Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/787/2025 du 30.09.2025 sur OMP/20987/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/20504/2024 ACPR/787/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 30 septembre 2025 |
Entre
A______, représenté par Me Nina SCHNEIDER, avocate, PETER MOREAU SA, rue des Pavillons 17, case postale 90, 1211 Genève 4,
recourant,
contre la décision rendue le 1er septembre 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 12 septembre 2025, A______ recourt contre la décision du 1er précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé de retirer du dossier les procès-verbaux de ses auditions des 29 avril et 5 août 2024 par-devant la police.
Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette décision et, principalement, au retrait des procès-verbaux précités du dossier, subsidiairement, au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 29 avril 2024, A______, ressortissant afghan, né le ______ 2004 et au bénéfice d'un titre de séjour F, s'est présenté au poste de police afin de déposer une plainte en lien avec une agression dont il avait été victime le 26 précédent au square de B______.
À teneur du procès-verbal de l'audition ayant eu lieu ce jour-là, A______, alors accompagné de C______, sa personne de confiance, a été auditionné en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Informé de ses droits et obligations par le biais d'un formulaire, dont il a indiqué avoir pris connaissance et bien compris le contenu, il s'est déclaré d'accord que la traduction fût effectuée en anglais par un policier et que le Gendarme D______ P-1______ – avec lequel il n'avait aucun lien – fonctionnât en qualité de traducteur. L'audition a été menée en anglais, le procès-verbal ayant toutefois été rédigé en français. A______ a signé chacune des pages dudit procès-verbal.
Lors de son audition, ce dernier a expliqué s'être rendu le 26 avril 2024 au square de B______ avec son ami "F______", lequel lui avait indiqué avoir rendez-vous avec E______. À un moment donné, ce dernier avait commencé à insulter "F______" et à lui donner une gifle, ce à quoi son ami avait à son tour répliqué par une gifle. Lui-même avait tenté de s'interposer, mais s'était fait frapper par E______. "F______" avait pris la fuite. Deux à trois individus, probablement des amis de E______, avaient couru vers lui. Ces derniers l'avaient agressé et il avait reçu un coup de genou sur le nez, ce qui avait eu pour effet de lui faire perdre connaissance. Il n'avait plus son téléphone suite à l'agression et pensait qu'on le lui avait pris à cette occasion. Il s'était rendu le lendemain à l'hôpital. Lors de cette audition, A______ a également expliqué les diverses lésions qu'il avait subies lors de son agression, certificat médical à l'appui. Il a également fourni des informations permettant d'identifier E______, à savoir son nom de profil Facebook, sa description physique et la couleur des vêtements qu'il portait le jour des faits, ajoutant que celui-ci – qu'il avait croisé deux ou trois fois à Genève par le passé – le menaçait depuis l'agression et qu'il en avait désormais peur.
b. Le 8 mai 2024, E______ a déposé plainte à son tour en lien avec les faits survenus le 26 avril 2024. Entendu par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements, il a expliqué avoir été victime ce jour-là d'une agression, lors de laquelle il s'était fait dérober un téléphone portable et une paire d'écouteurs. Il a mis en cause A______ et G______ et produit un certificat médical mettant en évidence diverses lésions.
c. Le 5 août 2024, A______ a une nouvelle fois été entendu par la police, cette fois-ci en qualité de prévenu.
À teneur du procès-verbal de l'audition ayant eu lieu ce jour-là, A______ a été informé de ses droits et obligations par le biais d'un formulaire, dont il a indiqué avoir pris connaissance et bien compris le contenu. Il a été d'accord que H______ – avec lequel il n'avait aucun lien – fonctionnât en qualité de traducteur en langue afghane. Avisé des faits qui lui étaient reprochés – soit d'avoir participé à une agression et à un vol survenus le 26 avril 2024, vers 18h00, au square de B______ –, A______ a indiqué être d'accord de s'exprimer, hors la présence d'un avocat. Il a signé chacune des pages dudit procès-verbal.
Lors de son audition, A______ a d'emblée été invité à se déterminer quant au fait que E______ l'accusait de l'avoir agressé, ce jour-là, en compagnie de plusieurs amis, ainsi que de lui avoir dérobé son téléphone portable. Il a contesté les faits, indiquant "ce n'est pas juste du tout. Je vais vous expliquer". Il a ensuite déclaré qu'alors qu'il se trouvait avec deux amis, G______ lui avait indiqué devoir aller chercher de l'argent auprès de E______. Ils s'y étaient donc rendus. Une fois sur place, une dispute avait éclaté entre ceux-ci. Il avait cherché à s'interposer par deux fois, E______ lui ayant donné une gifle sur le visage lors de sa deuxième tentative. Trois amis de ce dernier étaient ensuite arrivés. Quant à G______ et ses deux amis, ils étaient partis en courant, après avoir – à teneur de leurs dires – aperçu un couteau. E______ lui avait donné un coup dans le nez, ce qui avait eu pour effet de le faire tomber au sol. Il avait ensuite reçu plusieurs coups alors qu'il se trouvait par terre. Il s'était relevé et, tout en ayant la tête qui tournait, s'était dirigé vers la gare. Il avait laissé son téléphone sur le banc, mais ne l'avait plus trouvé lorsqu'il avait souhaité le récupérer. Il ne s'était pas rendu immédiatement à l'hôpital, dès lors que E______ les avait menacés et qu'il avait pris peur.
d. Par courrier du 18 décembre 2024, le conseil de A______ a "tenu à souligner" que son client parlait le patcho. Lors de son audition par la police, dans le cadre du dépôt de sa plainte, son mandant était accompagné d'un interprète parlant le farsi, langue qu'il ne parlait pas, ni ne comprenait. Bien qu'ayant quelques notions de français et d'anglais, il craignait que son récit n'eût pas été entièrement compris ou retranscrit. Il en allait de même s'agissant de sa version présentée au personnel soignant de l'hôpital lors de sa prise en charge.
e. Par ordonnances pénales du 4 décembre 2024, A______, E______ et G______ ont tous trois été déclarés coupables de rixe (art. 133 CP) et condamnés à des peines pécuniaires de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour, celle prononcée à l'encontre de A______ ayant été assortie du sursis.
f. Par courrier de son conseil du 20 décembre 2024, A______ a formé opposition contre ces trois ordonnances pénales. Il sollicitait la tenue d'une audience de confrontation et demandait à être mis au bénéfice d'une défense d'office, au vu des faits – qualifiés de rixe – "très graves" qui lui étaient reprochés.
g. Par courrier de son conseil du 14 janvier 2025, A______ a sollicité sa confrontation avec E______, en présence d'un interprète en langue "patcho".
h. Une audience s'est tenue par-devant le Ministère public le 15 avril 2025, en présence de A______, E______, G______, ainsi que I______, interprète en patcho.
À teneur d'une note du Greffier-juriste, qui s'était vu déléguer la tenue de l'audience par la Procureure alors en charge du dossier, A______ a indiqué, immédiatement après avoir été informé de ses droits et des charges pesant contre lui, ne pas comprendre l'interprète, lequel a expliqué comprendre le patcho, mais ne pas le parler. Le Greffier-juriste a proposé à A______ que l'interprète lui traduisît l'audience en anglais et qu'il répondît dans sa langue, tout en lui précisant qu'il devait immédiatement signaler s'il ne comprenait pas quelque chose. A______ a expliqué parler aussi l'urdu et précisé qu'il persistait à ne pas comprendre l'interprète. Le Greffier-juriste a mis un terme à l'audience et indiqué qu'une nouvelle audience serait convoquée.
i. Par courrier de son conseil du 9 mai 2025, A______ a indiqué que les précédentes auditions n'avaient pas pu avoir lieu dans une langue qu'il comprenait et parlait suffisamment bien. Il priait le Ministère public de constater une violation de son droit à un procès équitable et concluait au retrait des procès-verbaux des auditions s'étant tenues les 29 avril et 5 août 2024 par-devant la police.
j. Une nouvelle audience s'est tenue le 12 mai 2025 par-devant le Ministère public, en présence de A______, E______, G______, ainsi que J______, interprète en patcho.
A______ a fourni des explications en grande partie similaires à celles livrées lors de ses deux premières auditions, indiquant toutefois que les amis de E______ étaient au nombre de six ou sept, qu'ils l'avaient tous frappé et qu'il avait lui-même reçu un coup de chaise sur le dos.
k. Par courriers de son conseil des 30 mai et 25 août 2025, adressé au Procureur nouvellement chargé de la procédure, A______ a réitéré sa demande du 9 mai 2025.
l. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 6 août 2025, le Ministère public a informé A______, E______ et G______ de ce qu'il entendait dresser un acte d'accusation.
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public relève qu'à teneur des procès-verbaux litigieux, A______ avait consenti en début d'audition à ce que les traducteurs concernés officiassent. Par ailleurs, les déclarations recueillies à ces occasions suivaient en substance le récit livré par le précité lors de son audition ultérieure par le Ministère public le 12 mai 2025 – dont le déroulement n'était pas remis en question – et contenaient de nombreux détails, ce qui laissait supposer qu'il maîtrisait suffisamment les "langues concernées", aussi bien pour comprendre ses droits et les questions lui ayant été posées que pour s'exprimer. Pour le surplus, les arguments soulevés relevaient de la libre appréciation des preuves. Par voie de conséquence, les conditions au constat immédiat du caractère inexploitable des preuves et leur retranchement n'étaient pas réalisées.
D. a. Dans son recours, A______ déplore ne pas avoir bénéficié d'interprètes parlant une langue qu'il était capable de comprendre, étant précisé qu'il était de langue maternelle patcho. Lors des auditions litigieuses, il ne comprenait ni ne parlait le farsi, ni ne maîtrisait le français ou l'anglais, ce qu'attestaient plusieurs notes de suite, réalisées peu avant ou après les faits. Cette situation avait conduit à la désignation d'un interprète en patcho lors d'un entretien médical le 2 mai 2023.
Lors de sa première audition à la police, le 29 avril 2024, la traduction avait été réalisée de manière approximative par un agent de police, en anglais, alors qu'il n'était pas familier avec cette langue. Il avait indiqué au Ministère public ne pas avoir été compris, ce que pouvait attester sa personne de confiance, C______. Lors de sa deuxième audition, un interprète en langue farsi avait été désigné, bien qu'il ne comprît pas cette langue, et il n'avait ainsi pas compris avoir été "mis en prévention", en violation manifeste de l'art. 158 CPP. Lors de sa troisième audition, le 15 avril 2025, une interprète s'était exprimée d'abord en farsi, puis en anglais. Le Ministère public avait finalement interrompu l'audience, après qu'il eut une nouvelle fois indiqué ne pas comprendre ce qui lui était communiqué, puis reconvoqué une audience en présence d'un interprète de langue patcho.
Contrairement à ce que pensait le Ministère public, le fait que les déclarations recueillies lors de ses auditions suivaient une "certaine logique narrative" ne permettait pas de démontrer qu'il avait compris l'intégralité des échanges, ni qu'il avait pu faire valoir ses droits de manière effective. Il était capital qu'il pût être compris sans le moindre doute sur les questions de temporalité, ses agissements ou ceux des "agresseurs", ce d'autant que les autorités pénales ne manqueraient pas d'examiner le "moindre détail" de ses déclarations. Il était par ailleurs particulièrement contradictoire que le Ministère public, après avoir dans un premier temps constaté son incapacité à comprendre l'anglais et le farsi, relevât ensuite le contraire dans l'ordonnance querellée, ce d'autant que le Procureur signataire ne l'avait jamais auditionné dans la présente procédure. Les circonstances de ses auditions, ses déclarations, ainsi que les rapports médicaux convergeaient pour démontrer que seule une traduction en patcho permettrait un déroulement régulier de la procédure. Bien que les faits qui lui étaient reprochés ne fussent pas anodins, ils n'étaient "pas graves au sens de l'art. 141 al. 2 CPP". Ses droits à un procès équitable (art. 6 CEDH; art. 3 CPP), à être entendu (art. 107 al. 1 CPP) et à être assisté d'un interprète dans une langue effectivement comprise (art. 68 et 158 CPP) justifiaient que les procès-verbaux litigieux – qui avaient été obtenus en violation d'une règle de validité au sens de l'art. 141 al. 2 CPP – fussent déclarés inexploitables.
À l'appui de son recours, il produit divers documents, notamment des extraits de notes de suite et de transmissions ciblées des HUG. Il y est notamment indiqué: (i) dans une note du 1er décembre 2022, "Langue parlée: Pachto"; (ii) dans une note du 31 mars 2023, "Entretien en Farsi mais le patient n'est pas confortable dans cette langue, il parle couramment Patchou et maitrise un peu l'anglais"; et (iii) dans une note datée du 2 mai 2023, "Entretien avec K______ en pachto".
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant reproche au Ministère public d'avoir refusé de retirer du dossier les procès-verbaux de ses auditions ayant eu lieu les 29 avril et 5 août 2024 par-devant la police, lesquels seraient selon lui inexploitables.
3.1. Aux termes de l'art. 3 al. 2 let. c CPP, les autorités pénales se conforment à la maxime voulant qu'un traitement équitable et le droit d'être entendu soient garantis à toutes les personnes touchées par la procédure.
3.2. L'art. 68 CPP prévoit que la direction de la procédure fait appel à un traducteur ou un interprète lorsqu'une personne participant à la procédure ne comprend pas la langue de la procédure ou n'est pas en mesure de s'exprimer suffisamment bien dans cette langue (al. 1 1ère phrase). Le contenu essentiel des actes de procédure les plus importants est porté à la connaissance du prévenu oralement ou par écrit dans une langue qu'il comprend, même si celui-ci est assisté d'un défenseur. Nul ne peut se prévaloir d'un droit à la traduction intégrale de tous les actes de procédure et des pièces du dossier (al. 2 ; ATF 143 IV 117 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_367/2016 du 13 avril 2017 consid. 3.1.).
L'art. 68 al. 2 CPP renvoie aux droits particuliers du prévenu, droits qui découlent pour l'essentiel des art. 32 al. 2 Cst., 6 par. 3 let. a et e CEDH, 14 par. 3 let. a et f PIDCP (RS 0.103.2) ainsi que de la pratique fondée sur ces dispositions. Ces dispositions garantissent à l'accusé le droit d'obtenir gratuitement la traduction de toutes les pièces et déclarations qu'il lui faut comprendre pour assurer efficacement sa défense et bénéficier d'un procès équitable. L'étendue de l'assistance qu'il convient d'accorder à un prévenu dont la langue maternelle n'est pas celle de la procédure doit être appréciée non pas de manière abstraite, mais en fonction des besoins effectifs de l'accusé et des circonstances concrètes du cas (ATF 143 IV 117 consid. 3.1 p. 120 ss et les références; arrêt du Tribunal fédéral 6B_663/2014 du 22 décembre 2017 consid. 8.2.1).
En exigeant une traduction dans une langue que le prévenu comprend, les art. 158 al. 1 CPP et 68 al. 2 CPP n'imposent pas nécessairement une traduction dans sa langue maternelle. Ses compétences dans la langue usitée doivent toutefois être suffisantes pour lui permettre de comprendre les actes de procédure et de communiquer avec l'autorité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_446/2019 du 5 juillet 2019 consid. 1.3).
Le droit à l'assistance d'un interprète appartient à toute personne qui participe à la procédure (soit en particulier le prévenu, une personne appelée à donner des renseignements, une partie plaignante, un tiers séquestré et/ou un témoin) dès qu'elle ne comprend pas la langue de la procédure ou n'est pas en mesure de s'exprimer suffisamment bien dans cette langue. Il appartient au magistrat d'apprécier les connaissances linguistiques du participant à la procédure pour juger de la maîtrise suffisante de la langue – soit de la faculté passive de comprendre et active de s'exprimer –, en prenant en compte les circonstances d'espèce (ATF 145 IV 197 consid. 1.3.3 ; 143 IV 117 consid. 3.1). La seconde phrase de l'art. 68 al. 1 CPP nuance cependant cette obligation pour les "affaires simples ou urgentes", à la double condition que (i) "la personne concernée y consente et [(ii)] que la direction de la procédure et le préposé au procès-verbal maîtrisent suffisamment bien la langue de cette personne". Cette clause d'exception ne devrait être utilisée qu'avec la plus grande retenue (cf. le Message ad ch. 2.2.8.1 [FF 2006 1057 1129]). En cas de doute sur les capacités réelles d'une partie à comprendre un acte de procédure, il n'est pas possible de renoncer à un traducteur. Quant à la notion d'"affaires simples", celle-ci ne dépend pas nécessairement ou pas uniquement du type d'infraction et/ou de la gravité de celle-ci et doit être examinée à chaque fois en fonction des circonstances du cas concret. S'agissant du caractère urgent, il doit notamment être admis lorsque le recours à un interprète conduirait à retarder la procédure au point d'en compromettre l'issue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_564/2022 du 14 février 2023 consid. 3.2).
3.3. Conformément à l'art. 158 al. 1 CPP, au début de la première audition, la police ou le ministère public informent le prévenu, dans une langue qu'il comprend: qu'une procédure préliminaire est ouverte contre lui et pour quelles infractions (let. a) ; qu'il peut refuser de déposer et de collaborer (let. b) ; qu'il a le droit de faire appel à un défenseur ou de demander un défenseur d'office (let. c) ; qu'il peut demander l'assistance d'un traducteur ou d'un interprète (let. d).
Les auditions effectuées sans que ces informations aient été données ne sont pas exploitables (al. 2).
Pour éviter tout risque d'inexploitabilité des déclarations du prévenu (art. 158 al. 2 CPP), l'accord portant sur la renonciation à l'assistance linguistique doit être consigné au procès-verbal (D. EQUEY, L'interprète et le traducteur dans la procédure pénale, SJ 2013 II 431).
3.4. Aux termes de l'art. 141 al. 2 CPP, les preuves qui ont été administrées d'une manière illicite par les autorités pénales ne sont pas utilisables, à moins qu'elles soient indispensables pour élucider des infractions graves. Plus l'infraction est grave, plus l'intérêt public à la découverte de la vérité l'emporte sur l'intérêt privé du prévenu à ce que la preuve soit écartée (ATF 147 IV 9 consid. 1.3.1 et les références citées).
Au stade de l'instruction, une décision constatant l'inexploitabilité de moyens de preuve ne peut être prise que dans des cas manifestes (arrêt du Tribunal fédéral 1B_91/2020 du 4 mars 2020 consid. 2.2 ; N. OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, 4ème éd., Berne 2020, n. 1116 p. 345). La question de la légalité et de l'exploitabilité des moyens de preuve doit en effet en principe être laissée à l'appréciation du juge du fond (art. 339 al. 2 let. d CPP), autorité dont il peut être attendu qu'elle soit en mesure de faire la distinction entre les moyens de preuve licites et ceux qui ne le seraient pas, puis de fonder son appréciation en conséquence (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1 ; 143 IV 387 consid. 4.4). Cette approche se justifie également au regard du principe "in dubio pro duriore", lequel interdit au ministère public, confronté à des preuves non claires, d'anticiper sur l'appréciation des preuves par le juge du fond (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_127/2019 du 9 septembre 2019 consid. 4.1.2 non publié aux ATF 145 IV 462).
Cette règle comporte toutefois des exceptions. Tel est le cas lorsque la loi prévoit expressément la restitution immédiate, respectivement la destruction immédiate, des preuves illicites (cf. notamment l'ancien art. 248 dans sa teneur en vigueur au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881], art. 271 al. 3, 277 et 289 al. 6 CPP). Il en va de même quand, en vertu de la loi ou de circonstances spécifiques liées au cas d'espèce, le caractère illicite des moyens de preuve s'impose d'emblée (ATF 143 IV 475 consid. 2.7 p. 481). De telles circonstances ne peuvent être admises que dans la situation où l'intéressé fait valoir un intérêt juridiquement protégé particulièrement important à un constat immédiat du caractère inexploitable de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 7B_859/2023 du 17 juillet 2024 consid. 1.3.2).
Le principe de la bonne foi en procédure oblige toutefois celui qui constate un vice affectant le déroulement de celle-ci à le signaler aussitôt, sans attendre l'issue de la procédure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_71/2016 du 5 avril 2017 consid. 2.1.3 ; 6B_1066/2013 du 27 février 2014 consid. 3.2).
3.5. En l'espèce, le recourant soutient ne pas avoir bénéficié d'interprètes parlant une langue qu'il aurait comprise lors de ses deux auditions par la police, les 29 avril et 5 août 2024.
S'agissant tout d'abord de sa première audition, en qualité de personne appelée à donner des renseignements, rien, au dossier, ne permet de considérer que le recourant n'aurait pas compris les questions de la police et ne se serait pas exprimé de manière claire sur les faits pour lesquels il entendait déposer plainte. Il ressort en effet du procès-verbal en question, dûment signé par le recourant, qu'il a été correctement informé de ses droits – dont celui de solliciter la présence d'un interprète –, par le biais d'un formulaire, dont il a indiqué avoir pris connaissance et bien compris le contenu. Il a par ailleurs manifesté son accord à ce que la traduction fût effectuée en anglais par un policier, étant ici rappelé que les art. 158 al. 1 et 68 al. 2 CPP n'imposent pas nécessairement qu'une traduction fût effectuée dans la langue maternelle de la personne auditionnée. Si, à un moment ou à un autre de cette audition, le recourant ne comprenait pas les questions qui lui étaient posées, en raison d'un anglais "approximatif" du gendarme, ou s'il n'était pas en mesure de s'exprimer convenablement, ainsi qu'il le prétend, il lui était parfaitement loisible de le signifier au policier, afin que celui-ci pût y mettre un terme ou, à tout le moins, la suspendre, le temps cas échéant qu'un autre interprète fût trouvé. Il ressort de la lecture du procès-verbal en question que, non seulement le recourant n'a émis aucune réserve à cet égard, mais encore qu'il a parfaitement compris les questions qui lui étaient posées, ayant été en mesure de fournir un récit cohérent et détaillé sur les faits survenus le 26 avril 2024, récit qui paraît d'autant plus consistant lorsqu'on l'examine à l'aune des explications fournies lors de sa deuxième audition du 5 août 2024, ainsi que lors de l'audience s'étant tenue le 12 mai 2025 par-devant le Ministère public.
Le même constat s'impose s'agissant de cette seconde audition. Informé une nouvelle fois de ses droits – dont celui de solliciter la présence d'un interprète –, par le biais d'un formulaire, dont il a indiqué avoir pris connaissance et bien compris le contenu, le recourant ne s'est, à aucun moment, opposé à ce que H______ fonctionnât en qualité d'interprète. Si le recourant ne comprenait pas, ou pas suffisamment, le dialecte parlé par l'interprète (farsi), il lui était parfaitement loisible de l'indiquer au policier, cas échéant en sollicitant la présence d'un interprète officiant dans une langue qu'il comprenait. Or, à teneur du procès-verbal d'audition, dûment signé par le recourant, ce dernier n'a, à aucun moment, émis de réserve quant au fait que, faute de maîtriser le farsi, il n'aurait pas compris les faits qui lui étaient reprochés ou les questions qui lui étaient posées, ou encore qu'il n'aurait pas été en mesure de livrer de manière compréhensible sa version des faits. D'emblée invité, lors de cette audition, à se déterminer sur le fait que E______ l'accusait de l'avoir agressé, le 26 avril 2024, en compagnie de plusieurs amis, ainsi que de lui avoir dérobé son téléphone portable, il a fermement contesté les faits, indiquant "ce n'est pas juste du tout. Je vais vous expliquer", avant de fournir des explications détaillées à cet égard, lesquelles se recoupent pour l'essentiel avec celles qu'il avait précédemment fournies lors de sa première audition, ainsi qu'avec celles qu'il donnera le 12 mai 2025 au Ministère public. Ainsi, nonobstant les assertions du recourant, on peut déduire de ce qui précède que celui-ci maîtrisait le dialecte parlé par l'interprète, à tout le moins suffisamment pour le comprendre et s'exprimer de manière parfaitement claire et intelligible.
Les "notes de suite" produites par le recourant ne sont pas de nature à renverser ce constat, celles-ci se rapportant à des entretiens ayant eu lieu en décembre 2022 et mars 2023, soit bien avant la tenue des deux auditions litigieuses. Pour les mêmes raisons, le fait qu'un interprète en langue patcho a dû être convoqué pour l'entretien médical du recourant, le 2 mai 2023, n'est pas déterminant, cela ne signifiant en outre pas que l'intéressé ne parlerait que cette langue, qui serait selon lui sa langue maternelle.
Aucune violation des art. 6 par. 3. let. a et e CEDH, art. 32 al. 2 Cst., art. 3 al. 2 let. c, art. 68 al. 2, art. 141 al. 2 et art. 158 al. 1 CPP n'étant à déplorer, il n'y a pas lieu de déclarer inexploitables les procès-verbaux des auditions des 29 avril et 5 août 2024. Les griefs y relatifs du recourant, tout comme celui à teneur duquel il n'aurait pas compris les charges à lui signifiées, devront ainsi être écartés.
Si tant est que des questions puissent subsister à cet égard, on ne saurait d'emblée retenir que les procès-verbaux litigieux seraient manifestement inexploitables, au point qu'il se justifierait de les écarter du dossier de la procédure. Un tel constat s'impose d'autant plus qu'il convient, au stade de l'instruction, de faire preuve d'une certaine retenue et de réserver cette question au juge du fond, qui, s'il est saisi d'un acte d'accusation à l'encontre du recourant – ce que le Ministère public a annoncé vouloir faire –, pourra examiner la problématique à la lumière de l'ensemble des éléments figurant au dossier.
4. Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
6. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207, consid. 1.8.2), étant précisé qu'il n'en a point sollicités.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.
La greffier : Sandro COLUNI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/20504/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |