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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9435/2023

ACPR/505/2023 du 28.06.2023 sur OMP/8911/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9435/2023 ACPR/505/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 28 juin 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me Romain JORDAN, avocat, Étude MERKT [&] Associés, rue Général-Dufour 15, case postale 619, 1211 Genève 4,

recourante

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 15 mai 2023 par le Ministère public

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 26 mai 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 6 précédent, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner la défense d'office en sa faveur.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à ce que Me Romain JORDAN soit désigné d'office à sa défense, dès le 12 mai 2023.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             Par ordonnance pénale du 8 mai 2023, A______ a été déclarée coupable de violation de la loi sur les chiens, pour n’avoir pas attaché son chien en laisse et l’avoir promené sans muselière, à B______ [GE], le 15 février 2023, et a été condamné à une amende.

b.             Le reproche d’avoir, dans ces mêmes circonstances, causé un dommage intentionnel à la propriété (la mort d’un autre canidé auquel son chien s’en était pris) n’a pas été retenu et bénéficie d’une non-entrée en matière. Le 21 juin 2023, le Ministère public avisera la Chambre de céans qu’il rétractait cette décision-là.

c.              Entendue par la police, A______ avait admis les faits. Elle avait envoyé une lettre d’excuses pour avoir manqué le délai fixé pour justifier de sa situation personnelle.

d.             Représentée par Me Romain JORDAN, elle a formé opposition à l’ordonnance pénale, demandant simultanément à ce que ce dernier lui soit nommé d’office.

e.              Dans l’intervalle, le Service de la consommation et des affaires vétérinaires a prononcé le séquestre définitif du chien. A______ a attaqué cette décision par-devant la chambre administrative de la Cour de justice.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public retient que, si elle ne semblait pas disposer des moyens nécessaires à rémunérer un défenseur, A______ était en revanche partie à une cause qui ne présentait pas de difficultés particulières, juridiques ou de fait, et qu’elle était donc à même de se défendre efficacement seule. La cause était, en outre, de peu de gravité et n'exigeait pas la désignation d'un défenseur d'office, la peine encourue n'étant passible que d'une amende.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que d’autres motifs que l’indigence ou la difficulté de la cause peuvent justifier une défense d’office. Ainsi, dès lors que l’autorité administrative ne pourrait pas sans autre s’écarter des faits constatés par le juge pénal, elle devait pouvoir contester ceux retenus dans l’ordonnance pénale, ce qui nécessitait l’assistance d’un avocat d’office.

Elle produit la décision administrative prononçant le séquestre de son chien en raison de manquements répertoriés depuis l’été 2020 à ses obligations de détentrice, ainsi que l’acte de recours qu’elle a interjeté contre cette décision. On lit dans la décision administrative que les résultats du test de maîtrise et de comportement du chien en mars 2023 s’avéraient « encore pires » que ceux de la précédente évaluation

b. À réception, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Ministère public une violation de l’art. 132 al. 3 CPP.

2.1.       À teneur de l'art. 132 al. 1 let. b CPP, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts.

L'art. 132 al. 3 CPP prévoit qu'en tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois, ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende.

La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1). Il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe « notamment »), en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention, s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêts du Tribunal fédéral 1B_12/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3.1 ; 1B_374/2018 du 4 septembre 2018 consid. 2.1). La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_360/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.1).

2.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. En particulier, il convient de s'attacher à la peine concrètement encourue et non à la seule peine menace prévue par la loi (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire du CPP, 2e éd., 2016, n. 30 ad art. 132). La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. La jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi – qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes – ferait ou non appel à un avocat.

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

Plus est importante l’atteinte aux intérêts personnels, moins sont élevées les exigences pour admettre une défense d’office, et inversement (ATF 143 I 164 consid. 2.1).

2.3. En l'espèce, la question déterminante ne porte ni sur l’impécuniosité de la recourante, puisque le Ministère public ne l’a pas niée, ni sur le caractère de bagatelle de l’infraction poursuivie, puisque celle-ci est passible exclusivement de l’amende.

Quelles que soient les raisons qui ont conduit à l’ouverture d’une procédure administrative, il doit être relevé que la recourante n’a rien nié des événements du 15 février 2023. Elle a été entendue par la police en français, sans le concours d’un interprète, et sa lettre manuscrite accompagnant les pièces justificatives de sa situation personnelle ne laisse pas transparaître de difficulté avec cette langue. Son acte de recours à la Chambre administrative contient à trois reprises l’admission formelle de sa responsabilité dans la survenue des faits (p. 9 allégué n° 37 : « la recourante a adressé un courriel [au Service de la consommation et des affaires vétérinaires] pour leur [sic] confirmer l’évènement, admettant dès lors sa responsabilité » ; p. 11 allégué n° 47 : « elle ne contestait pas les faits étant reprochés » ; et p. 21 allégué n° 66 : elle « a pris elle-même l’initiative de contacter l’autorité [ ] afin de reconnaître ses torts »).

La cause (pénale) ne devient pas complexe, ni même déjà difficile, simplement parce qu’une procédure administrative en retrait de la garde du chien est parallèlement en cours. À teneur de son acte de recours à la Chambre administrative, la recourante n’a pas demandé l’assistance judiciaire pour cette procédure-là. La place que tiennent les événements précités dans la décision prise par l’autorité administrative est relative, puisque ce sont bien, à la lire, les omissions et manquements successifs de la recourante, depuis 2020, à se plier aux injonctions et décisions formelles d’éducation de l’animal qui ont conduit au séquestre de celui-ci. L’attaque est l’événement qui a conduit l’autorité administrative à constater les dérobades reprochées et à relever que les résultats de l’évaluation de la recourante au test de maîtrise et de comportement du chien en mars 2023 s’avéraient « encore pires » que ceux de la précédente évaluation.

En outre, la privation par voie d’autorité de la détention d’un animal de compagnie n’a pas été causée uniquement par les faits du 15 février 2023, mais par la succession d’événements rappelés dans la décision administrative et ne saurait être placée sur le même pied que la possible révocation d’une autorisation professionnelle en raison de la procédure pénale.

Pour le surplus, la rétractation de la non-entrée en matière ne change rien à ce qui précède, en tant qu’elle semble se fonder sur les mêmes pièces du dossier administratif du chien que celles produites de son côté par la recourante, et que l’état de fait pertinent reste inchangé, à savoir les faits du 15 février 2023.

3.             De ce qui précède, il résulte que le recours doit être rejeté. Comme tel, il pouvait être traité d’emblée par la Chambre de céans, sans échange d’écritures ni débats (art. 390 al. 2 a contrario CPP).

4.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ), quand bien même les moyens soulevés en l’espèce ne sont pas exempts de témérité au sens de cette disposition.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son défenseur, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président ; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).