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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10865/2023

ACPR/596/2023 du 28.07.2023 sur OMP/10758/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10865/2023 ACPR/596/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 28 juillet 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, France, représentée par Me Roxane SHEYBANI, avocate, OratioFortis Avocates, rue Etienne-Dumont 22, 1204 Genève,

recourante,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'office rendue le 7 juin 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 19 juin 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner la défense d'office en sa faveur.

La recourante conclut, avec suite de frais et dépens, préalablement à l'octroi de l'assistance juridique; principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour une nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance pénale du 21 mai 2023, le Ministère public a condamné A______ à une peine pécuniaire de 40 jours-amende - sous déduction d'un jour de détention avant jugement - à CHF 30.- le jour, avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu'à une amende de CHF 400.- pour vol, vol d'importance mineure (art. 139 cum 172ter CP) et infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et al. 3 LEI.

En substance, il lui est reproché d'avoir, le 20 mai 2023, de concert avec B______, dérobé de la marchandise dans deux magasins, à Genève, représentant une valeur de CHF 953.60 pour l'un et CHF 199.60 pour l'autre.

Il est également reproché à A______, de ne pas avoir été en possession de papiers d'identité valables indiquant sa nationalité.

b. Entendue par la police, A______ a partiellement admis les faits.

c. Le 30 mai 2023, par l'intermédiaire de son conseil, elle a formé opposition à l'ordonnance pénale, demandant simultanément à être mise au bénéfice de l'assistance juridique.

d. Le 5 juin 2023, elle a transmis sa demande d'assistance juridique, produisant des pièces justificatives sur sa situation personnelle.

e. Lors de l'audience tenue le 7 juin 2023, assistée de son conseil, A______ a contesté l'ordonnance pénale.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a laissé ouverte la question de l'indigence, puisque la cause ne présentait pas de difficultés particulières juridiques ou de fait et que la prévenue était donc à même de se défendre efficacement seule. La cause était, en outre, de peu de gravité et n'exigeait pas la désignation d'un défenseur d'office, dès lors que l'intéressée n'était passible que d'une peine privative de liberté maximale de 4 mois ou d'une peine pécuniaire maximale de 120 jours-amende.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que l'ordonnance querellée ne remettant pas en question son indigence, cette dernière était établie. L'autorité précédente s'est fondée sur une interprétation erronée de l'art. 132 al. 3 CPP en retenant que toute cause devait être qualifiée de peu de gravité si le prévenu encourait moins qu'une peine privative de liberté de 4 mois ou une peine pécuniaire de moins de 120 jours-amende. L'ordonnance n'avait également pas pris en considération sa capacité effective à se défendre seule. Or, elle n'avait pas été à même de présenter les motifs de son opposition sans l'aide de son conseil, ce qui était ressorti de l'audience du 7 juin 2023. Enfin, en partant du principe que, de manière générale, une affaire serait de peu de gravité si la peine encourue était inférieure au seuil de l'art. 132 al. 3 CPP, l'autorité précédente procédait à une exclusion systématique du droit à une défense d'office, ce qui était contraire à l'art. 36 Cst.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. À teneur de l'art. 132 al. 1 let. b CPP, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts.

La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1). Il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe "notamment"), en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention, s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêts du Tribunal fédéral 1B_12/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3.1 ; 1B_374/2018 du 4 septembre 2018 consid. 2.1). La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_360/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.1).

2.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. En particulier, il convient de s'attacher à la peine concrètement encourue et non à la seule peine-menace prévue par la loi (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire du CPP, 2e éd., 2016, n. 30 ad art. 132). La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure.

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

2.3. En l'espèce, contrairement à ce que soutient la recourante, son indigence n'a pas été établie, dès lors que le Ministère public a laissé la question ouverte. Toutefois, au vu de ce qui suit, la Chambre de Céans peut, également, se dispenser d'examiner si cette condition est réalisée, la deuxième, cumulative, prévue par l'art. 132 al. 2 CPP, ne l'étant pas.

En effet, la recourante n'est passible que d'une amende et d'une peine pécuniaire de 40 jours-amende - sous déduction d'un jour de détention avant jugement -, ce qui est bien inférieur au seuil prévu par l'art. 132 al. 2 CPP, de sorte que la cause est de peu de gravité.

En outre, l'examen des circonstances du cas d'espèce permet de retenir que la cause ne présente pas de difficultés particulières, du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, que la recourante ne serait pas en mesure de résoudre seule. Les faits et dispositions applicables sont clairement circonscrits et ne présentent aucune difficulté de compréhension ou d'application. La recourante s'est déjà exprimée à leur égard, reconnaissant partiellement les faits. Elle a ainsi parfaitement compris ce qui lui était reproché et a donné des explications précises.

Au surplus, c'est à tort que la recourante se plaint d'une exclusion systématique du droit à une défense d'office dans les cas dont la peine encourue est inférieure à une peine privative de liberté de 4 mois ou d'une peine pécuniaire de 120 jours-amende, dès lors que l'adverbe "notamment" permet de tenir compte d'autres motifs que ceux énoncés à l'art. 132 al. 2 CPP, indépendamment de la gravité de l'affaire, situation qui n'est pas réalisée ici.

3.             Le recours doit ainsi être rejeté, ce que la Chambre de céans pouvait décider sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 a contrario CPP).

4.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).