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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4640/2024

ACPR/223/2024 du 26.03.2024 sur OTMC/671/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION POUR DES MOTIFS DE SÛRETÉ;CONSTATATION DES FAITS;RISQUE DE FUITE
Normes : CPP.221; CPP.393.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4640/2024 ACPR/223/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 26 mars 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de mise en détention pour des motifs de sûreté rendue le 5 mars 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 18 mars 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 précédent, notifiée deux jours plus tard, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention pour des mesures de sûreté jusqu'au 30 avril 2024.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa libération immédiate.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ est renvoyé en jugement devant le Tribunal de police par acte d'accusation du 1er mars 2024, pour violation de domicile (art. 186 CP), tentative de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 cum 22 CP), tentative de vol (art. 139 ch. 1 cum 22 CP), entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

Il lui est principalement reproché d'avoir, le 18 février 2024, de concert avec deux jeunes mineurs, pénétré sans droit dans un jardin sis à D______ [GE] et tenté d'entrer par effraction dans la maison sise sur cette parcelle pour y dérober des objets et valeurs, étant précisé qu'ils ont été mis en fuite par les cris de l'épouse du plaignant.

b. A______ admet séjourner illégalement en Suisse et avoir commis une violation de domicile ; il avait pour seule intention de trouver un endroit où dormir.

c. Selon le rapport d'arrestation, du 18 février 2024, il n'y avait "pas de vidéosurveillance sur le lieu de l'événement" (p. 7). Un cambriolage ayant été commis plus tôt dans la soirée, à E______ [VD], un contact avait été pris avec les policiers vaudois. Toutefois, il ne "s'agi[ssait] pas des mêmes auteurs" (p. 6).

d. Arrêté le 18 février 2024, A______ a été placé en détention provisoire par ordonnance du TMC du lendemain.

e. L'audience de jugement est fixée par le Tribunal de police au 28 mars 2024. À teneur de l'acte d'accusation, le Ministère public requiert le prononcé d'une peine privative de liberté de 7 mois avec sursis et à l'expulsion de l'accusé durant cinq ans.

f. S'agissant de sa situation personnelle, A______, né en 2004, est de nationalité algérienne, sans domicile fixe et sans documents d'identité.

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu l'existence de charges graves et suffisantes, eu égard aux constatations policières, aux déclarations du plaignant et celles du prévenu, ainsi "qu'aux images à la procédure". Selon les explications du plaignant, son épouse et lui avaient entendu du bruit vers 1 heure du matin, quelqu'un ayant tenté d'ouvrir la porte. Son épouse avait crié et lui-même avait aperçu, depuis le balcon, trois individus, de dos.

Si le prévenu et ses comparses expliquaient être entrés dans la propriété pour trouver un endroit où dormir, sans aucune intention de voler, il n'appartenait pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge, ni d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettaient en cause le prévenu.

Au vu du risque de fuite concret présenté par A______, il se justifiait de maintenir le prévenu en détention avant jugement, afin de s'assurer de sa présence au procès.

D.           a. Dans son recours, A______ relève qu'au vu des éléments figurant dans le rapport d'arrestation, le TMC retenait à tort que les charges étaient graves et suffisantes en se fondant notamment sur des "images à la procédure", qui n'existaient pas. L'autorité précédente ayant constaté les faits de manière inexacte, l'ordonnance devait être annulée. Par ailleurs, l'autorité précédente retenait à tort l'existence de charges suffisantes pour la tentative de dommages à la propriété et de vol, faute de tout élément au dossier. La décision violait, en outre, le principe de la proportionnalité puisque les détentions provisoire et de sûreté ordonnées excédaient "outrageusement" la durée de détention qui serait probablement prononcée pour deux infractions passibles d'une peine pécuniaire.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il "tient pour établi que le prévenu aurait forcé la porte de la villa […] et y aurait volé des biens et valeurs, si la réaction du plaignant et de son épouse ne l'avait mis en fuite". En l'état, les charges étaient suffisantes pour justifier le maintien de A______ en détention avant jugement, et la durée de celle-ci restait proportionnée à la peine menace et concrètement encourue.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance et renonce à formuler des observations.

d. Le recourant persiste dans son recours.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir constaté les faits de manière erronée.

2.1. Aux termes de l'art. 393 al. 2 let. b CPP, le recours peut être formé pour constatation incomplète ou erronée des faits.

Une constatation est erronée (ou inexacte) lorsqu'elle est contredite par une pièce probante du dossier ou lorsque le juge chargé du recours ne peut déterminer comment le droit a été appliqué (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 17 ad art. 393 ; ACPR/609/2015 du 11 novembre 2015 consid. 3.1.1).

2.2. En l'espèce, il est regrettable que le TMC ait mentionné l'existence d'"images à la procédure" qui ne concernaient en réalité pas les faits reprochés au recourant, ce que le rapport d'arrestation exposait clairement. Cela étant, la décision n'en est pas viciée pour autant, puisque l'autorité a listé les autres éléments sur lesquels elle s'est fondée pour retenir des charges suffisantes (constatations policières, déclarations du plaignant et déclarations du prévenu), ce que le recourant admet, puisqu'il reproche à l'autorité de s'être fondée "notamment" sur un élément ne figurant pas au dossier.

Ce grief n'a donc pas de portée.

3.             Le recourant conteste une partie des charges retenues contre lui.

3.1.       Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

3.2.       En l'espèce, le recourant admet les charges de séjour illégal et de violation de domicile. Ces faits constituant deux délits, au sens de l'art. 10 al. 3 CP, les conditions de l'art. 221 al. 1 CPP sont remplies, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant les griefs du recourant s'agissant des autres charges (tentative de dommages à la propriété et tentative de vol) retenues contre lui.

4.             Le recourant ne formule aucune critique quant au risque de fuite retenu par l'ordonnance querellée, de sorte qu'il peut être renvoyé, sur ce point, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art. 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références).

5.             Aucune mesure de substitution, au sens de l'art. 237 al. 1 CPP, n'est à même de pallier le risque très important de fuite, ce que le recourant ne paraît pas contester puisqu'il n'en propose aucune.

6.             Il invoque en revanche une violation du principe de la proportionnalité.

6.1.       À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

6.2.       En l'occurrence, la date de l'audience de jugement est prévue un mois et dix jours après l'arrestation du recourant, ce qui ne viole assurément pas le principe de la proportionnalité, même s'il ne devait être reconnu coupable que des infractions qu'il reconnaît. Au demeurant, la peine concrètement encourue est de 7 mois, telle que requise par le Ministère public, de sorte que la détention ordonnée pour des mesures de sûreté, d'un total de 2 mois et dix jours, n'excède pas la peine prévisible.

7.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

9.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

9.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2.       En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/4640/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

 

Total

CHF

985.00