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Décisions | Assistance juridique

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AC/3330/2023

DAAJ/42/2024 du 26.04.2024 sur AJC/6208/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3330/2023 DAAJ/42/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU VENDREDI 26 AVRIL 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocat,

 

contre la décision du 11 décembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : le recourant), né le ______ 1989 au Kosovo, pays dont il est originaire, est entré en Suisse au début du mois de juillet 2011.

Le 24 septembre 2017, il a épousé C______, née [C______] le ______ 1994 en Macédoine du Nord, pays dont elle est originaire. Elle a allégué être arrivée en Suisse en 2016.

Les enfants D______ et E______, nées à Genève les ______ 2018 et ______ 2022, sont issues de cette union.

Le recourant a déclaré être ferrailleur et travailler sur des chantiers, tandis que l'épouse n'exerce pas d'activité lucrative.

b. Dans le cadre de "l’opération Papyrus", le recourant a requis, pour lui et sa famille, la régularisation de leurs conditions de séjour.

c. Par décision du 29 juillet 2020, l'Office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a refusé de leur octroyer une autorisation de séjour, a prononcé le renvoi de la famille et a fixé un délai pour qu'elle quitte la Suisse.

d. Le refus de l'OCPM a été confirmé par jugement JTAPI/159/2021 du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 19 février 2021 (cause A/1______/2020).

Par arrêt ATA/667/2021 du 29 juin 2021, la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : CACJ) a confirmé ce jugement.

Les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur n'étaient pas remplies : la durée du séjour en Suisse ne pouvait pas être prise en considération, puisque les époux avaient séjourné sans autorisation, puis leur séjour avait uniquement été toléré, depuis juin 2017 pour le recourant, respectivement juin 2018 pour son épouse. Le couple n'émargeait pas à l'aide sociale, ne faisait pas l'objet de poursuites et les extraits de leurs casiers judiciaires ne faisaient état d'aucune condamnation, mais il n'apparaissait pas que leur intégration socioprofessionnelle fût exceptionnelle, de sorte que leur réintégration dans l'un ou l'autre de leurs pays d'origine était exigible.

e. Le recourant a été hospitalisé du 6 au 17 octobre 2022 en raison d'une tentative de suicide par prise de médicaments, dans le contexte d'une décision d'expulsion au Kosovo et de son licenciement.

B. a. Par courrier du 10 novembre 2022, l'OCPM a été informé d'un dépôt prochain d'une demande de reconsidération de sa décision du 29 juillet 2020.

Par courrier du 2 décembre 2022, le recourant et son épouse ont demandé à l'OCPM à être admis provisoirement en Suisse et se sont prévalus de faits nouveaux, à savoir la naissance de leur seconde fille et la dépression post-partum de la mère, la dépression grave du recourant et son hospitalisation, ainsi que le décès de ses parents, les 29 août 2021 et 20 août 2022. Ils ont précisé ne pas pouvoir être expulsés vers la Macédoine du Nord, d'une part, parce que la famille de l'épouse ne les accueillerait pas, car elle était hostile à un mariage avec un Kosovar, et, d'autre part, parce que le recourant ne parlait pas le macédonien et ne pouvait pas trouver de travail dans ce pays.

b. Par décision du 27 janvier 2023, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la requête du 2 décembre 2022, traitée comme une demande de reconsidération, au motif que les éléments invoqués ne constituaient pas des faits nouveaux et importants.

c. Par jugement JTAPI/393/2023 du 6 avril 2023, le TAPI a rejeté le recours formé à l'encontre de cette décision (cause A/2______/2023).

Par arrêt ATA/885/2023 du 22 août 2023, la CACJ a admis le recours formé contre ce jugement du 6 avril 2023, l'a annulé et a renvoyé la cause à l'OCPM pour nouvelle décision au sens des considérants.

La péjoration de l'état de santé du recourant et de son épouse devait être considérée comme un fait nouveau. Toutefois, le droit à un nouvel examen de la cause ne donnait pas d'emblée un droit à l'octroi d'une nouvelle autorisation en faveur des étrangers, car les raisons ayant conduit l'autorité à refuser l'autorisation lors d'une précédente procédure demeuraient pertinentes. Enfin, le recourant, au vu du dossier, n'était pas sans famille au Kosovo.

d. Les 18 et 21 octobre 2023, le Dr F______, médecin interne aux HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE (ci‑après : HUG) et le Dr G______ ont dressé des rapports médicaux à l'attention de l'avocat du recourant et de l'OCPM.

Le premier médecin a attesté que le recourant "était connu pour un antécédent de tentative de suicide dans le contexte d'un trouble dépressif sévère". Le diagnostic, à la date du rapport, était celui d'un "épisode dépressif léger", traité avec un antidépresseur et un anxiolytique. Il devait poursuivre son traitement psychiatrique et psychothérapeutique, avec une évaluation fréquente du risque suicidaire. A cet effet, le recourant devait avoir accès et bénéficier d'un suivi psychiatrique dans son pays d'origine. Depuis son hospitalisation en octobre 2022, il était pris en charge par un Centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrées (ci‑après : CAPPI), ce qui avait "permis un amendement de la symptomatologie anxio-dépressif. Néanmoins, la santé psychique [du recourant] rest[ait] fragile dans le contexte de la situation sociale qui [était] la sienne. Il rest[ait] envahi par la peur d'un renvoi au Kosovo qu'il n'arriv[ait] pas à intégrer comme scénario envisageable. Au vu de ses antécédents de passage à l'acte et de son incapacité à faire face à un renvoi, l'état psychique [du recourant] risqu[ait] de se péjorer rapidement en cas d'annonce de renvoi au Kosovo".

Le second médecin a signalé que l'épouse était suivie depuis mai 2022 pour un "épisode dépressif sévère du post-partum persistant en lien avec une situation sociale précaire, le manque de soutien de son mari qui [était] une source d'anxiété pour [elle] au vu de sa fragilité psychique également et les tâches qui lui incomb[aient] en tant que mère de deux enfants [ce] qui l'éprouv[ait] psychiquement et physiquement et entrav[ait] sa thérapie. Le diagnostic était celui d'un "épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques", avec prescription de médicaments.

C.           Par décision du 10 novembre 2023, l'OCMP, après être entré en matière sur la demande de reconsidération du recourant et de son épouse, a refusé d'accéder à leur requête du 10 novembre 2022 et de soumettre leur dossier avec un préavis positif du Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM).

Selon l'OCPM, le recourant et son épouse ne remplissaient pas les critères relatifs à la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens de l'art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Tout en reconnaissant leurs pathologies (à savoir une dépression légère pour le recourant, avec un antécédent de tentative de suicide dans le contexte d'un trouble dépressif sévère, selon le rapport médical du 18 octobre 2023 du Dr F______, et un état dépressif sévère sans symptômes psychotiques pour l'épouse, selon le rapport médical du Dr G______ du 21 octobre 2023), l'OCPM a retenu que ces problèmes de santé n’apparaissaient pas d’une gravité telle que l’exécution du renvoi mettrait de manière imminente leur vie ou leur intégrité psychique sérieusement et concrètement en danger.

Ils pouvaient continuer à bénéficier des traitements et soins nécessaires au Kosovo, où il existait "sept centres de traitement ambulatoire pour les maladies psychiques (Centres Communautaires de Santé Mentale), ainsi que des services de neuropsychiatrie pour les traitements des cas de psychiatres (sic) aigües au sein des hôpitaux généraux dans les villes de Prizen, Peja, Gjakova, Mitrovica, Gjilan, Ferijaz et Pristina. De plus, (…) de nouvelles structures appelées « Maison de l'intégration » [avaient] vu le jour dans certaines villes. Ces établissements loge[aient] des personnes atteintes de troubles mineurs de la santé mentale dans des appartements protégés et leur propos[aient] un soutien thérapeutique et socio-psychologique".

Le risque d'aggravation de leur état de santé en cas de renvoi pouvait être atténué, voire évité, par une préparation adéquate au retour dans le cadre de leur thérapie respective, voire d'une aide médicale au retour.

"Par ailleurs, les troubles psychiques sérieux, impliquant parfois même un risque suicidaire, [étaient] couramment observés chez les personnes confrontées à l'imminence d'un renvoi, sans qu'il ne faille y voir un empêchement dirimant à l'exécution du renvoi".

D.           a. Le 23 novembre 2023, le recourant a requis l'assistance juridique pour former recours à l'encontre de la décision de l'OCPM du 10 novembre 2023.

b. Par courrier du 5 décembre 2023, le recourant, en réponse à une interpellation du greffe de l'assistance juridique (ci-après : GAJ), a exposé qu'il ferait valoir des arguments médicaux à l'appui de ses chances de succès de son recours.

À son sens, l'OCPM n'avait retenu que sa dépression légère, sans relever que son état psychique risquait de se péjorer rapidement en cas d'annonce de renvoi dans son pays. De plus, il n'était pas crédible que l'épouse, affectée d'une dépression sévère, pourrait partir moyennant une préparation au retour adéquate. Les soins médicaux au Kosovo n'étaient pas accessibles sans moyens financiers. En outre, la décision de l'OCPM était contraire au paragraphe 5.6 de l'arrêt de la CACJ du 22 août 2023, qui avait décrit l'état de santé des époux, ainsi que son impact sur leur vie quotidienne et la prise en charge de leurs deux filles. Enfin, ils ne pouvaient pas être renvoyés en Macédoine du Nord en raison des conflits familiaux sus évoqués.

E.            Par décision du 11 décembre 2023, notifiée le 14 décembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que les chances de succès d'un recours à l'encontre de la décision de l'OCPM du 10 novembre 2023 paraissaient faibles.

Selon cette décision, l'OCPM avait accepté de réexaminer la situation du recourant et de sa famille. Il avait donc mis en œuvre les considérants de l'arrêt de la CJCA du 22 août 2023 sus évoqué.

Le recourant et son épouse ne pouvaient pas se prévaloir d'un cas de rigueur au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), puisqu'ils n'avaient pas rendu vraisemblable qu'ils ne pourraient pas avoir accès, en raison de leur indigence, aux soins et aux traitements nécessaires et disponibles au Kosovo et Macédoine du Nord.

De plus, la CACJ, dans son arrêt du 29 juin 2021 devenu exécutoire, avait déjà considéré que les autres critères déterminants pour l'admission d'un cas de rigueur n'étaient pas remplis.

En outre, l'exécution du retour ne semblait ni illicite, ni impossible ou ne pouvant pas être raisonnablement exigée, ce d'autant plus que, selon la jurisprudence, l'épisode dépressif sévère du recourant et le risque d'aggravation de son état de santé n'apparaissaient pas être des motifs suffisants pour justifier une admission provisoire au sens de l'art. 83 al. 4 LEI.

Enfin, il n'avait pas été rendu vraisemblable qu'un renvoi en Macédoine du Nord serait exclu en raison de l'existence de conflits familiaux.

F.            a. Recours est formé contre cette décision du 11 décembre 2023, par acte expédié le 5 janvier 2024 à la Présidence de la Cour de justice.

Le recourant conclut à la recevabilité de son recours, à l'annulation de la décision de l'assistance juridique du 11 décembre 2023 et à l'octroi de l'assistance juridique dans la cause AC/3330/2023.

Le recourant produit nouvellement un document intitulé "A qui de droit", du 19 septembre 2023, signé par lui-même et son épouse, dressé en réponse à une demande de renseignements complémentaires de la part de l'OCPM.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1 En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 10 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 de la Loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ‑ E 2 05) et 10 al. 1 du règlement de la Cour de justice (RSG - E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 [CPC - RS 272], applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 du règlement sur l'assistance juridique du 28 juillet 2010 [RAJ – E 2 05.04]; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

1.4 Il n'y a pas lieu d'entendre le recourant, celui-ci ne le sollicitant pas et le dossier contenant suffisamment d'éléments pour statuer (art. 10 al. 3 LPA; arrêt du Tribunal fédéral 2D_73/2015 du 30 juin 2016 consid. 4.2).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont le recourant n'a pas fait état en première instance et la pièce nouvellement produite ne seront pas pris en considération.

3.             Aux termes de l'art. 117 CPC, une personne a droit à l'assistance judiciaire si elle ne dispose pas de ressources suffisantes (let. a) et si sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès (let. b).

Selon la jurisprudence prévalant tant pour l'art. 117 CPC que pour l'art. 64 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) et l'art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), une cause est vouée à l'échec, respectivement dépourvue de toute chance de succès, lorsque la perspective d'obtenir gain de cause est notablement plus faible que le risque de succomber et qu'elle ne peut donc être considérée comme sérieuse, de sorte qu'une personne raisonnable disposant des ressources financières nécessaires renoncerait à engager la procédure en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter (arrêt du Tribunal fédéral 4A_86/2023 du 20 février 2024 consid. 4).

En revanche, l'assistance judiciaire doit être accordée lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières n'apparaissent que légèrement inférieures aux seconds (arrêt du Tribunal fédéral 4A_86/2023 précité consid. 4).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête d'assistance judiciaire, sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 139 III 475 consid. 2.2;
138 III 217 consid. 2.2.4; 133 III 614 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_86/2023 précité consid. 4).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance judiciaire sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés; cette hypothèse est réalisée lorsque la thèse du demandeur ne tient pas debout (arrêt du Tribunal fédéral 4A_86/2023 précité consid. 4).

L'assistance peut aussi être refusée s'il apparaît d'emblée que la démarche est irrecevable ou que la position du demandeur n'est juridiquement pas fondée. L'autorité chargée de statuer sur l'assistance judiciaire ne doit pas se substituer au juge du fond; elle doit seulement examiner s'il lui apparaît qu'il y a des chances que le juge adopte la position soutenue par le demandeur, chances qui doivent être plus ou moins équivalentes aux risques qu'il parvienne à la conclusion contraire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_86/2023 précité consid. 4 et les références citées).

Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1).

4.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l’espèce. (al. 2; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

5.             5.1.1 Le 1er janvier 2019, est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI. Selon l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de ladite loi sont régies par l'ancien droit. En l'occurrence, la demande de reconsidération ayant été formée le 2 décembre 2022, le dossier du recourant et de sa famille est soumis aux dispositions de la LEI dans sa teneur à compter du 1er janvier 2019.

5.1.2 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo (ATA/332/2024 du 5 mars 2024 consid. 2.3) et de la Macédoine du Nord (ATA/453/2024 du 9 avril 2024 consid. 2.3).

5.1.3 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI]; ATA/756/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.4).

5.1.4 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4; 124 II 110 consid. 2; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, la personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF
128 II 200 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-6860/2016 du 6 juillet 2018 consid. 5.2.2; ATA/628/2023 du 13 juin 2023 consid. 3.5).

5.1.5 Selon la jurisprudence constante de la CJCA, il existe au Kosovo sept centres de traitements ambulatoires pour les maladies psychiques (Centres Communautaires de Santé Mentale) ainsi que des services de neuropsychiatrie pour le traitement des cas de psychiatrie aiguë au sein des hôpitaux généraux dans les villes de Prizren, Peja, Gjakova, Mitrovica, Gjilan, Ferizaj et Pristina. De plus, grâce à la coopération internationale, de nouvelles structures appelées "Maisons de l'intégration" ont vu le jour dans certaines villes. Ces établissements logent des personnes atteintes de troubles mineurs de la santé mentale dans des appartements protégés et leur proposent un soutien thérapeutique et socio‑psychologique (arrêts du TAF F‑7044/2014 du 19 juillet 2016 consid. 5.5.4;
C-2748/2012 du 21 octobre 2014 consid. 8.2.4.3; C‑5631/2013 du 5 mars 2014 consid. 5.3.3 et la jurisprudence citée; ATA/539/2022 du 24 mai 2022 consid. 8f; ATA/821/2021 du 10 août 2021 consid. 3f et les arrêts cités, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_671/2021 du 15 février 2022 consid. 8.2 et les références citées).

Il en est de même en Macédoine du Nord où il est possible de poursuivre des soins psychiques, ce que le TAF a, à plusieurs reprises, confirmé (arrêt du TAF E‑897/2023 du 22 février 2023 et les références citées; ATA/1025/2023 du 19 septembre 2023 consid. 4.5, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_604/2023 du 9 janvier 2024).

La CJCA a également retenu, d'une part, que les problèmes psychiques engendrés par la crainte de voir définitivement perdues ses perspectives d'avenir en Suisse ou l'imminence d'un renvoi ne sont pas susceptibles de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur (arrêt du TAF F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid. 5.4), et, d'autre part, que le fait qu'une personne dont l'éloignement a été ordonné, émette des menaces de suicide n'astreint pas l'État contractant à s'abstenir d'exécuter la mesure envisagée, s'il prend des mesures concrètes pour en prévenir la réalisation (arrêt du TAF D-4909/2019 du 11 octobre 2021 consid. 7.3; ATA/1196/2021 du 9 novembre 2021 consid. 5). Même une grave maladie ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 5.4; arrêts du TAF F-4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1; C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2; C-5450/2011 du 14 décembre 2012 consid. 6; ATA/1125/2022 du 8 novembre 2022 consid. 5).

5.2 En l'espèce, le rapport médical du 18 octobre 2023 indique que le recourant ne fait pas état d'idées suicidaires actives et qu'il n’a pas de projet de passage à l'acte. Le recourant présente toutefois une symptomatologie anxio-dépressive dans la perspective d'un renvoi au Kosovo. Le médecin précise également que sans son traitement, le recourant pourrait souffrir d'une péjoration de sa santé sur le plan thymique, avec un risque suicidaire augmenté. D'un point de vue médical, le recourant devrait avoir accès et bénéficier d'un suivi psychiatrique au Kosovo.

Or, à première vue, le Kosovo dispose d'infrastructures hospitalières, ainsi que de moyens permettant au recourant de poursuivre son traitement et le suivi psychiatrique dont il a besoin, ce d'autant plus que son frère réside à Dejnë, soit à proximité d'une des villes accueillant l'un des centres de traitement ambulatoire pour les maladies psychiques (Gjakova), selon l'arrêt de la CJCA du 22 août 2023 sus évoqué. En outre, il existe au Kosovo des "Maisons de l'intégration" consistant en des appartements protégés et proposant un soutien thérapeutique et socio‑psychologique, ce qui constituerait également une solution envisageable pour le suivi psychiatrique du recourant.

De plus, les médicaments qu'il prend se limitent à un antidépresseur et un anxiolytique, lesquels devraient être disponibles au Kosovo. En effet, il ressort de l'ATA/1046/2023 du 26 septembre 2023 consid. 10.3, qui se réfère au rapport "Landinfo" du 3 mars 2023 sur le système de soins de santé au Kosovo, que ce pays dispose d’une liste de médicaments essentiels basée sur les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé relatives à la disponibilité des médicaments. En principe, les médicaments doivent être disponibles dans les pharmacies/hôpitaux publics et être gratuits ou soumis à une participation financière modique. Ce rapport précise également que le nombre d’établissements de soins de santé mentale a considérablement augmenté depuis l'année 2000, ce qui conforte la jurisprudence sus évoquée. En tout état de cause, une préparation au départ pourrait être mise en place dans le cadre de son suivi thérapeutique. Dès lors et à première vue, la mise en danger concrète dont se prévaut le recourant pourrait être diminuée.

Les mêmes considérations valent pour l'épouse du recourant, en ce sens qu'elle pourrait a priori bénéficier des soins adaptés au traitement de son épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques, autant au Kosovo qu'en Macédoine du Nord.

Quant à l'aggravation de la symptomatologie dépressive dont fait état le recourant ou son épouse à l'idée de leur renvoi, il résulte également de la jurisprudence que l'on ne saurait, d'une manière générale, prolonger indéfiniment leur séjour au motif que la perspective d'un renvoi serait susceptible de générer une aggravation de leur état de santé psychique (arrêt du TAF E-1355/2023 du 5 juin 2023 consid. 3.4.3; ATA/1028/2023 du 19 septembre 2023 consid. 2.8).

Enfin, les allégations relatives aux éventuels conflits familiaux existants entre le recourant et sa belle-famille en Macédoine du Nord paraissent se limiter à des affirmations. En outre, le recourant a de la famille au Kosovo, soit un frère et une sœur, avec lesquels il entretiendrait des contacts fréquents, selon l'arrêt de la CACJ du du 22 août 2023.

Compte tenu de ces éléments, il est, a priori, douteux que l'état de santé du recourant et de sa famille remplisse les conditions pour pouvoir bénéficier d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

6.             6.1.1 À teneur de l'art. 83 LEI, le renvoi d'un étranger ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (al. 1). L'exécution du renvoi n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). Elle n'est pas licite lorsque le renvoi serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (al. 3). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

6.1.2 L'exécution du renvoi ne devient inexigible que dans la mesure où les personnes intéressées pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêt du TAF 2011/50 consid. 8.3). L'art. 83 al. 4 LEI ne saurait faire échec à une décision de renvoi, ou ne saurait fonder un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical prévalant en Suisse correspondent à un standard élevé non accessible dans le pays d'origine ou le pays tiers de résidence. Ainsi, il ne suffit pas en soi de constater, pour admettre l'inexigibilité de l'exécution du renvoi, qu'un traitement prescrit sur la base de normes suisses ne pourrait être poursuivi dans le pays de l'étranger. Ce qui compte, en effet, c'est l'accès à des soins, cas échéant alternatifs, qui, tout en correspondant aux standards du pays d'origine, sont adéquats à l'état de santé de l'intéressé, même s'ils sont d'un niveau de qualité, d'une efficacité de terrain (ou clinique) et d'une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse; en particulier, des traitements médicamenteux d'une génération plus ancienne et moins efficaces, peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats. Si les soins essentiels nécessaires peuvent donc être assurés dans le pays d'origine de l'étranger concerné, cas échéant avec d'autres médications que celles prescrites en Suisse, l'exécution du renvoi dans ce pays sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera toutefois plus si, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et grave de son intégrité physique ou psychique (arrêt du TAF F-235/2018 du 9 avril 2019 consid. 9.3.3; ATA/1196/2021 du 9 novembre 2021 consid. 6a).

6.2 En l'espèce, les problèmes de santé du recourant et de sa femme ne semblent pas d'une gravité telle qu'ils puissent constituer un obstacle à l'exécution de leur renvoi au Kosovo ou en Macédoine du Nord. De plus, comme vu ci-dessus, il est douteux que le recourant et sa femme ne puissent pas trouver dans leurs pays d'origine un encadrement médical adéquat, au sens de la jurisprudence précitée, pour continuer les éventuels traitements entrepris en Suisse, étant précisé que la CJCA a également retenu qu'un changement de thérapeute n’était pas de nature à rendre le renvoi du recourant illicite, impossible ou inexigible (ATA/1046/2023 du 26 septembre 2023 consid. 10.3). Enfin, le recourant n'a pas rendu vraisemblable que les soins médicaux qui lui sont nécessaires, ainsi qu'à son épouse, ne leur seraient pas accessibles, en l'absence de moyens financiers.

Dans ces circonstances, il n’apparaît pas que l'exécution du renvoi du recourant et de sa famille ne serait pas possible, serait illicite ou qu'elle ne serait pas raisonnablement exigible.

Compte tenu de ce qui précède, c'est de manière conforme au droit que l'Autorité de première instance a refusé l'assistance juridique au recourant, au motif que les chances de succès d'un recours à l'encontre de la décision de l'OCPM du 10 novembre 2023 paraissaient faibles.

Partant, le recours, mal fondé, sera rejeté.

7.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 11 décembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/3330/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière de droit public; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 82 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.