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Décisions | Chambre civile

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C/5939/2024

ACJC/1230/2024 du 08.10.2024 sur OTPI/425/2024 ( SDF ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5939/2024 ACJC/1230/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 8 OCTOBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o B______ [société], ______, appelant d'une ordonnance rendue par la 23ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 juillet 2024, représenté par Me Manuel BOLIVAR, avocat, BOLIVAR BATOU & BOBILLIER, rue des Pâquis 35, 1201 Genève,

et

Madame C______, ______, intimée, représentée par Me Coraline DURET, avocate, RIVARA WENGER CORDONIER & AMOS, rue Robert-Céard 13, case postale 3293, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/425/2024 du 3 juillet 2024, reçue par les parties le 8 juillet 2024, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre de mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé en tant que de besoin C______ à emmener ses enfants D______ et E______ en Angleterre du 1er au 18 août 2024 (chiffre 1 du dispositif), condamné A______ à verser en mains de C______, dès le prononcé du jugement, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, 630 fr. pour l'entretien de leur fille D______ et 1'980 fr. pour l'entretien de leur fille E______ (ch. 2 et 3), réservé sa décision finale quant au sort des frais judiciaires et des dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 18 juillet 2024 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre les chiffres 2 et 3 du dispositif de l'ordonnance précitée, dont il requiert l'annulation. Il a conclu, principalement, à ce que la Cour lui donne acte de son engagement à verser à C______, par mois, d'avance et par enfant, allocations familiales non comprises, la somme de 500 fr. et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

Préalablement, il a conclu à l'octroi de l'effet suspensif à son appel et à ce que la Cour lui donne acte de son engagement à verser à son épouse, par mois, d'avance et par enfant, allocations familiales non comprises, la somme de 600 fr. durant la procédure d'appel.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. Par arrêt du 30 août 2024, la Cour a rejeté la requête formée par A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire de l'ordonnance attaquée et dit qu'il serait statué sur les frais dans l'arrêt au fond.

c. Dans sa réponse du 28 août 2024, C______ a conclu à la confirmation de l'ordonnance attaquée, avec suite de frais.

Elle a produit des pièces nouvelles.

d. Les parties ont été informées le 19 septembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour:

a. C______, née le ______ 1987, et A______, né le ______ 1980, tous deux de nationalité espagnole, se sont mariés le ______ 2004.

Ils sont les parents de D______, née le ______ 2012, et E______, née le ______ 2020.

b. Ils se sont séparés en janvier 2024.

C______ est restée avec les enfants au domicile conjugal, un appartement de quatre pièces sis à F______ [GE], dont le loyer s'élève à 1'487 fr. par mois, charges comprises.

A______ s'est installé dans une chambre située [dans le quartier] G______, pour laquelle il paie 500 fr. par mois.

c. Par acte du 12 mars 2024, C______ a saisi le Tribunal d'une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, assortie d'une requête de mesures provisionnelles.

Elle a allégué un revenu mensuel net de 4'866 fr. 50 en 2022 et de 5'325 fr. en 2023, ainsi que des charges mensuelles incompressibles personnelles de 4'625 fr. 30, de sorte qu'elle a estimé son disponible mensuel à 700 fr. Elle a allégué des charges mensuelles, allocations familiales déduites, de 1'025 fr. pour D______ et de 2'660 fr. pour E______.

c.a Sur le fond, elle a réclamé à son mari, avec effet rétroactif au mois de janvier 2024, pour l'entretien de D______ 1'300 fr. jusqu'à 15 ans, puis 1'500 fr. jusqu'à 18 ans, voire 25 ans en cas d'études suivies et régulières et, pour l'entretien de E______, 2'660 fr. jusqu'à 5 ans, 1'100 fr. jusqu'à 10 ans, 1'300 fr. jusqu'à 15 ans et 1'500 fr. jusqu'à 18 ans, voire 25 ans en cas d'études suivies et régulières.

c.b Sur mesures provisionnelles, elle a fait valoir que son mari ne contribuait plus à l'entretien de la famille depuis son départ du domicile conjugal début janvier 2024, alors même qu'il avait assumé de façon prépondérante les charges du ménage durant la vie commune. Dans la mesure où elle n'était pas en mesure de couvrir l'intégralité de ses charges et celles des deux enfants, il se justifiait de prononcer des mesures provisionnelles concernant les contributions d'entretien en faveur de D______ et E______.

Sur la question demeurée litigieuse en appel des contributions à l'entretien des enfants, elle a conclu à la condamnation de son époux à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, 1'000 fr. pour l'entretien de D______ et 2'000 fr. pour l'entretien de E______, soit 3'000 fr. au total.

Compte tenu de son disponible allégué de 700 fr. par mois, il apparaît ainsi qu'elle réclamait, sur mesures provisionnelles, la couverture de son déficit qu'elle estimait à 3'000 fr. par mois environ (1'025 fr. + 2'660 fr. = 3'685 fr. - 700 fr.).

d. Lors de l'audience du Tribunal du 22 avril 2024, les parties sont parvenues à un accord au sujet du droit de visite de A______.

Celui-ci s'est engagé à verser à son épouse 1'200 fr. par mois, la première fois au plus tard avant le 5 mai 2024.

C______ a pris acte de cet engagement, mais a persisté dans ses conclusions sur mesures provisionnelles relatives aux contributions à l'entretien des enfants, en faisant valoir que le montant proposé était "largement inférieur aux coûts directs des enfants".

A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti à A______ un délai pour produire ses bulletins de salaire de l'année 2024 et a fixé une audience de plaidoiries sur mesures provisionnelles.

e. Par ordonnance du 23 avril 2024, statuant d'entente entre les parties, le Tribunal a réservé à A______ un droit aux relations personnelles avec D______ et E______ à exercer en Point Rencontre, à raison d'une fois par semaine pendant deux heures. Il a également instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles.

f. Lors de l'audience du Tribunal du 27 mai 2024, A______ a déclaré qu'il était en arrêt de travail à 50 % depuis le 14 mai 2024.

Les parties ont plaidé sur mesures provisionnelles.

C______ a réclamé, mensuellement, allocations familiales non comprises, 1'100 fr. pour l'entretien de D______ et 2'500 fr. pour l'entretien de E______.

A______ a conclu à ce que les contributions à l'entretien des enfants soient fixées à 600 fr. par enfant et réduites à 347 fr. 50 durant sa période d'incapacité de travail.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles est réservé la suite de la procédure au fond.

g. Par courrier du 3 juillet 2024, le Tribunal a invité le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après: SEASP) à établir un rapport d'évaluation sociale avec audition des deux enfants.

h.a C______ est employée à 90% par H______ en qualité d'assistante en soins et santé communautaire. Elle est en classe 11, annuité 1 et son revenu mensuel brut, de 5'157 fr. 30 en 2024, est versé 13 fois l'an selon la grille de salaire de l'Etat de Genève.

Le Tribunal a retenu que l'épouse réalisait un revenu mensuel net de l'ordre de 4'800 fr. (correspondant à son salaire de mai 2024), pour des charges mensuelles relevant du minimum vital du droit de la famille de 3'466 fr. 85, comprenant 200 fr. de frais de véhicule et 200 fr. d'impôts, ces deux postes étant contestés par le mari, qui admet uniquement 25 fr. par an comme charge fiscale.

L'épouse a produit un extrait de son compte I______ IBAN 1______ présentant un solde négatif de 2'045 fr. 12 au 27 janvier 2024.

h.b A______ est ouvrier centraliste à béton et est engagé sur les chantiers par l'intermédiaire d'une agence d'intérim. Se fondant sur son certificat de salaire 2023 (indiquant un salaire net total de 74'531 fr., frais de repas non compris), le Tribunal a considéré que son revenu mensuel net était de 6'210 fr., auxquels s'ajoutaient 625 fr. par mois provenant de la location d'un bien immobilier situé en Espagne, pour des charges mensuelles de 2'756 fr. 60, comprenant 500 fr. de loyer, correspondant au minimum vital du droit de la famille.

En appel, l'époux admet réaliser un revenu mensuel net de 5'172 fr. 35, en sus des 625 fr. précités, et allègue des charges mensuelles de 4'316 fr., comprenant 2'000 fr. de "loyer hypothétique" et des "frais de logement hypothétiques d'une somme estimée à fr. 60.- pour l'assurance RC/ménage ainsi que la redevance audiovisuelle SERAFE".

Selon les pièces produites, le salaire net de A______ a été, frais de repas non compris, de 1'922 fr. (J______ SA) en janvier 2024, 5'129 fr. en février 2024 (J______ SA), 6'210 fr. 90 (J______ SA) et 3'864 fr. (K______ SA) en mars 2024, 5'876 fr. 25 (K______ SA) en avril 2024 et 4'237 fr. 20 (K______ SA) en mai 2024, soit une moyenne de 5'448 fr. (27'239 fr. 35 : 5 mois).

h.c. Le Tribunal a retenu que les charges mensuelles de D______ s'élevaient à un total arrondi de 630 fr., allocations familiales déduites, comprenant 25 fr. de frais de transports publics et 30 fr. de part aux impôts de sa mère, et que celles de E______ s'élevaient à un total arrondi de 1'980 fr., allocations familiales déduites, comprenant 90 fr. de part aux impôts de sa mère et 1'492 fr. 90 de frais de crèche.

Le père conteste la prise en charge des frais de transports publics et de la charge fiscale. Il admet 1'368 fr. 49 de frais de crèche pour E______, en relevant que la crèche est fermée durant un mois par an. Selon lui, les charges mensuelles correspondant au minimum vital du droit de la famille totalisent ainsi, allocations familiales non comprises, 573 fr. 50 pour D______ et 1'765 fr. 80 pour E______.

i. Dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré que l'épouse avait rendu vraisemblable qu'elle ne disposait plus d'aucune fortune. Eu égard au budget des enfants et à ses propres ressources, il était à craindre que celle-ci ne soit à l'avenir plus en mesure d'acquitter de factures importantes relatives aux enfants, comme par exemple les frais de crèche de E______, et que cette incapacité conduise éventuellement à des difficultés dans la prise en charge des enfants (p. ex. perte de la place en crèche). Compte tenu du préjudice qu'une telle situation induirait, il se justifiait d'entrer en matière sur les mesures provisionnelles sollicitées.

Dès lors que la mère détenait la garde de fait des enfants, il revenait au père de prendre à sa charge le volet financier de l'entretien de ceux-ci, c'est-à-dire, dans la mesure où son disponible le lui permettait, de prendre à sa charge le déficit que chacun des enfants accusait dans son budget. Le Tribunal a renoncé, en équité, à inclure dans la contribution due à l'entretien des enfants une part à l'excédent du budget du père. En effet, ledit excédent était principalement dû à la modicité des charges de l'intéressé et lui serait ainsi laissé pour lui permettre d'améliorer sa situation personnelle.

Eu égard au caractère urgent des mesures provisionnelles, le Tribunal n'a assorti son ordonnance d'aucun effet rétroactif. En effet, la décision se justifiait pour prévenir le risque que l'épouse se voie contrainte de modifier de manière importante son organisation. Le risque en question, s'il était actuellement encouru et justifiait partant le prononcé de mesures provisionnelles, ne s'était pas encore matérialisé. La question des contributions dues à l'entretien des enfants pour la période courant entre la saisine du Tribunal et le prononcé de l'ordonnance pouvait ainsi souffrir de n'être examinée que lors du jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale.

Le premier juge a ainsi condamné le père à verser à la mère, par mois et d'avance, à compter du prononcé de l'ordonnance, les sommes de 630 fr. et 1'980 fr., allocations familiales non comprises, soit la totalité des charges composant le minimum vital du droit de la famille des enfants D______ et E______.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions sur mesures provisionnelles dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, la valeur litigieuse, calculée conformément à l'art. 92 al. 2 CPC, est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

Interjeté selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et dans le délai utile de 10 jours applicable en procédure sommaire (art. 142 al. 1, 248 let. d et 314 al. 1 CPC), l'appel du 18 juillet 2024 est recevable.

1.2 Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire au sens propre (art. 248 let. d CPC), la cognition de la Cour est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, in JT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 2.2).

La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.3 La cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne l'entretien des enfants (art. 296 al. 1 et 3 CPC), de sorte que la Cour n'est liée ni par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC), ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_841/2018 et 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

La maxime inquisitoire ne dispense toutefois pas les parties de collaborer activement à la procédure et d'étayer leurs propres thèses. Il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 130 III 102 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_855/2017 du 11 avril 2018 consid. 4.3.2).

2. Les parties ont produit des pièces nouvelles devant la Cour.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Lorsque le juge est saisi de questions relatives aux enfants dans les affaires de droit de la famille, les pièces nouvelles sont recevables même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies, eu égard à la maxime inquisitoire illimitée (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 En l'espèce, les pièces nouvelles des parties sont susceptibles d'avoir une influence sur le montant de la contribution d'entretien due à leurs filles mineures, de sorte qu'au vu de la maxime inquisitoire illimitée applicable, elles sont recevables, de même que les faits s'y rapportant. Lesdites allégations et pièces ne sont cependant pas déterminantes pour la solution du litige.

3. L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir prononcé des mesures provisionnelles, alors qu'il s'était engagé, lors de l'audience du 22 avril 2024, à verser à son épouse 1'200 fr. par mois à titre de contributions à l'entretien de leurs deux enfants.

3.1 La question de savoir si des mesures provisionnelles peuvent être ordonnées dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, qui constituent déjà elles-mêmes des mesures provisionnelles (cf. ATF 137 III 475 consid. 4.1), est controversée en doctrine et n'a pas été tranchée par le Tribunal fédéral (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_590/2019 cité consid. 3.4), qui s'est borné à relever que de telles mesures ne devraient, si tant est que l'on considère qu'elles soient admissibles, être prononcées qu'avec retenue et en cas d'urgence (arrêt du Tribunal fédéral 5A_549/2016 du 18 octobre 2016 consid. 4.2).

La Cour de céans reconnaît la possibilité de prononcer valablement de telles mesures, notamment lorsque la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale risque de se prolonger (ACJC/178/2023 du 24 janvier 2023 consid. 4.1.1; ACJC/1454/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3.1 et les références citées).

Elles ne peuvent toutefois être ordonnées que pour autant que les conditions posées par l'art. 261 CPC soient réunies (ACJC/256/2021 du 2 mars 2021 consid. 5.1; ACJC/1684/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4.1; ACJC/763/2019 du 14 mai 2019 consid. 1.3; ACJC/1452/2018 du 19 octobre 2018 consid. 3.1).

3.1.1 Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable, d'une part, qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et, d'autre part, que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

Dans le contexte particulier de mesures provisionnelles sollicitées dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, l'existence d'un préjudice difficilement réparable doit être appréciée au regard des conséquences concrètes qu'aurait pour la partie requérante l'absence de telles mesures. Un tel préjudice doit ainsi notamment être admis s'il est rendu vraisemblable que, à défaut de mesures provisionnelles, la partie requérante serait contrainte de modifier de manière importante son organisation en prenant des mesures sur lesquelles il ne lui sera que difficilement possible de revenir par la suite : tel pourra par exemple être le cas si, faute de décision judiciaire faisant obligation à son conjoint de contribuer à son entretien, un époux se voit contraint de quitter le logement qu'il occupait jusqu'alors, de se séparer du moyen de transport qu'il utilisait régulièrement ou encore de retirer un enfant de l'école privée qu'il fréquentait. En revanche, le fait de devoir renoncer pendant la durée de la procédure à certaines dépenses (voyages de loisirs, achat d'un nouveau véhicule plus luxueux, etc.) n'influant pas durablement sur les conditions d'existence de l'époux requérant ne saurait être considéré comme constitutif d'un préjudice difficilement réparable (ACJC/178/2023 du 24 janvier 2023 consid. 4.1.2; ACJC/1684/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4.1; ACJC/1387/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3.2; ACJC/824/2016 du 10 juin 2016 consid. 3.1.1).

Les mesures provisionnelles peuvent être prononcées notamment lorsqu'il s'agit d'éviter que l'épouse, dont les revenus ne couvrent pas les charges, et l'enfant mineur des parties tombent dans le dénuement pendant la procédure (ACJC/474/2016 du 8 avril 2016 consid. 2.1).

3.1.2 Dans trois arrêts récents publiés (ATF 147 III 265; 147 III 293 et 147 III 301), le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille. Selon cette méthode en deux étapes, ou méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, il convient de déterminer les ressources et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (ATF 147 III 265 consid. 7).

3.2 En l'espèce, l'intimée alléguait, dans sa requête du 12 mars 2024, un salaire oscillant entre 4'866 fr. 50 et 5'325 fr. nets par mois. En retenant qu'elle réalisait un revenu mensuel net de 4'800 fr., le premier juge a omis de tenir compte du fait que les HUG versent à leurs employés un treizième salaire.

L'intimée ne conteste pas les charges mensuelles prises en considération par le Tribunal dans le calcul du minimum vital du droit de la famille, soit 3'467 fr. pour elle-même, ainsi que, allocations familiales déduites, 630 fr. pour D______ et 1'980 fr. pour E______, soit un total de 6'077 fr.

Selon le calcul du Tribunal, le déficit de l'épouse représenterait 1'280 fr. environ (6'077 fr. - 4'800 fr.).

Dans la mesure toutefois où le revenu de l'intimée peut être estimé à 5'200 fr. nets par mois (4'800 fr. x 13 mois : 12 mois), il apparaît, au stade de la vraisemblance, que l'épouse doit faire face, depuis le départ de son mari du domicile conjugal, à un déficit de l'ordre de 900 fr. par mois (6'077 fr. - 5'200 fr.).

Dans ces conditions, le montant mensuel total que l'appelant s'est engagé, respectivement s'engage, à verser à l'intimée - soit 1'200 fr. de mai 2024 (cf. ci-dessus En fait, let. C.d) à octobre 2024 (cf. ci-dessus, En fait, let. B.a), puis de 1'000 fr. (ibid.) - suffit à éviter le risque, évoqué par le Tribunal, que l'intimée ne parvienne pas à faire face aux charges des enfants. Ainsi, il sera donné acte à l'appelant de son engagement de verser à l'intimée, par mois et d'avance allocations familiales non comprises, 7'200 fr. pour la période de mai à octobre 2024 (1'200 fr. x 6 mois), puis 500 fr. par enfant, à compter du 1er novembre 2024. L'appelant sera condamné en tant que de besoin à respecter ses engagements.

Il n'est ni nécessaire ni urgent de procéder, à ce stade, à un calcul fondé sur la méthode en deux étapes avec répartition de l'excédent. Ce calcul sera effectué pour fixer les contributions dans la procédure au fond.

Les montants versés par l'appelant en exécution du présent arrêt viendront en déduction des contributions à l'entretien des enfants qui seront fixées sur mesures protectrices de l'union conjugale pour la même période.

Les chiffres 2 et 3 du dispositif de l'ordonnance attaquée seront annulés et il sera statué dans le sens qui précède.

4. Les frais - qui comprennent les frais judiciaires et les dépens - sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 CPC). Le Tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 CPC).

Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

4.1 Il n'y a pas lieu de modifier la décision du premier juge sur les frais de première instance, réservant la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires (art. 104 al. 3 CPC).

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'000 fr., y compris ceux relatifs à la décision sur effet suspensif (95 al. 2 et 105 al. 1 CPC; art. 31 et 37 RTFMC).

Ils seront mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, soit 500 fr. à charge de l'appelant et 500 fr. à charge de l'intimée, compte tenu de la nature du litige (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC). La part incombant à l'intimée, au bénéfice de l'assistance judiciaire, sera supportée provisoirement par l'Etat de Genève (art. 122 al. 1 let. b et 123 al. 1 CPC).

Les Services financiers du Pouvoir judicaire seront invités à restituer 500 fr. à l'appelant.

Compte tenu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens d'appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 18 juillet 2024 contre les chiffres 2 et 3 du dispositif de l'ordonnance OTPI/425/2024 rendue le 3 juillet 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5939/2024-23.

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 3 du dispositif de l'ordonnance attaquée et, statuant à nouveau sur ces points :

Donne acte à A______ de son engagement à verser à C______, à titre de contributions à l'entretien de leurs enfants D______ et E______, allocations familiales non comprises, 7'200 fr. pour la période de mai à octobre 2024, puis, par mois, d'avance et par enfant, à compter du 1er novembre 2024, la somme de 500 fr.

L'y condamne en tant que de besoin.

Dit que les montants ainsi versés viendront en déduction des contributions à l'entretien des enfants qui seront fixées, pour la même période, sur mesures protectrices de l'union conjugale.

Confirme l'ordonnance attaquée pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge de chacune des parties par moitié et les compense avec l'avance effectuée par A______, qui demeure acquise à l'Etat de Genève à concurrence de 500 fr.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 500 fr. à A______.

Dit que la part de 500 fr. incombant à C______ est supportée provisoirement par l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.