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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/1387/2020

ACPR/306/2021 du 07.05.2021 sur JTPM/180/2021 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : CONVERSION DE LA PEINE;AMENDE;BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE;EPIDEMIE ET VIRUS (MALADIE)
Normes : CP.106; CP.35; CP.36.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/1387/2020 ACPR/306/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 7 mai 2021

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me E______, avocate,

recourante,

contre l'ordonnance rendue le 15 mars 2021 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

 

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3686, 1211 Genève 3,

 

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 29 mars 2021 au greffe de la Chambre de céans, A______ recourt contre l'ordonnance rendue le 15 mars 2021, notifiée le 17 suivant, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a confirmé la conversion d'une amende impayée d'un total de CHF 2'060.- en 21 jours de peine privative de liberté de substitution.

La recourante conclut à l'annulation de ladite ordonnance et à ce qu'une prolongation de délai de 24 mois lui soit octroyée pour le paiement de l'amende.

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a. Par ordonnance pénale n° 1______ du 27 février 2020, le Service des contraventions (ci-après : SdC) a condamné A______ à une amende d'un montant total de CHF 2'060.-, plus les frais, pour inattention avec mise en danger, accident et dégâts matériels légers et devoirs en cas d'accident non remplis, commis du 2 au 3 novembre 2019 au volant de son véhicule automobile.

Cette décision, faute de paiement et d'opposition, est entrée en force.

b. Par ordonnance du 9 novembre 2020, notifiée à A______ le 13 suivant, le SdC a converti le solde de l'amende de CHF 2'060.- en 21 jours de peine privative de liberté de substitution.

c. Par courrier du 16 novembre 2020, A______ y a formé opposition.

d. Par ordonnance du 15 décembre 2020, le SdC a maintenu la conversion aux motifs que l'ordonnance pénale était exécutoire; que le plan de paiement accordé à l'intéressée n'ayant pas été respecté, il avait été levé; et que la procédure de recouvrement était inexécutable par la voie de poursuite pour dettes (acte de défaut de biens définitif ou provisoire délivré ou procédure de faillite en cours). Il a donc transmis la procédure au Tribunal pénal pour qu'il statue sur la validité de l'ordonnance pénale de conversion et de l'opposition, concluant au maintien de ladite ordonnance.

e. Invitée par le TAPEM à lui faire part de ses observations sur la requête du SdC en conversion de l'amende en peine privative de liberté de substitution, A______, a, par courrier du 19 mars 2021 de son conseil, indiqué ne pas pouvoir payer l'amende, vu ses très faibles moyens financiers. Elle n'avait plus de revenu et était aidée par l'Hospice général. En outre, elle avait été expulsée de son logement récemment. Elle sollicitait l'annulation de l'ordonnance pénale de conversion ou, à défaut, l'octroi d'un nouvel arrangement de paiement.

C. Dans son jugement querellé, le TAPEM a rappelé sa compétence et qu'il statuait sur la validité de l'ordonnance pénale de conversion, sans cependant pouvoir revoir le montant de l'amende fixé dans l'ordonnance pénale n° 1______, assimilée à un jugement entré en force faute d'avoir été contestée à temps. L'indigence n'était pas une condition d'exemption de peine et A______ n'invoquait pas de motifs permettant de remettre en cause la décision. L'opposition à l'ordonnance de conversion formée par l'intéressée était rejetée.

D. a. Par courrier du 26 mars 2021 adressé au Service de l'assistance juridique, A______, par la voix de son conseil, a sollicité sa désignation comme avocat d'office et lui a transmis le formulaire de situation personnelle. Elle souhaitait interjeter recours contre le jugement précité.

b. Dans une note datée du 29 mars 2021, le greffe de l'assistance juridique, qui a constaté que A______ était bénéficiaire de prestations sociales (Hospice général), a transmis, pour raison de compétence, la demande au TAPEM, qui a constaté que la procédure devant lui était terminée.

E. À l'appui de son recours, A______ allègue ne pas pouvoir payer le montant de l'amende pour le moment. En raison de la pandémie, elle avait été contrainte de fermer son bar, le D______, sis 4______ à Genève, qui était tombé en faillite. Elle avait également été expulsée de son logement et était aidée par l'Hospice général. Elle n'était pas responsable de son indigence, qui était le résultat des mesures imposées par la Confédération en raison de la pandémie.

F. a. A______, assistée de son même conseil, Me E______, fait l'objet d'une autre procédure pénale P/2______/2020 dans laquelle elle a été renvoyée en jugement par le Ministère public le 12 janvier 2021 par-devant le Tribunal de police pour escroquerie, tentative d'escroquerie et détournement de cotisations salariales dues à la caisse de compensation. Il lui est reproché notamment d'avoir, le 26 mars 2020, en agissant au nom et pour le compte de la société B______ - active dans l'exploitation de cafés, bars et restaurants -, dont elle était administratrice présidente, souscrit deux demandes de CREDIT-COVID 19 en indiquant de manière mensongère un chiffre d'affaires estimé à CHF 500'000.-, respectivement CHF 300'000.-, et une masse salariale de CHF 240'000.-, et s'être enrichie de façon illégitime en affectant l'aide perçue (CHF 36'000.-) à d'autres fins que celles pour lesquelles de tels crédits étaient prévus, à savoir garantir les besoins courants en liquidité de B______, étant relevé que, selon le Ministère public, B______ connaissait des difficultés financières depuis bien avant le début de la situation pandémique.

b. À teneur de l'extrait du registre du commerce de B______, la Cour de justice civile a annulé, le 2 mars 2020, le jugement déclaratif de faillite rendu le 4 novembre 2019 par le Tribunal de première instance. La société a cependant été dissoute par suite de faillite prononcée par le Tribunal de première instance le 22 mars 2021. Dans l'arrêt précité du 2 mars 2020 (ACJC/376/2020), rendu dans la procédure C/3______/2019 dans laquelle la société comparaissait également par le conseil précité, il est constaté que A______ est administratrice présidente avec signature individuelle et C______, administrateur avec signature individuelle, de B______; que cette dernière est inscrite au Registre du commerce le ______ 2017; qu'elle est sise 4______ à Genève et exploite un bar l'enseigne D______ située à la même adresse (consid. C.a.). En outre, il en ressort qu'à teneur d'un extrait au 20 novembre 2019 du registre des poursuites concernant B______, celle-ci faisait l'objet à cette date de trente-neuf poursuites (dont dix-huit au stade de l'ouverture de la poursuite) pour un total de 413'614 fr. 15. La liste comprenait deux comminations de faillite et six actes de défaut de biens visant des charges sociales et des impôts. Quatre poursuites portaient sur des montants inférieurs à CHF 271.- (consid. B.d.).

G. a. Par pli du 22 avril 2021, la Direction de la procédure de la Chambre de céans a informé le conseil de A______ que l'autorité de recours entendait prendre en considération l'acte d'accusation rendu dans la P/2______/2020 ainsi que l'arrêt rendu par la Cour de justice civile le 2 mars 2020 dans la C/3______/2019, lesquels lui étaient du reste connus puisqu'elle représentait sa cliente dans ces deux procédures également. Un délai pour s'exprimer lui était imparti.

b. A______, par la voix de son conseil, a répondu, par courrier du 30 avril 2021, que sa cliente était l'administratrice de B______, dans le but était la gestion du D______, un bar restaurant. Elle admettait que cette société avait rencontré des difficultés financières dans le passé. Toutefois, tant que l'établissement était ouvert, sa cliente avait pu payer les charges. C'étaient les mesures imposées par la Confédération qui avaient conduit à sa faillite, soit à l'impossibilité, non coupable, pour elle, de régler le montant de l'amende. S'agissant de la prise en compte de l'acte d'accusation, elle en prenait note, précisant qu'elle en contestait le contenu et demanderait son acquittement au procès.

c. La cause a ensuite été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             1.1. En dépit de l'abrogation de l'art. 3 let. a LaCP avec effet au 1er janvier 2017, le TAPEM est compétent pour connaître de l'opposition à une conversion d'amende prononcée par le SdC (art. 41 al. 1 LaCP), puisque le SdC est une autorité administrative, au sens de l'art. 17 al. 1 CPP (art. 11 al. 1 LaCP), qui est habilitée à prendre les décisions ultérieures (art. 363 al. 2 CPP), le TAPEM devant dans ce contexte appliquer la procédure des art. 363 à 365 CPP (ACPR/112/2019 du 8 février 2019 consid. 3.1).

Le jugement rendu en cette matière par le TAPEM en application de l'art. 36 CP constitue une décision judiciaire indépendante (art. 363 CPP), laquelle est susceptible, au plan cantonal, d'un recours au sens de l'art. 393 al. 1 let. b CPP auprès de la Chambre de céans (arrêt du Tribunal fédéral 6B_293/2012 du 21 février 2013).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par la condamnée, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. La recourante conteste le non-paiement fautif de l'amende. Sa situation financière se serait péjorée avec la pandémie.

3.1. Selon l'art. 106 CP, le juge du fond est tenu, lorsqu'il fixe une amende - laquelle est nécessairement ferme (art. 105 al. 1 CP) -, de prononcer dans son acte, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne s'en acquitterait pas, une peine privative de liberté de substitution (al.  2). Pour chiffrer celles-ci, il doit tenir compte de la situation de l'auteur - singulièrement de sa capacité financière au moment du jugement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_547/2012 du 26 mars 2013 consid. 3.4; M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 6 et s. ad art. 106) - afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3). Les art. 35 et 36 al. 2 à 5 CP - relatifs à l'exécution et à la conversion de la peine-pécuniaire - s'appliquent par analogie à l'amende (al. 5).

En vertu de l'art. 35 CP, l'autorité d'exécution fixe au condamné un délai pour le règlement de [l'amende]; elle peut autoriser le paiement par acomptes et, sur requête, prolonger ce délai (al. 1). Si l'intéressé ne paie pas dans le délai imparti, elle intente contre lui une poursuite pour dettes, pour autant qu'un résultat puisse en être attendu (al. 3).

Lorsqu'une contravention est inexécutable par cette dernière voie, elle fait place à une peine privative de liberté de substitution, d'après une clé de conversion de 1 jour pour CHF 100.- d'amende (R. ROTH/ L. MOREILLON (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, Bâle 2009, n. 19 ad art. 106 et les références citées à la note de bas de page n. 47).

En vertu de l'art. 36 al. 2 CP, lorsque [l'amende] est prononcée par une autorité administrative, un juge doit statuer sur la peine privative de liberté de substitution.

3.2. À la suite de la réforme du droit des sanctions du 1er janvier 2018, l'art. 106 CP est resté inchangé, nonobstant l'abrogation des alinéas 3 à 5 de l'art. 36 aCP (non-paiement non fautif de la peine pécuniaire), ce qui a créé une situation différenciée incohérente entre les peines pécuniaires et les contraventions.

La doctrine est toutefois partagée sur le maintien de la notion de faute à l'art. 106 CP. Certains auteurs prônent la conversion "automatique" sans égard à l'existence d'une faute du contrevenant alors que d'autres considèrent que l'art. 106 al. 2 CP devrait continuer à s'appliquer conformément à son texte - lequel subordonne la conversion de l'amende au non-paiement fautif de celle-ci, la notion d'absence de faute correspondant à la péjoration involontaire de la capacité économique du condamné depuis le prononcé du jugement (cf. à ce sujet et pour les références l'ACPR/567/2020 du 25 août 2020 consid. 2.2.2. et 2.5).

3.3. En l'espèce, cette controverse peut rester indécise ici.

À supposer que la conversion doive intervenir indépendamment de toute faute, le prononcé d'une peine privative de liberté de substitution de 21 jours - quotité qui n'est pas critiquée par la recourante - serait justifié.

Dans l'hypothèse inverse, l'existence d'une faute devrait être admise. En effet, il apparaît que la situation financière de la société B______, dont la recourante était administratrice unique et qui exploitait un bar à l'enseigne D______, était obérée en 2019 déjà, preuve en sont les considérations de la Cour de justice civile dans son arrêt du 2 mars 2020 relatives aux très nombreuses poursuites d'un montant conséquent auxquelles la société faisait face en 2019. C'est du reste également la conclusion à laquelle parvient le Ministère public dans son acte d'accusation rendu dans le cadre de la P/2______/2020.

Si les restrictions sanitaires liées à la pandémie ont pu contraindre l'intéressée à fermer son bar, celle-ci échoue à démontrer que l'indigence dont elle se prévaut aujourd'hui (perte de son logement et aide de l'Hospice général) serait imputable à la crise sanitaire seule et, partant, que le non-paiement de l'amende litigieuse par ses soins ne serait pas fautif.

4. Infondé, le recours doit être rejeté.

5. À teneur de l'art. 132 al. 1 let. b, al. 2 et al. 3 CPP, la peine contraventionnelle à laquelle la recourante s'expose ne remplit pas les critères d'une défense d'office, même en cas d'indigence de l'intéressée, faute de gravité et de complexité en fait ou en droit.

Partant, il n'y a pas lieu de lui accorder une défense d'office pour la présente procédure de recours.

6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, y compris un émolument de décision de CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), la procédure de demande d'assistance juridique étant gratuite (art. 20 RAJ).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Tribunal d'application des peines et mesures.

Le communique pour information au Service des contraventions et au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/1387/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

600.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

685.00