalisation effective et non hypothétique.

Elle revenait enfin sur le diagnostic amiante dans ses locaux professionnels, soulignant la mauvaise foi de la propriétaire et relevant au contraire ses légitimes demandes s'agissant en particulier de la protection de la santé de ses patients.

12) La chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger par courrier du 19 octobre 2020.

 

 

EN DROIT

 

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante sollicite, dans la mesure où l'ensemble des arguments qu'elle présente ne suffirait pas « à emporter la conviction de la chambre administrative », les mesures d'instruction d'ores-et-déjà formulées et rejetées en première instance, à savoir un transport sur place, l'audition des rédacteurs du rapport diagnostic amiante et de locataires de l'immeuble.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1).

Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2015 du 26 octobre 2017 consid. 5.1).

b. En l'espèce, le TAPI a motivé le rejet des actes d'instruction requis pour leur absence de pertinence avec l'objet du litige ou leur inutilité. Il doit être suivi dans cette analyse.

Il n'est en effet nul besoin d'un transport sur place pour constater l'éventuelle présence d'eau dans le parking, dont sur les places usuellement occupées par la recourante, dans la mesure où cette problématique relève des rapports civils entre bailleresse et locataire. La chambre de céans ne voit, à l'instar du TAPI, aucune nécessité de se rendre au pied de l'immeuble en cause pour constater qu'il se situerait ou non dans un quartier de bureaux, la mixité d'affectation entre bureaux et habitation se retrouvant au demeurant dans nombres de quartiers de la ville de Genève. L'audition des rédacteurs du rapport de diagnostic relatifs aux polluants présents dans les locaux s'avère inutile vu ce qui suit. Tel est également le cas de l'audition d'autres locataires de l'immeuble, étant relevé à nouveau que les nuisances qu'ils auraient à subir du fait de travaux relèvent de leur relation contractuelle avec la bailleresse.

La recourante a pu faire valoir par écrit à plusieurs reprises son point de vue et son argumentation de manière complète et circonstanciée, pièces à l'appui. Elle a pu répondre à l'argumentation des intimés.

Ainsi, le dossier est complet pour trancher le litige. Les réquisitions d'actes d'instruction seront partant rejetées et il sera constaté que le TAPI n'a pas violé le droit d'être entendue de la recourante en refusant d'y donner suite.

3) a. Toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte soit annulé ou modifié, a la qualité pour recourir en vertu de l'art. 60 al. 1 let. b LPA.

Cette notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l'art. 103 let. a de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ - RS 173.110) et qui était, jusqu'à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l'art. 98a de la même loi. Elle correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d'unité de la procédure qui figure à l'art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

Selon l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).

b. S'agissant d'un recourant, tiers locataire, le Tribunal fédéral a jugé que s'il existait un moyen de droit privé, même moins commode, à sa disposition pour écarter le préjudice dont il se plaignait, la qualité pour agir fondée sur l'intérêt digne de protection devait lui être niée (ATF 101 1b 212 ; 100 Ib 119 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.70/2005 du 22 avril 2005). Les intérêts du locataire dans ses rapports avec le bailleur sont plus spécifiquement protégés par les dispositions spéciales du droit du bail complétées, le cas échéant, par certaines règles de droit public cantonal (ATF 131 II 649 consid 3.4).

c. La chambre de céans a déjà jugé de façon constante qu'en matière de qualité pour recourir des locataires, lorsque la décision litigieuse implique la démolition de locaux qui font l'objet d'un bail à loyer, le locataire ne peut plus se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'autorisation de démolition, dès lors qu'il a reçu son congé. En effet, quand bien même il conteste ce dernier, la procédure ouverte à ce sujet ne peut aboutir qu'à deux solutions alternatives : si la résiliation du bail est annulée, la démolition ne peut plus avoir lieu et le locataire perd son intérêt au recours ; si, au contraire, le congé est confirmé, le locataire, qui doit quitter les lieux, n'est plus concerné par le projet de démolition et n'a ainsi plus d'intérêt pratique à recourir.

En revanche, la qualité pour recourir contre une autorisation de construire des locataires, dont les baux n'étaient pas résiliés, a été admise lorsque, si elle était confirmée, ladite autorisation les priverait de la jouissance de locaux situés dans les combles de l'immeuble dont la transformation était projetée. Certains des griefs invoqués portaient sur le gabarit de l'immeuble après travaux et sur les vices de forme ayant affecté la procédure qui, s'ils devaient se révéler bien fondés, pourraient abouti à un refus de l'autorisation de construire litigieuse, à l'abandon du projet, voire à un remaniement substantiel de celui-ci, et à la mise en oeuvre d'une nouvelle enquête.

De même, se sont vu reconnaître la qualité pour recourir les locataires d'immeubles d'habitation soumis à la LDTR était litigieuse (ATA/512/2010 du 3 août 2010 ; ATA/384/2010 du 8 juin 2010). Cette loi prévoit notamment l'obligation d'informer au préalable et par écrit les locataires et de les consulter en dehors de toute résiliation de bail, lorsque le bailleur a l'intention d'exécuter des travaux (art. 43 al. 1 LDTR). Elle subordonne également l'ouverture du chantier au relogement des locataires touchés par l'autorisation définitive (art. 42 al. 4 LDTR - ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3 c et les références citées).

d. En l'espèce, un litige oppose la recourante à sa bailleresse s'agissant de la libération des locaux commerciaux que la première occupe au 7ème étage de l'immeuble. Quand bien même la question de la fin du bail est contestée et fait l'objet d'une procédure devant la chambre d'appel, la volonté de la bailleresse, clairement affichée, est de voir la recourante quitter lesdits locaux pour pouvoir débuter les travaux de surélévation. L'existence d'un intérêt digne de protection de la recourante sous l'angle de la question administrative à trancher est dès lors douteuse, étant relevé que les travaux en question ne sont pas soumis à la LDTR. Cette question souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

4) D'après une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, étant précisé qu'un préavis sans observation équivaut à un préavis favorable, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige. L'autorité de recours se limite ainsi à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3a).

Le TAPI, quant à lui, se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d'urbanisme et d'hygiène publique (art. 143 LCI). Formée pour partie de spécialistes, cette juridiction peut ainsi exercer un contrôle plus technique que la chambre administrative, qui exerce son pouvoir d'examen avec retenue (ATA/781/2020 du 18 août 2020 consid. 4 ; ATA/1276/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4d).

5) La recourante soutient que l'autorisation querellée ne respecte pas l'art. 5 RPSFP dans la mesure où l'immeuble ne disposera pas des places complémentaires de parking requises des suites de sa surélévation.

a. Le RPSFP fixe le nombre de places de stationnement à prévoir sur fonds privés lors de la construction de bâtiments (art. 1 RPSFP), suivant des ratios précisés par des critères définis dans ledit règlement. Par ratio de stationnement pour les logements et les activités, on entend le rapport entre le nombre de places de stationnement à prévoir sur fonds privés et la SBP réservée aux logements et aux activités économiques (art. 2 al. 3 RPSFP). Les places de stationnement sont à prévoir en surface, en élévation ou en sous-sol (art. 4 al. 1 phr. 2 RPSFP). Dans le secteur II, concerné par le projet litigieux, le ratio de stationnement pour voitures est, pour les cases « habitants » (nombre de places minimum pour 100 m2 de SBP), de 0,5 (art. 5 al. 1 RPSFP).

b. Il est constant en l'espèce que la création de 463 m2 de SBP dans le cadre du projet de surélévation nécessite la mise à disposition de trois places de stationnement pour les nouveaux occupants des logements ainsi créés.

Contrairement à ce que soutient la recourante, il s'agit de retenir que lesdites places seront à disposition des nouveaux occupants non pas actuellement, mais dans le futur, au moment de leur emménagement, ce qui au demeurant tombe sous le sens. Or, dans la mesure où les travaux ne débuteront qu'au départ de la recourante, qui alors devra remettre les trois places de parking qu'elle occupe avec ses locaux commerciaux, le quota nécessaire sera atteint. De plus, sans qu'aucun élément à la procédure ne le contredise, l'intimée indique pouvoir cas échéant mettre à disposition d'autres places surnuméraires du parking. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le département, se basant sur la situation future, a considéré que le ratio de l'art. 5 al. 1 RPSFP était respecté avant de délivrer l'autorisation attaquée.

Enfin et comme retenu à juste titre par le TAPI, quand bien même les places occupées par la recourante souffriraient selon les intempéries, de quelques flaques d'eau au sol, étant relevé que la locataire n'a pas étayé que la gêne soit plus importante et concerne l'intégralité du parking souterrain, il s'agit là d'une problématique de nature civile, étant relevé que le département a d'ores-et-déjà indiqué qu'il lui reviendrait le moment venu de s'assurer de la mise à disposition effective du nombre de places de stationnement requis pour les occupants des nouveaux logements.

Ce grief sera partant rejeté.

6) La recourante soutient que l'autorisation est viciée dans la mesure où elle s'appuie sur un diagnostic polluant lacunaire.

a. Selon l'art. 15B al. 3 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 2 octobre 1997 (LaLPE - K 1 70), en cas de travaux soumis à autorisation de construire au sens de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, ou de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi), du 25 janvier 1996, le requérant doit joindre à la demande d'autorisation, pour les parties du bâtiment concernées par les travaux, une attestation de présence ou d'absence de substances dangereuses, notamment l'amiante, pour les demandes portant sur des bâtiments construits avant 1991. L'art. 15C LaLPE prévoit que le département est habilité à effectuer les visites, les prélèvements et les enquêtes nécessaires dans les limites de la présente loi et de ses règlements d'exécution, sur l'ensemble du territoire cantonal.

b. Dans un arrêt ATA/868/2018 du 28 août 2018, la chambre de céans a retenu que la présence d'amiante dans des éléments de la sous-toiture d'une villa, « imbriquée » dans celle devant faire l'objet de travaux, ne pouvait pas justifier que l'autorisation de construire litigieuse soit refusée.

c. En l'espèce, des carottages ponctuels ont pu être effectués dans les locaux occupés par la recourante pour déterminer notamment la présence ou l'absence d'amiante. Le département, comme le rapport en cause le mentionne expressément, est clairement au fait sur le point qu'il n'est que partiel, dans la mesure où l'ensemble des prélèvements nécessaires n'a pas pu être effectué dans les locaux occupés par la recourante et voués à la destruction. Peu importe en définitive dans le cadre de la présente procédure que cela soit de la faute de la bailleresse, qui n'aurait pas cédé aux diverses exigences de sa locataire, ou de cette dernière, qui aurait formulé des demandes léonines avant de donner accès à ses locaux.

L'autorisation querellée prévoit en tout état que le retrait des matériaux contenant de l'amiante devra intervenir avant le début des travaux. Aucun élément à la procédure n'indique que la propriétaire ne défèrera pas à cette obligation, dont le respect ne concerne au demeurant pas la locataire qui aura alors quitté l'immeuble. On peine enfin à comprendre l'argumentation selon laquelle ce diagnostic amiante lacunaire aurait pour conséquence que l'autorisation querellée violerait les art. 29 Cst. et 6 CEDH.

Ce grief sera partant également rejeté.

Le recours est dès lors, pour autant que recevable, infondé.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à l'intimée, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 juin 2020 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à B______, à la charge de Madame A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas Rouiller, avocat de la recourante, au département du territoire-oac, à Me Vadim Harych, avocat de l'intimée, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :