Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/23690/2021

ACPR/274/2023 du 13.04.2023 sur OTMC/781/2023 ( TMC ) , REFUS

Recours TF déposé le 26.04.2023, rendu le 12.05.2023, REJETE, 1B_210/2023
Descripteurs : RISQUE DE COLLUSION;DÉBAT DU TRIBUNAL;PROCÉDURE ÉCRITE;ADMINISTRATION DES PREUVES
Normes : CPP.221; CPP.397.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23690/2021 ACPR/274/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 13 avril 2023

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocat,

recourant

contre l'ordonnance rendue le 17 mars 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3

intimés

 


EN FAIT :

A.           Par acte déposé le 30 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 précédent, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a autorisé son placement en détention provisoire jusqu’au 15 juin 2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à sa libération immédiate, subsidiairement sous mesures de substitution, très subsidiairement au renvoi de la cause au premier juge.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.             Sous mandat d’amener depuis le 15 juin 2022, A______, ressortissant belgo-suisse né en 2000, domicilié à Genève et étudiant en ______ à l’Université, a été appréhendé le 15 mars 2023, pour avoir, à E______ [GE], le 4 janvier 2022, sur le site de l’exploitation d’une gravière, bouté le feu à des engins de chantier, qui seront mis hors d’usage, en avoir endommagé et saboté d’autres et avoir sprayé d’inscriptions menaçantes et insultantes des façades de bureaux. Il a constamment refusé de s’exprimer, sauf à contester les faits reprochés. Son ADN a été relevé sur l’embouchure d’un bidon d’essence (il a demandé la suppression et la destruction de cette analyse, au moyen d’un recours pendant par-devant la Chambre de céans). Un gant, saisi non loin de véhicules calcinés, comporte des traces ADN qui ne correspondent pas à son profil.

b.             Dans la colocation où il résidait, la police a découvert des bidons d’essence et saisi des téléphones portables, des clés USB et un ordinateur. L’exploitation du contenu de certains des appareils électroniques est suspendue à une décision sur les scellés qui y ont été apposés à la demande de la défense ; A______ avait refusé d’en donner les codes d’accès. Dans une lettre qu’il lui a envoyée à la prison de B______, son colocataire lui écrit qu’« on a trop pas vu le truc venir » (sic).

c.              Le résultat de données rétroactives de téléphonie montre que le téléphone portable de A______ a activé des antennes du secteur le plus proche de la gravière, dans la soirée du 25 décembre 2021, ainsi qu’à proximité d’un autre site de l’exploitant, à F______ [GE].

d.             Le casier judiciaire de A______ ne comporte aucune condamnation, mais signale une ordonnance pénale (frappée d’opposition et dont le traitement est joint à la présente procédure), rendue par suite d’un sprayage sur la façade d’un centre commercial.

C. Dans l'ordonnance attaquée, le TMC retient que les charges qui pèsent sur A______ sont graves. L’intéressé avait agi de concert avec des inconnus et ne coopérait pas. Le risque de collusion avec ceux-ci était élevé, nonobstant l’écoulement du temps, car il pouvait tabler jusqu’à son arrestation que la police ne remonterait pas jusqu’à lui. Aucune mesure de substitution n’offrait de palliatif au danger de collusion. Une détention provisoire pour la durée de trois mois était proportionnée.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ demande à titre préalable qu’une audience publique soit convoquée, et son père, entendu, car disposé à l’héberger et à témoigner de « l’impact » de son arrestation sur sa famille. Il était accusé d’infractions dont le mobile politique était « manifeste ». Sous l’angle du risque de collusion, rien ne montrait que « l’infraction » du 4 janvier 2022 aurait été commise par une pluralité d’individus. Un gant était un élément commun à tout chantier. Des comparses n’existaient « probablement » pas, et un site internet avait appelé tout « militant » à se débarrasser d’objets ou données « incriminants ». La police avait attendu neuf mois avant d’exécuter le mandat d’amener, délai « extraordinairement long » qui démontrait l’inanité du risque de collusion. Plus la détention se prolongerait, plus la mobilisation de personnes proches ou de solidaires s’accroîtrait, augmentant d’autant la diffusion des motifs de sa détention. Une assignation à résidence chez son père, avec un bracelet électronique et l’interdiction d’utiliser des appareils électroniques et de contacter tout tiers, constituerait des mesures de substitution adéquates, car toute éventuelle personne impliquée dans les faits reprochés devrait se rendre en ce lieu « en cachette », prenant ainsi le risque d’être identifiée (sic) et de faire renvoyer durablement le prévenu en prison. Des visites aléatoires de la police ne seraient pas disproportionnées.

A______ a fait parvenir, outre l’impression de la page internet susmentionnée, une attestation écrite de son père, se déclarant prêt à couper toute connexion wifi et à ne pas accueillir « des connaissances » de son fils à la maison.

b. Le Ministère public propose de rejeter le recours.

c.              Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre remarque.

d.             A______ déclare renoncer à répliquer.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 384 let. a, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant demande une audience lors de laquelle son père devrait témoigner.

2.1.       Selon l’art. 397 al. 1 CPP, la procédure de recours est écrite.

L'art. 29 al. 2 Cst. (qui n’est au demeurant pas invoqué) ne confère aucun droit à l'oralité de la procédure (ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 428 et les arrêts cités) ; il ne donne notamment pas aux parties le droit de s'exprimer verbalement devant l'autorité appelée à prendre une décision (ATF 125 I 209 consid. 9b p. 219). Le stade du recours ne justifie pas à lui seul de se distancer de la jurisprudence relative au droit d'être entendu en matière de prolongation de la détention provisoire. Dans une telle situation, contrairement à ce qui prévaut lors de la procédure initiale de placement en détention (art. 225 al. 5 CPP; art. 31 al. 3 Cst. et art. 5 § 3 CEDH) ou lors de l'examen d'une demande de libération (art. 228 al. 4 CPP), les garanties conventionnelles (cf. art. 5 § 4 CEDH; ATF 126 I 172 consid. 3b et 3c p. 174 s.) et constitutionnelles (cf. art. 29 al. 2 Cst.; ATF 134 I 140 consid. 5.3 p. 148) n'imposent pas à l'autorité de procéder à une audition du prévenu : la tenue d'une audience est laissée à l'appréciation de l'autorité, qui peut statuer sur la base du dossier et des écritures des parties, si elle s'estime suffisamment renseignée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_26/2017 du 8 février 2017 consid. 2.1.1. et les références).

2.2.                Or, tel est le cas, en l’espèce : le mémoire de recours est complet et exhaustif, et le recourant a eu la possibilité de répliquer par écrit, sans limitation de moyens, aux déterminations des autorités précédentes ; il a produit pendant le cours de l’instance une attestation écrite de son père, dont l’audition s’avère dès lors superflue, étant relevé que les conséquences d’une détention provisoire sur l’entourage familial seraient d’autant moins pertinentes que le recourant ne vivait plus avec sa famille, mais en colocation.

On ne voit pas quel autre motif eût pu justifier des débats, au sens de l'art. 390 al. 5 CPP, dès lors que le recourant a invoqué son droit au silence, tout en se prévalant, si on le comprend bien, d’un mobile politique à des actes qu’il nie avoir commis. On ne pourrait donc s’attendre à aucun développement verbal pertinent de sa part sur les charges recueillies contre lui ou sur les comparses dont il est soupçonné de s’être entouré.

3.             À cet égard, le recourant ne revient pas sur les indices qui permettent de soupçonner sa participation aux faits du 4 janvier 2022, lesquels ne sont pas constitutifs d’une seule infraction, comme il paraît le croire, mais de plusieurs, et dont l’une au moins, l’incendie intentionnel (art. 221 CP), est un crime (art. 10 al. 2 CP), ayant causé davantage qu’un dommage de peu d’importance, au sens de l’art. 221 al. 3 CP.

Il n'y a donc pas à s'attarder sur ce point, mais à renvoyer, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art. 82 al. 4 CPP ; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références), qui expose les indices graves et concordants pesant sur le recourant.

4.             Le recourant affirme que le risque de collusion n’existe pas.

4.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

4.2.       En l'espèce, le risque de collusion ne disparaît pas du seul fait que le recourant, par son avocat, tient pour improbable la participation d’un tiers au moins. Le profil ADN prélevé sur un gant retrouvé à proximité de véhicules calcinés est, en l’état, l’indice qu’il n’était pas seul sur les lieux, ce soir-là. Son affirmation selon laquelle la présence d’un gant sur ce « chantier » (recte : cette gravière) serait relativement commune n’est pas déterminante, puisqu’il se prévaut lui-même d’un appel diffusé sur internet après son arrestation, pressant tout « militant » de se débarrasser au plus vite de ce qui serait « incriminant ». Son colocataire, dans sa missive, ne cache pas avoir été surpris de le voir soudain comme démasqué. C’est dire, en d’autres termes, que les actes illicites dont est soupçonné le recourant semblent bien avoir pu compter sur certaines ramifications, voire sur un réseau.

De même, le refus du recourant de faciliter tout accès à ses appareils électroniques suscite l’interrogation et participe du risque de collusion. Si des mesures techniques, augmentées de la durée d’une procédure en levée de scellés, doivent être engagées pour prendre connaissance du contenu desdits appareils – entraînant sa détention dans l’intervalle –, le recourant ne peut s’en prendre qu’à lui-même.

Le risque de collusion est donc élevé, comme l’a retenu le premier juge.

5.             À titre subsidiaire, le recourant propose des mesures de substitution. Tant le Ministère public que le premier juge n'en tiennent aucune pour efficace. Une seule aurait à voir avec le risque de collusion, soit l’interdiction de tout contact avec des tiers, au sens de l’art. 237 al. 2 let. g CPP. L’assignation à résidence ou le port d’un bracelet électronique ne combattraient qu’un risque de fuite, non retenu ici.

Astreindre le recourant à ne pas contacter une ou des personnes inconnue(s) à ce jour, mais susceptible(s) d’être mise(s) en cause – ou de le mettre en cause –, serait une obligation qui ne pourrait pas être vérifiée, s’il était libéré. La jurisprudence n’admet pas d’interdiction généralisée de contacter les tiers, mais impose, au contraire, de désigner des personnes déterminées (arrêts du Tribunal fédéral 1B_485/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3.4.2 et 1B_121/2019 du 8 avril 2019 consid. 4.4 ; cf., en matière de bande dont le nom des membres suspectés est tu, ACPR/6/2023 du 4 janvier 2023). Or, le recourant se refuse précisément à désigner quiconque aurait pu, si ce n’est participer aux actes du 4 janvier 2022, du moins concourir à leur commission ou lui prêter assistance d’une autre manière.

On ne voit pas au nom de quoi son père, qui ne paraît pas sans activité professionnelle, à teneur de la demande d’autorisation de visite qu’il a déposée, devrait se muer en agent de surveillance à domicile pour le compte de l’autorité pénale, filtrer les arrivées d’inconnus, couper toute connexion wifi et priver le recourant d’appareils électroniques afin de garantir la conformité de celui-ci à une règle de conduite. Il convient d’écarter cette suggestion.

Pour le surplus, des patrouilles policières, a fortiori aléatoires, pour débusquer des visiteurs venant « en cachette » au domicile assigné n’offrirait aucune garantie en termes de contrôle des entrées, voire de fouille des personnes.

6.             La durée du placement en détention, telle que l’a fixée le premier juge, n’atteint pas encore la peine à laquelle le recourant pourrait concrètement s’exposer, s’il était reconnu coupable de toutes les préventions qui lui ont été notifiées (art. 212 al. 3 CPP).

7.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

8.             Le recourant, bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6). Ces frais seront arrêtés en totalité à CHF 900.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

9.             Le recourant plaide au bénéfice d’une défense d’office.

9.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2.       À l’aune de ces principes, le recours n’apparaît pas abusif. La procédure n'étant cependant pas terminée, il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade, le défenseur d'office du recourant (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés en totalité à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/23690/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

900.00