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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6178/2023

ACPR/186/2024 du 13.03.2024 sur OCL/1491/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;INDUCTION DE LA JUSTICE EN ERREUR;DÉNONCIATION CALOMNIEUSE
Normes : CPP.382; CPP.319; CP.304; CP.303

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6178/2023 ACPR/186/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 13 mars 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

B______, domiciliée ______ [GE], représentée par Me Daniela LINHARES, avocate, MALBUISSON Avocats, Galerie Jean-Malbuisson 15, case postale 1648, 1211 Genève 1,

recourants,

contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 2 novembre 2023 par le Ministère public,

et

C______, domiciliée ______ [GE], représentée par Me D______, avocate,

E______, domiciliée ______ [GE], représentée par Me Isaline OTTOMANO, avocate, Etude Ottomano, rue de Candolle 36, 1205 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. a. Par actes séparés, expédié pour l'un, respectivement déposé pour l'autre, le 13 novembre 2023, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance rendue le 2 novembre 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de la procédure à l'égard de C______ s'agissant des faits susceptibles d'être qualifiés de dénonciation calomnieuse (chiffre 1 du dispositif), laissé les frais de la procédure à la charge de l'État (chiffre 2), rejeté la requête en indemnisation de A______ (chiffre 3) et donné acte à C______ de ce qu'elle renonçait à solliciter une quelconque indemnisation (chiffre 4).

A______ conclut, sous suite de frais et indemnités, à l'annulation des chiffres 1 et 3 dudit dispositif et au renvoi de la cause au Ministère public pour complément d'instruction, respectivement à la condamnation de C______ pour dénonciation calomnieuse.

B______ conclut, sous suite de frais et indemnité équitable, à l'annulation des chiffres 1 et 3 précités et au renvoi de la cause au Ministère public pour complément d'instruction, respectivement à la condamnation de C______ pour dénonciation calomnieuse ou induction de la justice en erreur.

b. Les recourants ont chacun versé les sûretés en CHF 800.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le 16 mars 2023, B______ a déposé plainte contre sa voisine, C______, en raison d'une altercation survenue le même jour à leur domicile.

a.b. Entendue par la police, B______ a expliqué qu'avec son compagnon, A______, ils étaient les victimes, depuis 2019, de nuisances sonores provenant du logement de la famille C______/E______. Malgré de multiples demandes visant à ce que les enfants de cette famille fassent moins de bruit, aucune mesure n'avait été prise par les parents pour remédier à la situation. Ils s'étaient ainsi rendus plusieurs fois à leur domicile pour discuter, mais avaient essuyé des injures et une totale indifférence de la part des intéressés. Ils avaient alors écrit aux régies concernées et sonné à la porte des précités à chaque fois qu'ils étaient dérangés par le bruit.

Le 16 mars 2023, elle avait subi une agression physique de la part de C______, laquelle lui avait occasionné des lésions traumatiques.

b.a. Le 21 mars 2023, C______ a déposé plainte contre ses voisins, A______ et B______, pour violation de domicile, lésions corporelles simples et tentative de contrainte.

Elle était victime, ainsi que sa famille, d'un acharnement psychologique et physique de la part des précités. Ces derniers leur reprochaient de faire trop de bruit et exerçaient des pressions à leur encontre, vraisemblablement dans le but de les forcer à quitter leur logement. Ces pressions s'étaient intensifiées au fil des mois et s'apparentaient désormais à une persécution obsessionnelle. A______ et B______ se rendaient ainsi régulièrement devant leur appartement et tentaient de les intimider en frappant contre la porte ou en sonnant de façon incessante, durant de longues minutes. Depuis le 23 décembre 2022, ils s'étaient livrés à ce type de comportement au moins à dix reprises. L'intensité et la durée de ces nuisances rendaient la situation invivable.

Le 16 mars 2023, elle avait subi, ainsi que sa fille mineure, E______, une agression physique de la part de B______.

En raison du comportement des précités, sa famille vivait dans un climat de peur et d'appréhension. Elle avait d'ailleurs été obligée de modifier ses habitudes et d'adopter des manœuvres d'évitement pour ne pas croiser ses voisins.

À l'appui de sa plainte, elle a produit différentes vidéos dans lesquelles il est possible d'entendre la sonnette retentir de manière discontinue sur plusieurs minutes, ainsi que des coups portés contre la porte, et un constat médical du Dr F______ du 20 mars 2023 la concernant, lequel décrit, sur le plan psychique, un état anxieux marqué de la patiente, accompagné de troubles du sommeil et de bouffées d'angoisse.

b.b. Entendue par la police le 24 mars 2023, C______ a expliqué que, depuis la mi-décembre 2022, B______ et A______ tapaient régulièrement, avec leurs pieds et poings, sur la porte de son domicile, cela durant 15 à 20 minutes.

À la suite des événements du 16 mars 2023, elle ne se sentait plus en sécurité et était d'ailleurs suivie, ainsi que ses enfants, par un psychologue.

b.c. Le 4 avril 2023, C______ a déposé un complément de plainte contre B______ pour diffamation en raison des propos que cette dernière avait tenus à son égard auprès de sa fille, puis de la régie, à la suite des événements du 16 mars 2023.

Elle a par ailleurs déposé une plainte, au nom et pour le compte de sa fille, contre la précitée pour voies de fait, voire lésions corporelles simples.

c. Entendu par la police le 13 avril 2023, A______ a expliqué que lui et sa compagne n'avaient jamais exercé de pression pour faire déménager la famille C______/E______. Ils n'allaient trouver leurs voisins que lorsque ceux-ci faisaient trop de bruit et que les nuisances se prolongeaient. Ils sonnaient à la porte et, lorsque la sonnette était désactivée et que personne n'ouvrait, ils frappaient contre celle-ci.

d.a. Entendus par le Ministère public le 19 juin 2023, les parties ont, en substance, maintenu leurs déclarations. A______ et B______ ont par ailleurs déposé plainte contre C______ pour dénonciation calomnieuse et diffamation en raison de propos que cette dernière avait tenus durant l'audience.

d.b. Par courriers des 31 août 2023, respectivement 1er septembre 2023, B______ et A______ ont complété leur plainte.

Ils contestaient les faits qui leur était reprochés. Ils souhaitaient uniquement que la famille C______/E______ respecte les usages et la tranquillité des lieux. À aucun moment, ils n'avaient demandé à ce que la famille soit expulsée de son logement. C______ n'avait aucune volonté de trouver une issue amiable au litige qui les opposait. Elle cherchait uniquement à leur nuire. Aussi, et dans la mesure où le comportement qu'ils avaient adopté ne relevait pas des infractions dénoncées et que C______ avait elle-même provoqué la situation litigieuse, la plainte de la précitée était constitutive de diffamation, dénonciation calomnieuse et induction de la justice en erreur.

e.a. Par avis de prochaine clôture, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement en ce qui concernait les faits susceptibles d'être qualifiés de tentative de contrainte, voire de contrainte, à l'endroit de B______ et A______. Il en allait de même en ce qui concernait les faits susceptibles d'être qualifiés notamment de dénonciation calomnieuse à l'endroit de C______. Il entendait en revanche rendre une ordonnance pénale à l'encontre de B______ et C______ pour les faits en lien avec l'altercation du 16 mars 2023.

e.b. Dans ses observations du 6 octobre 2023, C______ a pris des conclusions en indemnisation visant au défraiement de son conseil, ainsi qu'à la réparation de son dommage et du tort moral subi.

Le Dr F______ avait constaté plusieurs séquelles psychologiques à la suite de l'agression du 16 mars 2023 qu'il considérait être compatibles avec un état de stress aigu et nécessitant une prise en charge psychologique urgente. Ce diagnostic, consacré dans un certificat médical du 18 août 2023, avait été confirmé par G______, psychologue-psychothérapeute FSP dans une attestation datée du 22 août 2023.

e.c. A______ et B______ ont quant à eux conclu à la mise en prévention de C______ pour dénonciation calomnieuse et diffamation, et sollicité leur indemnisation.

f.a. Par ordonnance pénale du 31 octobre 2023, B______ a été déclarée coupable de lésions corporelles simples, violation de domicile et voies de fait en lien avec les événements du 16 mars 2023. Quant à C______, elle a été déclarée coupable de lésions corporelles simples par ordonnance pénale du 2 novembre 2023.

f.b. Les précitées ayant formé opposition à l'encontre desdites décisions, la procédure est toujours en cours.

g.a. Par ordonnances des 31 octobre et 2 novembre 2023, le Ministère public a ordonné le classement de la procédure à l'égard de A______ et B______ s'agissant des faits susceptibles d'être qualifiés de tentative de contrainte, voire de contrainte.

Il était établi – et admis par les parties – que celles-ci avaient progressivement rencontré des difficultés dans leurs rapports de voisinage, lesquelles s'étaient fortement accentuées au fil du temps. Il était également établi, à teneur du dossier et des vidéos versées par C______, que A______ et B______ étaient intervenus à diverses reprises à son domicile, en sonnant et/ou frappant à la porte palière de façon insistante, durant plusieurs minutes – ce qu'ils ne contestaient pas. En revanche, il ne ressortait pas de la procédure que ces agissements se soient étendus sur une longue période, mais plutôt sur une courte période précédant le 16 mars 2023. Or, le seul fait de sonner de manière incessante, sur une courte période, était insuffisant pour retenir un comportement obsessionnel. Partant, la condition du moyen de contrainte illicite faisait défaut. De surcroît, il était prouvé que l'objectif final des précités n'était pas de faire expulser de l'immeuble C______ et sa famille, mais de faire cesser les prétendues nuisances sonores. Finalement, C______ n'avait pas été entravée dans sa liberté d'action.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient qu'aucun élément dans la procédure ne permettait d'établir que les allégations de C______ quant aux pressions psychologiques dénoncées étaient fausses. Certes, une ordonnance de classement avait été rendue à l'égard de A______ et B______ pour ces faits, mais principalement car ceux-ci ne réunissaient pas les éléments constitutifs de la tentative de contrainte, voire de la contrainte, et non parce que les propos rapportés par C______ étaient contraires à la vérité. Dans tous les cas, rien ne permettait de prouver qu'elle ne se sentait pas victime de pressions de la part de ses voisins.

En ce qui concernait les faits relatifs à E______, ceux-ci étaient établis à teneur du dossier et une ordonnance pénale avait été rendue à l'encontre de B______. Quand bien même ces derniers auraient fait l'objet d'un classement, il ne saurait être prouvé que C______ connaissait la fausseté de ces accusations, dès lors qu'elle s'était limitée à dénoncer ce que sa fille lui avait répété.

Dans la mesure où la plainte pénale de A______ était classée et que C______ n'était pas condamnée aux frais de la procédure, la requête en indemnisation du précité fondée sur l'art. 433 CPP devait être rejetée, son indemnisation sous l'angle de l'art. 429 CPP devant quant à elle faire l'objet d'un examen dans le cadre de l'ordonnance de classement rendue à l'endroit de A______.

D. a. À l'appui de leurs recours respectifs, A______ et B______ développent des griefs identiques.

C______ n'avait jamais démontré avoir été victime de pressions psychologiques, pas plus qu'elle n'avait produit de pièces prouvant qu'elle était suivie sur le plan psychologique. Les vidéos produites n'y changeaient rien, dans la mesure où l'on ignorait quand elles avaient été tournées et qui sonnait à la porte de la famille C______/E______.

C______ connaissait parfaitement la fausseté de ses accusations. Partant, c'était en toute connaissance de cause qu'elle avait dénoncé les faits en question, son intention étant de faire ouvrir une procédure pénale contre eux pour contrainte, voire tentative de contrainte. Le fait que le Ministère public avait ouvert une instruction suffisait dès lors à ce que l'infraction de dénonciation calomnieuse soit réalisée.

Dans ces circonstances, la précitée devait être condamnée aux frais de la procédure, ainsi qu'au défraiement des frais de défense de A______, lesquels s'élevaient, après déduction du montant alloué au terme de l'ordonnance de classement du 31 octobre 2023, à CHF 8'385.10.

b. Le Ministère public conclut au rejet des recours, sous suite de frais.

c. Dans ses observations, C______ conclut au rejet des recours, sous suite de frais et indemnité.

Les conditions de la dénonciation calomnieuse n'étaient pas remplies. Des pressions psychologiques ne suffisaient en effet pas à constituer un moyen illicite de contrainte et l'innocence de A______ et B______ n'était pas établie au moment du dépôt de sa plainte. Quoi qu'il en soit, elle se sentait bel et bien victime d'un acharnement psychologique et physique de la part de ses voisins et pensait qu'ils agissaient dans le but de les faire quitter leur logement, de sorte qu'elle n'avait commis aucune infraction en déposant plainte contre eux.

Aux termes de ses écritures, elle sollicitait l'indemnisation de son conseil pour la procédure de recours à hauteur de 16h30 d'activité au tarif horaire de CHF 450.-, soit un total de CHF 7'425.- hors taxes.

d. Dans ses observations, E______ conclut, sous suite de frais, au rejet des recours.

e. Dans sa réplique, B______ persiste dans les termes de son recours.

EN DROIT :

1.             1.1. Les recours ont été interjetés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), à l'encontre d'une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2.1. Reste à savoir si les recourants, parties plaignantes (art. 104 al. 1 let. b CPP) ont qualité pour agir (art. 382 al. 1 CPP).

1.2.2. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre
celle-ci.

Tel est, en particulier, le cas du lésé qui s'est constitué demandeur au pénal
(art. 104 al. 1 let. b cum 118 al. 1 CPP). La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. Est atteint directement dans ses droits le titulaire du bien juridique protégé par la norme, même si ce bien n'est pas unique. Il suffit, dans la règle, que le bien juridique individuel dont le lésé invoque l'atteinte soit protégé secondairement ou accessoirement, même si la disposition légale protège en première ligne des biens juridiques collectifs. En revanche, celui dont les intérêts privés ne sont atteints qu'indirectement par une infraction qui ne lèse que des intérêts publics, n'est pas lésé au sens du droit de procédure pénale (ATF 145 IV 491 consid. 2.3 et 2.3.1). Pour être directement touché, le lésé doit en outre subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie. Les personnes subissant un préjudice indirect ou par ricochet n'ont donc pas le statut de lésé et sont des tiers n'ayant pas accès au statut de partie à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_576/2018 du 26 juillet 2019 consid. 2.3).

1.2.3. L'art. 304 CP a pour but la protection exclusive de la justice pénale, soit un intérêt collectif (ACPR/738/2018 du 10 décembre 2018 consid. 4.2; ACPR/813/2016 du 23 décembre 2016 consid. 1.3.ii. et ACPR/194/2022 du 21 mars 2022,
consid. 2.2; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 1
ad art. 304; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER /
M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 1 ad art. 304), et non un intérêt individuel, tel que l'honneur.

1.3. En l'occurrence, on peine à comprendre si les recourants reprochent au Ministère public de ne pas avoir appréhendé les faits reprochés à C______ sous l'angle de l'art. 304 CP. Quoi qu'il en soit, les recourants n'étant pas directement lésés par l'infraction précitée, leur recours est irrecevable sur ce point.

Il en va de même de la conclusion de B______ visant à l'annulation du chiffre 3 de l'ordonnance querellée, dans la mesure où elle n'est pas lésée par la décision du Ministère public relative à l'indemnisation de A______.

Pour le surplus, leur recours est recevable, les recourants étant directement touchés par l'infraction de dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), qui tend à protéger non seulement l'administration de la justice, mais également la personne qui se prétend faussement accusée dans divers biens juridiquement protégés, tels l'honneur
(ATF 132 IV 20 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_243/2015 du 12 juin 2015 consid. 2.2).

2.             2.1. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition doit être appliquée conformément au principe in dubio pro duriore, qui signifie qu'en principe un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 146 IV 68 consid. 2.1; 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

2.2. Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu et lorsqu'il n'est pas possible d'estimer que certaines dépositions sont plus crédibles que d'autres, le principe
"in dubio pro duriore" impose en règle générale, au stade de la clôture de l'instruction, que le prévenu soit mis en accusation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1177/2017 du 16 avril 2018 consid. 2.1).

Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis typiquement "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective (arrêts du Tribunal fédéral 6B_732/2018 du 18 septembre 2018; 6B_179/2018 du 27 juillet 2018 [violences conjugales]; 6B_193/2018 du 3 juillet 2018 [contrainte sexuelle]). Il peut toutefois être renoncé à une mise en accusation lorsque la partie plaignante fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles, ou encore lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre version comme étant plus ou moins plausible et qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_174/2019 du 21 février 2019 consid. 2.2 et 6B_116/2019 du 11 mars 2019 consid. 2.1).

Pour le surplus, en cas de contexte conflictuel entourant le dépôt d'une plainte, il convient de considérer avec une certaine prudence les allégations des protagonistes et de ne les retenir que si elles sont corroborées par d'autres éléments objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 1B_267/2011 du 29 août 2011 consid. 3.2).

2.3.  L'art. 303 ch. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse quiconque aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

Sur le plan objectif, une dénonciation est composée de deux éléments soit qu'une dénonciation soit faite et qu'elle fasse porter l'accusation sur une personne innocente. La dénonciation n'est calomnieuse que si la personne mise en cause est innocente, en ce sens qu'elle n'a pas commis les faits qui lui sont faussement imputés, soit parce que ceux-ci ne se sont pas produits, soit parce qu'elle n'en est pas l'auteur. Est "innocent" celui qui a été libéré par un jugement d'acquittement ou par le prononcé d'un classement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_483/2020 du 13 octobre 2020
consid. 1.1.1). Une dénonciation pénale n'est pas punissable du seul fait que la procédure pénale ouverte consécutivement à la dénonciation est classée. L'infraction n'est réalisée que si l'innocence de la personne dénoncée a été constatée dans une procédure précédente (ATF 136 IV 170 consid. 2.2).

Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Il ne suffit donc pas qu'il ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son affirmation est inexacte. Aussi, le dol éventuel ne suffit pas
(ATF 136 IV 170 consid. 2.1). Par ailleurs, l'auteur doit agir en vue de faire ouvrir une poursuite pénale contre la personne qu'il accuse injustement. Le dol éventuel suffit quant à cette intention (arrêt du Tribunal fédéral 6B_324/2015 du 18 janvier 2016 consid. 2.1). L'art. 303 CP n'exige pas tant l'innocence de la personne dénoncée que la connaissance certaine de cette innocence par l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1003/2017 du 20 août 2018 consid. 4.2). En l'absence d'aveu, l'élément subjectif se déduit d'une analyse des circonstances permettant de tirer, sur la base des éléments extérieurs, des déductions sur les dispositions intérieures de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_502/2017 du 16 avril 2018 consid. 2.1).

2.4.  En l'espèce, les recourants reprochent au Ministère public d'avoir classé la procédure à l'égard de C______ s'agissant des faits susceptibles d'être qualifiés de dénonciation calomnieuse, alors-même que la précitée connaissait la fausseté de ses allégations.

Or, les recourants ont reconnu être intervenus à plusieurs reprises au domicile de C______ – quel qu'en soit le motif – en sonnant et/ou frappant à la porte d'entrée de façon insistante durant plusieurs minutes, ce qui a pu engendrer un sentiment de stress et d'anxiété chez l'intimée et sa famille – ce d'autant plus au vu des rapports litigieux que les parties entretenaient depuis plusieurs années et qui s'étaient détériorés depuis plusieurs mois. Qui plus est, à l'appui de ses écritures, la précitée a produit plusieurs attestations qui confirment l'existence, chez elle, d'un "état de stress aigu". Le fait que ces visites médicales aient eu lieu postérieurement à l'altercation du 16 mars 2023 et de son dépôt de plainte ne change rien au constat précité. Partant, rien à teneur du dossier ne permet de douter des dires de C______ selon lesquels elle aurait été particulièrement atteinte dans sa santé, physique et psychique, par le comportement des recourants.

D'ailleurs, si un classement a été rendu à l'égard de B______ et A______ s'agissant des faits susceptibles d'être qualifiés de contrainte, voire de tentative de contrainte, ce n'est pas parce que les faits reprochés n'étaient pas établis, mais parce que ces derniers n'étaient pas suffisants, en eux-mêmes et sur leur durée, pour remplir les conditions de l'infraction précitée, cela même sous la forme de la tentative.

Partant, force est de constater que les éléments constitutifs de la dénonciation calomnieuse ne sont pas remplis, la condition subjective faisant notamment défaut. Quoi qu'il en soit, aucun acte d'enquête ne permettrait de parvenir à une conclusion contraire au vu de la nature des faits dénoncés et du contexte conflictuel entourant la procédure.

Vu l'issue du recours, il ne sera pas entré en matière sur la requête en indemnisation de A______.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Les recourants, qui succombent, supporteront, par moitié chacun, les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

5.             5.1. L'intimée, prévenue, qui obtient gain de cause, a droit à une juste indemnité pour ses frais d'avocat, conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP).

5.2. Lors de la fixation de l'indemnité, le juge ne doit pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

5.3. En l'espèce, C______ conclut à l'octroi d'une indemnité totale de
CHF 8'023.29, TVA incluse, correspondant à 16h30 d'activité au tarif horaire de
CHF 450.- pour un chef d'Étude.

À l'appui de sa demande, C______ fait état de différents postes, dont les activités sont mélangées de sorte qu'il est peu aisé de distinguer le temps alloué à chacune d'elle. Quoi qu'il en soit, le montant sollicité apparaît excessif eu égard au fait que le dossier était connu du conseil de l'intimée, que les faits et le droit ne présentent pas de complexité particulière, et que les recours, de même que les observations déposées par l'intimée, sont similaires.

Dans ces circonstances, une indemnité de CHF 2'432.25 (TVA comprise), correspondant a 5 heures d'activité au tarif horaire de CHF 450.- apparaît suffisante.

Cette indemnité sera mise à la charge de l'État (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.5 et 4.2.6), la partie plaignante qui succombe devant l'autorité de recours n'ayant pas à supporter l'indemnité des frais de défense du prévenu lorsque la décision attaquée est une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière (ATF 139 IV 45
consid. 1.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1267/2019 du 13 mars 2020 consid. 2.2.1; 6B_105/2018 du 22 août 2018 consid. 4).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours formés par A______ et B______ contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 2 novembre 2023 par le Ministère public.

Les rejette.

Condamne A______ et B______, par moitié chacun, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'600.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Alloue à C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 2'432.25, TVA incluse, pour l'instance de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, B______ (soit pour elle son conseil), C______ (soit pour elle son conseil), E______ (soit pour elle son conseil), et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6178/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

40.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'485.00

Total

CHF

1'600.00