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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/1000/2023

ACPR/206/2024 du 20.03.2024 sur JTPM/810/2023 ( TPM ) , ADMIS

Descripteurs : CONVERSION DE LA PEINE;DÉNUEMENT;FAUTE
Normes : CP.35; CP.36; CP.106.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/1000/2023 ACPR/206/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 20 mars 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance rendue le 27 novembre 2023 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

 

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 5 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 novembre précédent, notifiée le 1er décembre 2023, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a rejeté son opposition aux ordonnances pénales de conversion n. 1______, 2______, 3______, 4______, 5______, 6______, 7______ et 8______ rendues par le Service des contraventions (ci-après, SdC), et confirmé la conversion des amendes impayées en 2, 7, 1, 1, 1, 1, 2 et 1 jours [soit au total 16 jours] de peine privative de liberté de substitution.

La recourante conclut, préalablement, au bénéfice de l'assistance judiciaire et, principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce que son opposition, ainsi que "le caractère non fautif", soient acceptés.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par ordonnance pénale de conversion d'amende n. 2______ du 6 juin 2023, le SdC a converti en 7 jours de peine privative de liberté de substitution le solde des amendes impayées par A______, d'un total de CHF 640.-, résultant de dix ordonnances pénales prononcées par cette même autorité entre le 25 août et le 9 septembre 2022.

Par suite de l'opposition formée, le 13 juin 2023, par la contrevenante, le SdC a maintenu, le 3 juillet 2023, son ordonnance pénale de conversion et transmis la cause au Tribunal pénal pour qu'il statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition.

a.b. Par ordonnance pénale de conversion d'amende n. 1______ du 7 juin 2023, le SdC a converti en 2 jours de peine privative de liberté de substitution le solde des amendes impayées par A______, d'un total de CHF 140.-, résultant de deux ordonnances pénales prononcées par cette même autorité les 25 août et l4 septembre 2022.

Par suite de l'opposition formée, le 13 juin 2023, par la contrevenante, le SdC a maintenu, le 3 juillet 2023, son ordonnance pénale de conversion et transmis la cause au Tribunal pénal.

a.c. Par ordonnance pénale de conversion d'amende n. 3______ du 14 septembre 2023, le SdC a converti en 1 jour de peine privative de liberté de substitution l'amende impayée par A______, de CHF 40.-, résultant de l'ordonnance pénale prononcée par cette même autorité le 19 octobre 2022.

Par suite de l'opposition formée, le 18 septembre 2023, par la contrevenante, le SdC a maintenu, le 3 octobre 2023, son ordonnance pénale de conversion et transmis la cause au Tribunal pénal.

a.d. Par ordonnance pénale de conversion d'amende n. 4______ du 12 septembre 2023, le SdC a converti en 1 jour de peine privative de liberté de substitution l'amende impayée par A______, de CHF 40.-, résultant de l'ordonnance pénale prononcée par cette même autorité le 10 octobre 2022.

Par suite de l'opposition formée, le 18 septembre 2023, par la contrevenante, le SdC a maintenu, le 3 octobre 2023, son ordonnance pénale de conversion et transmis la cause au Tribunal pénal.

a.e. Par ordonnance pénale de conversion d'amende n. 5______ du 12 septembre 2023, le SdC a converti en 1 jour de peine privative de liberté de substitution l'amende impayée par A______, de CHF 40.-, résultant de l'ordonnance pénale prononcée par cette même autorité le 10 octobre 2022.

Par suite de l'opposition formée, le 18 septembre 2023, par la contrevenante, le SdC a maintenu, le 3 octobre 2023, son ordonnance pénale de conversion et transmis la cause au Tribunal pénal.

a.f. Par ordonnance pénale de conversion d'amende n. 6______ du 12 septembre 2023, le SdC a converti en 1 jour de peine privative de liberté de substitution l'amende impayée par A______, de CHF 40.-, résultant de l'ordonnance pénale prononcée par cette même autorité le 10 octobre 2022.

Par suite de l'opposition formée, le 18 septembre 2023, par la contrevenante, le SdC a maintenu, le 3 octobre 2023, son ordonnance pénale de conversion et transmis la cause au Tribunal pénal.

a.g. Par ordonnance pénale de conversion d'amende n. 7______ du 12 septembre 2023, le SdC a converti en 2 jours de peine privative de liberté de substitution l'amendes impayée par A______, de CHF 120.-, résultant de l'ordonnance pénale prononcée par cette même autorité le 10 octobre 2022.

Par suite de l'opposition formée, le 18 septembre 2023, par la contrevenante, le SdC a maintenu, le 3 octobre 2023, son ordonnance pénale de conversion et transmis la cause au Tribunal pénal.

a.h. Par ordonnance pénale de conversion d'amende n. 8______ du 12 septembre 2023, le SdC a converti en 1 jour de peine privative de liberté de substitution l'amende impayée par A______, de CHF 40.-, résultant de l'ordonnance pénale prononcée par cette même autorité le 10 octobre 2022.

Par suite de l'opposition formée, le 18 septembre 2023, par la contrevenante, le SdC a maintenu, le 3 octobre 2023, son ordonnance pénale de conversion et transmis la cause au Tribunal pénal.

b. Les ordonnances de conversion n. 2______ et 1______ ont été enregistrées sous le numéro de procédure PM/661/2023 et les autres sous le numéro de cause PM/1000/2023.

c. A______ a été citée à comparaître devant le TAPEM le 27 novembre 2023 dans les deux procédures susmentionnées, qui seront finalement jointes sous le second numéro.

d. La demande de A______ de bénéficier d'un défenseur d'office a été refusée par ordonnance du TAPEM du 1er novembre 2023, la précitée n'étant "pas indigente" et l'assistance d'un défenseur n'étant pas justifiée pour sauvegarder ses intérêts.

Communiquée sous pli simple à la précitée, cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

e. Devant le juge, le 27 novembre 2023, A______ a exposé avoir contesté les amendes et fait opposition aux ordonnances pénales y relatives. Elle avait disposé d'une voiture mais pas de parking, après sa séparation. Elle avait "perdu [s]a pharmacie". Elle avait trouvé un arrangement avec le SdC mais les échéances avaient été augmentées alors qu'elle se trouvait à l'Hospice général. Durant une période, elle n'avait plus eu de voiture, avant qu'une association ne lui en mette une à disposition. Elle avait demandé un macaron, mais il n'y avait plus de place de parking. Elle avait trouvé un travail, mais une saisie sur salaire trop élevée lui avait été imposée, de sorte qu'elle ne pouvait pas payer les amendes. Elle a finalement conclu en ces termes : "Je veux que vous constatiez le caractère fautif de ces amendes".

f. Par lettre du 28 novembre 2023, A______ a complété son audition de la veille. Elle contestait "le caractère fautif du non paiement" des amendes et estimait que la menace d'emprisonnement du SdC, depuis 2020, était inconstitutionnelle. Elle avait été au bénéfice d'un arrangement de paiement pour les amendes, de CHF 100.- par mois, mais après "[s]a tragédie du 12.12.2018" [date à laquelle la garde de sa fille lui a été retirée], elle s'était retrouvée à l'Hospice général. Elle avait demandé que l'arrangement soit diminué à CHF 50.- par mois, mais le SdC avait demandé que ce montant soit de CHF 600.- et avait ajouté des frais judiciaires exorbitants. Jusqu'à ce jour, elle essayait d'être entendue et de trouver un accord "logique". Elle avait formulé toutes sortes d'oppositions mais n'avait jamais été entendue devant le Tribunal pénal.

Elle utilisait le véhicule d'une association sans but lucratif, qui disposait d'un macaron mais le canton vendait plus de macarons que de places disponibles, ce qui n'était "pas normal".

Après avoir émargé à l'Hospice général puis avoir réussi à s'en sortir, son salaire était saisi au-delà de CHF 3'480.-.

C. Dans sa décision querellée, le TAPEM a retenu que les motifs invoqués par la précitée n'étaient pas pertinents, dès lors qu'ils relevaient du fond, lequel avait été tranché par une décision entrée en force, si bien que son opposition devait être rejetée. Se fondant sur le taux de conversion proposé par la doctrine, soit 1 jour de détention pour CHF 100.- d'amende, le juge a confirmé les 7, 2, 1, 1, 1, 1, 2 et 1 jours de peine privative de liberté de substitution ordonnés par le SdC, pour un solde d'amendes de CHF 640.-, CHF 140.-, CHF 40.-, CHF 40.-, CHF 40.-, CHF 40.-, CHF 120.- et CHF 40.-.

D. a. Dans son recours, A______ expose qu'il "n'y a pas absence d'opposition" et qu'il "y a un problème arbitraire avec les contraventions qui dure depuis 2020". Par ailleurs, le non-paiement des amendes ne relevait pas d'un "caractère fautif". Elle déplore que le juge lui ait refusé l'assistance d'un avocat, alors qu'il ordonnait son emprisonnement.

Elle expose qu'au début de sa séparation d'avec le père de sa fille, elle était propriétaire d'une pharmacie au centre-ville, puis avait émargé à l'Hospice général, de mai 2019 à décembre 2021. Actuellement, elle était sous saisie de salaire et à nouveau à l'Hospice. Elle remplissait dès lors les conditions pour bénéficier de l'assistance judiciaire. De plus, un emprisonnement, donc une violation de la liberté, nécessitait une nomination d'office. Elle reproche en outre au TAPEM d'être tombé dans l'arbitraire, ses droits étant bafoués si elle devait être emprisonnée, et d'avoir violé son droit d'être entendue.

b. Le TAPEM maintient les termes de son jugement et renonce à formuler des observations.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le droit d'être entendu de A______ n'avait nullement été violé, cette dernière ayant pu s'exprimer sur la cause, devant le juge puis par écrit, le lendemain. La recourante n'alléguait aucun grief permettant de remettre en cause la validité des ordonnances de conversion et elle n'expliquait pas, de manière intelligible, pour quel motif le non-paiement des amendes ne serait pas fautif. Au surplus, le TAPEM n'était pas compétent pour se prononcer sur la validité des ordonnances pénales rendues par le SdC ni sur le montant des amendes. En tous les cas, la recourante n'avait pas cherché à trouver un arrangement de paiement avec le SdC. De plus, bien que se disant indigente, elle n'avait produit aucun document actualisé permettant d'établir quelles étaient ses charges actuelles et celles couvertes par son "association à but non lucratif", par exemple la mise à disposition d'un logement gratuit qui lui permettait de sous-louer son propre logement.

d. Le SdC conclut au rejet du recours.

e. Dans sa réplique, A______ invoque, en premier lieu, la partialité, de longue date, de la Première Procureure B______ ayant rédigé les observations du Ministère public et demande sa récusation "avec effet rétroactif au 14 septembre" (sic). En effet, la magistrate avait, précédemment, accepté un dossier dans lequel elle avait un intérêt, pour essayer d'"étouffer l'affaire"; avait essayé de traumatiser sa fille [celle de la recourante] deux jours avant son anniversaire "pour bien plaire le père"; avait écrit dans son procès-verbal qu'elle [la recourante] n'avait pas comparu sans être excusée, ce qui était faux; et avait demandé sa mise en détention provisoire de manière injustifiée et abusive.

A______ expose, ensuite, avoir toujours voulu payer les amendes mais ne pouvoir le faire car elle avait été, et était toujours, à l'Hospice général ; il n'y avait pas de mauvaise intention de sa part. Elle contestait "les frais", car elle ne les "mérit[ais] pas". Elle avait toujours voulu trouver un arrangement et collaborer avec le SdC, en vain. Elle avait proposé de travailler douze heures par jour à la place de trois jours d'emprisonnement, car son but était d'aider au maintien de l'ordre et non l'inverse.

EN DROIT :

1.             Le TAPEM est compétent pour connaître de l'opposition à une conversion d'amende prononcée par le SdC (art. 41 al. 1 LaCP ; ACPR/112/2019 du 8 février 2019 consid. 3.1).

Le jugement rendu en cette matière par le TAPEM en application de l'art. 36 CP constitue une décision judiciaire indépendante (art. 363 CPP), laquelle est susceptible, au plan cantonal, d'un recours au sens de l'art. 393 al. 1 let. b CPP auprès de la Chambre de céans (arrêt du Tribunal fédéral 6B_293/2012 du 21 février 2013).

Déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par la condamnée, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP), le recours est recevable.

2.             La recourante invoque, en premier lieu, une violation, par l'autorité précédente, de son droit d'être entendue. Elle a toutefois été auditionnée par le TAPEM le 27 novembre 2023. Aucune violation de ce droit, selon l'art. 29 al. 1 Cst., n'est ainsi réalisée.

La lettre de la recourante, du 28 novembre 2023, est postérieure à la décision querellée. Or, l'art. 29 al. 1 Cst. n'octroie pas à la partie auditionnée le droit d'écrire ultérieurement, de manière spontanée, pour compléter ce qui n'aurait pas été dit à l'audience.

Le fait que la recourante n'ait pas été suivie par l'autorité précédente ne constitue pas non plus une violation du droit d'être entendu.

Ce grief est dès lors infondé.

3.             La recourante demande, en second lieu, la récusation de la Procureure ayant rédigé les observations pour le compte du Ministère public, au motif que cette magistrate serait partiale. Les arguments soulevés ont toutefois déjà été examinés dans les différents arrêts rendus par la Chambre de céans sur les précédentes demandes de récusation visant ladite Procureure (cf. arrêts ACPR/790/2023 du 11 octobre 2023; ACPR/663/2023 du 21 août 2023; ACPR/366/2023 et ACPR/367/2023 du 17 mai 2023; ACPR/897/2022 du 22 décembre 2022), de sorte que la demande, si tant est qu'elle soit recevable, est infondée.

4.             La recourante requiert, en troisième lieu, la défense d'office pour la procédure de recours.

4.1. Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s. = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44).

4.2. En l'espèce, sans même examiner la question de l'indigence, force est de retenir que la recourante ne remplit pas les conditions susmentionnée, la cause ne présentant aucune difficulté particulière sur le plan des faits et du droit. Preuve en est, d'ailleurs, l'issue du recours déposé par la recourante, en personne.

5.             La recourante reproche, en dernier lieu, à l'autorité précédente d'avoir validé la conversion d'amendes prononcée par le SdC.

5.1. Sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de CHF 10'000.- (art. 106 al. 1 CP). Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (al. 2). Les art. 35 et 36 CP sont applicables par analogie à l’exécution et à la conversion de l’amende (al. 5).

5.2. Si le condamné ne paie pas la peine pécuniaire dans le délai imparti, l'autorité d'exécution intente contre lui une poursuite pour dettes, pour autant qu'un résultat puisse en être attendu (art. 35 al. 3 CP).

Dans la mesure où le condamné ne paie pas la peine pécuniaire et que celle-ci est inexécutable par la voie de la poursuite pour dettes (art. 35 al. 3 CP), la peine pécuniaire fait place à une peine privative de liberté. Un jour-amende correspond à un jour de peine privative de liberté. Le paiement ultérieur de la peine pécuniaire entraîne une réduction proportionnelle de la peine privative de liberté de substitution (art. 36 al. 1 CP). La peine pécuniaire est prononcée par une autorité administrative, un juge doit statuer sur la peine privative de liberté de substitution (art. 36 al. 2 CP).

5.3. À la suite de la réforme du droit des sanctions du 1er janvier 2018, l'art. 106 CP est resté inchangé, nonobstant l'abrogation des alinéas 3 à 5 de l'art. 36 aCP (non-paiement non fautif de la peine pécuniaire), ce qui a créé une situation différenciée incohérente entre les peines pécuniaires et les contraventions.

La doctrine est partagée sur le maintien de la notion de faute à l'art. 106 CP. Certains auteurs prônent la conversion "automatique" sans égard à l'existence d'une faute du contrevenant alors que d'autres considèrent que l'art. 106 al. 2 CP devrait continuer à s'appliquer conformément à son texte – lequel subordonne la conversion de l'amende au non-paiement fautif de celle-ci –, la notion d'absence de faute correspondant à la péjoration involontaire de la capacité économique du condamné depuis le prononcé du jugement (cf. à ce sujet, et pour les références, l'ACPR/567/2020 du 25 août 2020 consid. 2.2.2. et 2.5).

Dans un arrêt 6B_179/2020 du 18 mai 2020 consid. 1.3, le Tribunal fédéral a constaté que si l'art. 36 al. 3 aCP – qui était jusqu'au 31 décembre 2017 applicable par analogie à l'exécution et à la conversion de l'amende (cf. art. 106 al. 5 CP) – avait été supprimé, l'art. 106 al. 2 CP évoquait toujours l'absence de paiement de l'amende "de manière fautive". Il s'agissait sans doute d'une incohérence causée par la modification de l'art. 36 CP, laquelle avait été décidée – dans le cadre de la réforme du nouveau droit des sanctions – lors des débats parlementaires, contre l'avis du Conseil fédéral (cf. BO CN 2013 1597 ss; cf. aussi YVAN JEANNERET, La réforme de la réforme du droit des sanctions : la peine à la peine ?, RPS 2015 345, 352 s.). Quoi qu'il en soit, selon certains auteurs, il était douteux que la condition posée par l'art. 106 al. 2 CP eût disparu simplement en raison de la modification d'un article applicable par analogie (cf. STEFAN HEIMGARTNER, in Basler Kommentar, Strafrecht I, 4e éd. 2019, no 17 ad art. 106 CP). Il a donc renvoyé la cause à la Chambre de céans, afin qu'elle complète sa motivation et expose si et dans quelle mesure une peine privative de liberté de substitution pouvait, en l'occurrence, au regard de l'art. 106 al. 2 CP, être prononcée. Ce renvoi a donné lieu à l'ACPR/567/2020 précité, dans lequel il a été constaté que le contrevenant ne présentait pas une impossibilité non fautive et subséquente de payer l'amende. Se sont ensuivies deux décisions dans lesquelles la question de l'impossibilité non fautive subséquente a été examinée (cf. ACPR/332/2022 du 9 mai 2022 et ACPR/306/2021 du 7 mai 2021).

5.4. S'agissant de la quotité de la conversion, dans la mesure où le Code pénal n’établit aucune base de calcul pour la conversion d’une amende en peine privative de liberté, la doctrine, se fondant, d’une part sur le montant maximum de CHF 10'000.- de l’amende contraventionnelle fixé par l'art. 106 al. 1 CP, et, d’autre part, sur la durée maximale de la peine privative de liberté de substitution (art. 106 al. 2 CP), propose de retenir qu’une somme de CHF 100.- (CHF 111.- arrondis à un montant plus aisément utilisable) correspond à un jour de peine privative de liberté, et ainsi de suite par tranche de CHF 100.- (BÄNZIGER/HUBSCHMID/ SOLLBERGER, Zur Revision des allgemeinen Teils des schweizerischen Strafrechts und zum neuen materiellen Jugendstrafrecht, Berne 2006, p. 83-84), arrondi au jour supérieur.

5.5. En l'espèce, seule la conversion des amendes en peine privative de liberté fait l'objet de la présente procédure, les amendes elles-mêmes étant définitives. Partant, les griefs soulevés par la recourante à l'égard du SdC et des ordonnances pénales rendues par ce dernier sont exorbitantes au litige.

La recourante expose que sa situation financière s'est dégradée de mai 2019 à décembre 2021, période durant laquelle elle s'était retrouvée à l'assistance publique, ainsi que récemment, puisqu'elle déclare être à nouveau au bénéfice de l'Hospice général. Lors de l'audience du 27 novembre 2023, elle a évoqué cette situation, qui n'est nullement examinée dans l'ordonnance querellée.

La recourante soutient en outre que le non-paiement des amendes ne relèverait pas d'un "caractère fautif", faisant ici référence au critère de l'art. 106 al. 2 CPP. Or, dans la mesure où l'autorité précédente n'a pas du tout examiné la situation financière de la recourante, il n'est pas possible de déterminer si l'on se trouve en présence d'une impossibilité non fautive et subséquente de payer l'amende, au sens évoqué par la jurisprudence sus-rappelée.

Partant, le recours sera admis sur ce point et la cause renvoyée à l'autorité précédente, pour qu'elle dise si et dans quelle mesure, au regard de la situation financière de la recourante, une peine privative de liberté de substitution pouvait en l'occurrence, conformément à l'art. 106 al. 2 CP, être prononcée.

Si le TAPEM devait parvenir à la conclusion que tel est le cas, il lui appartiendrait alors d'expliquer pour quel motif, alors que les causes ont été jointes et que, par conséquent, le solde des amendes s'élève à CHF 1'100.- (640 + 140 + 40 + 40 + 40 + 40 + 120 + 40), la quotité de la peine privative de liberté ne devrait pas être de 11 jours, plutôt que les 16 jours (2, 7, 1, 1, 1, 1, 2 et 1) retenus par l'ordonnance querellée.

6.             Fondé, le recours doit être admis ; partant, l'ordonnance querellée sera annulée.

7.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

8. Agissant en personne, la recourante ne justifie pas de frais de défense, de sorte qu'aucune indemnité n'est due de ce chef (art. 429 al. 1 let. a CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la demande d'assistance juridique pour la procédure de recours.

Rejette la requête de récusation contre la Procureure B______.

Admet le recours, annule l'ordonnance querellée et renvoie la cause au Tribunal d'application des peines et des mesures pour nouvelle décision au sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, au Tribunal d'application des peines et des mesures, au Ministère public et au Service des contraventions.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).